Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 08-44.848
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Alma Consulting Group (Sté)
Défendeur :
Baiata
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauviré (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Linden
Avocat général :
M. Carré-Pierrat
Avocats :
SCP Bachellier, Potier de La Varde, SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 juin 2008), que M. Baiata a été employé à compter du 12 février 2001 en qualité d'ingénieur commercial par la société Alma Consulting Group ; que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence pendant une durée de deux années et une rémunération compensatrice versée mensuellement pendant 12 mois d'un montant égal à 20 % du dernier salaire mensuel fixe ; que M. Baiata percevait une rémunération fixe et une rémunération variable en fonction des objectifs commerciaux fixés chaque année ; qu'un avenant du 9 septembre 2003 à un accord d'entreprise du 26 mars 2002 a fixé de nouvelles modalités concernant les clauses de non-concurrence ; que M. Baiata a été licencié le 25 mars 2005 pour faute grave ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de l'employeur : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur : - Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
Attendu que l'arrêt retient que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse, mais non par une faute grave ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que M. Baiata avait eu à plusieurs reprises des gestes inconvenants vis-à-vis d'une de ses collègues malgré les remarques et protestations de celle-ci, ce dont il résultait que de tels agissements du salarié rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et constituaient une faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa première branche : - Vu les articles L. 2254-1 du Code du travail et 1134 du Code civil, ensemble l'accord d'entreprise de la société Alma Consulting Group du 27 mars 2002 modifié par avenant du 9 septembre 2003 ; - Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ; que le dernier prévoit qu'il sera versé au salarié pendant toute la durée de l'engagement de non-concurrence (24 mois), selon le calcul le plus favorable, 1/12e de 25 % de la partie fixe annuelle brute de sa rémunération, ou 1/12e de 20 % de la moyenne des douze derniers mois de sa rémunération globale annuelle ;
Attendu que pour déclarer nulle la clause de non-concurrence et condamner l'employeur à payer au salarié à ce titre des dommages-intérêts, l'arrêt retient que cette clause comportait une contrepartie financière versée pendant un temps inférieur à la durée de la clause et calculée sur une partie seulement de la rémunération ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la disposition de l'accord collectif relative au montant de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, plus favorable que celle du contrat de travail, devait recevoir application, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa troisième branche : - Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ; - Attendu que pour déclarer nulle la clause de non-concurrence et condamner l'employeur à payer au salarié à ce titre des dommages-intérêts, l'arrêt retient que cette clause comporte une interdiction de concurrence s'étendant à l'ensemble du territoire français ;
Attendu, cependant, que la seule extension du champ d'application géographique à l'ensemble du territoire français de la clause ne rendait pas en soi impossible l'exercice par le salarié d'une activité professionnelle et qu'il appartenait donc à la cour d'appel de rechercher si, compte tenu de la limitation de l'interdiction à l'activité de conseil en management rémunérée selon les résultats dégagés et aux clients et fournisseurs de l'employeur, l'intéressé se trouvait dans l'impossibilité d'exercer une activité conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de commissions, l'arrêt retient que ce dernier ne peut réclamer, postérieurement à la rupture de son contrat de travail, les commissions prévues par l'avenant du 19 mars 2004 fixant un minimum de commissions en cas de départ de la société en 2004, alors qu'il a refusé de signer le nouvel avenant au titre de l'année 2005 prévoyant de nouvelles modalités pour ce qui concerne un départ de la société dans l'année 2005 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit à commissions du salarié résultait de son contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société Alma Consulting Group à payer à M. Baiata des sommes à titre de rappel de salaire, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts au titre de la clause de non-concurrence, et le déboute de sa demande de rappel de commissions, l'arrêt rendu le 26 juin 2008, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef du licenciement ; Déboute M. Baiata de ses demandes au titre de son licenciement ; Renvoie la cause et les parties pour qu'il soit statué sur les points restant en litige devant la Cour d'appel de Paris ; Laisse à chaque partie la charge de ses propre dépens.