Cass. soc., 5 mars 1981, n° 79-41.119
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Maillan
Défendeur :
Total (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Laroque
Rapporteur :
M. Sornay
Avocat général :
M. Franck
LA COUR : - Sur la première branche du moyen unique, prise de la violation de l'article L. 781-1 du Code du travail : - Attendu que Maillan, gérant libre depuis 1960 d'une station de distribution d'essence, appartenant à la société Total, a subi en 1970 des pertes importantes tenant tant à un déficit d'exploitation qu'aux conséquences d'un vol de marchandises ; qu'ayant résilié son contrat, il a demandé que la société soit condamnée à supporter ces pertes ; que l'arrêt attaqué a rejeté sa demande ;
Attendu qu'il fait grief à la cour d'appel d'avoir estimé qu'il devait supporter les risques de vol et ceux du déficit d'exploitation au motif que les marchandises volées étaient sa propriété, et que le déficit était du à sa mauvaise gestion alors, d'une part, que le transfert de propriété des marchandises aux gérants de station-service n'est qu'une modalité du système de la prétendue gérance libre mis au point par les sociétés pétrolières, qui ne saurait faire obstacle aux dispositions protectrices du droit du travail dont bénéficient ces gérants, que, d'autre part, la cour d'appel ayant admis qu'il était subordonné à la société Total, celle-ci devait supporter elle-même les risques de l'exploitation ;
Mais attendu que les juges du fond ont relevé qu'ayant négligé de se prémunir contre les conséquences prévisibles d'un vol et notamment de contracter une assurance, il ne pouvait prétendre faire supporter à la société une perte dont il était responsable ; qu'a supposer fictives les ventes de produits pétroliers intervenues entre la société Total et Maillan, celui-ci aurait été à tout le moins dépositaire de ces marchandises et tenu d'en rendre compte ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a exactement estimé que le déficit d'exploitation en 1970 de la station-service, imputable à sa mauvaise gestion et à l'engagement de dépenses trop importantes, devait être laissé à sa charge en l'absence de preuve d'un contrôle exercé par Total sur les modalités internes de son exploitation ; que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;
Mais sur la seconde branche du moyen : - Vu les articles L. 781-1 et L. 143-2 du Code du travail ; - Attendu que la cour d'appel après avoir admis que Maillan, en application de l'article L. 781-1 du Code du travail, devait bénéficier pour son travail de ressources au moins égales au salaire minimum fixé pour sa catégorie par la convention collective, l'a néanmoins débouté de sa demande tendant à obtenir pour l'exercice 1970 le versement du salaire minimum, au motif, notamment, que compte tenu de ses gains des années précédentes, il avait perçu plus que ce salaire pour l'ensemble de la période 1960-1970 ;
Attendu, cependant, que les salaires doivent être versés mois par mois ; que si, dans le cas particulier, pour des raisons comptables, c'est seulement en fin d'exercice qu'il peut être contrôlé si le gérant a perçu le salaire minimum, l'absence de rémunération de Maillan au cours de l'exercice 1970 ne pouvait être compensée par ses gains des années précédentes qui lui restaient définitivement acquis ; qu'il pouvait donc prétendre pour 1970 recevoir le salaire minimum sauf faute lourde ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qui concerne le rejet de la demande de Maillan en versement du salaire minimum pour l'année 1970, l'arrêt rendu entre les parties le 29 novembre 1978 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nîmes.