CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 5 novembre 2009, n° 08-03984
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Haucourt Vannier (ès qual.), Agence IDC (SARL)
Défendeur :
Bray
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Maron
Conseillers :
Mmes Brylinski, Beauvois
Avoués :
SCP Fievet-Lafon, SCP Bommart Minault
Avocats :
Mes Casanova, Beauge-Giber
Faits et procédure :
Philippe Bray a conclu le 1er juin 2005, avec la société agence IDC (IDC), un contrat qualifié de contrat d'agent commercial exclusif pour une durée indéterminée.
Par courrier recommandé en date du 28 février 2007 il était mis fin à ce contrat par IDC.
Philippe Bray prenait acte par courrier du 19 mars 2007 de la notification de la résiliation de son contrat d'agent commercial et indiquait qu'outre ses droits à commission, il entendait solliciter une indemnité au titre de la rupture du contrat en réparation du préjudice subi.
Aucune réponse n'a été apportée par IDC à cette correspondance.
Par ailleurs, par courrier en date du 31 mars 2007 il écrivait de nouveau à IDC pour solliciter un rappel de commission pour la gestion d'agence de Voves (21 249,79 euro), 13 603,29 euro d'indemnité de préavis et 163 239,46 euro d'indemnité de rupture brutale du contrat.
A défaut de réponse apportée à ces demandes, Philippe Bray a saisi le Tribunal de commerce de Chartres sollicitant condamnation d'IDC à lui payer la somme de 21 249,73 euro sauf à parfaire au titre des commissions échues au titre de la gestion de l'agence de Voves, celle de 11 750 euro au titre des commissions restant dues sur les affaires en cours, celle de 13 603,29 euro au titre du préavis et celle de 13 239,46 euro à titre d'indemnité de rupture en réparation du préjudice subi.
Il demandait en outre 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par le jugement déféré, le Tribunal de commerce de Chartres a fait droit à ces demandes.
Au soutien de l'appel qu'elle a interjeté contre cette décision, IDC fait valoir que, pour faire du chiffre, Philippe Bray ne vérifiait pas la solvabilité des clients, qu'il présentait des dossiers immobiliers incomplets, effectuait des opérations immobilières à titre personnel à des clients de l'agence et qu'il avait des problèmes de comportement, tant avec le personnel qu'avec les clients.
Elle souligne que Philippe Bray a exercé non l'activité d'agent commercial, mais celle d'agent immobilier.
Le contrat a, en effet, été signé le 1er juin 2005, à une date postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 1970 qui réglemente la profession d'agent immobilier. Or l'activité de négociateur immobilier est exclue, par l'article L. 134-1 du Code de commerce, du statut des agents commerciaux. Il ne peut donc y avoir d'agents commerciaux mandataires d'agents immobiliers.
Subsidiairement, l'agent commercial a des obligations réciproques de loyauté et l'obligation réciproque d'information sont consacrées par l'article L. 134-4 du Code de commerce.
La faute de l'agent peut motiver la rupture du contrat par le mandant, sans indemnisation et le préavis est imposé, mais sauf faute grave ou force majeure.
En l'espèce, Philippe Bray n'est pas inscrit au registre des agents commerciaux. Il n'ignore pas que le statut des agents commerciaux lui est interdit, puisqu'il note que la loi du 13 juillet 2006 permet aux collaborateurs d'agents immobiliers d'exercer sous ce statut. Cependant, cette loi n'est applicable qu'à compter de sa publication au journal officiel, laquelle est intervenue le 16 juillet. Et son article 97 prévoit que les personnes exerçant déjà leur activité à titre non salarié à la date de son entrée en vigueur devaient s'immatriculer en qualité d'agents commerciaux dans les 9 mois à compter de cette date.
En tout état de cause, les demandes de Philippe Bray sont infondées.
En ce qui concerne les commissions, Philippe Bray émettait tous les trimestres une facture de gestion d'agence mentionnant le taux des commissions de 10 %. Sa facture du 31 mars 2007 ne repose sur rien. Il va de soi qu'il ne saurait percevoir deux fois 10 %, une fois sur le chiffre d'affaires de ses collaborateurs et une autre sur le sien, alors même qu'il est payé de ses commissions.
Sur les commissions au titre des affaires en cours, celles-ci lui ont été réglées.
Sur le préavis, comme précédemment indiqué, le statut des agents commerciaux n'est pas applicable à Philippe Bray;
Les problèmes de comportement et de déloyauté rencontrés avec Philippe Bray justifient la rupture immédiate du contrat.
