CA Chambéry, ch. com., 7 juillet 2009, n° 08-01523
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
ATF (SAS)
Défendeur :
JMS (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Robert
Conseillers :
MM. Grenier, Morel
Avoués :
SCP Forquin-Rémondin, SCP Dormeval-Puig
Avocats :
Selarl FDA Fallion-Dubreuil, Me Pawletta
Faits et procédure
Entre février et septembre 2006, la société ATF a mensuellement réglé à la société JMS des commissions assises sur le chiffre d'affaires résultant de la vente de matériels de prothèses médicales.
Par courrier recommandé du 04/12/2006, la société JMS a demandé à la société ATP de lui établir un contrat d'agent commercial.
Aucun accord n'ayant pu intervenir, la société JMS, par acte du 26/3/2007, a assigné la société ATF devant le Tribunal de grande instance de Bonneville, statuant en matière commerciale aux fins qu'il dise que les parties étaient liées par un contrat d'agent commercial, prononce la résiliation de ce contrat aux torts exclusifs du mandant, la société ATF, et la condamne à lui payer la somme de 3 416,15 euro avec intérêts au titre des commissions dues pour les mois d'août à septembre 2006, à produire sous astreinte les relevés de commandes pour les mois d'octobre à décembre 2006, à lui payer les commissions correspondantes, ainsi que la somme de 58 117,44 euro au titre du droit à réparation et une somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 09/06/2008 le tribunal a :
- dit que les parties étaient liées par un contrat d'agent commercial régi par les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,
- prononcé la résiliation de ce contrat aux torts exclusifs de la société ATF,
- condamné la société ATF à payer à la société JMS la somme de 3 416,15 euro outre intérêts au taux légal à compter du 08/01/2007 au titre des commissions dues pour les mois d'août et septembre 2006,
- ordonné à la société ATF de produire sous peine d'astreinte de 300 euro par jour de retard les relevés des commandes à elle passées par tous chirurgiens prothésistes et traumatologues du Nord de la France pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2006, et ce, au terme d'un délai d'un mois après la signification du jugement, le Tribunal de grande instance de Bonneville, statuant en matière commerciale, étant déclaré compétent pour la liquider,
- condamné la société ATF à payer à la société JMS la somme de mémoire euro au titre des commissions dues pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2006,
- condamné la société ATF à payer à la société JMS la somme de 58 117,44 euro au titre du droit à réparation (indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce),
- condamné la société ATF à payer à la société JMS la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le tribunal a estimé qu'il existait bien un contrat d'agent commercial entre les parties, caractérisé par le paiement pendant 8 mois par la société ATF de commissions correspondant à 35 % du montant des marchés conclus à son profit dans le Nord de la France, au vu de factures émises par la société JMS sur production spontanée par la société ATF des commandes de ses propres clients, circonstance corroborée par les attestations de chirurgiens démarchées par JMS au nom et pour le compte de ATF.
Il a ensuite retenu qu'en refusant de régler amiablement les commissions qu'elle savait dues au titre des mois d'août et septembre 2006, puis celles des trois mois suivants, et en refusant de formaliser par écrit les relations contractuelles existant entre les parties et de reconnaître à la société JMS le statut d'agent commercial, la société ATF a eu un comportement fautif et a ainsi rompu le contrat à ses torts.
Par déclaration reçue au greffe le 25/06/2008, la société ATF a relevé appel de cette décision.
Prétentions et moyens des parties
La société ATF demande à la cour :
- de réformer le jugement déféré,
- de débouter la société JMS de toutes ses demandes,
- de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient qu'en l'absence de mandat, caractérisé par la possibilité d'effectuer des actes juridiques pour le compte d'autrui, le contrat d'agent commercial n'a pas pu se former.
Elle ajoute que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la société JMS n'a jamais eu une activité de négociations, mais qu'elle devait simplement assurer les visites au bloc opératoire et l'assistance technique, ce qu'elle n'a pas fait, de sorte qu'elle a cessé de la payer.
Elle fait valoir que cette société n'était que le visiteur des chirurgiens qui passaient directement leurs commandes à ATF, sans effectuer d'actes juridiques, c'est-à-dire un prestataire de service rémunéré à la commission, sur un faible volume d'activité, et qui n'a jamais apporté la moindre clientèle.
La société JMS demande à la cour :
- de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions
- de dire que la cour pourra liquider l'astreinte,
- de condamner la société ATF à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient qu'elle a œuvré en qualité d'agent commercial pour le compte de la société ATF.
A cet égard, elle fait valoir que son activité de négociation et de promotion des produits de cette société ainsi que d'assistance technique est démontrée par les attestations des chirurgiens et les relevés de commande que lui adressait cette société, suivis de l'émission des factures afférentes et de leur paiement, pareille intervention correspondant à la prestation type d'un agent commercial dans ce secteur précis d'activité.
