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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 9 avril 2009, n° 08-07693

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Doga (Sté)

Défendeur :

HTC Sweden AB (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mandel

Conseillers :

Mmes Valantin, Lonne

Avoués :

SCP Jupin & Algrin, Me Ricard

Avocats :

Le Gal, Bertrou, Garaud

T. com. Versailles, 2e ch., du 10 sept. …

10 septembre 2008

Le 19 novembre 1999, la société de droit suédois HTC qui fabrique des machines-outils et notamment des ponceuses à meule diamant a conclu avec la société de droit français Doga qui exerce une activité d'achat et de vente de tous outillages et fournitures industriels, un contrat de distribution exclusive aux termes duquel HTC accordait à Doga le droit exclusif de commercialiser certains produits définis en annexe (notamment ponceuses diamant, outils de ponçage diamant) et les pièces détachées sur le territoire français, pour une durée indéterminée.

Ce contrat contient une clause précisant que tout litige ou différend résultant du contrat ou en relation avec le contrat que les parties ne parviennent pas à résoudre par elles-mêmes sera au final tranché suivant le règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par trois arbitres nommés conformément à ce règlement.

Par un avenant en date du 15 novembre 2004, Doga s'est vu confier la distribution exclusive d'une gamme supplémentaire de produits HTC.

Les relations entre les parties se sont poursuivies jusqu'au 26 mars 2007, date à laquelle HTC a résilié le contrat à effet du 26 septembre 2007.

Le 20 juin 2007, le conseil de Doga a adressé une mise en demeure à HTC d'avoir à lui régler la somme de 548 130,96 euro avant le 30 juin 2007 en faisant valoir que la rupture des relations était abusive et lui a causé un préjudice (perte de marge et investissements engagés à perte).

Le 29 juin 2007, HTC par l'intermédiaire de son conseil, contestait avoir commis une faute en mettant fin au contrat.

C'est dans ces circonstances que par exploit en date du 24 novembre 2007, Doga a fait assigner HTC devant le Tribunal de commerce de Versailles pour la voir condamnée sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° à lui verser la somme de 548 130,96 euro en réparation de son préjudice outre la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

HTC ayant soulevé une exception d'incompétence en se prévalant de la clause compromissoire énoncée dans le contrat, le tribunal par jugement en date du 10 septembre 2008 auquel il est référé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties a dit bien fondée cette exception et a renvoyé les parties à se pourvoir devant le tribunal arbitral à constituer.

Doga a formé contredit le 25 septembre 2008. Elle demande à la cour de réformer le jugement et de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Versailles. Elle sollicite paiement d'une somme de 3 000 euro, portée ultérieurement à la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 26 janvier et 10 février 2009, Doga a fait signifier de nouvelles conclusions.

HTC a conclu à la confirmation du jugement par des conclusions signifiées les 15 janvier et 3 février 2009 et sollicité le versement d'une somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 11 février 2009, HTC a sollicité le rejet des débats des conclusions signifiées le 10 février 2009 par Doga et des pièces 48 à 50 communiquées selon bordereau du 9 février 2009.

Sur ce, LA COUR

I. Sur la procédure :

Considérant que le 10 février 2009, veille de l'audience des plaidoiries, Doga a communiqué trois pièces : un arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 9 septembre 2004 (pièce 48), un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 13 janvier 2009 (pièce 49) et une ordonnance de désistement du 4 juillet 2005 du Président de la 1re chambre civile de la Cour de cassation (pièce 50) ;

Que toutefois, il résulte du bordereau annexé aux conclusions signifiées par Doga le 26 janvier 2009 que l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 9 septembre 2004 et l'arrêt du 13 janvier 2009 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation avaient déjà fait l'objet d'une communication le 26 janvier 2009 puisqu'elles sont visées sous les numéros 45 et 46 au bordereau annexé à ces conclusions (pièce 48) ; que plus de quinze jours s'étant écoulés entre cette communication et la date des plaidoiries, HTC a pu utilement en prendre connaissance et il n'y a donc pas lieu de les écarter des débats ;

Considérant qu'en revanche eu égard à sa date, Doga était en mesure de communiquer l'ordonnance de désistement du 4 juillet 2005 bien avant le 10 février 2009 ; qu'en attendant la veille des plaidoiries pour la produire, elle n'a pas mis HTC en mesure d'en prendre utilement connaissance ; qu'elle sera donc écartée des débats ;

