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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 24 septembre 2009, n° 06-09268

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Prodim (SAS), CSF (SAS)

Défendeur :

Diapar (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deurbergue

Conseillers :

Mmes Le Bail, Mouillard

Avoués :

Me Pamart, SCP Guizard

Avocats :

Mes Lehuede, Brouard

T. com. Evry, du 26 avr. 2006

26 avril 2006

Le 2 septembre 1997, la société Magny Distribution, devenue par la suite la société Maxi Distribution, a souscrit auprès de la société Comptoirs Modernes Economiques de Normandie un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin d'alimentation sous l'enseigne Comod.

Ce contrat, conclu pour une durée de 7 ans, devait expirer le 1er septembre 2004.

Le 30 août 2001, Maxi Distribution a adressé à la société Comptoirs Modernes Supermarchés Nord Ouest (CMSNO), nouvelle dénomination de la société Comptoirs Modernes Economiques de Normandie, une lettre de griefs, en proposant en conclusion de fixer au 15 septembre 2001 la date de fin de leurs relations contractuelles, ce que CMSNO a refusé le 27 septembre 2001, précisant : " le fait que vous fassiez l'objet d'un démarchage de la part de l'un de nos concurrents (à savoir les sociétés Francap, Diapar ou Segurel qui développent des enseignes G20, Coccinelle etc.) ne saurait en aucun cas justifier une quelconque rupture unilatérale et abusive des contrats qui nous lient ".

Le même jour, CMSNO a notifié, par lettre recommandée avec avis de réception, à la société Diapar notamment, qui développait l'enseigne G20, copie du contrat de franchise qui la liait à Maxi Distribution.

Le 18 octobre 2001, bien qu'elle eût continué de s'approvisionner auprès de CMSNO, Maxi Distribution a fait paraître dans le journal LSA, consacré à la grande distribution, une insertion dans laquelle elle annonçait son changement d'enseigne au profit de G20. Le 26 octobre suivant, elle a informé CMSNO qu'en raison de l'inexécution du contrat par cette dernière, elle avait décidé de cesser de payer les redevances de la franchise.

Le 9 novembre 2001, CMSNO a fait constater (procès-verbal de constat de Me Benton-Piercy, huissier de justice à Magny) que le magasin exploité par Maxi Distribution affichait l'enseigne G20.

CMSNO, puis les société Prodim et CSF - venant à ses droits par suite de deux opérations d'apports partiels d'actifs placés sous le régime des scissions avec effet au 1er janvier 2002, la première pour ce qui est, notamment, de l'exploitation du réseau de franchise Comod, la seconde pour ce qui est de l'approvisionnement des fonds de commerce de type supermarché -, ont multiplié les procédures pour tenter de retenir Maxi Distribution. Elles ont obtenu notamment :

- une ordonnance de référé du président du Tribunal de commerce du Mans, en date du 8 janvier 2002, ordonnant à Maxi Distribution de poursuivre les relations commerciales jusqu'au terme du contrat et lui interdisant de déposer l'enseigne Comod, mais cette ordonnance a été infirmée par un arrêt de la Cour d'appel d'Angers du 21 janvier 2003.

- un arrêt de cette cour, en date du 24 janvier 2003, faisant injonction à Diapar de s'abstenir de livrer à Maxi Distribution des produits de la marque de distributeur Belle France, en violation de la clause d'exclusivité de Prodim et CSF.

Maxi Distribution a déposé l'enseigne G20 sans réinstaller celle de Comod (procès-verbal de constat du 16 février 2002 de Me Benton-Piercy, huissier de justice à Magny) et sans renouer les relations de franchise avec CMSNO (attestation de M. Vareille, directeur de région Comod, du 28 février 2002).

Le 27 mars 2003, Prodim et CSF ont assigné à bref délai Maxi Distribution et Diapar devant le Tribunal de commerce du Mans pour obtenir, outre des dommages et intérêts, la reprise des relations contractuelles avec Maxi Distribution et l'interdiction à Diapar de livrer cette dernière.

Par un jugement du 7 juillet 2003, le Tribunal de commerce du Mans a, notamment, rejeté comme irrecevable pour défaut de qualité l'action engagée par Prodim et CSF contre Maxi Distribution et, pour ce qui est de l'action engagée contre Diapar, s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce d'Evry.

