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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 10 mars 2009, n° 08-03788

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ADT Télésurveillance (SA)

Défendeur :

Boss Protection (SARL), Pernaud (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

M. Chassery, Mme Bernard

Avoués :

SCP Auche-Hedou, SCP Argellies-Watremet

Avocats :

Me Schrimpf, SCP Daynac-Legros-Julien

T. com. Montpellier, du 3 mars 2004

3 mars 2004

Faits, procédure et prétentions des parties

Selon contrat sous seing privé du 24 décembre 2001 régi par la loi du 25 juin 1991, la société ADT France venant aux droits de la société ADT Télésurveillance venant elle-même aux droits de la société ADT Sécurité Services (en abrégé ADT) a donné mandat à la société Boss Protection de vendre par elle-même ou par ses préposés des prestations de télésurveillance et de maintenance ; la société ADT ayant mis fin à ce contrat, la société Boss Protection l'a assignée en paiement d'une indemnité de rupture de 285 845 euro ; par jugement du 3 mars 2004, le Tribunal de commerce de Montpellier a considéré que le contrat avait été rompu sans justification d'une faute grave et a désigné M. Camoin en qualité d'expert afin de disposer des éléments de fait permettant de calculer l'équivalent de 2 années de commission pour déterminer l'indemnité due à la société Boss Protection. Sur appel de la société ADT, notre cour a confirmé le jugement susvisé et ordonné le sursis à statuer en l'attente d'une décision pénale définitive sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société ADT; après divers errements de procédure, l'affaire est revenue pour plaidoirie à l'audience du 3 février 2009.

La société ADT demande à la cour de dire que la société Boss Protection a commis des manquements contractuels constitutifs de fautes graves excluant tout versement d'indemnité à son profit, subsidiairement de débouter la société Boss Protection et Me Pernaud, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Boss Protection dans la mesure où ils ne rapportent la preuve ni dans sa nature, ni dans son quantum du préjudice qu'ils allèguent, en tout état de cause de condamner Me Pernaud, ès qualités à lui payer la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP Auche-Hedou (concl. 28 janvier 2009).

La société Boss Protection et Me Pernaud ès qualités répondent qu'aucune faute grave n'a été évoquée à l'appui de la rupture du contrat du 24 décembre 2001; ils demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'aucune faute ne justifie en l'espèce la rupture du contrat d'agent commercial, de le réformer pour le surplus notamment sur l'expertise, de condamner la société ADT à lui payer la somme de 285 485,04 euro à titre d'indemnité avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 novembre 2002, subsidiairement si une expertise était ordonnée, de dire que la société ADT en avancera les frais et en tout état de cause de condamner cette dernière à lui payer 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la SCP Argellies. (Concl. 23 janvier 2009)

Sur quoi,

Attendu qu'il convient de rappeler qu'au terme de ses conclusions du 28 janvier 2009, la société ADT ne formule pas de demande de sursis à statuer; qu'il convient de le constater;

Attendu que le 24 novembre 2006, le Tribunal de commerce de Montpellier a ouvert à l'encontre de la société Boss Protection une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire le 12 janvier 2007 ; que Me Pernaud désigné en qualité de liquidateur judiciaire intervient volontairement à la présente instance;

Attendu que par courrier du 8 juillet 2002, la société ADT après s'être étonnée de ce que la société Boss Protection "avait jugé bon d'éditer et de faire circuler un document publicitaire qui ne comporte pas le logo ADT mais l'offre et la reproduction des produits utilisés dans le cadre du dealer program France" lui rappelait que le contrat du 24 décembre 2001 prévoyait en son article 8 que "si le distributeur agréé souhaite réaliser des documents ou gadgets publicitaires portant la marque ADT sous quelque forme que ce soit, le ou les logos déposés par ADT Surveillance y compris celui propre à son statut de distributeur agréé, il doit obtenir au préalable une autorisation écrite de ADT Surveillance et lui avoir communiqué un descriptif détaillé de ses différents projets en la matière" ; qu'elle terminait sa lettre en lui indiquant qu'elle mettait fin au contrat de distributeur agréé ADT à compter du 8 août 2002 et lui demandait de prendre les mesures nécessaires pour cesser, à cette date, toute activité visant sa représentation;

Attendu que le 8 août 2002, la société ADT adressait un courrier RAR à la société Boss Protection où elle ne formulait aucun reproche à son encontre mais l'informait de sa volonté de résilier le contrat d'agent commercial et de ce qu'elle disposait du délai de préavis contractuel à compter de la réception de la lettre;

Attendu qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi;

Attendu que l'agent commercial perd ce droit à réparation s'il ne notifie pas au mandant dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat qu'il entend faire valoir ses droits ; que le 8 novembre 2002, le conseil de la société Boss Protection manifestait auprès de la société ADT l'intention de sa cliente de faire valoir ses droits; que la société Boss Protection n'a donc pas perdu son droit à réparation;

Attendu par ailleurs que la réparation prévue par l'article L. 134-12 du Code du commerce n'est pas due si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial;

Attendu que la faute grave génératrice de la perte du droit à réparation est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel;

Attendu que le fait de faire circuler un document publicitaire qui ne comportait pas le logo ADT mais l'offre et la reproduction des produits utilisés dans le cadre du dealer program France ne portait pas atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun;

Attendu par ailleurs que le contrat d'agent commercial prévoyait qu'en cas de faute grave de l'une des parties, le contrat pourrait être dénoncé par l'autre sans préavis ; que le courrier du 8 juillet accordait un préavis d'un mois à la société Boss Protection et que le courrier du 8 août lui accordait un autre mois de préavis ; que la société ADT ne considérait donc pas que l'attitude de la société Boss Protection était suffisamment grave pour rendre impossible le maintien du lien contractuel et priver la société Boss Protection de son droit à indemnité;

Attendu qu'au vu des relevés des commissions versées à la société Boss Protection du 1er janvier 2002 au 30 juin 2002 (pièce 5 de son bordereau), la cour possède des éléments d'appréciation suffisants, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'instruction, pour évaluer la juste réparation du préjudice subi par l'agent commercial qui consiste en la perte de la rémunération qu'il pouvait raisonnablement espérer en cas de poursuite de son activité;

Attendu qu'au vu des commissions versées au cours du 1er semestre 2002, la société Boss Protection pouvait raisonnablement espérer percevoir au cours des deux années à venir la somme de 280 000 euro ; que c'est la somme qui lui sera allouée à titre d'indemnité outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 novembre 2002;

Attendu que la société Boss Protection a dû exposer des frais non compris dans les dépens pour faire assurer la défense de ses intérêts, qu'il convient de lui accorder la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Attendu que la société ADT succombe en ses prétentions principales ; qu'elle sera donc déboutée de la demande qu'elle formule au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée à payer les dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de l'avoué de son adversaire.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la société Boss Protection n'avait pas commis de faute de nature à justifier la rupture du contrat d'agent commercial; le réforme pour le surplus; statuant à nouveau, condamne la société ADT France à payer à Me Pernaud ès qualités la somme de 280 000 euro à titre d'indemnité avec intérêt au taux légal à compter du 8 novembre 2002, date de la mise en demeure; condamne la société ADT France à payer à Me Pernaud ès qualités la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile; déboute la société ADT France de la demande qu'elle présente sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; condamne la société ADT France à payer les entiers dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de l'avoué de son adversaire.