CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 3 septembre 2009, n° 08-01038
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sick
Défendeur :
Wedi GmbH (Sté), Wedi France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Maron
Conseillers :
M. Coupin, Mme Brylinski
Avoués :
SCP Keime Guttin Jarry, SCP Tuset-Chouteau
Avocats :
Mes Grignon du Moulin, Catoni, Gardette
Faits, procédure et moyens des parties
Selon contrat en date du 23 novembre 1993, la société de droit allemand Wedi GmbH a engagé Monsieur Jean-François Sick en qualité d'agent commercial et lui a confié l'exclusivité de la distribution de ses fabrications pour les départements de la région Ile-de-France ainsi que ceux du Loiret et de l'Yonne lesquels lui ont été retirés en 1995.
En 1999, la société Wedi GmbH a constitué une filiale française la société Wedi France, installée à Lyon, qui s'est insérée dans les relations contractuelles existantes.
En 2003, un avenant au contrat a modifié à la baisse les taux des commissions de l'agent commercial.
Par des courriers des 23 et 28 juin 2004, la société Wedi GmbH a informé Monsieur Sick qu'elle lui retirait certains départements à compter du 30 septembre suivant.
Monsieur Sick a assigné les sociétés Wedi France et Wedi GmbH devant le Tribunal de commerce de Versailles pour réclamer, en application des dispositions de la loi française et, notamment, des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, les sommes de 136 065 euro à titre d'indemnité de cessation de contrat, de 70 605 euro pour ses frais de remploi, de 34 000 euro d'indemnité de préavis et de 37 863,33 euro en complément du droit de suite.
Les sociétés Wedi GmbH et Wedi France se sont opposées à ces demandes en sollicitant la mise hors de cause de la société Wedi France, l'application du droit allemand, ainsi que des dommages et intérêts pour procédure abusive et l'indemnisation de leurs frais irrépétibles.
Par jugement du 19 octobre 2007, cette juridiction a mis hors de cause la société Wedi France, a dit que le droit allemand était applicable au contrat d'agent commercial, a débouté Monsieur Sick de toutes ses prétentions, comme les sociétés Wedi Gmbh et Wedi France de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts. Elle a alloué 500 euro à la société Wedi France et 1 000 euro à la société Wedi GmbH en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur Sick, qui a interjeté appel de cette décision, la critique d'avoir mis hors de cause la société Wedi France. Il soutient qu'il existait un contrat de fait entre lui-même et cette société qui, par son comportement, a laissé croire à une apparence de mandat.
Il affirme que la société Wedi France, dont il recevait les instructions, informations, courriers et le règlement de ses commissions, est tenue, comme le mandant, de réparer le dommage causé à l'agent comme si elle avait été le véritable mandant.
Relevant que le contrat d'agent commercial fait référence aux dispositions du décret du 23 décembre 1958, il soutient que, en respect de l'intention des parties lors de la signature, la loi française doit s'appliquer et, notamment, celle du 25 juin 1991 aujourd'hui codifiée,
Il critique l'analyse faite par la société Wedi GmbH et les premiers juges de l'article 6 du contrat qui ne vise, selon lui, que le cas où les parties décident de soumettre le litige à une commission d'arbitrage.
Il considère qu'il s'infère de la lecture de l'article 4, relatif à la résiliation, que le contrat fait référence au droit français dans ses dispositions relatives au préavis et au calcul de l'indemnité.
Invoquant l'article 1134 du Code civil et la volonté des parties, constatant l'ambiguïté des clauses contractuelles il demande à la cour d'appliquer les dispositions des conventions de La Haye du 14 mars 1978 et de Rome du 19 juin 1980 et soutient que la loi française est seule applicable au litige.
Il en infère sa demande en paiement d'une indemnité pour cessation du contrat qu'il chiffre à la somme de 271 558 euro représentant deux années de commissions en exposant que la société Wedi GmbH ne lui a versé que 135 482,21 euro.
Il y ajoute une demande d'indemnité de ses frais de réemploi en expliquant que les indemnités sont taxables au régime des plus-values et qu'il existe des droits d'enregistrement sur le rachat d'une nouvelle carte. Il réclame ainsi la somme de 271 557,50 euro x 26 % = 70 605 euro.
