CA Paris, 4e ch. A, 21 janvier 2009, n° 07-12603
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Inter + (SARL)
Défendeur :
ITM Entreprises (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carre-Pierrat
Conseillers :
Mmes Rosenthal-Rolland, Chokron
Avoués :
SCP Hardouin, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Ariach, Szleper
Vu l'appel interjeté les 12 juillet et 1er août 2007 par la société Inter +, d'un jugement en date du 25 avril 2007 et d'un jugement rectificatif en date du 11 juillet 2007 aux termes desquels le Tribunal de grande instance de Paris l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à verser à la société ITM Entreprises une indemnité de 4 000 euro au titre des frais irrépétibles ;
Vu les dernières conclusions, signifiées le 21 novembre 2008, par lesquelles la société Inter +, poursuivant l'infirmation des jugements déférés demande à la cour, statuant à nouveau, de:
- dire et juger que la société ITM Entreprises s'est rendue coupable de concurrence déloyale en utilisant le vocable Interplus,
- qu'elle s'est rendue coupable de contrefaçon par reproduction de la marque Interplus en utilisant la mention Interplus,
En conséquence,
- la condamner à lui verser:
* la somme de 150 000 euro pour actes de contrefaçon au sens du Livre VII du Code de la propriété intellectuelle,
* la somme de 150 000 euro pour concurrence déloyale au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil,
- lui faire interdiction de reproduire, de représenter ou de faire usage à quelque titre que ce soit, sous quelque forme que ce soit, partiellement ou totalement, seule ou en combinaison avec d'autres termes, de la dénomination Interplus, sous astreinte de 500 euro par infraction constatée à compter du prononcé du jugement à intervenir,
- ordonner la destruction à ses frais sous astreinte de 500 euro par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir de toutes étiquettes, brochures, catalogues et autres documents reproduisant ou servant à la reproduction de la dénomination Interplus seule ou en combinaison avec d'autres termes,
- ordonner la publication à ses frais de la décision à intervenir, dans 5 journaux ou revues dans la limite de 4 500 euro HT par insertion,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir (sic),
- la condamner à lui verser la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 de ce même Code;
Vu les uniques écritures, signifiées le 25 février 2008, aux termes desquelles la société ITM Entreprises prie la cour de confirmer les jugements entrepris et y ajoutant de condamner la société Inter + à lui verser la somme de 8 000 euro au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 1er décembre 2008 ;
Sur ce, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé aux jugements déférés et aux écritures des parties; qu'il suffit de rappeler que :
- la société à responsabilité limitée répondant à la dénomination sociale de Inter +, dont le siège social est situé à Paris 18e, 17 rue de Jessaint, est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 4 mai 1992 avec pour activité commerciale déclarée : achat, vente, import, export, en gros, demi-gros, détail, de tous produits se rapportant à l'alimentation et bazar, denrées non périssables,
- elle a déposé le 26 juin 2003 auprès de l'Inpi, la marque verbale Interplus, enregistrée sous le n° 03 3 233 370, publiée au Bopi le 28 novembre 2003, destinée à couvrir notamment dans les classes 3, 18, 21, 25, 29, 30, 31, 32, des produits cosmétiques et de parfumerie, des articles de maroquinerie, des articles ménagers, des articles de vêtements, des produits alimentaires et des boissons,
- la société ITM Entreprises (SA), est titulaire de la marque Intermarché et exploite depuis plus de trente ans les magasins de vente au détail de produits de consommation courante à l'enseigne Intermarché,
- elle a mis à la disposition de sa clientèle une revue au titre d'Inter Plus, destinée à présenter une sélection d'articles en promotion dans ses magasins,
- c'est dans ces circonstances que la société Inter +, après avoir vainement mis en demeure la société ITM Entreprises de cesser de faire usage du signe Inter Plus, attentatoire selon elle à ses droits de marque et de dénomination sociale, l'a assignée le 11 mai 2005 devant le Tribunal de grande instance de Paris pour répondre des griefs de contrefaçon et de concurrence déloyale;
Sur la contrefaçon de la marque Interplus,
Considérant que l'usage à compter de janvier 2003 par la société ITM Entreprises du titre Inter Plus sur une brochure publicitaire destinée à promouvoir auprès de la clientèle une sélection de bonnes affaires, constitue selon la société Inter + une contrefaçon de la marque Interplus dont elle est propriétaire;
Considérant en droit, que l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés, les faits antérieurs à la publication de la demande d'enregistrement de la marque ne pouvant toutefois être considérés comme ayant porté atteinte aux droits qui y sont attachés;