Alors que l'affaire était pendante devant la Cour d'appel d'Angers, saisie des recours de Prodim et CSF contre ce jugement, une transaction est intervenue entre Maxi Distribution et les appelantes, qui se sont désistées de leur recours, mettant fin à l'instance, ce dont la Cour d'appel d'Angers leur a donné acte le 18 mai 2004.

Devant le Tribunal de commerce d'Evry, Prodim et CSF ont repris leurs demandes de dommages et intérêts contre Diapar pour complicité de la résiliation du contrat de franchise conclu avec Maxi Distribution.

C'est dans ces conditions que, par jugement du 26 avril 2006, le Tribunal de commerce d'Evry a débouté toutes les parties de leurs demandes.

LA COUR :

Vu l'appel de ce jugement interjeté par Prodim et CSF le 22 mai 2006 ;

Vu les conclusions signifiées le 15 septembre 2006, par lesquelles Prodim et CSF poursuivent l'infirmation du jugement et la condamnation de Diapar :

- pour s'être rendue complice de la résiliation du contrat de franchise conclu le 2 septembre 1997 entre CMSNO et Maxi Distribution, avant le terme fixé au 1er septembre 2004 à payer, à titre de dommages et intérêts:

• à Prodim la somme de 71 387,47 euro au titre de la perte des cotisations de franchise sur la période du 26 octobre 200l au 28 février 2003,

• à CSF la somme de 282 652 euro au titre de la perte de bénéfice brut sur la période du 26 octobre 2001 au 28 février 2003,

- pour s'être rendue complice de la violation, par Maxi Distribution, de l'article 26,4° du contrat de franchise, à payer à CSF une somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- à payer à Prodim et CSF une somme de 5 000 euro chacune au titre des frais irrépétibles ;

Vu les conclusions signifiées le 12 janvier 2007 et celles signifiées le 19 juin 2009 par lesquelles Diapar poursuit la confirmation du jugement et réclame à Prodim et CSF une indemnité de 20 000 euro pour procédure abusive et une somme de 5 000 euro, portée à 10 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture du 24 juin 2009 ;

Vu les conclusions de procédure du 25 juin 2009 par lesquelles Prodim et CSF demandent le rejet des dernières écritures de Diapar, comme tardives ;

Sur ce :

Sur la procédure

Considérant que l'ordonnance de clôture, initialement prévue pour le 18 juin 2009, n'a été rendue que le 24 juin 2009, la première date n'ayant pas été régulièrement portée à la connaissance des deux parties ;

Considérant que, dans ses conclusions signifiées le 19 juin 2009, Diapar soulève un moyen nouveau, à savoir l'irrecevabilité de l'action de Prodim et CSF pour défaut de qualité qu'elle n'avait pas invoqué dans ses conclusions du 12 janvier 2007 puisqu'elle se bornait alors à s'opposer aux demandes de Prodim et CSF en se prévalant du caractère définitif du jugement du Tribunal de commerce de Mans du 7 juillet 2003 et de l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers du 21 janvier 2003, mais sans en tirer d'autre conséquence juridique ; qu'en invoquant un tel moyen, après un silence de deux ans et demi et à quelques jours de la clôture des débats et de l'audience de plaidoiries, dont elle connaissait la date, l'intimée mettait délibérément les appelantes dans l'impossibilité d'y répondre utilement ; que cette atteinte au principe de la contradiction commande d'écarter ces dernières écritures ; que la cour statuera donc au vu des conclusions signifiées par Diapar le 12 janvier 2007;

Sur le fond

Considérant, d'abord, que Diapar ne peut utilement opposer à Prodim et CSF l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers du 21 janvier 2003 qui, ayant été rendu sur l'appel d'une ordonnance de référé, est dépourvu d'autorité de la chose jugée au fond ; que, de même, si le jugement du Tribunal de commerce du Mans du 7 juillet 2003, qui a rejeté les demandes de Prodim et CSF pour défaut de qualité à agir, a acquis l'autorité de la chose jugée par suite du désistement d'appel intervenu, c'est seulement dans les rapports entre Prodim et CSF, d'une part, et Maxi Distribution, d'autre part; qu'ainsi, le moyen de Diapar ne peut être admis ;

Considérant, ensuite, qu'invoquant le principe selon lequel un tiers à un contrat qui s'associe en connaissance de cause à la violation de ce contrat engage sa responsabilité civile, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, à l'égard du cocontractant victime de cette violation, Prodim et CSF reprochent à Diapar, non de s'être rendue complice de la violation de la clause d'exclusivité - dont Diapar conteste vigoureusement la validité, faute d'être nécessaire à l'identité du réseau - mais de s'être rendue complice de la résiliation anticipée du contrat de franchise et de la violation de la clause de non-réaffiliation prévue à l'article 26,4° du contrat de franchise ;