Dans ces conditions, outre le débouté des demandes de Philippe Bray, IDC sollicite la condamnation de celui-ci à lui payer 3 000 euro de dommages intérêts pour procédure abusive et 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Philippe Bray fait valoir, sur les commissions au titre de la gestion de l'agence, que son contrat était parfaitement clair puisqu'il est convenu d'une commission de 10 % sur les commissions TTC perçues par l'agence de Voves. Or, il n'a perçu à ce titre qu'un acompte de 5 % calculé sur les commissions perçues par cette agence.
Il est dans ces conditions justifié de solliciter une somme globale de 21 249,73 euro qui correspond aux 5 % étant précisé que Philippe Bray a été amené à les facturer selon facture n° I-32 en date du 31 mars 2007.
Sur les commissions dues au titre des affaires en cours, Philippe Bray énumère les quatre affaires pour lesquelles il estime que lui reste due la somme globale de 11 750 euro.
En ce qui concerne le préavis, Philippe Bray souligne que contrat d'agent commercial lui accorde un préavis de deux mois après rupture du contrat.
A aucun moment, il a été convenu en accord avec lui d'être dispensé de cette activité.
Or, aux termes de l'article L. 134-4 du Code de commerce, les rapports entre le mandant et l'agent commercial sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'informations.
Le préavis constitue un minimum de délai raisonnable après cessation du contrat pour reprendre une activité commerciale autre.
L'article L. 134-1 du Code de commerce rappelle ce droit à préavis à hauteur de deux mois dès lors que près de deux années d'exercice ont été effectuées.
En l'espèce, la rupture ne lui a pas permis de poursuivre son activité en cours sur deux mois.
Aussi doit-il recevoir les commissions telles qu'il les aurait perçues.
Sur la base du chiffre d'affaires réalisé sur le dernier exercice qui s'élève à 60 370 euro auxquels doivent s'ajouter les commissions restant dues à hauteur de 21 249,73 euro, il y a lieu de retenir un chiffre global de 81 619,73 euro soit une moyenne mensuelle de 6 801,64 euro, soit un préavis correspondant à deux mois de commissions non perçues, pour un montant de 13 603,29 euro.
Sur la rupture brutale du contrat, Philippe Bray fait valoir que l'article 97 de la loi du 13 juillet 2006 permet aux collaborateurs des agents immobiliers d'exercer sous le statut d'agent commercial. De même son contrat de travail d'agent commercial exclusif prévoit expressément sous l'article 13 une indemnité de rupture.
Conformément aux usages professionnels, la jurisprudence détermine, en règle générale, l'indemnité de manière forfaitaire, à deux annuités, sur la base des résultats obtenus par l'agent durant l'exécution du contrat. Cette indemnisation est appelée à compenser le préjudice subi.
En l'espèce, il s'est vu, par courrier du 28 février 2007, brutalement notifier la rupture de son contrat d'agent commercial sans aucun mot d'explication. Les motifs, donnés a posteriori, sont erronés et manquent de sérieux. Au surplus, les pièces censées les démontrer manquent de force probante. Aucune faute, et a fortiori aucune faute grave, n'existe et n'est établie et le principe de l'indemnisation n'est dès lors pas discutable.
Il verse aux débats son bilan qui fait apparaître des recettes encaissées au titre de l'exercice 2006 d'un montant 60 670 euro auxquels il convient d'ajouter la somme de 21 249,73 euro qu'IDC restait devoir au titre des 5 % de gestion d'agence,
En conséquence, la recette encaissée au titre du dernier exercice s'élève à la somme de 81 619,73 euro.
Il est dans ces conditions bien fondé à solliciter réparation à hauteur de 163 239,46 euro correspondant à deux années moyennes de commissions calculées sur la base du dernier exercice.
Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL agence IDC au montant des sommes sus mentionnées, y compris en outre la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile accordé par le tribunal.
