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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 23 septembre 2009, n° 07-17374

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bezard

Défendeur :

Etablissement Toury (SA), Petavy (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Giroud

Conseillers :

Mmes Blum, Guilguet-Pauthe

Avoués :

Me Melun, SCP Bernabe-Chardin-Chevillier

Avocats :

Mes Leroy, Collet

T. com. Paris, du 15 déc. 2004

15 décembre 2004

Vu le jugement rendu le 15 décembre 2004 par le Tribunal de commerce de Paris qui a:

- dit M. Jean-Pierre Bezard recevable mais mal fondé en ses demandes et l'en a débouté,

- dit la SA Toury recevable mais mal fondée en sa demande reconventionnelle et l'en a déboutée,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné M. Jean-Pierre Bezard aux dépens;

Vu l'appel formé par M. Bezard et l'arrêt du 15 septembre 2006 ordonnant le retrait du rôle de l'affaire;

Vu le rétablissement de l'affaire et l'ordonnance de radiation rendue le 5 juillet 2007;

Vu, l'affaire ayant été de nouveau rétablie, les dernières conclusions signifiées le 30 avril 2009 par M. Bezard qui demande à la cour d'écarter des débats les pièces n° 1 à 3 visées par la société Toury à l'appui de ses prétentions et non communiquées et, au visa des articles L. 134-11 et L. 134-12 du Code de commerce, 1382 et suivants du Code civil, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau de :

- fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Toury comme suit :

9 117 euro TTC à titre d'indemnité de préavis,

22 791 euro TTC en paiement de deux factures n° 2002 07 01 et 2002 11 01,

600 000 euro à titre d'indemnité de rupture (610 000 euro, conclusions page 11),

300 000 euro à titre de réparation du préjudice moral,

8 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- débouter Maître Petavy, ès qualités, de toutes ses demandes,

- condamner Maître Petavy, ès qualités, à lui régler la somme de 8 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- le condamner aux dépens;

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 avril 2009 par Maître Petavy, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Toury qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. Bezard de toutes ses demandes,

- condamner M. Bezard à lui payer la somme de 162 205,75 euro avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2003 et celle de 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. Bezard aux dépens;

Sur ce, LA COUR:

Considérant que la société Toury, spécialisée dans la production laitière, a entretenu à partir de l'année 1986 des relations commerciales avec M. Bezard pour la vente de produits à plusieurs enseignes de la grande distribution; qu'elle a mis fin le 25 juin 2002 à ces relations; que c'est dans ces circonstances que M. Bezard a saisi le tribunal aux fins de voir constater la rupture abusive des relations commerciales et condamner la société Toury au paiement de diverses sommes; que la société Toury, faisant état d'une reconnaissance de dette signée par M. Bezard, s'est reconventionnellement portée demanderesse en paiement de sommes dues à ce titre; que le tribunal a statué dans les termes précités;

Considérant que les dernières conclusions de Maître Petavy, ès qualités, mentionnent trois pièces ainsi désignées : reconnaissance de dette, signification du 25.08.2003, historique relations SA Toury avec Carrefour; que l'appelant a fait délivrer à l'intimé une sommation et une itérative sommation de communiquer ces pièces; qu'il n'est pas justifié de cette communication ; que la cour statuera dès lors au vu des seules pièces de l'appelant;

Considérant qu'au soutien de l'appel, M. Bezard expose qu'il a travaillé pour le compte des établissements Toury à partir de 1989 en qualité d'agent commercial et que c'est dans ce cadre qu'il a perçu ses premières commissions dans les années 1990 à savoir, 2 centimes par litre de lait, 3 % de commission sur les crèmes et fromages vendus et, par la suite, 2 centimes de commission sur les jus de fruits achetés; qu'il précise que les accords commerciaux de commissionnement ressortent clairement des "statistiques" communiquées chaque mois par la société Toury et que plusieurs personnes ont attesté de sa qualité d'agent commercial pour le compte des Etablissements Toury; qu'il précise encore que ses prestations consistaient à utiliser son réseau relationnel à l'effet de permettre aux Etablissements Toury de contracter avec les enseignes de la grande distribution et d'augmenter ainsi leur chiffre d'affaires ; qu'il ajoute que si les premiers juges ont considéré, à tort, que le contrat entre les parties ne pouvait être qualifié de contrat d'agent commercial, il n'en demeure pas moins que les objectifs ont été réalisés et qu'en toute hypothèse, il doit être indemnisé de son préjudice, les relations pouvant être qualifiées de contrat de courtage dès lors qu'il mettait en relation des personnes désireuses de traiter entre elles; qu'il soutient que, s'agissant en l'espèce d'un contrat à durée indéterminée, celui-ci pouvait être rompu par l'un ou l'autre des cocontractants sous condition de respecter un préavis et que les Etablissements Toury ont brusquement rompu le contrat après quinze ans de relations communes, violant ainsi l'obligation générale de bonne foi attachée à toute relation contractuelle;

