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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 9 octobre 2009, n° 09-06271

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Procigar (SARL)

Défendeur :

Coprova (SAS), Corporation Habanos (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mmes Regniez, Saint Schroeder

Avoués :

SCP Lagourgue-Olivier, Me Couturier

Avocats :

Mes Boccara, Philippon

TGI Paris, du 3 févr. 2009

3 février 2009

Vu l'appel formé par la société Procigar du jugement rendu le 3 février 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :

- débouté la société Procigar de sa fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée,

- déclaré en conséquence les sociétés Corporation Habanos et Coprova recevables en leurs demandes,

- débouté la société Procigar de ses demandes tendant à dire que le réseau de distribution mis en place par la société Corporation Habanos est anticoncurrentiel et illicite, et à annuler l'accord du 8 février 2002 conclu entre les sociétés Corporation Habanos et Coprova,

- débouté la société Procigar de sa demande tendant à constater l'épuisement de ses droits par la société Corporation Habanos sur ses marques de cigares cubains,

- dit qu'en ayant utilisé entre 2002 et le Journal officiel de la République française du 21 mai 2006 les marques Bolivar, Cohiba, Cuaba, Diplomaticos, Fonseca, Hoyo de Monterrey, Juan Lopez, La Flor de Cano, Punch, Quai d'Orsay, Quintero, San Luis Rey, San Cristobal, Trinidad, Vegas Robaina, Vegueros, Jose Luis Piedra et Los Statos de Luxe pour commercialiser des cigares sans l'autorisation de la société Corporation Habanos, en dehors du réseau de distribution mis en place entre les sociétés Corporation Habanos et Coprova, et sans prouver s'être approvisionnée dans des conditions régulières, la société Procigar a commis des actes de contrefaçon à l'égard de la société Corporation Habanos et de concurrence déloyale à l'égard de la société Coprova,

- condamné la société Procigar à payer à la société Corporation Habanos la somme de 1 524 480 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant des actes de contrefaçon,

- condamné la société Procigar à payer à la société Coprova la somme de 914 688 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant des actes de concurrence déloyale,

- interdit à la société Procigar ainsi qu'à toutes sociétés ou personnes apparentées ou venant à leurs droits, ses dirigeants de droit ou de fait, sous astreinte de 5 000 euro par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, de faire usage, reproduire, publier, diffuser par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit y compris sur des sites Internet, les marques Bolivar, Cohiba, Cuaba, Diplomaticos, Fonseca, Hoyo de Monterrey, Juan Lopez, La Flor de Cano, Punch, Quai d'Orsay, Quintero, San Luis Rey, San Cristobal, Trinidad, Vegas Robaina, Vegueros, Jose Luis Piedra et Los Statos de Luxe et toutes autres marques appartenant à Habanos SA ou toutes mentions apparentées, susceptibles de les évoquer ou de s'y référer, pour désigner des produits de tabac desdites marques,

- interdit à la société Procigar ainsi qu'à toutes sociétés ou personnes apparentées ou venant à leurs droits, ses dirigeants de droit ou de fait, sous astreinte de 5 000 euro par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, de procéder sur le territoire français, à la vente, la distribution ou la commercialisation par quelque moyen et sous quelque tonne que ce soit, y compris sites Internet, des produits correspondant aux marques Bolivar, Cohiba, Cuaba, Diplomaticos, Fonseca, Hoyo de Monterrey, Juan Lopez, La Flor de Cano, Punch, Quai d'Orsay, Quintero, San Luis Rey, San Cristobal, Trinidad, Vegas Robaina, Vegueros, Jose Luis Piedra et Los Statos de Luxe et à toutes autres marques appartenant à Habanos SA,

- interdit à la société Procigar ainsi qu'à toutes sociétés ou personnes apparentées ou venant à leurs droits, ses dirigeants de droit ou de fait, sous astreinte de 5 000 euro par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, de procéder sur le territoire français, d'introduire à l'avenir de quelconques produits des marques Bolivar, Cohiba, Cuaba, Diplomaticos, Fonseca, Hoyo de Monterrey, Juan Lopez, La Flor de Cano, Punch, Quai d'Orsay, Quintero, San Luis Rey, San Cristobal, Trinidad, Vegas Robaina, Vegueros, Jose Luis Piedra et Los Statos de Luxe et de toutes autres marques appartenant à Habanos SA, dans tout arrêté portant homologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés en France continentale du Journal officiel de la République française à paraître,

