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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ. B, 5 mars 2009, n° 08-01917

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SM Stic (SAS)

Défendeur :

JD (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flise

Conseillers :

Mme Devalette, M. Maunier

Avoués :

SCP Aguiraud-Nouvellet, Me Barriquand

Avocats :

SCP Hamel, Parado, Selarl Seigle & Associés Primalex, Me Barrié

T. com. Lyon, du 19 févr. 2008

19 février 2008

La société JD SARL, revendiquant le statut d'agent commercial de la SM Stic, a saisi d'abord le juge des référés du Tribunal de commerce de Lyon, qui a lui-même saisi la juridiction consulaire au fond, en paiement de 159 048,13 euro TTC à titre de commissions et a sollicité la communication des chiffres d'affaires réalisés avec les clients Kid Cool, Kiabi, Halle aux vêtements et Système U. Au cours de cette procédure au fond, la société JD SARL a également sollicité des dommages-intérêts pour rupture abusive des relations commerciales, outre une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de procédure.

Par jugement du 19 février 2008, le tribunal de commerce :

- a dit que la société JD SARL n'apportait pas la preuve de son activité d'agent commercial,

- l'a déboutée de ses demandes d'indemnisation pour rupture abusive d'un contrat d'agent commercial,

- a enjoint à la société SM Stic de communiquer à la société JD, sous astreinte, le chiffre d'affaires réalisé avec les clients ci-dessus énoncés pour les collections hiver 2006 et 2007, et s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- a condamné la société SM Stic à payer la somme de 72 766,92 euro TTC au titre des commissions pour 2006 et janvier 2007, somme à compléter d'un montant calculé sur la base d'un taux de 3 % sur les chiffres d'affaires réalisés avec les 4 clients pour la collection hiver 2006 et multiplié par 13/12e,

- a constaté la rupture sans préavis des relations commerciales et a alloué à ce titre 3 mois de commissions, soit 33 993 euro, montant à majorer du quart du complément de commissions à calculer pour l'année 2006,

- a ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur de 106 760 euro, avec caution bancaire,

- a alloué une indemnité de procédure de 3 000 euro à la société JD.

Par déclaration du 21 mars 2008, la société SM Stic a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières écritures, qui sont expressément visées par la cour, la société SM Stic demande :

- la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que la société JD n'apportait pas la preuve d'une activité d'agent commercial et en ce qu'il l'a déboutée, en conséquence, de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive,

- l'infirmation du jugement pour le surplus et :

* le rejet de la demande d'indemnité de préavis,

* le rejet des demandes de dommages-intérêts et d'indemnisation de la JD SARL,

* le rejet de la demande de paiement de commissions pour l'été et l'hiver 2006, qui ont été payées et l'instauration d'une mesure d'expertise pour le vérifier,

* le rejet de la demande de commissions sur janvier 2007,

* la condamnation de la société JD à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle présente tout d'abord un exposé historique des relations contractuelles qui ne sont établies par aucun écrit, exposé selon lequel Monsieur Nouchi, retraité et ancien salarié du groupe Z (Zannier) aurait proposé à Monsieur Maman, dirigeant de la société SM Stic, de le mettre en relation avec ce groupe et avec la société Orchestra avec une rémunération de simple apporteur d'affaires.

Elle considère que cette qualification des relations contractuelles entre la société SM Stic et Monsieur Nouchi uniquement, est confirmée :

- par l'absence de mention de la société JD, et d'échange de correspondances entre le Groupe Zannier et cette société, toutes les télécopies étant établies au nom de Monsieur Nouchi et adressées au siège de la société SM Stic.

- par l'absence de production du moindre bon de commande par Monsieur Nouchi qui n'est pas le gérant ou par la société JD qui se contente d'établir des factures de commissions sans produire le justificatif d'actes de négociation ou de vente pour le compte de la société SM Stic au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce, ce qui diffère des notions de "suivi commercial" ou de "suivi de dossier" visées dans les attestations.

La société SM Stic conteste à cet égard les attestations du président du groupe Zannier, qui ne dirigeait pas le groupe au moment des faits, ou celles du président de la société Orchestra qui sont contredites par les mails des acheteurs de ces sociétés adressées directement à la société SM Stic ou à ses dirigeants (Jacques et David Maman).

La société SM Stic s'oppose en conséquence aux demandes de dommages-intérêts de la société JD tant pour rupture abusive d'un contrat d'agent commercial que pour rupture de relations contractuelles sans préavis et dommages-intérêts à hauteur de 3 mois de commissions.

