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Décisions

CCE, 10 décembre 2008, n° 2010-332

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Relative à l'aide d'État C 31-06 (ex N 621/05) que l'Italie a mis en exécution portant mesures urgentes pour la prévention de l'influenza aviaire

CCE n° 2010-332

10 décembre 2008

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, après avoir invité les intéressés à présenter leur observations conformément audit article et vu les observations transmises, considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Par lettre datée du 9 décembre 2005, enregistrée le 13 décembre 2005, la Représentation permanente de l'Italie auprès de l'Union européenne a notifié à la Commission, en vertu de l'article 88, paragraphe 3 du traité, l'article 5 de la loi du 30 novembre 2005, nr. 244 (loi 244-05).

(2) Par télex datés du 14 février 2006 (réf. AGR 4535) et du 20 mars 2006 (réf. AGR 7800) la Commission a demandé des renseignements complémentaires.

(3) Par courriel daté du 2 mars 2006, enregistré le 3 mars 2006 les autorités italiennes ont communiqué à la Commission l'article 1-bis, paragraphes 8 et de 10 à 14 du projet de loi de conversion du décret-loi du 10 janvier 2006, n° 2. Ledit décret-loi a été converti en loi, avec des modifications, par la loi du 11 mars 2006, nr. 81 (loi 81-06). Cette loi apporte des modifications à l'article 5 de la loi 244-05. Les dispositions prévues à l'article 1 bis instituant un Fonds pour l'urgence avicole ont été examinées dans le cadre du dossier aide d'État N 322-2006.

(4) Par courriel daté du 20 avril 2006, enregistré le 25 avril 2006, les autorités italiennes ont fourni des renseignements complémentaires.

(5) Par lettre datée du 13 juin 2006 la Commission a demandé aux autorités italiennes la prorogation de 30 jours du délai fixé par l'article 4, paragraphe 5 du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil (1) pour pouvoir prendre sa décision, soit jusqu'au 26 juillet 2006 et cela en considération des délais de traduction de la décision elle-même.

(6) Par courriel du 22 juin 2006, enregistré le 23 juin 2006, les autorités italiennes ont donné leur accord à la prorogation du délai demandée par la Commission.

(7) Par lettre du 5 juillet 2006, la Commission a informé l'Italie de sa décision d'ouvrir la procédure visée à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'encontre d'une partie des mesures d'aide en cause.

(8) Par lettre du 19 juillet 2006, enregistrée le 3 aout 2006, la Représentation permanente de l'Italie auprès de l'Union européenne a transmis à la Commission les observations des autorités italiennes concernant la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen.

(9) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (2). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide en cause.

(10) La Commission n'a pas reçu d'observations à ce sujet de la part des intéressés.

(11) Par lettre du 7 mai 2008, la Commission a demandé aux autorités italiennes des informations supplémentaires pour lui permettre de clôturer le cas en objet. Les autorités italiennes n'ont pas répondu.

(12) Par lettre du 30 octobre 2008, la Commission a envoyé aux autorités italiennes un rappel. Par lettres du 4 novembre 2008, les autorités italiennes ont transmis à la Commission les informations demandées par lettre du 7 mai 2008 en confirmant qu'elles n'ont pas mis en place les interventions prévues à l'alinéa 1, 3-bis et 3- quater de l'art. 5 du décret loi n.202-2005, tel que modifié par l'article 1-bis, paragraphe 7 de la loi n° 81-06.

II. DESCRIPTION

Titre

(13) Mesures urgentes pour la prévention de l'influenza aviaire.

Base juridique

(14) Article 5 du décret-loi 1 er octobre 2005, n° 202 (DL 202/05) converti en loi 30 novembre 2005, n° 244 (loi 244-05) (3), tel que modifié par l'article 1-bis, paragraphe 7 de la loi 11 mars 2006, n° 81 (loi 81-06) de conversion du décret-loi 10 janvier 2006, n° 2.

(15) Décret du Ministère des Politiques agricoles du 13 janvier 2006 (décret 13 janvier 2006) portant modalités d'application des dispositions pour le retrait du marché de viande avicole aux termes de l'article 5, alinéas 1 et 2 de la loi 244-2005 (4).

(16) Article 1-bis, paragraphes 8, 10, 11 et 12 de la loi 81-06 (5).