Considérant, sur le premier grief, que Prodim et CSF exposent que Diapar, qui avait connaissance du contrat de franchise qui liait CMSNO à Maxi Distribution, a incité cette dernière à résilier le contrat et l'a orientée, pour le suivi de son dossier de résiliation, vers son propre conseil, que Maxi Distribution a effectivement saisi à cette fin ;

Qu'elles se fondent pour ce faire, notamment, sur une attestation de M. Sangnier, gérant de Maxi Distribution, datée du 14 avril 2004 - soit après qu'il a transigé avec les appelantes -, qui relate que, "à l'époque où il était franchisé Comod", un représentant de Diapar lui a fourni des renseignements sur les caractéristiques principales de la franchise proposée par cette société et lui a communiqué le nom d'un avocat spécialisé dans la défense des franchisés ; que toutefois, il doit être relevé que, si M. Sangnier ne précise pas la date exacte de cet entretien, celui-ci a nécessairement eu lieu avant le 31 août 2001, date à laquelle ce témoin, dans une lettre adressée à CMSNO le 22 février 2002, fixe la fin de leurs relations commerciales et, par conséquent, avant le 27 septembre 2001, date de la notification du contrat Comod à CMSNO ; qu'en outre, en admettant même que Diapar ait spontanément démarché Maxi Distribution et fourni les informations rapportées, un tel comportement ne saurait être retenu comme ayant provoqué la rupture anticipée du contrat de franchise conclu avec CMSNO, qui relève du seul libre arbitre de M. Sangnier, lequel avait d'ailleurs, le 30 août 2001, préalablement exprimé son mécontentement, en formulant différents griefs pris du non-respect par CMSNO de ses obligations contractuelles, dont la pertinence ne peut être écartée en l'état de la procédure, compte tenu de l'absence aux débats de leur auteur et du peu d'éléments soumis à la cour afin d'en juger ;

Considérant, sur le second grief, que Prodim et CSF reprochent à Diapar de s'être rendue complice de la violation de la clause figurant à l'article 26,4° du contrat de franchise qui interdisait à Maxi Distribution de s'affilier chez un concurrent car, alors que la résiliation datait du 26 octobre 2001, Maxi Distribution a porté l'enseigne G20 dès le 9 novembre 2001, tout en proposant à la vente des marchandises fournies par Diapar ; qu'elles estiment en conséquence que c'est CSF, venant aux droits de CMSNO au titre de l'approvisionnement, qui a été victime de ces agissement et réclament une indemnité de 100 000 euro pour cette dernière ;

Considérant que l'article 26,4° du contrat stipule que, "en cas de cessation du contrat pour quelque cause que ce soit et notamment en cas de résiliation, le franchisé s'oblige à ne pas utiliser (...) durant une période d'une année, toute enseigne existante qui pourrait lui être proposée par un tiers, et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à cette enseigne" ;

Considérant qu'il résulte de deux procès-verbaux de constat d'huissier de justice que cette clause a été doublement violée par Maxi Distribution, tant du point de vue de l'enseigne à compter du 9 novembre 2001, que de la mise en vente de marchandises "liées" à l'enseigne Diapar, à compter du 28 mars 2002, et ce, avec la complicité de Diapar qui en avait connaissance depuis le 27 septembre précédent et qui ne conteste d'ailleurs pas les faits ;

Considérant, toutefois, sur le préjudice, que la perte de marge sur les produits qu'aurait pu fournir CSF est la conséquence directe de la cessation des commandes par Maxi Distribution, donc de la résiliation du contrat de franchise, étant encore observé que Maxi Distribution aurait pu, après cette résiliation, mettre en en vente des marchandises non "liées" à l'enseigne G20, sans pour autant commander à CMSNO; qu'il suit de là que la réclamation formée à ce titre par les appelantes, en ce qu'elle vise un préjudice dépourvu de relation causale avec la faute constatée, ne peut être accueillie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, même si elle est rejetée en définitive l'action engagée par Prodim et CSF n'était pas totalement dénuée de fondement; qu'elle ne saurait dès lors fonder un abus donnant droit à indemnisation au profit de Diapar ;

Et considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Déclare irrecevables les conclusions signifiées par la société Diapar le 19 juin 2009, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne les sociétés Prodim et CSF aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.