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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 23 septembre 2009, n° 08-09610

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Cefab (SA), Lebas (Epoux)

Défendeur :

Atac (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fèvre

Conseillers :

MM. Roche, Birolleau

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Roblin-Chaix de Lavarene

Avocats :

Mes Méresse, Fournier

T. com. Paris, du 22 juin 2006

22 juin 2006

LA COUR,

Vu le jugement du 22 juin 2006 du Tribunal de commerce de Paris qui a prononcé à compter du jugement, la résolution du contrat de franchise conclu le 19 janvier 2004 entre la SAS Atac, franchiseur, et la SA Cefab, franchisé, aux torts exclusifs de Cefab, a débouté cette dernière de ses demandes, notamment de dommages-intérêts et d'expertise, a dit nulle la clause de non-concurrence post-contractuelle figurant dans l'article 13-1 du contrat de franchise, débouté en conséquence Atac de toutes ses demandes, a condamné solidairement la société Cefab, ses associés et cautions M. Jacques Lebas et Mme Marie-Claude Lebas à payer à la société Atac les sommes de 446 687,44 euro au titre des factures, 455 676 euro TTC en remboursement du budget d'ouverture, 150 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et a ordonné l'exécution provisoire à l'exclusion de la condamnation concernant la clause pénale;

Vu l'appel de la SA Cefab, M. Jacques Lebas et Mme Marie-Claude Lebas et leurs conclusions du 22 juin 2009 par lesquelles ils demandent notamment à la cour d'infirmer le jugement ; dire que le contrat de franchise du 19 janvier 2004 a été résilié à bon droit par Cefab aux torts et griefs exclusifs d'Atac à effet du 21 novembre 2005 ; condamner cette dernière à lui payer les sommes de 1 459 510 euro au titre des pertes subies, subsidiairement 1 072 565 euro ; 2 203 046 euro, subsidiairement d'autres sommes au titre du manque à gagner; 1 148 902 euro, subsidiairement 1 148 902 euro, subsidiairement 1 005 454 euro au titre de la rupture du contrat, 1 928 647 euro, subsidiairement 958 362 euro pour la perte de valeur de fonds de commerce ; la condamner également à lui payer le solde du budget de mise à l'enseigne, 380 000 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2004 ; à supporter à titre de dommages-intérêts la totalité des créances marchandises qu'elle revendique; à rembourser la somme de 187 510,89 euro payée en exécution de l'ordonnance de référé du 21 novembre 2005 avec intérêts au taux légal à compter de cette date ; la condamner également à payer à M. Jacques Lebas et Mme Marie-Claude Lebas 100 000 euro chacun pour préjudice moral ; ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l'assignation du 25 octobre 2005 ; débouter Atac de toutes ses demandes ; désigner un expert pour faire les comptes entre les parties ; dire non applicable, subsidiairement nulle, la clause de non-concurrence de l'article 13-1 du contrat de franchise, ordonner la compensation des créances réciproques ; très subsidiairement enjoindre Atac de communiquer diverses pièces, réclamant 30 000 euro pour Cefab, 10 000 euro pour M. Jacques Lebas et Mme Marie-Claude Lebas au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions du 9 juin 2009 de la SAS Atac qui demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a réduit le montant de l'indemnité au titre de la clause pénale et dit nulle la clause de non-concurrence prévue à l'article 13-1 du contrat et sur le point de départ des intérêts sur la somme de 446 797,44 euro; assortir cette dernière avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2005, subsidiairement de la dernière mise en demeure du 28 novembre 2005, condamner Cefab à lui payer 455 676 euro au titre du remboursement de la participation d'ouverture, 915 200 euro au titre de la clause pénale, 150 000 euro pour violation de l'obligation de non-concurrence prévue à l'article 13-1 du contrat; condamner solidairement les appelants à lui payer 15 000 euro supplémentaires au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; faire interdiction à Cefab de contrevenir à l'obligation de non-concurrence de l'article 13-1 du contrat sous astreinte de 10 000 euro par infraction constatée;