Budget

(17) Les ressources servant à financer les différentes mesures proviennent du budget national. Les autorités italiennes ont indiqué une enveloppe budgétaire de 120 millions d'EUR ainsi partagés: 20 millions d'EUR destinés aux aides alimentaires et 100 millions d'EUR pour la constitution du Fonds pour l'urgence avicole.

Durée

(18) L'intention des autorités italiennes était d'octroyer l'aide jusqu'au 1 er janvier 2007; toutefois jusqu'à présent aucune aide n'a été octroyée par ce régime.

Bénéficiaires

(19) Élevages avicoles, abattoirs et entreprises de transformation de la viande avicole, grossistes en viande de volaille et entreprises de production d'aliments pour volaille.

Mesures

(20) L'article 5 du DL 202/05, tel que modifié par l'article 1- bis, paragraphe 7 de la loi 81-06, prévoit:

a) l'achat par l'AGEA de 17 000 tonnes de viande de volaille et d'autres produits avicoles pour l'aide humanitaire (alinéas 1 et 2);

b) la suspension du paiement des impôts, des contributions sociales et des traites pour les opérateurs du secteur avicole (alinéa 3-bis);

c) l'octroi d'aides pour des prêts pour la reconversion et la restructuration des entreprises avicoles touchées par la situation d'urgence de la filière avicole (alinéa 3- quater).

(21) L'article 1-bis, alinéas 8, 10, 11 et 12 de la loi 81-06 prévoit la constitution auprès du Ministère des politiques agricoles d'un Fonds pour l'urgence avicole (le Fonds) doté d'une enveloppe budgétaire de 100 millions d'EUR pour l'année 2006 à utiliser:

a) pour des aides au sauvetage et à la restructuration du secteur avicole [conformes aux Lignes directrices communautaires concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (6)];

b) pour la compensation de la perte de revenu ou des dépenses supplémentaires supportées par les éleveurs à l'occasion de la mise en place des plans communautaires, nationaux ou régionaux de prévention et d'éradication de l'influenza aviaire, ainsi que des dommages indirects découlant de la restriction du déplacement d'animaux ou des périodes d'arrêt de la production imposées par les autorités sanitaires;

c) pour des aides à la cessation de la production (conformes au point 9 des Lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole 2000-2006 (7) - les lignes directrices-);

d) pour des investissements pour des mesures de biosécurité et sanitaires, dans les exploitations avicoles;

e) pour l'abattage d'animaux ordonné par l'autorité sanitaire, dans l'optique d'une amélioration du bien être des animaux en cas de surpeuplement des structures productives ou d'interdiction de déplacement d'animaux.

(22) L'article 1-bis, alinéa 12 de la loi 81-06 établit que les mesures d'application des aides financées par le Fonds seront adoptées par décrets du Ministère des politiques agricoles et du Ministère de la santé. Les autorités italiennes se sont engagées, par courriel daté du 20 avril 2006, à notifier lesdits décrets à la Commission, en application de l'article 88, paragraphe 3 du traité.

(23) Par courriel daté du 23 mai 2006, enregistré le même jour, la Représentation permanente de l'Italie auprès de l'Union européenne a notifié à la Commission, en vertu de l'article 88, paragraphe 3 du traité le projet de décret ministériel portant sur les mesures d'application des aides financées par le Fonds. Ces mesures ont été approuvées dans le cadre du dossier d'aide d'État N 322/06 (8).

(24) À plusieurs reprises la Commission a recommandé aux autorités italiennes de ne pas donner suite à la mesure prévue par l'article 5 du DL 202/05 concernant l'achat de viande surgelée pour l'aide humanitaire (9).

(25) Le décret du 13 janvier 2006, qui discipline les modalités auxquelles AGEA doit se tenir pour l'achat des produits avicoles d'origine communautaire, prévoit les prix d'achat suivants:

Carcasses et coupes des viandes : frais EUR/kg _ Surgelé EUR/kg

Poulets Golden et/ou Livournais : 2,40 _ 2,10

Poulets "Vallespluga" : 2,40 _ 2,10

Poulets : 1,40 _ 1,20

Cuisses de poulets : 1,40 _ 1,20

Ailes de poulets : 1,00 _ 0,80

Pilons de dinde : 1,00 _ 0,80

Cuisses de dinde : 1,10 _ 0,90

Ailes de dinde : 1,00 _ 0,80

Dinde (poitrines) : 1,30 _ 1,10

Pintades et canards : 2,40 _ 2,10

(26) Dans le cadre de l'aide humanitaire, peuvent offrir leurs produits toutes les personnes physiques ou morales actives dans l'élevage et la transformation de la viande de volaille depuis plus de 12 mois à la date d'entrée en vigueur du décret du 13 janvier 2006 et inscrites pour ces activités au registre des entreprises tenu par la Chambre de commerce.