Sur les commissions réclamées, la société SM Stic conteste les devoir dans la mesure où les calculs opérés par la société JD se basent sur des projets de commande et non sur des commandes livrées et facturées et que tout ce qui a été versé à Monsieur Nouchi l'a été sur la base de tableaux non contestés par celui-ci et sur des taux appliqués d'un commun accord sur plusieurs années et qui étaient variables en fonction de la marge finale et des quantités vendues.

Sur l'année 2006, elle indique avoir réglé encours de procédure l'intégralité des commissions dues et conteste devoir des commissions sur les clients Kiabi, Système U et HAV, Monsieur Nouchi n'étant intervenu que comme chauffeur de Monsieur Maman lorsque celui-ci ne pouvait se déplacer seul en raison d'un accident.

Elle indique ne pas s'opposer à une mesure d'expertise, dans la mesure où les sommes sont importantes et où elle a constaté elle-même un écart en sa faveur de 57 790,38 euro entre celles figurant dans sa comptabilité et celles figurant dans la comptabilité de la société JD.

Aux termes de ses dernières écritures, qui sont expressément visées par la cour, la société JD, en liquidation judiciaire amiable, représentée par son liquidateur Madame Nouchi, demande la confirmation du jugement sur la reconnaissance d'un solde de commissions mais son infirmation, pour le surplus.

Elle demande :

- qu'il lui soit reconnu le statut d'agent commercial,

- que la société SM Stic soit condamnée en conséquence à lui verser les sommes suivantes :

* 268 751,80 euro au titre de l'indemnité résultant du préjudice subi pour rupture unilatérale

* 33 993,97 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- que la société SM Stic soit condamnée à lui verser, en tout état de cause, la somme de 33 993,97 euro sur le fondement de l'article L. 442-6 5 du Code de commerce,

- qu'au titre des commissions, la société SM Stic soit déboutée de sa demande d'expertise et condamnée à lui verser sur les exercices 2006 et 2007 la somme totale de 167 292,25 euro sur le fondement de l'article L. 134-1 du Code de commerce;

- qu'il lui soit alloué une indemnité de procédure de 7 000 euro.

Elle soutient tout d'abord que depuis l'exercice 2001, elle a été l'agent commercial de la société SM Stic ayant toujours négocié et parfois même conclu, pour le compte de celle-ci des contrats.

Pour prouver la négociation de contrats, elle indique produire :

- des attestations de clients (groupe Zannier, société Orchestra) et surtout d'une ancienne salariée de SM Stic, Madame Morel,

- des télécopies adressées à la société JD ou Monsieur Nouchi par les clients ou inversement, desquelles il ressortirait des négociations de prix ou de conditions de vente,

- les originaux des bons de commande transmis par Monsieur Nouchi à la société SM Stic,

Sur le caractère indépendant et permanent de son activité, elle fait valoir :

- qu'elle n'était soumise à aucune contrainte organisationnelle et qu'elle a payé les frais de déplacements de Monsieur Nouchi,

- qu'elle a perçu chaque année de 2001 à 2005 des commissions allant de 187 409 euro à 109 648 euro, ce qui contredit les affirmations de la société SM Stic sur l'absence de statut d'agent commercial, et sur l'absence de lien avec la société JD, dont la gérante est Madame Nouchi et l'associé Monsieur Nouchi,

Sur le montant des commissions qu'elle réclame à la société SM Stic, elle s'oppose à l'instauration d'une expertise, demande formulée pour la première fois en cause d'appel et inutile.

Elle considère que le taux moyen de commissions à appliquer est de 3,53 %, par rapport aux exercices 2003, 2004, 2005 et chiffre :

- pour la collection hiver 2006, hors clients ci-après énoncés, sa commission à 164 123,31 euro alors qu'elle n'a perçu qu'une avance de 60 000 euro TTC, soit un différentiel de 104 123,31 euro

- sur les clients Kiabi, Kid Cool, HAV et Système U, la somme due à 12 787,87 euro TTC,

Soit pour l'année 2006, un total de 116 911,18 euro dont il faut déduire la somme de 14 535,59 euro versée en cours de délibéré soit un solde de 102 375,59 euro.

Sur la collection été 2007, la société JD réclame, toujours sur la base du taux de 3,53 % et en fonction des chiffres d'affaires produits par la société SM Stic, la somme de 64 916,66 euro TTC.