Considérant que le tribunal a exposé les faits et rappelé notamment diverses dispositions du contrat, la cour se référant à son exposé;

Considérant qu'il convient en tout premier lieu de faire remarquer aux appelants que la capitalisation des intérêts ne peut avoir lieu que si les intérêts sont dus depuis plus d'un an et qu'en aucun cas la capitalisation des intérêts ne pourrait être ordonnée à compter de l'assignation; qu'il convient également de faire observer à l'intimée que la société Cefab ayant cédé son fonds de commerce et cessé toute activité commerciale, la demande d'interdiction sous astreinte de contrevenir à l'obligation de non-concurrence est dépourvue d'objet;

Considérant sur la validité de la clause de non-concurrence et son application que l'article 13-1 du contrat de franchise stipule l'interdiction pour le franchisé pendant une période d'un an à compter de l'expiration de son contrat " de représenter, de s'affilier, d'adhérer, de participer directement ou indirectement et d'une manière générale de se lier à toute société, association, groupement ou organisation d'achats ou de vente d'articles concurrents, ce dans toute la zone qui lui avait été contractuellement réservée " ; qu'Atac qualifie cette stipulation de clause de non-réaffiliation ; mais que par son étendue et la généralité de ses termes, elle interdit en fait tout exercice par l'ex-franchisé d'un commerce analogue à celui qu'il exerçait en qualité de franchisé pendant un an dans toute la zone concernée dans des conditions économiquement acceptables ; que la société Cefab fait justement valoir que pour une grande surface alimentaire une enseigne renommée est nécessaire pour identifier le fonds et sécuriser la clientèle, ainsi que l'affiliation à une centrale d'achat permettant de revendre à des prix concurrentiels ; que le contrat qualifie d'ailleurs, dans ses articles 13-2 et 13-3, de manière réaliste, l'obligation considérée d'obligation de non-concurrence ; que c'est bien cette qualification que doit être retenue, comme la société Atac l'a fait elle-même dans le dispositif de ses conclusions;

Considérant qu'eu égard notamment à la généralité du commerce de grande surface principalement alimentaire concerné, et à la nature du savoir-faire transféré, nécessairement lié à celle du commerce exploité, et donc en l'espèce de faibles technicité, spécificité, et originalité, il n'est aucunement établi que l'obligation de l'article 13-1 du contrat soit indispensable à la protection du savoir-faire transféré ; que la clause est gravement déséquilibrée ; qu'elle n'assure pas la sauvegarde des intérêts légitimes du franchiseur mais a pour effet de porter une atteinte illégitime à la liberté du franchisé d'exercer son commerce dans des conditions normales autrement que dans le cadre du contrat de franchise avec Atac ; que la protection du savoir-faire et des intérêts légitimes du franchiseur est d'autant moins concernée par la clause qu'elle ne s'applique pas lorsque le contrat vient normalement à son terme mais seulement s'il prend fin par anticipation en raison de fautes du franchisé ; que l'obligation de non-concurrence, figurant au même article 13-1 que la clause pénale et juste après celle-ci en est le prolongement et correspond elle-même à la définition de l'article 1226 du Code civil ; que cette utilisation d'une obligation de non-concurrence à titre de pénalité est étrangère à la protection des intérêts concurrentiels du franchiseur ; que c'est à juste titre que le tribunal a annulé la clause litigieuse et débouté Atac de toutes ses demandes de ce chef;

Considérant qu'il y a lieu de remarquer au surplus et surabondamment que la société Atac n'établit aucun préjudice résultant du défaut de respect de ladite prétendue obligation de non-concurrence ;

