CAA Paris, 4e ch.- formation a 5, 30 juin 2009, n° 07PA02380
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ville de Paris
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Merloz
Commissaire du gouvernement :
M. Marino
Rapporteur :
M. Lelièvre
Avocat :
Me Foussard
LA COUR : - Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2007, présentée pour la ville de Paris, représentée par son maire, par Me Foussard ; la ville de Paris demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 0516131 du 30 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la délibération en date des 23 et 24 mai 2005 agréant le principe du transfert à l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) de Paris à compter du 1er janvier 2006, sous la forme d'un bail emphytéotique, des propriétés gérées par la société anonyme de gestion immobilière (SAGI) à l'exception de celles soumises au statut de copropriété ; 2°) de rejeter la demande du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris devant le Tribunal administratif de Paris ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euro au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le traité instituant la Communauté européenne ; Vu la directive n° 92-50-CEE du 18 juin 1992 ; Vu la directive n° 2004-18-CE du 31 mars 2004 ; Vu le Code rural ; Vu le Code de la construction et de l'habitation ; Vu le Code général des collectivités territoriales ; Vu le Code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2009 : - le rapport de M. Lelièvre, rapporteur, - les conclusions de M. Marino, rapporteur public, - les observations de Me Froger, pour la ville de Paris, et celles de Mme Goutard-Chamouy, pour le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, - connaissance prise de la note en délibéré en date du 17 juin 2009, présentée par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, - et connaissance prise de la note en délibéré en date du 19 juin 2009, présentée pour la ville de Paris, par Me Foussard ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête de la ville de Paris ;
Considérant que par une délibération en date des 23 et 24 mai 2005, la ville de Paris a agréé le principe du transfert à l'Office public d'aménagement et de construction (OPAC) de Paris, à compter du 1er janvier 2006, de biens immobiliers appartenant à la ville et destinés à la location à usage d'habitation à des loyers de niveau intermédiaire, inférieurs aux prix pratiqués sur le marché, dans le cadre d'un bail emphytéotique ; qu'à la demande du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, le Tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué du 30 mai 2007, annulé cette délibération au motif qu'elle méconnaissait les règles fondamentales du traité instituant la Communauté européenne et notamment les articles 43 et 49 qui impliqueraient que tout acte par lequel un pouvoir adjudicateur confie la prestation d'une activité économique à un tiers doit être examiné à la lumière des principes de publicité et de mise en concurrence, dès lors que ce tiers peut être regardé comme étant un opérateur économique engagé sur le marché et que tel était le cas en l'espèce de l'OPAC de Paris à qui a été confié la gestion des immeubles en cause dans le cadre de ce bail sans aucune procédure de mise en concurrence préalable ;
Considérant il est vrai que dans un arrêt C-324-98 Telaustria du 7 décembre 2000, la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que les entités adjudicatrices étaient tenues de respecter les règles fondamentales du traité en général et le principe de non-discrimination en particulier, ce principe impliquant, notamment, une obligation de transparence consistant à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication ; que toutefois, à supposer même, ce que la ville de Paris conteste d'ailleurs, que l'OPAC de Paris puisse être regardé comme un opérateur économique engagé sur le marché de la gestion d'immeubles destinés à la location à usage d'habitation et que l'approbation de la conclusion d'un bail emphytéotique entre cette collectivité publique et cet établissement public entre, en principe, dans le cadre de la jurisprudence découlant de l'arrêt Telaustria précité, il résulte de l'instruction que le bail en cause doit être qualifié de contrat de quasi-régie ("in house") exclu du champ d'application des règles de publicité et de concurrence ; qu'en effet, d'une part, le conseil d'administration de l'OPAC de Paris était, à la date de la délibération attaquée, majoritairement composé de représentants de la ville de Paris et de représentants de l'Etat ; que cet établissement public, qui a pour objet statutaire le logement social et intermédiaire, était soumis à un contrôle permettant à la ville de Paris et à l'Etat d'influencer de manière déterminante tant ses objectifs stratégiques que ses décisions importantes ; qu'ainsi, la ville de Paris et l'Etat exerçaient sur l'OPAC de Paris un contrôle analogue à celui qu'elles exercent sur leurs propres services au sens de l'arrêt C-324-07 Coditel Brabant SA du 13 novembre 2008 de la Cour de justice des Communautés européennes ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que les prestations de l'OPAC de Paris, qui consistent à gérer des logements sociaux et intermédiaires et à financer la construction de nouveaux logements dans le cadre des politiques de logement social définies par la ville de Paris et par l'Etat, sont rendues essentiellement au bénéfice de ces collectivités publiques ; que, dans ces conditions, l'établissement public en cause réalise l'essentiel de son activité avec les autorités qui la détiennent au sens de l'arrêt C-295-05 Asemfo du 19 avril 2007 de la Cour de justice des Communautés européennes alors même que l'OPAC est principalement rémunéré par les locataires des logements qu'il gère et non par la Ville et par l'Etat ; qu'il suit de là que la ville de Paris est fondée à soutenir qu'en se fondant sur la méconnaissance des règles fondamentales du traité instituant la Communauté européenne et notamment ses articles 43 et 49 pour annuler la délibération attaquée, le Tribunal administratif de Paris a entaché son jugement d'erreur de droit ;
Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le préfet de Paris devant le Tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2511-13 du Code général des collectivités territoriales : "Le conseil d'arrondissement est saisi pour avis des rapports de présentation et des projets de délibération concernant les affaires dont l'exécution est prévue, en tout ou partie, dans les limites de l'arrondissement, préalablement à leur examen par le conseil municipal et sous réserve des règles particulières à l'élaboration du budget de la commune fixées par la section 2 du du présent chapitre" ; que la délibération attaquée n'étant qu'une décision de principe, préparatoire à la délibération approuvant la conclusion du bail emphytéotique, en ne soumettant pas ce projet de délibération à l'ensemble des conseils d'arrondissement, le maire de Paris n'a pas entaché la délibération attaquée d'un vice de procédure ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le bail emphytéotique dont s'agit doit être regardé comme un contrat de quasi-régie (in house) exclu du champ d'application des règles de publicité et de concurrence ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner si ledit bail présenterait les caractères d'une délégation de service public, le préfet de Paris n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la délibération attaquée aurait dû être précédée des mesures de publicité et de concurrence exigées avant la conclusion d'une délégation de service public ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 mai 2007, le Tribunal administratif de Paris a annulé la délibération en date des 23 et 24 mai 2005 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative : - Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euro au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à payer à la ville de Paris ;
Décide :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 30 mai 2007 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à la ville de Paris la somme de 3 000 euro au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.