Rappelant les dispositions de l'article L. 134-11 du Code de commerce et dénonçant l'absence de préavis, il réclame une indemnité de ce chef de 34 000 euro correspondant à trois mois de commissions.
Il explique qu'il a cessé de prospecter au début du mois de juin 2004 mais considère qu'il doit être commissionné pendant six mois dès lors que les retombées de son travail ne sont pas immédiates. Il explique qu'il a perçu 30 131,67 euro pour les mois de juillet, d'août et de septembre 2004 et réclame un complément de " droit de suite " de 37 868,33 euro.
Il articule ses demandes en paiement des diverses indemnisations à l'encontre, solidairement, des sociétés Wedi GmbH et Wedi France.
Il fait grief aux premiers juges de n'avoir fait droit à sa demande de donner injonction aux sociétés Wedi Gmbh et Wedi France de communiquer les documents qui lui sont nécessaires pour vérifier le montant des commissions dues.
A titre subsidiaire et si la cour considérait que la société Wedi France serait un tiers dans le litige, il demande la condamnation de celle-ci à une somme de 136 065,29 euro de dommages et intérêts en raison de son comportement fautif tenant à la mise en place, sur son secteur exclusif, d'un autre commercial.
Plus subsidiairement encore, si la cour tenait le droit allemand pour applicable, il réclame la condamnation solidaire des sociétés Wedi GmbH et Wedi France au paiement des dommages et intérêts complémentaires pour 136 065,29 euro, d'une indemnité de préavis de 68 000 euro et subsidiairement de 34 000 euro et d'une indemnité au titre du droit de suite de 37 868,33 euro.
Il sollicite des intérêts légaux sur toutes les sommes qu'il réclame à compter du 24 juillet 2004 et s'oppose point par point aux arguments et demandes reconventionnelles de la société Wedi GmbH en tenant pour irrecevable, comme nouvelle en cause d'appel, celle en remboursement de l'indemnité de fin de contrat.
Il demande à la cour de donner injonction aux sociétés Wedi GmbH et Wedi France de lui communiquer, sous astreinte de 150 euro par jour de retard, l'intégralité des documents comptables lui permettant de calculer sa rémunération et il leur réclame 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Les sociétés Wedi GmbH et Wedi France répliquent ensemble en expliquant que le développement de l'activité en France justifiait une réorganisation sensible des secteurs et notamment de celui affecté à Monsieur Sick qui était sous-exploité. Elles affirment que le mandant disposait du droit de modifier le secteur sans préavis.
Elles estiment que l'initiative de la rupture est imputable à Monsieur Sick qui a cessé immédiatement toute activité et qui n'a jamais prouvé de faute commise par le mandant.
La société Wedi GmbH en déduit que c'est par erreur qu'elle a versé à Monsieur Sick une indemnité de rupture de 135 482,21 euro et en réclame le remboursement.
Elles demandent, en outre la condamnation de Monsieur Sick à payer à la société Wedi GmbH une indemnité de 68 000 euro correspondant au préavis que celui-ci n'a pas respecté.
Elles contestent toute existence d'un contrat de fait créé, à leur insu entre Monsieur Sick et la société Wedi France et expliquent que cette dernière n'a été qu'un outil de transmission agissant sous les directives de la maison-mère et comme mandataire ou représentant de cette dernière.
Elles dénoncent l'instrumentalisation à laquelle procède Monsieur Sick de la société Wedi France afin de faire juger que la loi applicable au contrat est la loi française et demandent la confirmation du jugement qui a mis hors de cause la société Wedi France ainsi que le débouté de Monsieur Sick en sa demande de condamnation solidaire.
A titre subsidiaire, si la cour retenait que la société Wedi GmbH est l'auteur de la rupture du contrat d'agent commercial, elles soutiennent que le droit allemand est seul applicable au contrat en se prévalant de son article 6 et en qualifiant de maladresse de rédaction la référence au décret du 23 décembre 1958.
Elles expliquent que ce décret a disparu en raison de la transposition dans les droits nationaux de la directive européenne du 18 décembre 1986, que la référence à ce texte visé par le contrat est inopérante. Elles soutiennent qu'il appartient à la cour de rechercher la commune intention des parties, laquelle avait arrêté l'application du droit allemand.