III. DESCRIPTION DES MOTIFS QUI ONT INDUIT L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(27) En ce qui concerne les mesures prévues par l'article 1-bis, alinéas 8, 10, 11 et 12 de la loi 81-06 qui crée un Fonds à utiliser pour financer les mesures décrites au point 21, lettres a) - e) de cette décision finale, elles ont été examinées dans le cadre du dossier d'aide d'État N 322-2006 et ont été déclarées compatibles avec le Marché commun (10) car elles remplissent les conditions pertinentes des points 4.1, 4.2, 9 et 11.4 des lignes directrices (11).

(28) La présente décision concerne donc les sous-mesure prévus au considérant 20, lettres a), b) et c) qui couvrent l'achat par l'AGEA de 17 000 tonnes de viande de volaille et d'autres produits avicoles pour l'aide humanitaire; la suspension du paiement des impôts, des contributions sociales et des traites pour les opérateurs du secteur avicole et l'octroi d'aides pour des prêts pour la reconversion et la restructuration des entreprises avicoles touchées par la situation.

(29) Les mesures décrites au considérant 20 semblent correspondre à la définition d'aide d'État en ce sens qu'elles sont accordées au moyen de ressources de l'État soit sous la forme d'un manque à gagner en terme de recettes fiscales pour les pouvoirs publics, soit en termes de prix à payer pour l'achat de la viande de volaille, et qu'elles peuvent affecter les échanges par la place occupée par l'Italie dans la production visée (l'Italie a été le quatrième producteur de viande de volaille de l'Union en 2004).

(30) Les autorités italiennes n'ont fourni aucune information pouvant justifier les dites mesures à la lumière des règles applicables en matière d'aides d'État, et notamment du point 11.4 des lignes directrices (12) et des Lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficultés (13) Par conséquent, la Commission ne pouvait exclure que l'aide prévue constituait une aide au fonctionnement, autrement dit, une aide qui vise à soulager l'entreprise de coûts qu'elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales.

(31) La Commission donc a ouvert la procédure de l'article 88, paragraphe 2 du traité CE parce qu'elle doutait de la compatibilité des mesures prévues par l'article 5 du décret loi n° 202-05, tel que modifié par l'article 1-bis, paragraphe 7 de la loi n° 81-06. Selon le susmentionné article 88, peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

IV. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS

(32) Après l'ouverture de la procédure, la Commission n'a reçu aucune observation.

V. OBSERVATIONS DE L'ITALIE

(33) Les autorités italiennes ont envoyé leurs observations sur l'ouverture de la procédure par lettre du 19 juillet 2006, enregistrée le 3 aout 2006.

(34) Tout d'abord, les autorités italiennes attirent l'attention de la Commission sur le fait que, malgré l'urgence, des mesures spécifiques n'ont pas encore été adoptées.

(35) Ensuite, les autorités italiennes font référence au point 18 de la décision d'ouverture qui prévoit qu'aux termes de l'article 87, paragraphe 1, du traité, sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(36) Elles en déduisent que selon l'interprétation qui est donnée de l'esprit et de la lettre de la réglementation, les aides d'État ne sont pas interdites de manière systématique et absolue, mais uniquement dans la mesure où elles faussent les échanges et confèrent aux entreprises bénéficiaires une position privilégiée sur le marché.

(37) Les autorités italiennes considèrent que dans le cas en objet on peut considérer que ces éventualités sont tout à fait exclues, puisque l'intention du législateur était seulement d'établir un régime de compensation partielle et a posteriori des pertes occasionnées par la crise du secteur.

(38) À cet égard elles soulignent, en particulier, que les mesures visées à la lettre b) (suspension du paiement des impôts, des contributions sociales et des traites pour les opérateurs du secteur avicole (alinéa 3-bis de l'article 1-bis, paragraphe 7 de la loi 81-06) auraient été applicables en tant qu'aides "de minimis" si le budget triennal attribué à l'Italie n'avait pas été intégralement absorbé par une autre mesure.

