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Décisions

Conseil Conc., 16 juin 1998, n° 98-D-35

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Concernant l'exécution de la décision n° 93-MC-03 du 30 mars 1993 relative à des pratiques de la société SFTF-Interflora

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de Mme Daudret-John, par M. Barbeau, président, M. Cortesse, vice-président, , M. Rocca, membre, désigné en remplacement de M. Jenny, vice-président, empêché.

Conseil Conc. n° 98-D-35

16 juin 1998

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu les lettres enregistrées le 22 novembre et le 3 décembre 1993 sous le numéro R 15, par lesquelles la société Floritel a saisi le Conseil de la concurrence du non respect des injonctions prononcées par la décision n° 93-MC-03 du 30 mars 1993 relative à des pratiques de la société SFTF-Interflora ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la décision n° 93-MC-03 du 30 mars 1993, relative à des saisines et des demandes de mesures conservatoires présentées par les sociétés Téléfleurs-France, Transélite, Floritel, Fax Flor et Euroflora ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Floritel et SFTF-Interflora entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. - Constatations

a. - Les injonctions prononcées

Par décision n° 93-MC-03 du 30 mars 1993 susvisée, le Conseil de la concurrence a enjoint à la SFTF-Interflora de " supprimer de son règlement intérieur dit " règlement contractuel 93 " et de la "notice explicative" qui l'accompagne, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, toute référence à l'obligation pour les " spécialistes Interflora " de n'appartenir qu'à son seul réseau ". Il a également enjoint à la SFTF-Interflora et dans un délai de quinze jours " d'adresser d'une part, aux destinataires de la lettre du 1er février 1993 une lettre recommandée annulant expressément les termes de cette lettre et d'autre part, à l'ensemble des membres du réseau une copie de la présente décision ".

Cette décision a été notifiée le 30 mars 1993 à la SFTF-Interflora qui en a accusé réception le 6 avril 1993.

b. - L'exécution des injonctions

1. L'exécution des injonctions proprement dites

Il ressort de l'instruction que, par lettre en date du 29 avril 1993, M. Denis Fastout, président-directeur général de la SFTF-Interflora, a fait savoir au Président du Conseil de la concurrence qu'il avait adressé à l'ensemble des fleuristes à l'enseigne Interflora et aux destinataires de la lettre du 1er février 1993 une lettre leur précisant qu'en application de l'article 2 de la décision n° 93-MC-03, toute référence à l'obligation pour les " spécialistes Interflora " de n'appartenir qu'à son seul réseau était supprimée du règlement contractuel et de sa notice explicative et que, en application de l'article 3, les termes de la lettre du 1er février 1993 étaient expressément annulés. Il a ajouté qu'une copie de la décision du Conseil de la concurrence était jointe à cette lettre qui précisait que ces mesures conservatoires avaient été prises dans l'attente d'une décision définitive du Conseil et qu'Interflora ferait connaître prochainement les caractéristiques du statut de spécialiste dans un futur règlement tenant compte des décisions du Conseil.

M. Fastout a précisé que ce courrier avait été adressé par lettre recommandée du 13 avril 1993 et qu'il avait suspendu, dans les règles et procédures de gestion d'Interflora, toutes les pratiques qui tenaient compte de la référence supprimée.

Les termes de la lettre du 13 avril 1993 sont les suivants :

" Cher Interfloriste,

Le Conseil de la concurrence vient de nous notifier la décision rendue à la suite des plaintes des sociétés Téléfleurs, Transélite et Floritel. Veuillez en trouver la copie ci-jointe.

En exécution de cette décision, vous devez, pour le moment, considérer d'une part que toute référence à l'obligation pour les "spécialistes Interflora" de n'appartenir qu'à son seul réseau est supprimée du règlement contractuel d'avril 1993 et de la note explicative qui l'accompagne, d'autre part que les termes de notre lettre du 1er février 1993 sont expressément annulés.

