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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 12 novembre 2009, n° 08-07061

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Birdy Nam Nam (Sté)

Défendeur :

Lyon Glaces (SAS), Billioud (ès qual.), Sapin (ès qual.), Publicis Constellation (Sté), Marrons Glacés d'Aubenas " Marrons Imbert " (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martin

Conseillers :

Mmes Biot, Devalette

Avoués :

SCP Baufume-Sourbe, Me Morel

Avocats :

Me Vital-Durand, Gachet-Herlemon-Chardon

T. com. Lyon, du 2 oct. 2008

2 octobre 2008

Faits procédure prétentions des parties

La société Birdy Nam Nam a saisi le Tribunal de commerce de Lyon d'une demande tendant à voir:

- constater que la société Lyon Glaces, avec la participation des sociétés Publicis Constellation et Marrons Imbert, a lancé une gamme de produits qui reproduisent servilement les caractéristiques originales et distinctives des crèmes glacées créées et commercialisées par Birdy Nam Nam,

- constater que ce faisant elles ont commis des actes de concurrence parasitaires,

- ordonner le retrait et la cessation de toute commercialisation des produits en cause sous astreinte,

- condamner solidairement les sociétés Lyon Glaces, Publicis Constellation et marrons Imbert à lui payer la somme de 100 000 euro à titre de dommages-intérêts.

En cours de procédure, la société Lyon Glaces a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde de justice et Me Billioud et Me Sapin, respectivement mandataire et administrateur judiciaires de la société Lyon Glaces, ont été attraits dans la procédure.

Par jugement du 2 octobre 2008, le tribunal a débouté la société Birdy Nam Nam de l'ensemble de ses prétentions, l'a condamnée à payer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à Me Billioud ès qualités la somme de 10 000 euro, à la société Publicis Constellation la somme de 8 000 euro, à la société Marrons Imbert la somme de 3 500 euro.

La société Birdy Nam Nam a relevé appel du jugement en faisant valoir que le tribunal n'a pas examiné le véritable fondement de sa demande, à savoir la concurrence parasitaire.

Elle précise avoir mis un terme amiable à la procédure à l'égard des sociétés Marrons Glacés d'Aubenas Imbert et Publicis Constellation et se désister, en conséquence, de son instance et de son action à l'encontre de ces sociétés.

Elle indique par ailleurs que la société Lyon Glaces a fait l'objet d'un redressement judiciaire par voie de cession suivant jugement du 14 octobre 2008 puis d'une liquidation judiciaire le 10 décembre 2008 et qu'elle ne poursuit sa procédure qu'à l'encontre de Me Billioud ès qualités de liquidateur de la société Lyon Glaces.

Aux termes de ses dernières conclusions, elle soutient qu'il est reproché à la société Lyon Glaces de commettre des actes parasitaires consistant non seulement à reprendre le concept nouveau, original et complexe de produit créé par Birdy Nam Nam (glace à base de spécialités renommées dans un autre domaine, sous la marque et l'identité graphique de ces spécialités, la marque du fabricant étant en retrait) mais également à le présenter dans un emballage qui s'inspire de celui des produits Birdy Nam Nam et à le commercialiser dans le même circuit de distribution.

Elle précise que la faute qui est reprochée à l'intimée n'est pas constituée par une imitation servile des produits Birdy Nam Nam et un risque de confusion créé dans l'esprit du consommateur mais par le fait de s'être immiscée dans le sillage de Birdy Nam Nam pour profiter du succès de ses produits sans prise de risque et sans avoir eu à réaliser de réels efforts créatifs et commerciaux d'investissements corrélatifs.

Elle explique que les caractéristiques des produits Birdy Nam Nam sont les suivantes : la reprise du concept nouveau et original des crèmes incorporant des spécialités réputées dans d'autres domaines: marrons, pâtisserie, la reprise du même type et forme d'emballage, l'utilisation de l'identité graphique de ces spécialités, la mise en avant de la marque de ces spécialités, la commercialisation en grande distribution et aux mêmes emplacements que les produits Birdy Nam Nam; elle soutient que la reproduction de ces caractéristiques par la société Lyon Glaces révèle une volonté délibérée de tirer profit des investissements et des efforts réalisés par Birdy Nam Nam et des risques qu'a pris cette société.