- s'est réservé la liquidation des astreintes,

- a ordonné la publication judicaire dans trois journaux ou revues au choix des sociétés Corporation Habanos et Coprova, aux frais avancés de la société Procigar, sans que le coût de chacune de ces publications n'excède la somme de 3 000 euro HT, du communiqué suivant :

"Par jugement du 3 février 2009 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris, la société Procigar a été condamnée pour des faits de contrefaçon de marques à l'égard de la société Corporation Habanos et de concurrence déloyale à l'égard de la société Coprova",

- débouté les sociétés Corporation Habanos et Coprova de leur demande tendant à dire que le montant concernant les années 2006 et 2007 soit à parfaire,

- débouté la société Habanos de ses demandes de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier subi du fait de la violation de son réseau de distribution, et de son préjudice moral,

- débouté la société Coprova de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- débouté la société Procigar de l'ensemble de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire uniquement des mesures d'interdiction prévues dans la décision à l'exclusion de toute autre mesure et condamnation,

- débouté les sociétés Corporation Habanos et Coprova du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Procigar aux dépens et à payer aux sociétés Corporation Habanos SA et Coprova la somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu l'assignation en référé du 20 mars 2009 par laquelle la société Procigar a demandé de:

- dire que, faute de précisions, les marques Belinda, Cabanas, El Rey Del Mundo, Guantanamera, H. Upamnn, La Gloria Cubana, La Troya, Montecristo, Partagas, Por Larranaga, Rafael Gonzales, Ramon Allones, Romeo Y Julieta, Sancho Panza qui n'ont pas été visées ni mentionnées nommément ne sont pas touchées par l'interdiction de commercialisation bénéficiant de l'exécution provisoire,

- arrêter/suspendre l'exécution provisoire au titre des interdictions prononcées par les premiers juges, compte tenu des conséquences manifestement excessives que son maintien emporterait au regard non seulement de la situation de Procigar mais de l'issue de l'instance sur le fond en appel,

- condamner tous contestants aux entiers dépens;

Vu l'ordonnance en date du 6 mai 2009 qui a arrêté l'exécution provisoire des mesures d'interdiction prononcées et renvoyé l'affaire à l'audience du 25 juin 2009 pour qu'elle soit jugée au fond.

Vu les conclusions de la société Procigar en date du 24 juin 2009, qui demande à la cour de déclarer les sociétés Coprova et Habanos irrecevables en leurs prétentions en application de l'article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle, et, subsidiairement de retenir que le marché pertinent est celui des cigares cubains et à défaut de poser une question préjudicielle à la CJCE, d'admettre que les sources d'approvisionnement sont avérées par les certificats d'origine produits, de faire application de l'arrêt Van Doren de la CJCE et de dire que faute de prouver l'étanchéité de leur réseau, les intimées ne peuvent qu'être déboutées de leurs prétentions et les condamner au versement de la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions en date du 19 mai 2009 par lesquelles les sociétés Corporation Habanos et Coprova demandent à la cour de confirmer la décision entreprise mais de porter le montant des condamnations prononcées aux somme suivantes:

- pour Habanos 1 000 000 d'euro pour violation du réseau de distribution sélective, 3 770 910 euro au titre de la contrefaçon des 18 marques en cause commise de 2002 jusqu'au 31 mai 2009 et 377 091 euro au titre de l'atteinte portée à l'image de marque de la société Habanos,

- pour Coprova 2 082 487 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale commis sur la même période, outre 208 248 euro en réparation du préjudice moral,

Elles sollicitent la confirmation des mesures d'interdiction sous réserve d'une réduction du montant de l'astreinte, de publication et de suppression sous astreinte de toute mention des marques en cause et le versement de la somme de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce,

Considérant qu'il convient de se référer à la décision entreprise pour une relation complète des faits et des prétentions des parties ; qu'il sera observé que l'appel porte sur les moyens d'irrecevabilité fondés sur l'article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle, sur le périmètre du marché de référence, sur la régularité du réseau de distribution sélective au regard des exigences de l'art. 81 du traité CE, sur le caractère licite de l'approvisionnement des cigares, sur l'épuisement des droits de marque des intimées, et sur le préjudice.