Qu'il s'ensuit que la société ITM Entreprises fait valoir à bon droit que ne sont pas susceptibles d'être incriminées en la cause les publications antérieures au 28 novembre 2003, date de la parution au Bopi de l'enregistrement opposé;
Considérant que la marque dénominative Interplus se présente en caractères gras d'imprimerie de couleur noire, tandis que le titre de la brochure publicitaire litigieuse est constitué de l'ensemble verbal Inter Plus au sein duquel l'élément Inter est représenté en lettres bâtons de couleur noire et l'élément Plus dans la même police mais dans une couleur vive qui diffère à chaque numéro;
Qu'il s'ensuit que le signe contesté n'étant pas identique à la marque opposée faute de la reproduire sans modification ni ajout, il convient de caractériser l'atteinte portée aux droits antérieurs au regard des dispositions de l'article L. 713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle, aux termes desquelles sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public:
a) (...),
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
Considérant que le risque de confusion est déterminé au terme d'une appréciation globale de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, fondée sur l'impression d'ensemble produite par les dénominations en présence eu égard à leur similitude, visuelle, phonétique et conceptuelle, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants;
Or considérant que si les signes opposés donnent à entendre, au plan phonétique, les mêmes sonorités, force est de constater que le signe contesté présente, au plan visuel, une physionomie qui lui est propre pour être composée des deux éléments distincts, aux couleurs différentes, Inter et Plus qui traduisent, au plan conceptuel, une double référence, d'abord à l'enseigne des magasins Intermarché évoquée par le diminutif Inter, ensuite à l'avantage supplémentaire, le Plus, offert à l'achat des produits visés dans la brochure publicitaire;
Et considérant que le rattachement du signe contesté à l'enseigne Intermarché est d'autant plus évident que cette enseigne qui bénéficie d'une grande connaissance sur le marché, figure en gros caractères en page de couverture de la publication incriminée, accompagnée du logo, qui l'identifie auprès du public, représentant l'écusson aux couleurs rouge, noir et blanc des mousquetaires;
Considérant qu'il est en outre constant que la publication litigieuse est diffusée dans les magasins Intermarché où elle est mise à la disposition de la clientèle;
Considérant qu'il résulte enfin des éléments de la procédure et notamment des encarts publicitaires concernant la société Inter +, parus en 2003, 2004 et 2005, que celle-ci se présente exclusivement comme grossiste et demi-grossiste de produits alimentaires dits " orientaux " de sorte que, le mode de distribution des produits en cause est différent: vente en gros et en demi-gros à des commerçants pour la société Inter +, vente au détail à des particuliers pour les magasins Intermarché;
Considérant qu'en l'état de ces éléments, il est exclu que le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de la catégorie de produits concernée puisse croire que les produits couverts par les signes opposés proviennent de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées;
Considérant, par voie de conséquence, que le risque de confusion n'est pas en l'espèce caractérisé
Sur la concurrence déloyale,
Considérant que l'utilisation du signe Inter Plus sur les brochures diffusées par la société intimée serait en outre, selon la société appelante, constitutive de concurrence déloyale à son préjudice à raison du risque de confusion avec la dénomination sociale Inter +;
Considérant que la concurrence déloyale doit être appréciée à l'aune du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce;
Considérant que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée ;
Or considérant que les développements qui précèdent justifient au regard des critères d'appréciation propres au grief de concurrence déloyale de rejeter comme dénuées de fondement les prétentions émises à ce dernier titre, aucun risque de confusion n'étant établi en l'espèce entre les dénominations Inter + et Inter Plus;
Sur les autres demandes,
Considérant que le sens de l'arrêt et l'équité commandent de débouter la société appelante de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de la condamner, faisant droit à la demande formée sur ce même fondement par la société intimée, à verser à cette dernière une indemnité complémentaire de 8 000 euro et à supporter les dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code précité;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré tel que rectifié par le jugement du 11 juillet 2007, Y ajoutant, Condamne la société Inter + à verser à la société ITM Entreprises une indemnité complémentaire de 8 000 euro au titre des frais irrépétibles et aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.