Motifs
Attendu que l'article L. 134-1 du Code de commerce définit l'agent commercial comme un mandataire, qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de service, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux;
Attendu que le critère essentiel de cette activité réside donc dans la possibilité de négocier ou de conclure des contrats pour le compte d'autrui, la qualification de mandataire employée par l'article précité ne constituant pas une exigence autonome impliquant nécessairement la conclusion d'actes juridiques au nom et pour le compte du mandant, comme le soutient à tort l'appelante;
Qu'en effet, ce texte étend cette qualification non seulement à la représentation du mandant dans la conclusion d'un contrat, mais, au-delà, à la négociation avec les clients potentiels en vue de la conclusion d'un acte qui sera ultérieurement directement consenti par le mandant;
Attendu qu'il résulte des productions que de février à septembre 2006 la société ATF a communiqué mensuellement à la société JMS, qui exerçait déjà une activité d'agent commercial pour le compte de plusieurs sociétés tierces, le montant du chiffre d'affaires HT provenant de ses ventes de matériels prothétiques, la société JMS facturant en retour à ATF une commission, correspondant à 35 % de ce chiffre d'affaires, que cette dernière lui réglait ensuite;
Que dans leurs attestations concordantes les docteurs Desrousseaux, Decoopman, d'Almeida, chirurgiens orthopédistes, indiquent qu'ils ont posé des produits de la société ATF représentée par M. Jovenet, gérant de la société JMS, et que celui-ci était chargé de négocier, conclure des contrats d'achat pour le compte d'ATF;
Qu'en outre la société JMS justifie qu'elle avait en sa possession la documentation technique afférente aux produits diffusés par la société ATF;
Attendu que l'activité habituelle de négociation de la société JMS en vue de la vente par la société ATF de ses produits, rémunérée par voie de commissions assises sur le chiffre d'affaires réalisé, se trouve ainsi établie.
Attendu que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que les parties étaient liées par un contrat d'agent commercial;
Attendu que la société ATS ne démontre pas que la société JMS aurait failli à sa mission, alors qu'elle ne lui a jamais adressé aucun reproche ni mise en demeure à ce titre;
Attendu qu'en refusant de formaliser par écrit un contrat d'agent commercial, en violation des dispositions de l'article L. 134-2 du Code de commerce, de verser à son agent les commissions relatives aux mois d'août et septembre 2006 et de fournir les éléments comptables permettant de procéder au calcul des commissions dues au titre du dernier trimestre 2006, la société ATF a commis des fautes justifiant la rupture de la convention à ses torts;
Que la société JMS a droit au paiement des commissions afférentes aux mois d'août et septembre 2006 ainsi qu'à celles relatives au dernier trimestre 2006, dont la société JMS a refusé de transmettre les chiffres d'affaires;
Qu'en application des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce elle peut également prétendre à une indemnité compensatrice du préjudice résultant pour elle de la cessation de ses relations avec son mandant;
Que toutefois, cette indemnité a été surévaluée par le premier juge, qui l'a fixée à deux annuités de commissions, en se référant à la jurisprudence habituelle en matière de contrats en vigueur depuis plusieurs années, alors qu'en l'espèce la relation contractuelle n'a même pas duré un an;
Qu'il y a donc lieu de la réduire à la somme de 20 000 euro;
Attendu, que, pour le surplus, le jugement entrepris sera confirmé, sauf à ne faire courir l'astreinte prononcée que passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et à dire qu'elle sera liquidée, le cas échéant, par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Bonneville, la juridiction de première instance qui s'en était réservée la possibilité, ayant, depuis lors, perdu sa compétence commerciale;
Attendu, enfin, qu'il sera alloué à la société JMS une somme de 1 300 euro en dédommagement de ses frais irrépétibles d'appel;
Que la demande formée de ce chef par la société ATF, qui succombe, sera rejetée;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité compensatrice, le point de départ de l'astreinte et la juridiction qui pourra, le cas échéant, la liquider, Statuant à nouveau de ces chefs, Condamne la société ATF à payer à la société JMS la somme de 20 000 euro au titre de l'indemnité compensatrice, Dit que l'astreinte fixée par les premiers juges courra passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, Dit que le juge de l'exécution de Bonneville sera compétent pour liquider, le cas échéant, ladite astreinte, Y ajoutant, Condamne la société ATF à payer à la société JMS la somme de 1 300 euro en dédommagement de ses frais irrépétibles d'appel, Rejette les autres demandes, Condamne la société ATF aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Dormeval Puig, avoués.