Sur la recevabilité de l'action en contrefaçon

Considérant que Procigar expose qu'elle commercialise depuis 1996 au moins, des cigares cubains sous les marques cubaines avant même qu'Habanos n'en fasse l'acquisition en 2002, que pour les marques plus récentes déposées depuis cette date par Habanos, cette dernière ne pouvait d'autant moins ignorer que Procigar en faisait usage que les parutions au Journal officiel de la République française en 1996, 1997 et 1998 le lui indiquaient nécessairement; que plus de 5 ans s'étant écoulés entre le commencement des usages de marques incriminés et l'acte introductif d'instance en date du 16 mars 2004, l'action en contrefaçon serait irrecevable sur le fondement de l'article L. 716-5 du CPI.

Considérant toutefois, que la forclusion de l'action en contrefaçon prévue par l'article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle à raison de la tolérance pendant 5 ans du titulaire de droits de marques antérieurs, n'a vocation à s'appliquer que pour une action en contrefaçon dirigée contre une marque postérieure, ce qui n'est pas le cas de l'espèce, seul l'usage des marques de la société Habanos étant incriminé et non pas les dépôts par Procigar de marques postérieures.

Considérant que l'appelante semble également exciper de façon lapidaire de la prescription triennale prévue par ce même article ; que ce moyen sera également rejeté, puisque les premiers actes qui ont donné lieu à la condamnation dont il est fait appel se sont déroulés sur l'année 2002, soit moins de 3 ans avant l'acte introductif d'instance du 16 mars 2004.

Considérant enfin, qu'il sera simplement observé que les journaux officiels dont l'appelante se prévaut n'ont pas été produits en cause d'appel pas plus qu'en première instance.

Sur le périmètre du marché pertinent

Considérant que selon l'appelante, le marché pertinent pour apprécier notamment la régularité du réseau de distribution sélective mis en place par Habanos serait non pas le marché du tabac, ni même celui du cigare mais celui des cigares cubains faits à la main; que les amateurs recherchent les saveurs particulières des cigares de cette origine, savent très bien faire la différence entre un cigare fait main et un cigare confectionné à la machine et constituent un public captif; que si le marché de référence devait être entendu comme étant celui des cigares en général, alors Habanos pourrait sans contrainte, continuer à maîtriser en raison de sa position stratégique, le marché des cigares cubains, d'un bout à l'autre de la filière de production avec la Cubatabaco;

Considérant cependant que l'appelante procède par simple affirmation lorsqu'elle soutient que le marché de référence au regard des dispositions des articles 81 du traité CE et L. 420-1 du Code commerce, devrait être limité aux seuls cigares cubains faits à la main; qu'elle ne produit aucune analyse de marché qui viendrait supporter une telle assertion laquelle tend à faire de la qualité d'un produit la raison de l'existence d'un marché spécifique.

Considérant en revanche que les intimées font valoir, sans être précisément démenties, que le consommateur de cigares cubains peut toujours se reporter vers des cigares d'une autre provenance telle que le Honduras, le Nicaragua ou Saint Domingue, provenances recherchées et également appréciées des amateurs, et que ceux-ci ne distingueront pas toujours les modalités de confection des cigares;

Considérant qu'en l'état des documents versés et sans qu'il soit nécessaire de poser une question préjudicielle à la CJCE, il convient de retenir que les grands cigares du Honduras ou du Nicaragua sont substituables à un grand cigare cubain et que le marché de référence doit être celui des cigares en général et non pas celui des seuls cigares cubains faits à la main.

Considérant qu'il est constant et non contesté que sur ce marché, Habanos n'occupe qu'une place marginale, très inférieure à la part de 30 % fixée par le règlement CE n° 2790-1999 et que le réseau de distribution sélective qu'elle a mis en place bénéficie dudit règlement d'exemption.

