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Décisions

Cass. 2e civ., 21 juillet 1986, n° 84-15.397

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

UCIA de Vesoul, UDCIA de Haute-Saône

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Aubouin

Rapporteur :

M. Devouassoud

Avocat général :

M. Charbonnier

Avocats :

SCP Boré, Xavier, Me Garaud

Besançon, du 20 juin 1984

20 juin 1984

LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué (Besançon, du 20 juin 1984), statuant sur appel d'une ordonnance de référé, d'avoir déclaré l'Union Commerciale Industrielle et Artisanale de l'arrondissement de Vesoul (UCIA) et l'Union Départementale, Commerciale Industrielle et artisanale de Haute-Saône (UDCIA) irrecevables en leur demande tendant à ce que soit interdite le dimanche l'ouverture d'un magasin de la société X situé à Vesoul, alors que, une association ayant intérêt et qualité pour agir dès lors que les membres du groupement ou au moins certains d'entre eux ont été directement lésés dans les intérêts qu'ils ont mis en commun, la cour d'appel aurait violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que si une association déclarée peut réclamer en justice la réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi, ce n'est qu'à charge d'établir que l'acte qu'elle critique porte atteinte aux intérêts collectifs qu'elle représente ;

Et attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel retient que l'UCIA et l'UDCIA, regroupant non seulement des commerçants mais encore des industriels et des artisans, n'établissaient pas que l'ouverture d'un magasin de meubles le dimanche portât atteinte aux intérêts collectifs qu'elles représentaient et, par suite, devaient être déclarées irrecevables en leur action ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen et sur la seconde branche du troisième moyen : - Attendu que la Chambre interdépartementale Doubs-Jura-Haute-Saône (la chambre interdépartementale) fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'interdiction d'ouverture le dimanche d'un des magasins de la société X au motif qu'il existait une contestation sérieuse, et d'avoir refusé d'appliquer un arrêté préfectoral du 19 janvier 1973, alors que, d'une part, l'existence d'une telle contestation n'interdirait pas au juge des référés de prendre les mesures prévues à l'article 809, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile ; et alors que, d'autre part, à supposer que l'autorité préfectorale ait commis un excès de pouvoir en prenant l'arrêté du 17 avril 1979, l'illégalité de sa décision laisserait survivre un arrêté du 18 janvier 1973 qui prescrivait la fermeture des magasins de meubles le dimanche ;

Mais attendu que si l'existence d'une contestation sérieuse n'interdit pas au juge des référés de prendre les mesures prévues par l'article 809, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile, le juge doit apprécier le caractère manifestement illicite du trouble invoqué ;

Et attendu qu'après avoir justement relevé que ni le problème de la survie de l'arrêt préfectoral du 19 janvier 1973 ni celui de la légalité de l'arrêté du 17 avril 1979 ne pouvaient être tranchés même par le juge du fond, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, même si elle s'est référée inexactement à la notion de contestation sérieuse, a, en l'absence de trouble manifestement illicite, estimé qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la mesure sollicitée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen pris en sa première branche : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir considéré qu'il existait une contestation sérieuse sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 17 avril 1979 interdisant l'ouverture le dimanche du magasin d'ameublement, alors que, la Chambre criminelle de la Cour de cassation ayant rejeté par arrêt du 25 avril 1984 le pourvoi formé par M. X contre un arrêt d'une chambre correctionnelle qui, pour le condamner pour infraction à l'arrêté préfectoral, avait rejeté l'exception d'illégalité dudit arrêté, cette question avait fait l'objet d'une décision irrévocable ; de telle sorte qu'en s'abstenant de tirer les conséquences légales de l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la Cour de cassation du 25 avril 1984, la cour d'appel aurait violé l'article 1350-3° du Code civil ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que devant la cour d'appel la chambre interdépartementale se soit prévalue de l'arrêt de la Chambre criminelle ; que le moyen, mélangé de fait et de droit est donc nouveau et, par suite, irrecevable ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir, pour déclarer la juridiction des référés incompétente, refusé de tenir compte de l'infraction commise par la société X à l'article L. 221-5 du Code du travail relatif à l'obligation du repos hebdomadaire dominical, alors que, d'une part, l'exercice d'un commerce en violation des dispositions de cet article constituerait un acte de concurrence déloyale, et qu'en énonçant que la chambre départementale n'avait pas intérêt à agir, la cour d'appel aurait violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, aucune des parties n'ayant jamais soutenu que la SA X aurait fait appel à du personnel occasionnel, la cour d'appel, en énonçant que ce fait aurait été possible, aurait dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors qu'en outre, en relevant d'office le moyen tiré de l'emploi par la société X de personnel occasionnel sans provoquer au préalable les explications des parties, la cour d'appel aurait violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, et alors qu'enfin, étant donné qu'il résultait des constatations de l'arrêt que la société X ne pouvait pas ouvrir son magasin le dimanche sans l'emploi du personnel salarié, il aurait donc appartenu à cette société de démontrer qu'elle n'aurait pas fait appel au personnel de son entreprise ; qu'en ne l'exigeant pas, l'arrêt aurait renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt n'énonce pas que la société X aurait pu faire appel à du personnel occasionnel ; qu'après avoir rappelé que l'intimée soutenait que l'ouverture du magasin le dimanche ne pouvait se faire sans emploi de salariés, la cour d'appel se borne, sans renverser la charge de la preuve et dans l'exercice de son pouvoir souverain, à énoncer qu'il n'était nullement démontré que la société X fît toujours appel à son propre personnel en cas d'ouverture du magasin le dimanche ; d'où il suit que, manquant pour partie en fait, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.