(39) Les autorités italiennes citent le point 22) de la décision d'ouverture de la procédure, qui fait référence à la possibilité d'une dérogation au titre de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, selon lequel peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

(40) À cet égard, elles précisent que le cas d'espèce revêt indiscutablement un caractère notoire et que, selon les principes bien établis de la doctrine et de la jurisprudence, les faits présentant un caractère notoire n'ont pas à être démontrés sur la base de preuves, ces dernières n'étant indispensables que dans le cas des situations où l'établissement des faits se heurte au doute et à l'incertitude.

(41) Les autorités italiennes attirent aussi l'attention de la Commission sur le fait que si elle jugeait que l'article 87, paragraphe 3, point c) du traité n'était pas applicable à la mesure proposée, celle-ci devrait être autorisée sur la base de l'article 87, paragraphe 2, point b), qui prévoit que les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires sont compatibles avec le Marché commun.

(42) Dans le cas d'espèce, selon elles, le caractère exceptionnel de l'événement a déjà été explicitement reconnu par le Conseil des ministres lorsqu'il a approuvé le règlement (CE) n° 679-2006 du 25 avril 2006 modifiant les règlements (CEE) n° 2771-75 et (CEE) n° 2777-75 en ce qui concerne l'application de mesures exceptionnelles de soutien du marché (14).

(43) Les autorités italiennes considèrent de fait qu'un même événement, jugé exceptionnel aux fins de l'adoption de mesures de marché extraordinaires, ne saurait être jugé normal aux fins de l'évaluation des aides d'État destinées à répondre à une même situation d'urgence.

(44) Enfin, les susdites autorités font noter que la Commission elle-même a d'ailleurs reconnu le caractère exceptionnel de l'événement lorsqu'elle a adopté le règlement (CE) n° 1010-2006 du 3 juillet 2006 concernant certaines mesures exceptionnelles de soutien du marché dans les secteurs des oeufs et des volailles dans certains États membres (15).

VI. ÉVALUATION DE L'AIDE

1. Interdiction des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE

(45) Aux termes de l'article 87, paragraphe 1, du traité, sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(46) Les mesures décrites au point 20 de ce texte correspondent à la définition d'aide d'État, étant donne qu'elles confèrent un avantage économique (sous forme d'un manque à gagner en termes de recettes fiscales pour l'État et en termes de prix à payer pour l'achat de viande de volaille ne disposant d'aucun débouché sur le Marché communautaire en raison de l'influenza aviaire) à un secteur déterminé (avicole), qu'il s'agit d'un financement provenant de ressources publiques (nationales) et que ladite aide est susceptible d'affecter les échanges.

(47) D'après la jurisprudence de la Cour européenne de justice, le renforcement de la position concurrentielle d'une entreprise sur la base d'une aide d'État démontre généralement une distorsion de concurrence par rapport à des entreprises concurrentes, qui ne bénéficient pas d'un tel soutien (16). La jurisprudence a indiqué que l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas a priori l'éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (17).

(48) Une mesure affecte les échanges entre États membres dès lors qu'elle entrave les importations en provenance d'autres États membres ou qu'elle facilite les exportations vers d'autres États membres. Ce qui est déterminant, c'est le fait que les échanges intracommunautaires évoluent ou risquent d'évoluer de façon différente en raison de la mesure en question.

(49) Le produit bénéficiant du régime d'aide fait l'objet d'échanges entre États membres et est donc exposé à la concurrence.

(50) Les critères concernant l'affectation des échanges et la distorsion de la concurrence sont donc pleinement remplis.

(51) La présente mesure constitue donc bien une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(52) Le fait que la mesure soit finalisée à compenser le secteur avicole pour des pertes dues à l'influenza aviaire ne change rien à la nature de l'aide si celle-ci remplit les conditions de l'art. 87 (1), comme c'est le cas de la mesure en objet. Au contraire les lignes directrices qui sont d'application dans le cas d'espèce, attendu qu'il a été notifié en 2005, ainsi que les nouvelles Lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole et forestier 2007-2013 (18), prévoient spécifiquement la possibilité d'octroyer des aides pour réparer les dommages de calamités naturelles ou d'événements extraordinaires, ou de maladie des animaux et des plantes.