Considérant que s'agissant de la finalité du réseau, la qualité des cigares de Cuba que d'ailleurs l'appelante met en avant pour conclure à l'existence d'un marché distinct, suppose que leur stockage, leur conservation, leur présentation soient soumis à des conditions spécifiques qui seront mieux satisfaites par l'organisation d'un réseau de distribution propre à répondre à ces exigences.

Considérant que c'est ainsi que, selon l'attestation en date du 30 janvier 2004, de Monsieur Adargelio Garrido de la Grana, secrétaire général de l'assemblée des actionnaires de la société d'économie mixte Corporation Habanos, la société Habanos a mis en place un réseau de distribution d'environ 50 distributeurs agréés couvrant les différentes régions géographiques du globe et a signé des contrats de distribution exclusive aux termes desquels elle désigne par territoire, un distributeur exclusif aux fins d'importer, de vendre et plus généralement de commercialiser et de distribuer des cigares havanes ; que c'est ainsi que la société Coprova a obtenu, par contrat de distribution signé les 28 janvier et 8 février 2002, l'exclusivité de l'importation des produits Habanos et la qualité de distributeur en France notamment, des cigares roulés à la main fabriqués à Cuba, à l'exception de ceux de la marque José L. Piedra ; que par un contrat ultérieur, des 14 et 29 janvier 2003, Habanos a désigné Coprova en tant que distributeur unique et exclusif pour importer et distribuer les produits sous toutes les marques Habanos en Italie, au Vatican ... y compris les zones frontalières.

Considérant que l'article 3.6 de ces contrats qui énonce les obligations imposées au distributeur n'interdit pas la conclusion de ventes passives et n'organise pas une protection territoriale absolue.

Que c'est donc à bon droit, que les premiers juges ont dit que les contrats précités n'avaient ni pour objet ni pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser, le jeu de la concurrence et ont rejeté le moyen tiré du caractère prétendument illicite du réseau en cause.

Sur l'origine des cigares litigieux et l'épuisement des droits du titulaire des marques :

Considérant que Procigar affirme qu'elle se fournit directement et de manière répétée auprès d'Habanos qui lui a vendu les cigares commercialisés sous les marques en cause et dans des proportions telles qu'il ne peut être soutenu qu'elle aurait pu l'ignorer; qu'il serait indifférent que Coprova détienne l'exclusivité des importations de cigares havanes, dans la mesure où elle n'est pas partie au contrat de distribution exclusive dont Coprova se prévaut.

Considérant toutefois que le point n'est pas de déterminer dans quelle mesure les contrats de distribution exclusive conclus entre Habanos et Coprova sont opposables à l'appelante mais d'examiner si la première mise en circulation de ces cigares dans l'espace économique européen a été faite avec l'accord de la société titulaire des droits de marque.

Considérant que pour les motifs sus exposés tenant à la régularité du réseau de distribution sélective et aux termes du contrat de distribution exclusive liant Coprova à Habanos, la preuve d'un risque de cloisonnement des marchés nationaux n'est pas rapportée par l'appelante ; que c'est dès lors à elle qu'incombe d'établir la régularité de ses approvisionnements.

Considérant à cet égard que les certificats d'origine délivrés en France ne sont que partiels et émis pour la plupart en remplacement de certificats d'origine délivrés à Cuba eux-mêmes émis par des sociétés (Somtra, Brigdeway Finance) ; que ces documents ne permettent aucunement d'en déduire l'existence et a fortiori la portée d'une autorisation donnée par Habanos pour l'importation de ces produits en Europe;

Considérant que par exemple le certificat d'origine n° 60 222 du 22 septembre 1998 mentionne Coprova comme expéditeur et la société Transimpex comme destinataire porte sur 37 cartons et 40 775 cigares de La Havane alors que le certificat d'origine n° 58881 du 22 décembre 1999 de la société Transimpex, expéditeur cette fois, à Fracrt, destinataire, porte sur 193 cartons ou 157 544 cigares.

Considérant que c'est donc à bon droit que la décision entreprise a déduit par des motifs que la cour fait siens que Procigar avait mis en place un réseau d'approvisionnement à partir de Cuba et qu'elle n'établissait ni qu'il concernait tous les cigares ni qu'Habanos avait consenti à leur commercialisation ultérieure dans l'Espace économique européen, peu important à cet égard que tout ou partie des cigares en cause fussent authentiques.

