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Décisions

CA Besançon, 2e ch. civ., 30 septembre 2009, n° 07-01938

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Myka investissements (SARL)

Défendeur :

Touzery

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Sanvido

Conseillers :

MM. Polanchet, Vignes

Avoués :

SCP Leroux, Me Graciano

Avocats :

Mes Bonnot, Catoni

TGI Belfort, du 31 juill. 2007

31 juillet 2007

Faits et prétentions des parties

Vu le jugement du 31 juillet 2007 aux termes duquel le Tribunal de grande instance de Belfort:

- a condamné la SAS Kam Biotechnology à payer à Jean Touzery, agent commercial, la somme de 109 745,35 euro à titre d'indemnité de cessation de fonctions, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2005 date de l'assignation,

- avant dire droit, sur la demande en paiement d'un arriéré de commissions chiffré à 14 991,08 euro TTC et contesté par la défenderesse, a ordonné une consultation auprès d'un expert-comptable,

- a débouté Jean Touzery de sa demande au titre d'une indemnité de réemploi,

- a condamné la SAS Kam Biotechnology à verser à Jean Touzery une indemnité de procédure de 2 000 euro tout en réservant les dépens,

Vu la déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le 21 septembre 2007 par la SAS Kam Biotechnology;

Vu les dernières conclusions des parties, du 25 mars 2009 (pour la SARL Myka investissements déclarant venir aux droits de la SAS Kam Biotechnology, appelante) et du 14 mai 2009 (pour Jean Touzery, intimé et appelant incident), auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du Code de procédure civile pour l'exposé de leurs prétentions respectives et de leurs moyens;

Vu l'ordonnance de clôture du 18 juin 2009;

Vu les pièces régulièrement produites;

Sur ce

Jean Touzery conclut en premier lieu à l'irrecevabilité de l'appel, non pas à raison d'une éventuelle tardiveté de celui-ci (l'acte de signification du jugement n'est au demeurant pas produit), mais pour défaut de droit d'agir de la SAS Kam Biotechnology qui a été dissoute.

Mais la recevabilité de l'appel s'analyse à la date de la déclaration d'appel et au 21 septembre 2007, la SAS Kam Biotechnology n'avait pas disparu.

La fin de non-recevoir d'irrecevabilité soulevée par Jean Touzery vise en fait les écritures prises par l'appelante après le 30 octobre 2007, date à laquelle la SAS Kam Biotechnology a été dissoute par l'effet de la réunion de ses actions dans la main de son associé unique, la SARL Myka investissements.

Ceci a entraîné la transmission universelle du patrimoine de la SAS Kam Biotechnology à la SARL Myka investissements, qui est intervenue à la procédure, comme ayant droit de l'appelante la situation ayant été ainsi régularisée, la fin de non-recevoir précitée sera écartée.

Les parties s'accordant sur le droit pour Jean Touzery, agent commercial ayant cessé ses relations avec son mandant, de percevoir une indemnité compensatrice du préjudice subi en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, le litige est limité à l'appréciation du montant de l'indemnité, l'intimé réclamant 139 376,60 euro et l'appelante offrant 22 000 euro,

Jean Touzery ayant mis fin à son activité en raison de son départ à la retraite le 1er octobre 2004, la SAS Kam Biotechnology puis son ayant droit, en reconnaissant que l'indemnité litigieuse lui est due en son principe, admettent qu'il se trouve dans la situation décrite par l'article L. 134-13-2° du Code de commerce, qui exclut la réparation prévue par l'article L. 134-12 du même Code lorsque l'agent commercial prend l'initiative de la rupture, à moins que celle-ci ne soit justifiée par les circonstances dues à l'âge de l'intéressé.

Il ne saurait d'ailleurs en être autrement, dès lors que le contrat d'agent commercial, signé par les parties le 1er septembre 2002, stipule en son article 10 que l'indemnité de rupture est due à l'agent si la cessation du contrat résulte d'un départ en retraite.

C'est donc en vain que la SARL Myka investissements, qui n'ignorait pas l'âge de Jean Touzery au moment où elle a jugé utile de profiter des relations créées et acquises dans sa clientèle par l'agent (cf le préambule du contrat), prétend minorer l'indemnité de rupture au prétexte qu'en partant en retraite après deux ans d'activité pour son compte, Jean Touzery a fait preuve de déloyauté à son égard.

Si l'article L. 134-12 précité ne réglemente pas le calcul de l'indemnité, destinée à compenser le préjudice subi par chaque agent commercial concerné, le contrat du 1er septembre 2002 renvoie expressément aux usages de la profession - lesquels, chacune des parties en conviennent, sont de fixer le montant de l'indemnité à 2 ans de commissions.