Sur l'indemnité compensatrice réclamée au visa de l'article L. 134-12 du Code de commerce, et dans le délai d'un an visé à cet article, la société JD fait valoir que la société SM Stic était depuis 2001 son client le plus important (81 % du chiffre d'affaires réalisé en 2005) et que la rupture lui a occasionné des difficultés financières importantes. Elle réclame 2 années de commissions calculées sur la moyenne des 3 dernières années et une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois, soit 33 993 euro sur le fondement de l'article L. 134-11.

Elle demande, en tout état de cause, la confirmation du jugement qui lui a alloué cette même somme, ce sur le fondement de l'article L. 442-6 4°.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 janvier 2009.

Sur ce :

Sur le statut d'agent commercial revendiqué par la société JD et ses demandes subséquentes:

Aux termes de l'article L. 134-1 du Code de commerce " l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, est chargé de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achats, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autre agents commerciaux.

Il peut être une personne physique ou une personne morale ".

Le statut légal d'agent commercial ne dépend pas de la qualification donnée par les parties dans le contrat, ni, comme en l'espèce, en l'absence de contrat écrit, de la qualification qui peut en être donnée par des tiers à cette relation, mais des conditions dans lesquelles l'activité a été effectivement exercée permettant de déterminer si cette activité répond aux critères ci-dessus énoncés.

En l'espèce, la société JD réclame le statut d'agent commercial à l'égard de la société SM Stic, bien que le partenaire direct de celle-ci ait été Monsieur Claude Nouchi, associé de la société JD, dont la gérante est son épouse. La société SM Stic qui a réglé les factures de commissions à la société JD et qui connaissait donc ce montage juridique, ne soulève aucun moyen d'irrecevabilité contre l'action engagée, par ailleurs, dans l'année de la rupture.

Sur le fond, la société JD doit apporter la preuve qu'elle avait le pouvoir de représenter de manière permanente et indépendante la société SM Stic et de négocier pour le compte de celle-ci les conditions contractuelles (prix, délais, quantités) des commandes des clients, voire de conclure les contrats avec ces derniers.

En l'espèce, la société JD, dans le cadre d'une volumineuse communication de pièces, produit une attestation de Monsieur Molter, président actuel du groupe Zannier, et à l'époque des faits, directeur général de ce groupe, et une attestation de Monsieur Mestre président de la société Orchestra qui qualifient Monsieur Nouchi d'agent commercial de la société SM Stic et le décrivent tous deux comme acteur principal de la négociation des commandes. Outre le fait que cette qualification d'agent commercial ne peut résulter de la seule appréciation de tiers, sans contacts direct, du fait de leurs fonctions, avec l'intéressé, ces attestations, insuffisamment circonstanciées sont contredites par les très nombreux échanges de courriers électroniques émanant ou adressés aux acheteurs de ces deux sociétés, correspondants directs de la société SM Stic sur les conditions de prix, de livraisons et de délais, sur lesquels les seuls interlocuteurs de cette société, sont désignés comme étant Jacques ou David Maman, Monsieur Nouchi n'apparaissant, dans de rares documents techniques, sous son nom ou son prénom de Claude, qu'avec la référence et la domiciliation SM Stic.

De la même façon, toutes les correspondances en direction ou émanant des importateurs, ou les demandes d'échantillon ou fiches de suivi des clients Zannier, Orchestra, Confetti, Ikks, Kookai etc... présentent également ces caractéristiques, ce qui confirme les attestations de Monsieur Plavinet, chef de produit du Groupe Zannier, de Madame Bambrugge, responsable style de ce même groupe, ou de Madame Tissier, responsable achats de la société Orchestra qui font état de l'intervention de Monsieur Nouchi dans le suivi des commandes et la mise au point des produits, la finalisation des commandes et la consolidation des prix étant effectuées en direct par Jacques (ou plus rarement David) Maman.

De tous ces documents et attestations, il ressort que Monsieur Nouchi n'est intervenu auprès de la société SM Stic que comme facilitateur d'affaires, courtier ou conseiller technique et qu'il n'est en mesure de produire aucun bon de commande établi à son nom ou au nom de la société JD pour le compte de la société SM Stic, le seul fait qu'il produise trois bons de commande en original émanant de la centrale d'achats du groupe Zannier, sur lesquels ni son nom ni celui de la société JD n'apparaît, ne suffisant pas à établir qu'il était à l'origine de ces commandes. A cet égard, l'attestation de Madame Morel, ancienne assistante produits de la société SM Stic, qui fait état de remise directe de bons de commandes de la part de Monsieur Nouchi ne peut suppléer à la carence de celui-ci dans la production d'un quelconque document confirmant cette allégation.