Que les prétentions de l'appelante relatives à un épuisement des droits du titulaire des marques sont donc dénuées de fondement, les conditions fixées par l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle n'étant aucunement réunies.

Sur la contrefaçon

Considérant que l'appelante ne conteste pas la matérialité de la reproduction des signes telle que retenue par les premiers juges pour fonder la condamnation pour contrefaçon et consistant dans l'usage de ces signes - sur les produits, sur les bons de commande - dont témoignent les publications au Journal officiel.

Considérant que les actes litigieux se sont poursuivis au-delà de l'année 2005, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, comme en font foi les arrêtés des 22 décembre 2006, 17 décembre 2007 et 3 avril 2009, ainsi que les bons de commande de Procigar communiqués aux débitants de tabacs (pièces 112, 113, 119 et 120) des intimées.

Sur la concurrence déloyale

Considérant que les intimées exposent à bon droit que la violation du réseau de distribution sélective au préjudice de Coprova, distributeur exclusif, a privé cette dernière des marges qu'a réalisées Procigar en s'affranchissant des contraintes liées à l'entretien du réseau (entretien d'infrastructures particulières pour le stockage et plus généralement la conservation des cigares dans des conditions optimales) ; que Procigar ne communique aucun élément sur les charges qu'elle aurait supportées pour conserver les cigares litigieux.

Considérant que ce n'est pas la revente hors réseau de produits achetés auprès de fournisseurs agréés qui est ici incriminée puisque Procigar s'est fournie hors réseau, mais l'introduction en France de marchandises hors réseau par le recours à des sociétés tierces agissant dans des conditions sus décrites et sur lesquelles l'appelante se refuse à apporter toute précision utile ;

Qu'en outre, Procigar a profité de la notoriété des marques en faisant paraître depuis plusieurs années au Journal officiel l'énoncé des produits revêtus des marques en cause ce qui a nécessairement eu pour effet d'inciter les débitants de tabacs qui passent commande auprès des fournisseurs agréés au vu des parutions au Journal officiel, à croire qu'elle était investie par Habanos.

Sur les mesures réparatrices

Considérant qu'il sera fait droit dans les termes du dispositif ci-après aux mesures d'interdiction sollicitées ; que la mesure de publication sera quant à elle confirmée, étant observé qu'elle devra tenir compte de la présente décision; qu'en revanche, la mesure tendant à contraindre Procigar de supprimer toutes mentions des marques sera rejetée, la mesure d'interdiction prononcée étant suffisante pour prévenir le renouvellement des actes litigieux.

Sur le préjudice subi par Habanos

Considérant qu'Habanos excipe de trois chefs de préjudice, l'un au titre des actes de contrefaçon de ses marques, l'autre au titre de la violation du réseau de distribution, et le troisième au titre d'un préjudice moral.

- Considérant que s'agissant du préjudice subi du chef des actes de contrefaçon, caractérisé ici par la perte de la rémunération qu'elle aurait dû recevoir si Coprova avait vendu ces cigares, les premiers juges ont pris pour base le montant total des ventes litigieuses affecté d'un abattement fixé forfaitairement de 10 % en l'absence de toute précision fournie par l'appelante, pour tenir compte de la commercialisation de certains cigares sur lesquels Habanos ne revendique pas de droit ; que partant d'un prix de vente moyen par cigare de 7,5 euro TTC, prix non contesté et d'une redevance attendue de 2 euro par cigare, les premiers juges ont ainsi pu à bon doit fixer le montant des dommages et intérêts à la somme de 1 524 480 euro pour la période s'étendant de 2002 à 2005;

Que pour la période postérieure de 2006 au 31 mai 2009, il convient en procédant de même, sur une base moyenne de 600 000 euro pour chacune des années 2006 et 2007, 500 000 euro pour 2008 et 200 000 euro pour la période de 2009 s'achevant au 31 mai;

Que le montant total de la réparation due au titre de la contrefaçon des marques sera en conséquence porté à la somme totale de 3 424 480 euro;

- Considérant que la société Habanos est par ailleurs bien fondée à exciper du préjudice que lui cause la désorganisation du réseau qu'elle a mis en place; que celui-ci sera réparé par l'allocation d'une somme 20 000 euro.