Considérant sur les conditions de fonctionnement du contrat de franchise que la société Cefab reproche à la société Atac divers manquements ; qu'Atac reconnaît des dysfonctionnements dus à des problèmes touchant les systèmes informatiques mais fait valoir, ce qui est constant, qu'elle a versé des indemnités en compensation des désordres temporaires, de l'ordre de 40 000 euro, que Cefab a encaissées ; qu'il n'est pas démontré que ces dysfonctionnements aient été d'une nature, ou aient entraîné des conséquences, telles qu'elles puisent justifier la résiliation du contrat aux torts d'Atac ni l'octroi d'indemnités supplémentaires ; que ces difficultés sont d'ordre technique ; que Cefab fait des citations de presse et de ses propres courriers mais que ses reproches demeurent imprécis ; qu'elle ne démontre aucunement ses affirmations qu'elle accumule dans des conclusions sur plusieurs dizaines de pages, et notamment pas que des manquements d'Atac lui auraient fait perdre 1 278 495 euro HT de chiffre d'affaires sur 18 mois ; qu'aucune conséquence ne peut être tirée des prétendues défaillances dans la " mise en œuvre des opérations promotionnelles " dont ni la réalité ni les conséquences ne peuvent être constatées par la cour ; qu'il en est de même en ce qui concerne les prétendus manquements aux engagements en matière d'approvisionnement; que de manière tout aussi imprécise Atac critique le comportement du dirigeant de Cefab, M. Lebas, déclarant, en citant aussi ses propres courriers, que Cefab n'a pas mis en œuvre les moyens utiles à sa réussite commerciale et s'est refusée à mettre en œuvre les concept Atac " M. Lebas étant convaincu qu'il maîtrisait mieux son métier que le franchiseur " ; qu'il résulte de ces différents éléments que les relations entre les parties ont toujours été marquées par la méfiance et l'agressivité, ce qui ne pouvait qu'aboutir à la rupture des relations, sans que la cour puisse en tirer de conséquences quant aux torts de l'une ou l'autre partie dans cette rupture;

Considérant sur les reproches plus précis concernant la " passerelle " Auchan et la violation alléguée de la clause d'exclusivité que le tribunal a parfaitement répondu à l'argumentation de la société Cefab par des motifs que la cour adopte; que la cour souligne en ce qui concerne l'exclusivité que quelles que soient les circonstances ayant précédé l'ouverture du magasin de Sarreguemines, Cefab n'a subi aucun préjudice du fait de cette ouverture qui n'a pas eu lieu au cours de l'exécution du contrat;

Considérant sur le budget de mise à l'enseigne que Cefab déclare qu'Atac aurait dû lui verser 760 000 euro; qu'elle ne lui en a versé que 380 000 euro, soit la moitié, avec plusieurs mois de retard et jamais le solde; qu'elle conteste que le versement de la somme ait été lié à la fourniture d'une caution bancaire;

Mais considérant que le contrat de franchise stipule en son article 1.7.1 que les " subventions de mise à l'enseigne... seront versées... 1/3 en fin de premier mois d'exploitation, ceci sous la condition suspensive de la régularisation de la caution bancaire prévue à l'article 6 des conditions générales " ; que l'article 6 des conditions générales intitulé " garanties ", est quelque peu obscur quant à l'assiette servant au calcul de la caution bancaire mais renvoie à l'article 6 des conditions particulières qui stipule clairement, en se référant lui-même à l'article 6 des conditions générales que " la caution bancaire régularisée par le franchisé et dont un acte est communiqué en original au franchiseur porte sur un montant de 760 000 euro "; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations que la volonté des parties était de subordonner le versement de la somme de 760 000 euro à la fourniture de la caution bancaire ; qu'il est constant que celle-ci n'a jamais été fournie; que s'y sont substitués, après négociation, le nantissement du fonds de commerce et la caution personnelle de M. et Mme Lebas ; que le retard dans le versement de 380 000 euro HT n'est dès lors pas imputable à faute à Atac;