Elles écartent toute application de la loi française en réfutant point par point les arguments de Monsieur Sick et affirment que le paiement que la société Wedi GmbH a fait à Monsieur Sick d'une indemnité égale à une année moyenne de commissions est satisfactoire et que le complément réclamé est dénué de fondement.
Elles discutent la demande en paiement d'une indemnité de remploi qui n'existe pas en droit allemand et qui est dépourvue de fondement juridique.
Relativement à l'indemnité de préavis, elles exposent que Monsieur Sick s'est lui-même dispensé de l'effectuer et que les commissions des mois de juillet, d'août et de septembre 2004 ont été payées.
Elles contestent tout droit à un prétendu " droit de suite " de six mois en soulignant que Monsieur Sick ne démontre aucunement l'existence de commandes enregistrées postérieurement au terme de son préavis.
Elles concluent ainsi au débouté de Monsieur Sick en toutes ses demandes, et à sa condamnation au remboursement de la somme de 135 482,21 euro et au paiement de l'indemnité de préavis de 68 000 euro au bénéfice de la société Wedi GmbH.
Subsidiairement elles concluent à la mise hors de cause de la société Wedi France et à la condamnation de Monsieur Sick à payer à cette dernière 5 000 euro de dommages et intérêts ainsi que 1 000 et 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elles demandent à la cour de dire le droit allemand applicable, de débouter Monsieur Sick et de le condamner à payer à la société Wedi Gmbh 10 000 euro de dommages et intérêts et 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 mai 2009.
Motifs de la décision
Sur la mise en cause de la société Wedi France
Considérant que Monsieur Sick soutient, qu'outre le contrat qu'il a signé avec la société Wedi GmbH le 23 novembre 1993, il existe un contrat, non matérialisé par un écrit, entre lui-même et la société Wedi France;
Considérant que la société Wedi France est une société de droit français et que Monsieur Sick est lui-même résident français et déploie son activité en France ; que dans les rapports pouvant exercer entre eux, la loi française trouve donc application;
Considérant que l'article L. 134-1 du Code de commerce définit l'agent commercial comme un mandataire qui est chargé de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat ou de prestations de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux;
Considérant que Monsieur Sick n'a pas estimé utile de se prévaloir, auprès de la société Wedi France, des dispositions de l'article L. 134-2 du Code de commerce et n'a pas réclamé l'établissement d'un contrat écrit;
Considérant qu'il lui appartient, en conséquence, de démontrer qu'il a enregistré auprès de la clientèle qu'il prospectait, des commandes pour le compte de la société Wedi France et qu'il a perçu de cette dernière des commissions;
Considérant, toutefois, que cette preuve n'est pas rapportée par les éléments versés aux débats;
Considérant que les réunions des agents exerçant en France, tenues au siège de la société Wedi France à Lyon, avaient pour objectif l'animation du réseau commercial ; que les procès-verbaux établissent qu'y participaient les représentants de la société Wedi GmbH, en plus des animateurs de la filiale française;
Considérant que Monsieur Sick n'allègue ni ne démontre la réalité d'aucune commande qu'il aurait passée pour le compte de la société Wedi France ou que celle-ci lui aurait adressée;
Considérant qu'il verse aux débats des correspondances aux termes desquelles la société Wedi France l'informait qu'elle procédait à des virements correspondant au règlement de commissions; que, cependant, les relevés de comptes bancaires de Monsieur Sick établissent que les commissions qu'il a reçues ont été payées par la société Wedi GmbH, au moyen de virements internationaux;
Considérant que seulement deux lettres font référence à un règlement par des chèques qui, toutefois, ne sont pas produits aux débats de telle sorte que leur émetteur et le titulaire du compte sur lequel ils ont été tirés ne peuvent pas être déterminés;
Considérant que l'intervention de la société Wedi France, dans l'organisation de la structure commerciale de la société Wedi GmbH apparaît celle d'une filiale chargée de représenter, pour la France, la société mère, d'agir sur ce territoire et de transmettre des informations, ainsi que certains des éléments relatifs à l'exécution des contrats des agents commerciaux;