Aucun des éléments d'appréciation soumis à la cour ne conduisent à une réduction de l'indemnité d'usage:

- si le contrat d'agent commercial a été conclu le 1er septembre 2002, Jean Touzery, employé comme directeur régional par la SAS Kam Biotechnology dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée du 1er juin 2002 au 31 août 2002 (date à laquelle ce contrat prévu pour un an a été rompu d'un commun accord), avait oeuvré depuis l'été 2001 pour le compte de l'appelante en tous cas auprès du client RVI, ainsi que le démontrent les pièces de l'intéressé numérotées 18 (lettre à cette société du 29 août 2001), 19 à 23 (courriels de RVI certes postérieurs au 1er juin 2002 mais se référant à des négociations antérieures) et 29 (décompte des commissions sur le client RVI versées conformément au contrat d'agent commercial pour les ventes réalisées avec ce client en 2002 alors même qu'à partir de septembre 2002, selon ce contrat, RVI était exclu du secteur concédé à Jean Touzery),

- la perte de clientèle est certaine du fait du départ en retraite, aucune disposition légale n'imposant à l'agent commercial de présenter un successeur, comme l'y invitait le courrier de la SAS Kam Biotechnology du 3 septembre 2004,

- même si la durée des relations contractuelles a été brève (fût-elle de 36 mois et non de 24), il n'est pas établi que l'apport de clientèle n'était pas pérenne, étant observé qu'en exprimant dans le courrier précité son intention de ne pas continuer le service assuré par Jean Touzery, et même "de ne pas donner suite à votre reprise de clientèle", la SAS Kam Biotechnology s'est elle-même privée de la faculté de reprocher à l'agent commercial la disparition de cette clientèle.

Jean Touzery sollicite, au titre de l'indemnité de rupture, la somme de 139 376,60 euro correspondant au montant retenu par le premier juge comme égal à 2 ans de commissions soit 109 745,35 euro, augmenté des frais de réemploi chiffrés à 29 631,25 euro.

Ces frais de réemploi sont, en l'état, hypothétiques, Jean Touzery n'ayant apporté aucune preuve de ce qu'il sera imposé au titre de la plus-value et pour le montant indiqué ; au surplus si cette imposition devait exister, elle résulterait du choix fait par l'agent commercial comme relevé par le premier juge, étant ajouté que celui-ci ne peut imputer à la SAS Kam Biotechnology la rupture des relations contractuelles en tirant prétexte d'un arriéré de commission qui, serait-il dû, n'avait pas paru à Jean Touzery lui-même justifier une rupture à la charge de son mandant (cf ses courriers en pièces numérotées 44 à 47 et la lettre de rupture précitée du 7 juin 2004).

A l'égard de l'arriéré de commissions, l'intimé n'est pas recevable à conclure au paiement de la somme de 28 026,15 euro ou au moins de 15 687,21 euro à titre de provision, sur la base du rapport d'expertise, alors que ce chef de demande n'a pas été tranché par le premier juge qui a seulement ordonné avant dire droit une mesure d'instruction - disposition du jugement qui n'a été critiquée par aucune des parties.

L'évocation, qui n'est pas expressément sollicitée, n'apparaît pas opportune.

En conséquence il y a lieu à confirmation du jugement entrepris, dans les limites de l'appel, sauf en ce qu'il a fait application de l'article 700 du Code de procédure civile alors que les frais irrépétibles, comme les dépens, sont à réserver jusqu'à l'issue de la procédure.

La SAS Myka investissements, qui succombe, supporte les dépens, ses propres frais et ceux que Jean Touzery a engagés pour l'instance d'appel, à hauteur de 2 000 euro.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, Constate l'intervention à la procédure de la SARL Myka investissements ayant droit de la SAS Kam Biotechnology, Déclare l'appel recevable, Et statuant dans ses limites, Confirme le jugement prononcé par le Tribunal de grande instance de Belfort le 31 juillet 2007, sauf en ce qu'il a condamné la SAS Kam Biotechnology à payer à Jean Touzery la somme de deux mille euro (2 000 euro) pour frais irrépétibles, Statuant à nouveau de ce chef, Reserve la demande relative à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, pour la première instance, à l'issue de celle-ci, Déboute les parties de toutes autres prétentions, Condamne la SARL Myka investissements à payer à Jean Touzery la somme de deux mille euro (2 000 euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance d'appel, Condamne la SARL Myka investissements aux dépens d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Maître Graciano, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.