Ceci n'est qu'une mesure conservatoire et, donc, provisoire, prise dans l'attente d'une décision définitive du Conseil de la concurrence.

Le statut de spécialiste n'étant pas, en lui-même, remis en cause aujourd'hui, il subsiste. Nous vous ferons connaître prochainement les avantages et les obligations qui y sont attachés, dans un règlement dont le texte tiendra compte des décisions du Conseil de la concurrence.

Veuillez agréer, Cher Interfloriste, l'expression de mes meilleurs sentiments.

Le président-directeur général "

Par procès-verbal d'audition du 5 février 1998, M. Monville, président-directeur général de la SFTF-Interflora depuis 1997, et M. Dagez, directeur informatique, ont déclaré :

" S'agissant du règlement intérieur 1993, il n'a réellement été modifié qu'au début de l'année 1994, une modification au cours de l'année 1993, après la décision du Conseil de la concurrence, aurait été trop coûteuse, et nous avons pensé que la lettre de M. Fastout, par son caractère très explicite, était conforme aux injonctions du Conseil de la concurrence ".

M. Monville a également précisé : " Dans le cas où un fleuriste a adhéré au réseau Interflora entre avril 1993 et début 1994, je pense que nous lui avons donné le règlement intérieur 1993, accompagné de la lettre de M. Fastout, rectifiant ce règlement conformément à la décision du Conseil de la concurrence ".

Il ressort également de l'instruction que, dans les règlements contractuels postérieurs à la décision du Conseil de la concurrence (règlements 1993-1994-1995 et 1997, le règlement contractuel 1995 ayant été reconduit en 1996), toute référence à l'obligation pour " les spécialistes Interflora " de n'appartenir qu'au seul réseau Interflora a disparu.

2. Les modalités d'exécution

Les délais et les formes imposés à la société Interflora par le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 93-MC-03 ne sont pas uniformes pour l'exécution de l'ensemble des injonctions susvisées : l'injonction figurant à l'article 2 devait être exécutée dans le mois à compter de la notification de la décision soit au plus tard le 6 mai 1993. Quant aux prescriptions de l'article 3, Interflora avait l'obligation, dans les quinze jours à compter de la notification, soit au plus tard le 21 avril 1993, d'exécuter l'injonction par voie de lettre recommandée.

Il ressort de l'instruction que la société Interflora a indiqué avoir procédé le 13 avril 1993 à l'envoi par pli recommandé de la lettre reproduite supra, accompagnée de la décision du Conseil de la concurrence, à chaque membre de son réseau, soit environ 5 000 personnes, et qu'elle a par conséquent respecté le délai de quinze jours fixé par la notification.

A l'appui de ses dires, la société Interflora a produit les documents suivants :

D'une part, une facture d'affranchissement adressée à Interflora pour le mois d'avril 1993 par La Poste pour une consommation brute de 97 535,90 F et un net à payer de 95 885,87 F (après remboursement des empreintes et réduction de 1 %), d'autre part, la photocopie de la première page de l'historique compte " frais postaux " extrait de sa comptabilité générale qui fait apparaître une charge pour le mois d'avril 1993 de 95 885,87 F, montant égal au net à payer figurant sur la facture d'affranchissement ci-dessus visée.

Par ailleurs, afin d'apporter la preuve que les envois avaient été faits non seulement au mois d'avril, mais précisément avant le 21 avril 1993, M. Dagez a fait parvenir au Conseil de la concurrence la photocopie de la fiche mensuelle de dépôt à remettre au bureau de poste lors d'envois en nombre de lettres recommandées.

La lecture de ce document fait apparaître les dépenses d'affranchissement suivantes :

le 9 avril 1993 : 562,80 F

le 13 avril 1993 : 96 582,50 F

le 20 avril 1993 : 390,60 F.