Considérant qu'il convient de relever que, parallèlement, les relations contractuelles entre la société Wedi Gmbh et Monsieur Sick n'ont jamais été interrompues ainsi que le démontrent les nombreux courriers émis par la société Wedi GmbH, y compris la lettre du 23 juin 2004 informant l'agent commercial de la modification du périmètre géographique de son exclusivité et la protestation de Monsieur Sick adressée en réponse le 15 juillet 2004;
Considérant ainsi que l'existence d'un contrat d'agent commercial entre Monsieur Sick et la société Wedi France n'est pas démontrée ; que la société Wedi France ne peut être considérée que comme le mandataire apparent de la société Wedi GmbH;
Or considérant qu'il résulte des dispositions des articles 1999 et suivants du Code civil, qu'en dehors d'une faute personnelle du mandataire dans l'exercice de son mandat, seul le mandant doit répondre des engagements souscrits par le mandataire;
Que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont mis la société Wedi France hors de cause relativement à la demande indemnitaire de Monsieur Sick pour rupture du contrat d'agent commercial;
Considérant que Monsieur Sick n'apporte aucune élément de nature à établir la preuve d'une faute commise par la société Wedi France ou le lien de causalité avec les préjudices qu'il allègue ; que sa demande subsidiaire en paiement de dommages et intérêts dirigée contre cette société ne peut pas prospérer;
Sur la loi applicable
Considérant que le contrat signé le 23 novembre 1993 stipule en son article 1 que le mandat est confié par la société Wedi GmbH à Monsieur Sick qui doit exercer cette représentation dans la position d'agent commercial " conformément au décret du 23 décembre 1958 " ;
Considérant que ce texte, notamment, définissait l'agent commercial, imposait au contrat une forme écrite, fixait les droits et obligations de l'agent, et édictait que la résiliation du contrat par le mandant ouvrait droit, nonobstant toute clause contraire, à indemnisation compensatrice du mandataire, sauf faute commise par ce dernier;
Considérant que la seule constatation que ce texte s'est trouvé totalement abrogé par les dispositions légales plus tardives n'a pas pour effet de le priver de sa portée au regard de la détermination de la loi qu'au jour de la signature du contrat, les parties ont entendu voir appliquer au contrat;
Considérant, par ailleurs, que l'article 6 du contrat intitulé " Litiges " est ainsi libellé : " En cas de litige et si aucune solution à l'amiable n'intervient, les parties contractantes peuvent décider de soumettre leurs différends à la commission d'arbitrage des agents commerciaux, le droit allemand étant applicable en dernier ressort " ;
Considérant que le sens de cet article est incertain dès lors qu'il peut être compris comme imposant l'application du droit allemand dans la seule hypothèse de la saisine de la commission d'arbitrage des agents commerciaux;
Considérant que, même à la comprendre comme convenant de l'application de la loi allemande pour tous les litiges, cette stipulation se trouve contredite par la référence explicite à une exécution du mandat sous l'emprise de la loi française;
Considérant que, dans ces conditions, le contrat ne fixe pas clairement la loi interne qu'auraient choisie les parties et dont l'application s'imposerait;
Considérant qu'en l'absence d'une stipulation explicite, claire et dénuée d'ambiguïté, il convient de déterminer la loi applicable au rapport contractuel existant entre la société Wedi GmbH et Monsieur Sick; qu'une telle détermination procède des dispositions, d'une part, de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 relative aux relations à caractère international se formant entre un intermédiaire et la personne qu'il est chargé de représenter et, d'autre part, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;
Considérant qu'au jour de la signature du contrat, Monsieur Sick avait son domicile et son établissement professionnel en France, que c'est avec ce pays que le contrat présente les liens les plus étroits ; qu'il emporte, en effet, un mandat de représentation commerciale de Monsieur Sick devant être exécuté sur un territoire régional de France, auprès d'une clientèle française ; que, de surcroît, il est rédigé en langue française;
