Cass. com., 2 octobre 1979, n° 78-10.468
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Chapon (Sté), Cauvin-Yvose (Sté)
Défendeur :
Pozzo
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vienne
Rapporteur :
M. Jonquères
Avocat général :
M. Cochard
Avocat :
Me Boré
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : - Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, le 20 mai 1977), Pozzo, propriétaire d'un brevet déposé le 8 novembre 1968 concernant une housse isothermique pour le transport des marchandises, a, par acte du 7 février 1969 concédé une licence exclusive d'exploitation de son brevet à la société des établissements Chapon et fils, aux droits de laquelle se trouve la société Cauvin-Yvose, que ce contrat mettait à la charge de la licenciée l'obligation de réaliser un chiffre d'affaires annuel minimum, que dans le cas où ce minimum ne serait pas atteint pendant 2 années consécutives, Pozzo pourrait résilier la licence sans que la société Chapon puisse réclamer des dommages-intérêts, que cette dernière n'ayant pas rempli son obligation, Pozzo, par lettre recommandée, a rappelé à la société Chapon qu'il tenait du contrat le droit de résilier, mais lui reprochant une insuffisance fautive d'exploitation, lui a notifié son intention de demander judiciairement la résiliation du contrat à ses torts, que Pozzo a fait assigner le 24 avril 1973 la société Cauvin-Yvose, puis le 4 février 1974 la société Chapon en résiliation de contrat et en dommages-intérêts;
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir fait droit à cette demande alors que, selon le pourvoi, d'une part l'arrêt attaqué constate que le contrat litigieux avait conféré au breveté, en cas d'insuffisance du chiffre d'affaires, la faculté de résilier unilatéralement le contrat, sans que le licencié puisse prétendre à des dommages-intérêts; que l'arrêt attaqué relève, en outre, que le breveté avait, dans les formes prévues par la convention, résilié la convention; que dès lors, en décidant de " prononcer la résiliation judiciaire " d'un contrat déjà résilié qui avait donc cessé d'exister de par la seule volonté unilatérale du breveté, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs ainsi que d'une violation de l'article 1134 du Code civil, alors que, d'autre part, le contrat, rédigé en des termes clairs et précis prévoyait exclusivement, au profit du breveté, en cas d'insuffisance du chiffre d'affaires, la faculté exorbitante de résiliation unilatérale sans que le licencié puisse réclamer une quelconque indemnité; qu'en déduisant a contrario de cette renonciation du licencié à une indemnité de résiliation, qu'un droit à indemnité aurait été prévu au profit du breveté, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs ainsi que d'une dénaturation du contrat auquel elle a ajouté une nouvelle clause au profit du breveté et alors qu'enfin la clause prévoyant une simple faculté de résiliation pour défaut de réalisation d'un chiffre d'affaires minimal, ne saurait être assimilée à une clause, inexistante en l'espèce d'après laquelle le licencié serait tenu, au titre d'une obligation de résultat, de verser au breveté, pendant toute la durée du contrat, une redevance d'un montant susceptible d'être réduit au-dessous d'un chiffre d'affaires déterminé; qu'en retenant l'existence d'une telle " obligation de résultat " l'arrêt attaqué a créé une nouvelle obligation par voie d'adjonction au contrat litigieux, qu'il a dénaturé, d'une clause créée de toute pièce;
Mais attendu que l'arrêt a constaté que dans sa lettre du 22 janvier 1973, régulièrement produite à l'appui du pourvoi, Pozzo, tout en se prévalant de sa faculté de résilier le contrat de licence du 7 février 1969 en raison de l'insuffisance du chiffre d'affaires réalisé, a imputé à la carence de la société Chapon ce défaut de résultat et, en conséquence, a manifesté son intention de voir prononcer judiciairement la résiliation aux torts de la licenciée; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches du moyen, a pu, sans se contredire, et sans violer la loi du contrat qu'elle a interprétée, retenir que la société Chapon ne pouvait prétendre qu'une résiliation contractuelle s'est trouvée acquise à la réception de ladite lettre, et que si les dispositions de l'article 5 de la convention précitée offraient à Pozzo une simple faculté de résilier en l'absence de tout grief à l'égard de la licenciée sans que celle-ci puisse réclamer une indemnité, elle ne pouvait toutefois lui interdire d'agir en résiliation judiciaire pour voir réparer, selon les termes du droit commun, le préjudice subi par suite de l'inexécution par la société Chapon de son obligation d'exploiter le brevet; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 20 mai 1977 par la Cour d'appel de Paris.