Considérant que HTC est également bien fondée à solliciter de la cour qu'elle rejette des débats les conclusions signifiées par Doga le 10 février 2009, soit la veille des plaidoiries dans lesquelles, elle cite en page 8 un arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 30 avril 2008 ainsi que des commentaires de la doctrine sur cet arrêt sans les communiquer et sans en donner les références ; que ces conclusions tardives violent le principe des droits de la défense et le respect du contradictoire d'autant plus que HTC étant une société de droit suédois, elle ne pouvait prendre utilement connaissance des dernières écritures de Doga qu'après qu'elles aient été traduites ce qui était impossible en 24 heures ; qu'enfin il sera observé que Doga qui outre son contredit, a fait signifier des conclusions le 26 janvier 2009 a pu faire valoir ses arguments en réponse aux conclusions signifiées par HTC le 15 janvier 2009, les conclusions signifiées le 3 février 2009 par HTC ne faisant que répondre à celles du 15 janvier 2009 ; qu'en conséquence, il convient d'écarter des débats les conclusions signifiées par Doga le 10 février 2009 ;

II. Sur le fond :

Considérant qu'en application des articles 1458 et 1466 du Code de procédure civile et d'une jurisprudence constante seule la nullité ou l'inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage est de nature à faire obstacle à la compétence prioritaire de l'arbitre pour statuer sur l'existence, la validité et l'étendue de la convention d'arbitrage ;

Considérant qu'en l'espèce l'article 15.1 du contrat conclu entre les parties le 19 novembre 1999 énonce que "tout litige ou différend résultant du présent contrat ou en relation avec le contrat que les parties ne parviennent pas à résoudre par elles-mêmes sera au final tranché suivant le règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par trois arbitres nommés conformément à ce règlement" ;

Considérant que la société Doga soutient que la clause compromissoire est manifestement inapplicable au litige dès lors que celui-ci relève de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Considérant que la société HTC réplique que la nature prétendument délictuelle des demandes ne rend pas la clause manifestement inapplicable ;

Considérant que la société Doga a introduit le présent litige sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° en faisant valoir que HTC avait rompu de manière brutale les relations commerciales établies ; qu'elle lui reproche aux termes de l'exploit introductif d'instance de lui avoir annoncé de façon imprévisible et soudaine le 26 mars 2007 sa décision de mettre fin à leurs relations commerciales moyennant un préavis de six mois en application de l'article 13 du contrat, alors qu'elle l'avait poussée à investir fin 2006, d'avoir après l'envoi de cette lettre fait preuve d'une attitude vexatoire et blâmable à son égard, en particulier en augmentant subitement le prix de plusieurs références, et enfin d'avoir invoqué des motifs fallacieux pour justifier cette rupture et de ne lui avoir accordé qu'un préavis de six mois alors que les relations entre les parties étaient établies depuis plus de neuf ans au moment de l'annonce de la rupture par HTC ;

Considérant que certes, Doga fait à juste titre valoir que le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords inter-professionnels, engage la responsabilité délictuelle de son auteur ;

Mais considérant que la clause compromissoire contenue dans le contrat visant tout litige ou différent né du contrat ou en relation avec le contrat, le caractère délictuel de la responsabilité imputée à HTC, ne suffit pas à rendre cette clause manifestement inapplicable, dès lors que la demande de Doga présente un lien avec le contrat puisqu'elle se rapporte notamment aux conditions dans lesquelles il a été mis fin à ce contrat et aux conséquences en ayant résulté pour Doga, peu important que des dispositions d'ordre public soient applicables au fond du litige dans la mesure où le recours à l'arbitrage d'un litige n'est pas exclu du seul fait qu'une réglementation d'ordre public est applicable ;

Considérant que par voie de conséquence la société HTC doit être déclarée mal fondée en son contredit et le jugement confirmé en ce qu'il a invité les parties à se pourvoir devant le tribunal arbitral à constituer ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société HTC qui a dû faire plaider loin de son siège social et engager des frais de traduction, la charge des frais hors dépens par elle engagés ; que la société Doga sera condamnée à lui payer une indemnité de 8 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la société Doga qui succombe sera déboutée de sa demande de ce chef et condamnée aux dépens du contredit.

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, - Ecarte des débats la pièce communiquée sous le n° 50 par la société Doga ainsi que les conclusions signifiées le 10 février 2009 par cette société, - Dit n'y avoir lieu d'écarter les pièces communiquées sous les n° 48 et 49, - Dit la société Doga mal fondée en son contredit, - Confirme le jugement entrepris, - Condamne la société Doga à payer à la société HTC une somme de 8 000 euro (huit mille euro) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - La condamne aux dépens du présent contredit.