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Décisions

Cass. soc., 19 mai 2009, n° 07-40.222

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Ufifrance patrimoine (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blatman (faisant fonction)

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Gatineau, Fattaccini

Rennes, 5e ch. prud'h., du 29 nov. 2005

29 novembre 2005

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X a été engagé par la société Ufifrance patrimoine suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2 septembre 1991, en qualité de démarcheur de produits d'épargne ; qu'à compter du 11 janvier 1992, il a exercé des fonctions de conseiller en gestion de patrimoine ; que M. X a pris acte de la rupture de son contrat de travail, l'imputant à l'employeur, le 17 décembre 2003 ; que la société Ufifrance patrimoine a saisi la juridiction prud'homale pour violation par son salarié de l'obligation contractuelle d'exclusivité, exécution de mauvaise foi du contrat de travail et violation de l'obligation légale de loyauté ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur : - Attendu que la société Ufifrance patrimoine fait grief à l'arrêt d'avoir dit non valide la clause de non-captation de clientèle conclue entre M. X et elle-même, alors, selon le moyen, qu'est valable, même sans contrepartie financière, une clause de protection de clientèle interdisant uniquement au salarié de concurrencer déloyalement son ancien employeur en détournant une partie de la clientèle avec laquelle il avait été en contact pendant l'exécution de son contrat de travail ; que tel est le cas en l'espèce de la clause du contrat de travail interdisant au salarié, après résiliation de son contrat de travail, d'entrer en relation avec les clients de la société qu'il a démarchés, conseillés ou suivis ou qui ont été démarchés, conseillés ou suivis par des salariés de la société dont il était le supérieur hiérarchique pour leur proposer des produits concurrents à ceux de son ancien employeur ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du Code du travail ;

Mais attendu qu'une clause selon laquelle il est fait interdiction à un salarié, durant une période déterminée, d'entrer en relation, directement ou indirectement, selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle qu'il avait démarchée lorsqu'il était au service de son ancien employeur est une clause de non-concurrence ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que la clause litigieuse stipulait que le salarié ne devait pas, après la résiliation de son contrat, entrer en relation directement ou indirectement et selon quelque procédé que ce soit avec des clients de la société qu'il avait démarchés, conseillés ou suivis en vue de leur proposer une formule de placement de quelque nature que ce soit, a considéré qu'elle était une clause de non-concurrence et qu'en l'absence de contrepartie financière, elle était nulle et ne pouvait donc être opposée au salarié ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen du pourvoi principal : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié, pris en sa première branche : - Vu les articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3, devenus L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail ; - Attendu que pour débouter M. X de sa demande tendant à voir dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la lettre de rupture faisait le reproche à l'employeur de ne pas régler les frais professionnels et de dédommager les salariés par la somme de 230 euro de façon insuffisante, que le salarié, préalablement à la lettre de rupture adressée alors qu'il nourrissait des projets d'installation à son compte, n'avait pas fait état de revendication concernant les frais professionnels, que dans sa lettre de prise d'acte de la rupture il n'a pas précisé le montant, ou les postes, qu'il sollicitait voir pris en considération, que la difficulté relativement aux frais professionnels venait d'être résolue par un accord d'entreprise négocié avec les syndicats, après que la Cour de cassation avait censuré la clause contractuelle relative aux frais professionnels, et qui fixait un montant forfaitaire mensuel de 230 euro, que de plus, le décompte présenté lors de la procédure judiciaire était excessif, la cour ne retenant que les débours, qu'aucune faute ne pouvait donc être imputée à la société Ufifrance patrimoine, qui a négocié un accord sur les frais, dès lors que la Cour suprême a censuré celle qui figurait dans ses contrats de travail, que la rupture n'était pas imputable à l'employeur et avait donc les effets d'une démission ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé qu'à la date à laquelle M. X avait pris acte de la rupture, l'employeur restait lui devoir une somme de 15 000 euro au titre des frais professionnels, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi incident : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la rupture du contrat de travail est imputable à la société Ufifrance patrimoine et à ce que lui soient allouées des indemnités en conséquence, l'arrêt rendu le 14 novembre 2006, entre les parties, par la Cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Rennes.