- Considérant en revanche, s'agissant de demandes de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral, qu'elle ne fait état que de l'usage non autorisé de ses marques, préjudice déjà couvert par les sommes ci-dessus ; quant à l'atteinte à leur image, elle n'établit pas que la société Procigar ait procédé à ses ventes dans des conditions susceptibles d'y porter atteinte.

Sur la réparation du préjudice subi par Coprova

Considérant que Coprova fait valoir que son préjudice est égal à son manque à gagner équivalent à la perte de la marge commerciale qu'elle aurait réalisée si elle avait vendu les cigares vendus par Procigar.

Considérant que l'appelante prétend que le document produit par Coprova ne concerne que sa marge commerciale brute et ne prend pas en compte les coûts de fonctionnement, de commercialisation et autres que supporte tout exploitant ; que selon elle, seule devrait être prise comme référence le résultat courant après impôt.

Mais considérant que la société Coprova a bien été privée de la réalisation d'un chiffre d'affaires égal à celui que réalisa Procigar ; que Coprova a remis des documents comptables qui permettent de fixer le prix de vente moyen TTC d'un cigare à la somme de 7,5 euro comme indiqué plus haut ; que son préjudice est égal au nombre de cigares vendus par l'appelante de 2002 au 31 mai 2009, multiplié par 7,5 et multiplié par une marge non pas de 17,56 % comme réclamée par Coprova mais par 10 % pour tenir compte des charges qui sont les siennes.

Qu'en reprenant le même mode de calcul que celui appliqué ci-dessus pour déterminer le nombre de cigares utiles, il convient de condamner Procigar à verser à Coprova la somme globale de 1 321 000 euro en réparation des actes de concurrence déloyale précités.

Considérant que Coprova n'établissant pas que Procigar a vendu ses cigares dans des conditions susceptibles de porter atteinte à l'image de ses produits, ses demandes aux titres de la réparation d'un préjudice moral seront rejetées.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande de condamner Procigar à verser aux intimées la somme globale de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Par ces motifs, Déclare recevable l'action en contrefaçon et en concurrence déloyale, Confirme la décision entreprise sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts et la mesure d'interdiction, Statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne la société Procigar à verser à la société Corporation Habanos les sommes de : - 3 424 480 euro en réparation des actes de contrefaçon commis de 2002 au 31 mai 2009, - 20 000 euro en réparation de la désorganisation du réseau de distribution, La condamne à verser à la société Coprova la somme de 1 321 000 euro en réparation des actes de concurrence déloyale commis de 2002 au 31 mai 2009, Interdit à la société Procigar ainsi qu'à toute société venant à ses droits - de poursuivre la commission des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale précités sous astreinte de 100 euro par infraction constatée pour chacune des marques ci-dessous, passé un délai de 1 mois suivant la signification du présent arrêt, et plus généralement, - de faire usage, sous quelque forme que ce soit et notamment de reproduire, imiter, diffuser, publier les marques ci-dessous énumérées, - d'importer, de vendre et de commercialiser sous quelque forme que ce soit y compris sur le réseau Internet des tabacs désignés par les marques suivantes : - Cohiba n° 1480417, - Cuaba n° 95 602 724, - Diplomaticos Habana, n° 02 3 163 355, - Fonseca n° 1 298 861, - Hoyo de Monterrey n° 93 481 155, - Jose Luis Piedra n° 1 576 336, - Juan Lopez n° 1 510 983, - Laflor de Cano n° 1 510 985, - Los Statos de Luxe n° 1 510 984, - Los Statos de Luxe n° 1 646 066, - Punch n° 1 493 938, - Quai d'Orsay n° 1 205 942, - Quintero n° 1 209 290, - Sancristobal de la Habana n° 96 651 158, - San Luis Rey n° 1 320 625, - Trinidad n° 95 574 398, - Vegas Robaina n° 96 656 628, - Vegueros n° 1 720 440; Dit que la mesure de publication tiendra compte du présent arrêt, Condamne la société Procigar à verser aux intimées la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC et à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés dans les formes de l'article 699 du même Code par Maître Couturier, avoué.