2. Évaluation de compatibilité

(53) L'interdiction visée à l'article 87, paragraphe 1, du traité CE n'est pas inconditionnelle. Pour être considérée comme compatible avec le Marché commun, la mesure proposée doit pouvoir bénéficier de l'une des dérogations prévues par l'article 87, paragraphes 2 et 3 du traité. La Commission examinera plus loin les conditions d'applicabilité de l'article 87(2) (b) CE et des dispositions des lignes directrices agricoles 2000-2006 concernant les maladies animales, qui étaient en vigueur au moment de la notification de la mesure sous rubrique au cours de l'année 2005.

Dérogations prévues par l'article 87, paragraphe 2, du traité CE

(54) Les autorités italiennes ont fait référence à l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité CE, qui déclare compatibles avec le Marché commun les aides destinées à remédier aux dommages causés par des événements extraordinaires. Dans leur lettre de réponse du 19 juillet 2006 elles se référent à l'influenza aviaire en tant qu'événement extraordinaire.

(55) Aucune définition des termes "événement extraordinaire" et "calamités naturelles" n'étant donnée par le traité, il y a lieu de vérifier si l'influenza aviaire qui a touché l'Italie peut être considérée une calamité naturelle au sens de l'article 87, paragraphe 2, lettre b) du traité. S'agissant d'exceptions au principe général de l'incompatibilité des aides d'État avec le Marché commun, établi par l'article 87, paragraphe 1, du traité, la Commission a pour pratique constante de donner une interprétation restrictive des notions de "calamités naturelles" et "d'événements extraordinaires" visés à l'article 87, paragraphe 2, point b), tel que repris dans le point 11.2 des Lignes directrices.

(56) La nécessité d'une telle interprétation restrictive a été confirmée avec constance par la Cour de justice (19).

(57) Jusqu'à présent, la Commission a considéré comme des calamités naturelles les tremblements de terre, les avalanches, les glissements des terrains et les inondations. Parmi les événements extraordinaires, ont été acceptés les guerres, les troubles internes et les grèves et, sous certaines réserves et en fonction de leur ampleur, les accidents nucléaires ou industriels graves et les incendies qui se soldent par de lourdes pertes.

(58) En règle générale, la Commission n'accepte pas que les foyers de maladie des animaux ou des végétaux puissent être assimilés à des calamités naturelles ou à des événements extraordinaires. Cependant, dans un cas, elle a reconnu que l'extension considérable prise par une maladie des animaux sans aucun précédent connu constituait un événement extraordinaire (20).

(59) La pratique constante de la Commission est de considérer l'influenza aviaire comme une maladie animale (21) et d'utiliser les principes établis de longue date dans les Lignes directrices au sujet de la lutte contre les maladies animales et végétales.

(60) De façon générale, un événement extraordinaire doit au moins présenter les caractéristiques d'un événement qui, par sa nature et son incidence sur les opérateurs concernés, se distingue nettement des conditions habituelles et sort du cadre des conditions normales de fonctionnement d'un marché.

(61) Au demeurant, les données présentées par l'Italie ne permettent pas de conclure au caractère extraordinaire de la susdite maladie, mais plutôt à un phénomène récurrent.

(62) Selon les autorités italiennes le caractère extraordinaire de l'événement a été explicitement reconnu par le Conseil des ministres lorsqu'il a approuvé le règlement (CE) n° 679-2006 et le règlement (CE) n° 1010-2006.

(63) Dans les cas susmentionnés, la crise de l'influenza aviaire avait provoqué une diminution de la consommation de volailles et d'oeufs dans un certain nombre d'États membres, entraînant une forte baisse des prix. La réglementation qui régissait le marché des oeufs et volailles autorisait l'Union européenne à cofinancer des mesures de compensation uniquement en cas d'apparition de l'influenza aviaire dans une exploitation ou de restrictions du transport des animaux imposées à l'éleveur par instruction vétérinaire. Il n'existait aucune possibilité d'octroi d'une aide communautaire afin de répondre aux problèmes du marché résultant d'une diminution des ventes due à une perte de confiance des consommateurs. En raison de la gravité de la crise du marché dans certains pays en 2006, la Commission a autorisé le cofinancement à hauteur de 50 % du coût des mesures de soutien du marché, le reste étant à la charge des budgets nationaux.