Elle indique encore que contrairement à ce que soutient l'intimée, cette dernière n'a réalisé aucun effort intellectuel et aucun réel investissement qu'il s'agisse de la création du produit ou de son emballage mais a exposé des dépenses peu élevées qui correspondent uniquement à la réalisation d'essais, préalable indispensable en matière de préparations alimentaires, et à la réalisation de maquettes d'emballage.

Elle soutient que la société Lyon Glaces a commis des actes de parasitisme qui engagent sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et que ces faits lui causent un préjudice qu'elle évalue à la somme de 100 000 euro.

Elle demande donc que sa créance soit inscrite au passif de la liquidation pour ce montant, outre 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Me Billioud ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Lyon Glaces conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Birdy Nam Nam de ses demandes et l'a condamnée à payer la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il reprend l'argumentation de la société Lyon Glaces visant à démontrer l'absence totale de risque de confusion et sur les prétendus agissements parasitaires il expose que la société Lyon Glaces a pu justifier d'efforts intellectuels, de recherches et d'investissements propres pour la mise au point d'un produit personnalisé.

Il fait observer que les griefs qui lui sont faits, fussent-ils établis ce qui n'est pas le cas, ne sont pas condamnables en tant que tels, ce que ne peut ignorer la société Birdy Nam Nam car personne ne peut s'approprier une idée ou un concept.

Me Billioud demande encore la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société Lyon Glaces en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et pour entrave à la mise sur le marché de produits nouveaux, ce qui est contraire au droit de la concurrence. Il demande en conséquence la condamnation de la société Birdy Nam Nam à lui payer une somme de 100 000 euro à titre de dommages-intérêts, outre 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Motifs de la décision

Attendu qu'il y a lieu de donner acte à la société Birdy Nam Nam de son désistement d'instance et d'action à l'encontre de la société Marrons Glacés d'Aubenas et de la société Publicis Constellation;

I. Sur la demande principale

Attendu que la société Birdy Nam Nam commercialise depuis 2003 des crèmes glacées au parfum de spécialités réputées dans d'autres domaines (à savoir marrons de l'Ardèche Clément Faugier, calissons du Roy René, chicorée Leroux) et présentées sous les marques de ces spécialités;

Qu'elle fait grief à la société Lyon Glaces (laquelle a été quelques mois sa sous-traitante) d'avoir fabriqué et commercialisé des crèmes glacées (intitulées " Glace Chocolat grand Cru avec perles d'orange chocolat Weiss ", " Glace à la crème de marrons d'Aubenas Imbert " ou "Glace au nougat Chabert et Guillot", qui, selon elle, reproduisent servilement les caractéristiques originales et distinctives de ses propres produits (soit crèmes glacées à base de spécialités réputées dans d'autres domaines, sous la marque et l'identité graphique de ces spécialités, la marque du fabricant étant en retrait, même type et forme d'emballage);

Attendu que la société Birdy Nam Nam indique elle-même que les arguments relatifs à la concurrence déloyale par imitation servile sont hors du débat, que sa demande ne repose pas sur un risque de confusion et qu'elle ne nécessite pas une atteinte à un droit privatif;

Que, nonobstant, elle n'hésite pas à soutenir que le comportement parasitaire reproché à la société Lyon Glaces consiste non seulement à reprendre le concept nouveau, original et complexe de produit créé par elle (atteinte au droit privatif) mais également à le présenter dans un emballage qui s'inspire de celui des produits Birdy Nam Nam (risque de confusion) et à le commercialiser dans le même circuit de distribution; que, toutefois, elle n'invoque pas l'atteinte au droit privatif ou le risque de confusion en tant que tels, mais elle soutient que ces éléments sont propres à caractériser de la part de la société Lyon Glaces une volonté délibérée de tirer profit des investissements et des efforts qu'elle a réalisés et des risques qu'elle a pris " en lançant un nouveau type de produit dans un marché tenu par des majors et distribué quasi exclusivement par la grande distribution ";