Le total pour la période du 9 au 20 avril 1993 s'élève à 97 535,90 F, somme identique au prix de la consommation brute figurant sur la facture d'affranchissement susvisée.

Pour les sept premiers mois de l'année, les dépenses d'affranchissement retracées dans le compte " frais postaux divers " s'élève à 1 176 F pour janvier, 746,90 F pour février, 1 590,45 F pour mars, 95 885,87 F pour avril, 36 433,40 F pour mai et 619 F pour juin.

M. Dagez a confirmé que cette dépense importante correspond à l'envoi des lettres recommandées aux 5 000 interfloristes.

II. - Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,

Considérant qu'en application de l'article 14 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il appartient au Conseil de vérifier si les injonctions prises en application des articles 12 et 13 de cette ordonnance sont respectées et de prononcer, le cas échéant, une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l'article 13 ;

Considérant que, par sa décision n° 93-MC-03, le Conseil de la concurrence a enjoint à la société SFTF-Interflora, d'une part, de " supprimer de son règlement intérieur dit "règlement contractuel 93" et de la "notice explicative" qui l'accompagne, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, toute référence à l'obligation pour les "spécialistes Interflora" de n'appartenir qu'à son seul réseau ", d'autre part, dans un délai de quinze jours " d'adresser aux destinataires de la lettre du 1er février 1993 une lettre recommandée annulant expressément les termes de cette lettre et à l'ensemble des membres du réseau une copie de la présente décision " ;

Considérant qu'il ressort d'une jurisprudence constante que les injonctions formulées dans le cadre de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sont d'interprétation stricte ;

Considérant que la société Interflora a produit, d'une part, une copie d'une lettre-circulaire en date du 13 avril 1993 adressée à tous ses adhérents, d'autre part, des documents comptables faisant apparaître une dépense de frais d'affranchissement entre le 9 et le 21 avril 1993 de 97 535,90 F alors, qu'à l'exception d'une facture de 36 433,40 F pour mai 1993, les dépenses d'affranchissement pour les sept premiers mois de 1993 sont inférieurs à 2 000 F ; que cette lettre-circulaire leur indique qu'en application de ladite décision, toute référence à l'obligation pour les "spécialistes Interflora" de n'appartenir qu'à son seul réseau est supprimée du règlement contractuel 1993 et de sa notice explicative ; que ce même courrier précise que les termes de la lettre du 1er février 1993 sont expressément annulés ; qu'une copie de la décision du Conseil était jointe à cette lettre ; que, dans les règlements édités en 1994, 1995 et 1997, le règlement contractuel 1995 ayant été reconduit en 1996, il n'existe aucune référence à l'obligation pour les " spécialistes Interflora " de n'appartenir qu'à ce seul réseau ;

Considérant que, par lettre du 16 novembre 1993, la société Floritel, estimant que si la SFTF-Interflora avait effectivement " éliminé de son règlement intérieur le vocable de spécialiste Interflora ..., elle n'en avait pas moins poursuivi clandestinement des pratiques que vous (le Conseil) avez souhaité faire cesser. Dans ses relations avec ses adhérents, elle s'est simplement contentée de remplacer le vocable "spécialiste Interflora" par le vocable "UNI ... ", a saisi le Conseil de la concurrence d'une demande visant à obliger la SFTF-Interflora " à se plier à la lettre mais aussi à l'esprit " de la décision du 30 mars 1993 ; qu'elle produit à l'appui de sa demande le n° 57 de l'Express Interflora ;

Mais considérant que les pratiques ainsi dénoncées par la société Floritel sont distinctes de l'injonction émise par le Conseil et font l'objet d'une instruction au fond ;

Considérant qu'en conséquence, il y a lieu de constater que les injonctions prononcées à l'encontre de la SFTF-Interflora ont été respectées,

Décide

Article unique : Il est établi que la SFTF-Interflora a respecté les injonctions prononcées par la décision n° 93-MC-03 du Conseil de la concurrence du 30 mars 1993.