Considérant qu'il résulte de ces constatations, qu'en application des conventions internationales ci-dessus visées, le contrat d'agent commercial ainsi que le litige relatif à sa résiliation, sont régis par la loi française;
Sur l'auteur de la rupture
Considérant qu'à la signature du contrat, la société Wedi GmbH avait accordé à Monsieur Sick l'exclusivité de la représentation de ses fabrications pour tous les départements d'Ile-de-France et de ceux du Loiret et de l'Yonne;
Considérant que par lettre du 16 juin 1994, la société Wedi GmbH a inclus dans la zone d'exclusivité le département de l'Eure-et-Loir ; que par un échange de lettres en janvier 1995, les parties sont convenues de soustraire du territoire les départements du Loiret et de l'Yonne;
Considérant que, par lettre du 28 juin 2004, la société Wedi GmbH a notifié à Monsieur Sick sa décision de retirer de son secteur, les départements 28, 75, 77, 94 et 93, ne lui laissant que ceux de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, des Yvelines et du Val-d'Oise;
Considérant que le contrat d'agent commercial est un mandat d'intérêt commun qui ne peut être modifié ou révoqué que par la seule volonté commune, par l'effet d'une stipulation du contrat ou pour une cause légitime reconnue en justice;
Considérant que la société Wedi GmbH a notifié à Monsieur Sick, par lettre du 23 juin 2004 (rectifiée le 28 juin), sa décision de retirer cinq des neufs départements sur lequel celui-ci prospectait, sans invoquer aucun motif ni justification;
Considérant qu'il convient de relever qu'une réunion des agents commerciaux français s'était tenue, au siège de la société Wedi France, les 9 et 10 mars 2004 et que le compte-rendu qui en a été dressé ne fait aucune mention d'un tel projet ; que la société Wedi GmbH n'a pas davantage fait état de difficultés quant aux résultats de Monsieur Sick ; qu'au contraire, le compte-rendu souligne une progression en 2003 de 36 % du chiffre d'affaires de Monsieur Sick sur son secteur alors que les prévisions pour cette année là avaient été limitées à 18 %;
Considérant qu'en notifiant à son agent commercial une suppression de plus de la moitié de son territoire sous un préavis limité de trois mois, la société Wedi GmbH ne pouvait ignorer qu'elle le privait d'une partie importante de ses commissions futures;
Considérant, à cet égard, que, par une lettre de protestation du 15 juillet 2004, Monsieur Sick a exposé, sans être contredit, que les départements retirés représentaient environ 80 % de son chiffre d'affaires;
Considérant, de surcroît, que Monsieur Sick expose, sans être contredit, que depuis le mois de juin 2004, un attaché commercial de la société Wedi prospectait déjà le secteur qui lui avait été confié en exclusivité et avait visité certains de ses clients ; que la réalité de cette prospection se trouve confirmée par cinq attestations délivrées par des clients situés à Alfortville, Choisy, Bobigny et Nanteuil les Meaux;
Considérant que l'ampleur de la réduction du territoire attribué à Monsieur Sick constituait une modification unilatérale du mandat d'intérêt commun, dépourvue de cause légitime ; que la seule affirmation d'une exploitation insuffisante du potentiel du secteur, jamais dénoncée à Monsieur Sick pendant les onze années de collaboration, avancée pour la première fois pendant la procédure et, au demeurant, contredite par les résultats 2003, ne saurait légitimer cette décision qui constitue une rupture unilatérale du contrat dont Monsieur Sick était parfaitement fondé à prendre acte ainsi qu'il l'a fait dans sa lettre du 15 juillet 2004;
Qu'il suit de là que la résiliation du contrat étant imputable à la seule volonté de la société Wedi GmbH, cette dernière n'est pas fondée à faire à Monsieur Sick le grief d'une inexécution de son préavis et à réclamer de ce chef une indemnité compensatrice; qu'elle doit, en conséquence, être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 68 000 euro;
Sur l'indemnité de cessation
Considérant que l'article L. 134-12 du Code de commerce édicte qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi;
Considérant que l'indemnisation doit correspondre à l'exact préjudice ; que, contrairement à ce que soutient Monsieur Sick, il n'existe à cet égard aucun usage de la profession d'agent commercial; qu'aucune règle jurisprudentielle ne peut être utilement invoquée quant au montant des indemnisations;