Enfin, les quelques factures d'hôtel sur Paris ou Lille ou les 3 billets d'avion à destination de la Chine produits par la société JD, sans corrélation, de surcroît, de ces déplacements avec l'activité de Monsieur Nouchi pour la société SM Stic, ne suffisent pas à établir le caractère indépendant de cette activité, alors que tous les courriers adressés à Monsieur Nouchi personnellement, ou le plus souvent à Maman-Nouchi, le sont au siège de la société SM Stic et que la société JD, qui ne justifie, ni prétend d'ailleurs, être immatriculée au RC comme agent commercial, fait état d'une autre activité commerciale pour son compte, affirmation contredite par l'attestation de son expert-comptable sur l'absence de flux financiers entrants autres que les commissions à recevoir de la société SM Stic.

Dans ces conditions, le jugement qui a débouté la société JD de sa prétention au statut d'agent commercial et de ses demandes d'indemnisation subséquentes au titre de la rupture d'un tel contrat, doit être confirmé.

Sur la rupture sans préavis de relations commerciales établies :

Depuis l'année 2001, il est constant et non contesté que Monsieur Nouchi, via la société JD et la société SM Stic ont entretenu un courant d'affaires organisé et régulier, sur lequel il a été versé pendant toutes ces années des commissions, et constitutif d'un lien contractuel à durée indéterminée auquel la société SM Stic pouvait mettre fin à tout moment, sous réserve d'un préavis suffisant.

Il est également établi que ces relations commerciales ont pris fin en janvier 2007 à l'initiative de la société SM Stic qui, sans préavis, a cessé de régler les commissions ce qui ouvre droit pour la société JD à une indemnisation de son préjudice sur le fondement de l'article L. 442-6 4° du Code de commerce.

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a exactement ordonné, sur ce fondement, l'indemnisation de la société JD à hauteur de 33 993 euro, somme correspondant à un délai suffisant de 3 mois de préavis, dont la société JD demande la confirmation et qui n'est contestée que dans son principe mais non dans son montant, par la société SM Stic.

Sur le compte de commissions :

La société SM Stic, qui prétend, par simple comparaison du décompte de commissions produit par la société JD et de son propre décompte de commissions, qui n'est pas certifié par son expert comptable, à un trop-versé de commissions à la société JD, doit être déboutée de sa seule demande d'expertise destinée à refaire ce décompte depuis 2001, début de la collaboration, alors qu'elle ne justifie pas de manière sérieuse de ce différentiel et ne formule aucune demande en paiement.

De son côté, la société JD, qui ne bénéficie pas du statut d'agent commercial, n'est pas fondée à réclamer des commissions sur la période postérieure à la cessation de la collaboration et ne justifie pas, pour la période antérieure, qu'elle n'a pas touché, en tenant compte du règlement d'un solde de commissions de 14 535,59 euro, effectué par la société SM Stic en cours de délibéré de 1re instance, l'intégralité des commissions qui lui étaient dues d'autant qu'elle effectue son calcul de commissions sur la base, dans certains cas, de documents précontractuels, qui ne sont pas des bons de commandes ou des factures, et en appliquant un taux moyen de 3,53 % alors que l'examen des décomptes de commissions depuis 2001, non contestés jusque-là, fait apparaître que le taux était variable de 0 à 5 %, en fonction des quantités vendues et du taux de marge respectivement réalisé sur ces ventes, de sorte que l'application d'un taux moyen au calcul des commissions, est erroné.

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a accueilli, sous réserve de complément, la demande en paiement de solde de commissions de la société JD.

Sur les autres demandes :

La société SM Stic doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée sur le fondement des dispositions de ce même article à verser à la société JD la somme de 3 000 euro supplémentaires.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris sauf sur la condamnation de la société SM Stic en paiement d'un solde de commissions, Et statuant à nouveau sur ce chef de demande, Déboute la société JD de sa demande en paiement de soldes de commissions sur les exercices 2006 et 2007; Y ajoutant, Condamne la société SM Stic à verser à la société JD la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société SM Stic aux dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Barriquand.