(64) La Commission tient à souligner que l'effondrement des cours qu'a connu le secteur n'est pas en soi un événement extraordinaire au sens du traité. Il s'agit plutôt d'une circonstance conjoncturelle bien connue de certains secteurs agricoles qui trouve sa cause dans de multiples facteurs telles qu'une mauvaise planification de l'offre par rapport à la demande (les chutes cycliques des cours dans le secteur porcin le prouvent), ou dans des facteurs purement commerciaux dont l'origine ne peut pas être qualifiée d'événement extraordinaire (par exemple la réorientation des préférences du consommateur vers des produits de substitution). De même, la seule existence d'une maladie bien connue dans l'actualité comme l'influenza aviaire, ne peut pas constituer non plus un événement extraordinaire. Au contraire, l'expansion de la maladie et la crise du secteur aviaire qui s'en est suivie pourraient, dans certains cas, être même une conséquence de la non-application rigoureuse par les autorités nationales des normes de sécurité et de prévention prévues et nécessaires pour le contrôle de la maladie.

(65) Grâce aux mesures de soutien du marché proposées dans les règlements susmentionnés, la Commission entendait faire face au problème des retombées négatives de la crise de la grippe aviaire sur le marché. En recourant à tel instrument, la Commission a exprimé son intention ferme d'intervenir dans la crise en excluant complètement toutes autres interventions considérées comme altérant les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

(66) Or, les autorités italiennes n'ont fourni aucune justification des motifs pour lesquels le cas en objet se distinguerait d'autres cas d'influenza aviaire qui n'ont pas été considérés comme des événements extraordinaires. Par conséquent l'aide proposée par les autorités italiennes ne peut pas être autorisée sous cette base juridique: les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2, ne sont pas applicables. Plus précisément, les dispositions du point b) qui déclarent compatibles avec le Marché commun les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires ne sont pas applicables.

Dérogations prévues par l'article 87, paragraphe 3, du traité CE

(67) Il convient d'examiner si la mesure proposée peut être considérée comme compatible avec le Marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, du traité. Sont plus précisément pertinentes les dispositions du point c), selon lesquelles peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun, les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

(68) Les lignes directrices réglementent au point 11.4 les aides d'État destinées à indemniser les agriculteurs pour les pertes résultant des maladies des animaux.

(69) Elles précisent que lorsqu'un agriculteur perd des animaux en raison d'une épizootie ou que ses cultures sont atteintes par une maladie, cela ne constitue normalement pas une calamité naturelle ou un événement extraordinaire au sens du traité. En pareil cas, les aides destinées à compenser les pertes subies et celles destinées à prévenir des pertes ultérieures ne peuvent être autorisées par la Commission que sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c) du traité. Cet article prévoit que les aides visant à faciliter le développement de certaines activités peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

(70) Pour que cette dérogation soit applicable, il faut que l'État membre démontre que les conditions de compatibilité des mesures envisagées sont réunies.

(71) Selon le point 11.4 des lignes directrices, la Commission estime que le versement aux agriculteurs d'une aide destinée à les indemniser des pertes résultant de maladies des animaux et des végétaux ne peut être acceptée que dans le cadre d'un programme adéquat établi au niveau communautaire, national ou régional pour prévenir, surveiller ou éradiquer la maladie en cause. Les aides qui ont simplement pour objet de compenser les pertes subies par les agriculteurs sans n'être assorties d'aucune mesure visant à remédier au problème à la source doivent être considérées comme des aides au fonctionnement, incompatibles avec le Marché commun.

(72) La Commission estime cependant que les autorités italiennes n'ont pas fourni d'éléments suffisants pour justifier l'application d'une telle dérogation à la lumière des règles applicables en matière d'aides d'État, et notamment du susmentionné point 11.4 des lignes directrices.

(73) Par conséquent l'aide proposée par les autorités italiennes ne peut pas être autorisée sous cette base juridique.

(74) Les autorités italiennes n'avaient pas indiqué d'autres mesures comme base juridique pour l'aide.