Considérant que les cautionnements de M. Lebas et Mme Lebas très clairs dans leurs rédactions et comprenant les mentions manuscrites obligatoires sont tout à fait valables; que rien ne lasse supposer ni même ne rend vraisemblable que M. et Mme Lebas, le premier étant un homme d'affaires avisé, ait méconnu la portée de leur engagement;

Mais considérant que le montant en était de 760 000 euro ; qu'Atac a accepté que ce double engagement, complété par le nantissement du fonds de commerce, se substitue à la caution bancaire; qu'elle a admis que ce triple engagement y était équivalent; que dès lors elle n'avait aucun droit de limiter à la moitié des 760 000 euro HT expressément garantis les versements au titre du budget de mise à l'enseigne ; qu'Atac doit paiement de cette somme ; qu'en tous cas, cette faute a entraîné nécessairement pour la société Cefab des difficultés économiques, une perte de chance de mieux rentabiliser son entreprise et de payer ses dettes à Atac, préjudice que la cour évalue au montant des sommes indûment retenues incluant taxes et intérêts; qu'il s'ensuit qu'après compensation entre sommes dues par Atac à Cefab à ce titre et l'obligation par Cefab de rembourser, en application de l'article 13-1 du contrat les participations de mise à l'enseigne, la cour infirmera le jugement en ce qu'il a prononcé une condamnation à l'encontre de Cefab et de ses cautions à titre de remboursement de la moitié du budget d'ouverture;

Considérant sur les fautes de la société Cefab que le paiement des factures est une obligation essentielle du contrat ; que quelles qu'aient été les manquements, réels ou supposés, d'Atac, Cefab ne pouvait s'abstenir de payer les factures; qu'Atac fait valoir que les impayés se sont accumulés au cours des derniers mois d'exécution des contrats ; que les factures, produites au débat ne sont pas contestées de manière précise, circonstanciée et chiffrée et donc sérieuse ; que la cour confirmera la condamnation au titre des factures, le principal étant toutefois assorti des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 novembre 2005 en ce qui concerne la société Cefab du 23 décembre 2005 en ce qui concerne les cautions ; qu'il n'y a aucune raison d'ordonner le remboursement de la somme payée en exécution de l'ordonnance de référé du 21 novembre 2005;

Considérant sur la clause pénale que le tribunal a justement constaté son caractère excessif; que la somme réclamée par Atac est sans commune mesure avec son préjudice ; qu'au surplus, elle a participé à celui-ci en rendant l'exploitation du fonds de commerce de Cefab plus difficile en s'abstenant de manière fautive de verser 380 000 euro HT dus à Cefab au titre du budget d'ouverture ; qu'il convient de réduire à 10 000 euro le montant de l'indemnité due au titre de la clause pénale;

Considérant que la cour se réfère pour le surplus, aux motifs non contraires du tribunal, excluant toutefois expressément le motif hypothétique et dubitatif selon lequel " il n'est pas interdit de penser que la genèse (des accusations de Cefab) réside dans le refus opposé par Atac à M. Lebas d'acheter son fonds de commerce ".

Considérant sur les frais irrépétibles et les dépens que chaque partie triomphant et succombant partiellement devant la cour, il est équitable de laisser à chacune d'elles la charge des frais irrépétibles et dépens d'appel qu'elles ont engagés;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts " exclusifs " de la société Cefab en ce qu'il a prononcé une condamnation au titre du remboursement du budget d'ouverture, sur le montant de l'indemnité au titre de la clause pénale et le point de départ des intérêts dont est assorti le principal de la condamnation au titre des factures, Dit que ces intérêts courent à compter du 28 novembre 2005 pour la société Cefab, de l'assignation du 23 décembre 2005 pour les cautions, Dit que la résiliation est aux torts réciproques des parties, Réduit à 10 000 euro le montant de l'indemnité au titre de la clause pénale, Déboute les parties de leurs autres demandes, Laisse à chacune d'elles la charge des dépens d'appel qu'elles ont engagés.