Attendu que si la société Birdy Nam Nam entend reprocher à la société Lyon Glaces d'avoir " décliné " l'idée consistant à fabriquer des crèmes glacées incorporant une spécialité réputée dans un autre domaine tel que chocolat ou confiserie, cette initiative n'est pas génératrice de responsabilité dès lors qu'une idée ne peut être protégée et est de libre parcours; qu'ensuite, étant posé que n'est invoqué aucun risque de confusion entre les produits des deux entreprises concurrentes, ne saurait constituer un acte parasitaire le fait que la société Lyon Glaces a choisi pour ses crèmes glacées un emballage de même type et forme que celui de la société Birdy Nam Nam alors que cette forme d'emballage (pot tronconique de 500 ml) est tout à fait courant sur le marché des crèmes glacées (en particulier pour les crèmes glacées américaines) ; que Me Billioud ès qualités soutient à juste titre à cet égard qu'il est normal dans un marché concurrentiel de voir s'affronter des fournisseurs, identifiés ou identifiables par leur marque, sur la base de produits présentant des caractéristiques semblables ou similaires;

Attendu que, par ailleurs, la société Lyon Glaces justifie de ses investissements pour lancer les produits incriminés par l'appelante, investissements portant sur la conception et la présentation des produits ainsi que sur la communication ; qu'elle a ainsi investi en recherches, développements et mises au point d'un produit personnalisé (cf. feuilles d'enregistrement, création d'échantillons, ordre de fabrication), qu'elle a mandaté la société Publicis Constellation afin de créer ses emballages, qu'elle a eu recours aux services d'un photographe pour réaliser les prises de vue du packaging et à une entreprise de communication pour le lancement;

Attendu que la société Birdy Nam Nam ne peut se contenter d'additionner les dépenses ainsi exposées par la société Lyon Glaces pour soutenir que le chiffre auquel elle arrive (18 093 euro) est tout à fait insuffisant pour démontrer les efforts intellectuels et les investissements de son adversaire, alors que doit être prise en compte la réalité des efforts plus que l'importance des dépenses ; qu'elle fait valoir que ces chiffres correspondent uniquement à la réalisation d'essais, préalable indispensable en matière de préparations alimentaires, et à la réalisation de maquettes d'emballage ; que, cependant, elle se garde d'énoncer sur quoi devrait porter l'effort intellectuel supplémentaire et le réel investissement dont elle déplore l'absence, alors que la société Lyon Glaces était déjà fabriquant de crèmes glacées ; que s'agissant du réseau de commercialisation, l'appelante ne fournit aucune justification précise et que même si l'on retient, comme elle l'indique, que la société Lyon Glaces a fait choix de vendre ses produits en grande distribution (comme beaucoup d'autres fabricants) il n'en résulte pas pour autant la preuve d'une volonté de cette dernière de tirer profit du succès de ses propres produits ; que la société Birdy Nam Nam allègue (sans en justifier) que la société Lyon Glaces s'est assuré les services de la société D'Par qui a été son ancien agent commercial mais qu'elle ne prouve pas pour autant un comportement déloyal et parasitaire de son adversaire;

Attendu que, dans ces conditions, le jugement qui a débouté la société Birdy Nam Nam de sa demande en paiement de dommages-intérêts doit être confirmé;

II. Sur la demande reconventionnelle

Attendu que Me Billioud ès qualités soutient que les agissements de la société Birdy Nam Nam sont abusifs et non fondés et qu'ils constituent une entrave et/ou restriction sur le lancement ou la mise sur le marché de produits au mépris du droit de la concurrence et de la liberté du commerce et de l'industrie;

Attendu que les agissements visés par Me Billioud consistent en l'introduction de la présente procédure en paiement de dommages-intérêts devant le tribunal de commerce; qu'ils ne sauraient être qualifiés d'entrave ou restriction au lancement de produits sur le marché ; que Me Billioud ès qualités qui ne fait la preuve d'aucun agissement susceptible de recevoir cette qualification doit être débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts, le jugement étant confirmé de ce chef;

III. Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Attendu que la somme allouée par les premiers juges à la société Lyon Glaces sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile étant suffisante, il n'y a pas lieu de prévoir une indemnité complémentaire pour les frais irrépétibles exposés en appel;

Par ces motifs, LA COUR, Constate le désistement d'instance et d'action de la société Birdy Nam Nam à l'égard des sociétés Marrons Glacés d'Aubenas et Publicis Constellation, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Rejette la demande de Me Billioud ès qualités tendant à l'allocation d'une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés en appel, Condamne la société Birdy Nam Nam aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Morel avoué.