Philippe Bray demande en outre 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
Attendu que Philippe Bray a conclu avec la société agence IDC un contrat qualifié de contrat d'agent commercial exclusif pour une durée indéterminée; que si ce contrat n'est pas daté, il n'est pas contesté qu'il a été signé le 1er juin 2005;
Attendu qu'IDC fait valoir que ce contrat ne saurait être un contrat d'agent commercial, les dispositions de l'article L. 134-1, deuxième alinéa du Code de commerce s'opposant à une telle qualification;
Attendu qu'il appartient au juge de donner aux actes qui sont invoqués leur exacte qualification, sans s'attarder à celle qu'ont pu leur donner les parties;
Attendu que selon l'article L. 134-1, deuxième alinéa, du Code de commerce, ne relèvent pas des dispositions du chapitre IV du titre III du livre 1er du Code de commerce, consacré aux agents commerciaux, les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières;
Attendu que le contrat litigieux exige de l'agent qu'il satisfasse aux dispositions de l'ordonnance n° 59-26 du 3 janvier 1959 portant application aux activités de la représentation de la loi du 30 août 1947 relative à l'assainissement des professions commerciales et industrielles; qu'il donne à l'agent mandat de visiter la clientèle en vue de la promotion et de la vente des biens immobiliers, de réaliser la vente, de rédiger mandats et compromis, d'être présent à la signature de l'acte définitif chez le notaire; qu'enfin il confie à Philippe Bray la responsabilité de l'agence de Voves;
Attendu qu'il en résulte que Philippe Bray prêtait de manière habituelle son concours à la conclusion de contrats préliminaires à la vente de biens immobiliers, rédigeait des mandats et des compromis et pouvait même assister à l'authentification de ces opérations devant notaire tandis que sa rémunération était fixée comme en matière d'opérations de marchands de biens;
Attendu que selon l'article 4 de la loi n° 70-09 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, les dispositions du chapitre IV du titre III du livre 1er du Code de commerce sont applicables aux personnes habilitées par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier; que toutefois, ces personnes ne peuvent recevoir ou détenir des sommes d'argent, des biens, des effets ou des valeurs ou en disposer à l'occasion des activités visées à l'article 1er de ladite loi; qu'elles ne peuvent, non plus, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, à l'exception de mandats conclus au profit du titulaire de la carte professionnelle; que celles d'entre elles qui exerçaient déjà leur activité à titre non salarié à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement devaient s'immatriculer en qualité d'agents commerciaux dans les neuf mois à compter de cette date;
Attendu que si, en principe, les négociateurs immobiliers se voient, conformément aux dispositions susvisées, appliquer les dispositions du chapitre IV du titre III du livre 1er du Code de commerce, ce n'est que lorsqu'ils ne reçoivent ni ne détiennent des sommes d'argent, des biens, des effets ou des valeurs ni ne rédigent d'actes sous seing privé, à l'exception de mandats conclus au profit du titulaire de la carte professionnelle;
Attendu qu'en l'espèce Philippe Bray se voyait expressément confier la mission de rédiger notamment des compromis; que par ailleurs, surabondamment, en qualité de responsable de l'agence de Voves, il détenait des fonds; que dans ces conditions, il ne rentre pas dans le champ des dispositions de l'article 4 de la loi n° 70-09 du 2 janvier 1970 en ce qu'il fait bénéficier du statut d'agent commercial celles des personnes habilitées par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier qu'il détermine;
Attendu, en ce qui concerne les demandes de Philippe Bray au titre du préavis et d'indemnité de rupture, que celui-ci les fonde exclusivement sur les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, inapplicables; qu'elles doivent dès lors être écartées;
Attendu, en ce qui concerne la demande de rappel de commissions, que l'article 6 du contrat prévoit qu'" en rémunération de son travail, le négociateur recevra:
Sur la démarche : 25 % du montant TTC des commissions générées par la vente d'un bien dont le représentant a obtenu le mandat
Sur la vente : 25 % du montant TTC des commissions générées par la vente d'un bien
Sur l'activité de Voves : 10 % du montant TTC des commissions de l'agence de Voves ";
Attendu qu'il résulte, sans ambiguïté, de ces stipulations qu'il est dû à Philippe Bray 10 % des commissions de l'agence de Voves, sans qu'une quelconque restriction ne soit effectuée en ce qui concerne les affaires qu'il avait lui-même menées et pour lesquelles il avait droit à une commission rémunérant son activité de négociation et de vente;
Attendu que sur la somme de 21 249,73 euro demandée et sur celle de 11 750 euro au titre des affaires en cours, Me Haucourt Vannier ès qualités ne discute véritablement que la seule somme de 300 euro afférente au dossier Cayrousse; que cependant elle ne justifie pas de ce paiement; que dans ces conditions il échet de faire droit à la demande de Philippe Bray à hauteur de 21 249,73 euro et de 11 750 euro.
Attendu que, partiellement fondée, la procédure n'est pas abusive;
Attendu, que l'équité s'oppose à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
Par ces motifs, Statuant par arrêt par défaut et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau, Déboute Philippe Bray de ses demandes fondées sur les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, Condamne la société agence IDC à payer à Philippe Bray les sommes de 21 249,73 euro et de 11 750 euro de rappels de commissions, Déboute IDC de sa demande de dommages-intérêts, Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société agence IDC aux dépens, Admet la SCP Bommart-Minault, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.