(75) Même si les autorités italiennes n'ont jamais invoqué l'application des lignes directrices au sauvetage et à la restructuration, dans un souci d'exhaustivité, la Commission examine si les Lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficultés (22) ne sont pas applicables au cas d'espèce. La première condition pour pouvoir bénéficier d'une aide au sauvetage ou à la restructuration est que l'entreprise en cause soit considérée comme étant en difficulté au sens des lignes directrices susmentionnées. Il ne ressort pas des informations en possession de la Commission que les entreprises concernées soient en difficulté au sens des lignes directrices susmentionnées.

(76) En tout état de cause, la Commission tient à souligner qu'il incombe à l'État membre concerné, pour s'acquitter de son devoir de coopération envers la Commission, de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation dont il demande à bénéficier sont réunies (23). Les autorités italiennes n'ont jamais fourni aucun document permettant à la Commission d'examiner les données à la lumière des lignes directrices, et ceci, malgré les indications données par la Commission au par. 24 de la décision d'ouverture (par. 30 de la décision finale).

VII. CONCLUSION

(77) Compte tenu de ce qui précède, la Commission peut conclure que l'aide que l'Italie envisage de mettre à exécution en faveur de secteur avicole constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, qui ne peut bénéficier d'aucune dérogation prévue à l'article 87, paragraphes 2 et 3.

(78) Étant donné que la mesure a été notifiée conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité, et que les autorités italiennes ne l'ont pas mis à exécution il n'y a pas lieu de demander la récupération des aides.

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'aide d'État que l'Italie envisage de mettre à exécution en faveur de la prévention de l'influenza aviaire n'est pas compatible avec le Marché commun.

La mise à exécution de ladite aide n'est, par conséquent, pas autorisée.

Article 2

La République italienne est destinataire de la présente décision.

Notes :

(1) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(2) JO C 233 du 28.9.2006, p. 5.

(3) Journal officiel de la République italienne du 30.11.2005, série générale n° 279, p. 44.

(4) Journal officiel de la République italienne du 26.1.2006, série générale n° 21, p. 50.

(5) Journal officiel de la République italienne du 11.3.2006; Supplément ordinaire n° 58.

(6) JO C 244 du 1.10.2004, p. 2.

(7) JO C 28 du 1.2.2000, p. 2.

(8) En ce qui concerne le volet A par lettre C(2007) 3249, datée du 10.7.2007, et en ce qui concerne le volet B par lettre D(2008) 13797 datée du 13.5.2008 (réf. AGR 11275).

(9) Par lettre D(2005) 38372 datée du 12.12.2005 (réf. AGR 31606), par télex D(2006) 9256 daté du 20.3.2006 (réf AGRI 7800) et par lettre D(2006) 1927 datée du 12.4.2006 (Direction Générale Développement).

(10) Voir note 7 de bas de page.

(11) Voir note 6 de bas de page.

(12) Voir note 6 de bas de page.

(13) Voir note 5 de bas de page.

(14) JO L 119 du 4.5.2006, p. 1.

(15) JO L 180 du 4.7.2006, p. 3.

(16) Arrêt de la Cour de justice du 17 septembre 1980, affaire C- 730-79, rec. 1980, p. 2671, points 11 et 12.

(17) Arrêt de la Cour de justice du 21 mars 1990, affaire C-142-87, rec. 1990, p. I-959, point 43, et arrêt du 14 septembre 1994, affaires jointes C-278-92 et C-280-92, rec. 1994, p. I-4103, points 40 à 42.

(18) JO C 319 du 27.12.2006, p. 1.

(19) Arrêt de la Cour de justice du 11 novembre 2004, Espagne contre Commission, affaire C-73-03, point 37, et arrêt du 23 février 2006, affaires C-346-03 et C-529-03, Giuseppe Atzeni e.a., point 79.

(20) Notamment pour des aides aux éleveurs touchés par la crise de l'ESB -Voir lettre D(2001) 290558 datée du 27.7.2001 (réf. AGR 25807) cas NN46/01, lettre D(2001) 292096 datée du 9.11.2001 (réf. AGR 37860) cas N 657/01, et lettre D(2001) 290526 datée du 27.7.2001 (réf. AGR 25798) cas N 437/01.

(21) Elle est d'ailleurs mentionnée parmi les "Maladies de la Liste de l'Organisation Mondiale de la Santé Animale - OIE".

(22) Voir note 5 de bas de page.

(23) Arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T-171-02, rec. p. II-2123, point 129.