Considérant que le droit allemand n'étant pas applicable au litige, la société Wedi GmbH ne peut pas s'en prévaloir pour prétendre voir limiter l'indemnisation du préjudice à une année de commissions;
Considérant que Monsieur Sick a exercé son mandat d'agent commercial pendant plus de dix ans; que le montant du chiffre d'affaires généré par son action a été en constante évolution favorable; qu'il dépassait 90 000 euro en 1996, 200 000 euro en 1997, 500 000 euro en 1999, 800 000 euro en 2003 et 1 400 000 euro en 2004;
Considérant que Monsieur Sick s'est vu privé brutalement de revenus importants alors qu'aucune difficulté antérieure ne laissait envisager une cessation de son contrat ; que, né en 1947 et donc âgé de 57 ans au jour de la résiliation du contrat, la recherche et l'obtention d'une nouvelle carte ne pouvaient que demeurer incertaines pour palier la perte de revenus qui se sont élevés, en 2003, à un total de commissions de 135 482,21 euro;
Considérant, dans ces circonstances que le préjudice subi par Monsieur Sick en raison de la cessation du contrat d'agent commercial doit être arrêté à la somme de 270 000 euro;
Considérant qu'il est constant que la société Wedi GmbH a versé à Monsieur Sick, au titre de cette indemnisation, une somme de 135 482,21 euro ; qu'en application de l'article 567 du Code de procédure civile, la demande de sa restitution est recevable en cause d'appel puisque reconventionnelle ; qu'elle est, en revanche, mal fondée ; que la société Wedi GmbH en sera déboutée;
Considérant qu'en raison de ce paiement partiel de l'indemnité, la société Wedi GmbH sera condamnée à payer à Monsieur Sick la somme complémentaire de 134 517,79 euro au titre de l'indemnisation du préjudice de cessation du contrat;
Sur le préavis
Considérant que la décision de la société Wedi GmbH de modifier le secteur d'exclusivité consenti à Monsieur Sick a été notifiée à ce dernier par une lettre du 23 juin 2004, rectifiée le 28 du même mois, qui annonçait une prise d'effet au 1er octobre 2004;
Considérant qu'une deuxième lettre de la même date, " proposait " à Monsieur Sick de l'accompagner, dès le 1er juillet 2004, d'un attaché commercial qui sera en charge des départements soustraits afin de le piloter auprès des clients et de le former à la gamme des produits;
Considérant que, sans attendre la réponse et l'acceptation de Monsieur Sick à cette proposition, la société Wedi GmbH a fait prospecter, dès le mois de juin 2004, la clientèle de Monsieur Sick directement par cet attaché commercial qui a agit hors la présence de Monsieur Sick;
Considérant qu'il apparaît ainsi que le prétendu préavis accordé par la lettre des 23 et 28 juin n'était que formel ; que la société Wedi GmbH a exécuté, dès le mois de juin 2004 sa décision de restreindre le territoire exclusif de Monsieur Sick;
Considérant que ce comportement constituait une rupture unilatérale immédiate du contrat aux torts et griefs de la société Wedi GmbH qui, en agissant ainsi, a manqué à son obligation, édictée par l'article L. 134-11 du Code de commerce, de respecter un préavis de trois mois;
Considérant que la seule circonstance que, dans le courant du troisième trimestre civil 2004, la société Wedi GmbH a payé à Monsieur Sick des commissions, n'est pas de nature à démontrer le respect du préavis dès lors que ces règlements correspondaient à des affaires conclues par l'agent commercial antérieurement au premier juillet 2004 et seulement payées après cette date par l'effet retard de l'exécution des commandes et de leur facturation;
Considérant que Monsieur Sick est dès lors bien fondé à réclamer l'indemnisation de ce préavis non respecté ; que la société Wedi GmbH doit, en conséquence, être condamnée à payer à Monsieur Sick une somme de 34 000 euro correspondant à la moyenne trimestrielle des commissions 2003;
Frais de réemploi
Considérant que Monsieur Sick réclame une " indemnité de réemploi " en expliquant que sa possibilité de racheter une carte d'agent commercial se trouvera obérée par l'effet de la taxation au taux de 26 % de l'indemnité perçue pour la perte de la précédente;