Considérant que Maître Petavy, ès qualités, réplique que M. Bezard est intervenu dans le cadre de missions certes renouvelées pendant plusieurs années mais ponctuelles, en qualité de consultant et de courtier libre et qu'il ne peut revendiquer, au moment de la rupture des relations entre les parties, la qualité d'agent commercial puisqu'il ne faisait plus que des études ou du travail de consultant, principalement à l'exportation; qu'il fait valoir que les conditions dans lesquelles la société Toury a mis un terme à ses relations avec M. Bezard ne sont pas abusives, l'absence de période transitoire s'expliquant par le comportement déloyal de M. Bezard qui l'avait dénigrée;

Considérant que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux;

Considérant qu'aucun contrat écrit n'a été signé entre les parties et qu'il appartient à M. Bezard d'apporter la preuve qu'il a agi en qualité d'agent commercial de la société Toury;

Mais considérant que les "statistiques" dont M. Bezard fait état ne concernent que l'année 1991 et partie de l'année 1992 et, si elles reprennent les taux de commissionnement précédemment mentionnés, ne sont, comme les factures de commissions produites concernant les années 1990 à 1993, accompagnées d'aucun élément démontrant que M. Bezard aurait négocié auprès de tiers au nom et pour le compte la société Toury; qu'en outre les autres factures, qui portent sur l'année 1998, sont essentiellement des factures d'honoraires et celles qui portent sur la période de janvier 1999 à fin 2001 sont exclusivement des factures d'honoraires se rapportant à "suivi des produits Carrefour", "prospection Système U","contact et étude transversale pour la mise en place d'une structure européenne", "étude de pré faisabilité-développement européen des activités Toury", "avances sur études de marchés-distribution export" etc...; que ces éléments, de même que les déclarations contenues dans les attestations versées aux débats, sont insuffisants pour établir la qualité d'agent commercial de M. Bezard, lequel sera dès lors débouté de ses demandes fondées sur cette qualité;

Considérant, sur les demandes formées au titre de la rupture brutale des relations commerciales entre les parties, qu'il est constant que la société Toury a mis fin à ces relations sans préavis ; qu'en effet, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 juin 2002, la société Toury a indiqué à M. Bezard qu'ayant été informée de faits d'une particulière gravité, remettant en cause la confiance qu'elle lui avait jusqu'alors témoignée, elle était contrainte de cesser toute relation avec lui ; qu'il ressort des pièces produites par M. Bezard lui-même, qu'interrogé le 22 avril 2002 dans le cadre d'une enquête diligentée par les services de police sur des sommes versées de 1996 à 1997 sur son compte par la société Toury et qui n'auraient pas été déclarées à l'administration fiscale, M. Bezard a mis en cause cette société, lui imputant des pratiques pouvant être qualifiées de douteuses; qu'un tel comportement était d'une gravité suffisante pour justifier la rupture immédiate des relations commerciales entre les parties et qu'en conséquence, M. Bezard ne peut prétendre à aucune indemnité à ce titre;

Considérant que M. Bezard réclame également paiement de deux factures indiquant que celles-ci sont afférentes à des prestations effectuées antérieurement à la rupture; que l'une de ces factures, émise le 21 octobre 2002, se rapporte à une commission des développements des marchés franco-européens pour le mois de juillet 2002 selon accords avec M. Toury", l'autre, émise le même jour, se rapportant à une commission des développements des marchés de jus de fruits 1er prix CMI Carrefour selon accords 1er semestre 2002";

Mais considérant que la première facture concerne des prestations qui auraient été réalisées après la rupture des relations commerciales entre les parties, selon un accord qui n'est pas établi et que la seconde n'est accompagnée d'aucune pièce justifiant des prestations qu'elle vise et qui sont contestées; que la demande formée par M. Bezard sera rejetée;

Considérant que Maître Petavy, ès qualités, réclame paiement d'une somme de 162 205,75 euro outre les intérêts au taux légal, qui serait due par M. Bezard en vertu d'une reconnaissance de dette du 12 février 1992; qu'il n'a cependant pas communiqué la reconnaissance de dette dont il se prévaut et sera en conséquence débouté de sa demande;

Considérant, vu l'article 700 du Code de procédure civile, qu'il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à ce titre à l'une ou l'autre des parties; que leurs demandes sur ce fondement seront rejetées; que M. Bezard qui succombe en son appel sera condamné aux dépens;

Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute les parties de toutes autres demandes, Condamne M. Bezard aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.