Mais considérant, d'une part, que Monsieur Sick ne justifie aucunement avoir procédé au rachat d'une carte de telle sorte qu'il n'apporte pas la preuve du préjudice qu'il allègue ; que, d'autre part, l'indemnisation pour cessation du contrat vise à compenser la perte de clientèle ; qu'elle est d'ordre patrimonial et s'apprécie au jour de la cessation sans que ne doive être prise en compte son éventuelle taxation future ; qu'il ne convient pas de faire supporter au mandant la charge d'une fiscalité qui incombe au mandataire, lequel en aurait été seul débiteur dans le cas d'une cession de sa carte;
Considérant que Monsieur Sick sera en conséquence débouté de sa demande en paiement de la somme de 70 605 euro au titre de prétendus frais de réemploi;
Considérant que l'indemnité de clientèle a pour effet de réparer le préjudice résultant pour l'agent commercial de la cessation du contrat et, donc, de la perte de toute commission future ; qu'elle s'apprécie au jour où le contrat prend fin ; que lorsque cesse le contrat, l'agent perd tout droit à commissions sur les commandes postérieures à cette date;
Considérant, en conséquence, que Monsieur Sick n'est pas fondé à réclamer une indemnisation pour la perte de commissions sur des chiffres d'affaires réalisés par son ancien mandant avec la clientèle de son ancien territoire;
Considérant qu'en décider autrement aurait pour effet d'indemniser deux fois le même préjudice;
Que Monsieur Sick sera ainsi débouté de sa demande en paiement de la somme de 37 868,33 euro au titre d'un prétendu droit de suite;
Sur les autres demandes
Considérant que Monsieur Sick demande que soit donnée injonction aux sociétés Wedi GmbH et Wedi France de lui communiquer l'intégralité des documents comptables permettant de calculer sa rémunération sur l'ensemble de la période contractuelle;
Considérant, cependant, que la société Wedi GmbH ou la société Wedi France ont régulièrement adressé à Monsieur Sick le décompte et le règlement des commissions acquises par l'agent commercial ; que Monsieur Sick n'a jamais soulevé aucune contestation relative à ces calculs;
Considérant, de surcroît, que Monsieur Sick détient nécessairement le double des commandes qu'il a transmises à la société Wedi GmbH; qu'il dispose ainsi de tous les éléments comptables utiles pour calculer les commissions lui revenant par application des dispositions contractuelles et des moyens nécessaires pour discuter éventuellement les sommes acquises et pour apporter la preuve, dont il a la charge, de l'éventuel caractère erroné des décomptes que lui a adressés la société Wedi GmbH pendant les onze années d'exécution du contrat;
Que Monsieur Sick sera débouté de sa demande de ce chef;
Considérant que tant la société Wedi GmbH que la société Wedi France ne démontrent pas que l'exercice par Monsieur Sick d'une voie de recours que la loi lui réservait aurait dégénéré en abus, ni ne justifient du préjudice qu'elles allèguent que leurs demandes en paiement de dommages et intérêts doivent être rejetées;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à Monsieur Sick la charge des frais non compris dans les dépens qu'il a été contraint d'engager, tant en première instance qu'en cause d'appel ; que la société Wedi GmbH sera condamnée à lui payer une indemnité de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer des sommes sur le fondement du même texte à la société Wedi GmbH ou à la société Wedi France;
Considérant que la société Wedi GmbH qui succombe doit supporter la charge des dépens de première instance et d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris sauf en sa disposition mettant hors de cause la société Wedi France, et statuant à nouveau, Dit que le contrat d'agent commercial ainsi que le litige relatif à sa résiliation, sont régis par la loi française, Condamne la société Wedi GmbH à payer à Monsieur Jean-François Sick les sommes de 134 517,79 euro au titre du complément de l'indemnisation du préjudice de cessation du contrat, de 34 000 euro au titre de l'indemnité de préavis et de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute Monsieur Jean-François Sick du surplus de ses demandes indemnitaires comme de celle visant à faire injonction aux sociétés Wedi GmbH et Wedi France de communiquer des documents comptables, Déboute la société Wedi France de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Wedi GmbH aux dépens des deux instances, Dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP Keime Guttin Jarry, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.