Cass. com., 17 juin 1997, n° 95-15.336
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Sofidia (Sté)
Défendeur :
Citroën (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Tricot
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
Me Foussard, SCP Delaporte, Briard
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Nîmes, 30 novembre 1994), que la société automobiles Citroën a conclu avec la Société financière de distribution automobile (Sofidia) un contrat de concession énonçant que les véhicules commandés par le concessionnaire sont vendus et facturés par le constructeur et que le transfert de leur propriété est suspendu jusqu'au paiement intégral de leur prix par le concessionnaire; que la société automobiles Citroën a délivré à la Sofidia, les 15 et 19 avril 1993, deux mises en demeure de payer qui sont demeurées infructueuses ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la Sofidia le 14 mai 1993, le juge-commissaire a constaté, par une ordonnance du 11 juin 1993, que le contrat de concession était résilié depuis le 7 mai 1993, date à laquelle la société automobiles Citroën avait notifié à la Sofidia la résiliation de plein droit intervenue en application des dispositions contractuelles ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la Sofidia, le 9 juillet 1993, la société automobiles Citroën et la société commerciale Citroën, invoquant une opération de "défacturation-refacturation", ont demandé, le 28 juillet 1993, la restitution des véhicules détenus par la Sofidia; que, par une ordonnance du 31 août 1993, le juge-commissaire a rejeté la demande ; que le tribunal ayant confirmé cette décision, la société commerciale Citroën a fait appel ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que le liquidateur judiciaire de la Sofidia reproche à l'arrêt d'avoir déclaré fondée en son principe la revendication de la société commerciale Citroën et d'avoir rejeté la demande de nullité des opérations de "défacturation-refacturation" alors, selon le pourvoi, d'une part, que faute d'avoir recherché si le contrat de concession ne constituait pas qu'un accord cadre, et si les ventes de véhicules intervenues en exécution de cet accord cadre ne s'en distinguaient pas juridiquement, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 et 1583 du Code civil et au regard de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985; alors, d'autre part, que l'acte aux termes duquel une partie appréhende une chose moyennant l'abandon d'une créance représentative du prix convenu, est bien un acte destiné à produire des effets juridiques dans la mesure où, du fait de la reprise, la détention fait l'objet d'un transfert avec toutes les conséquences que ce transfert comporte juridiquement, et un acte juridique à titre onéreux, dans la mesure où la reprise a pour contrepartie la disparition d'une créance; qu'en décidant le contraire, peu important les liens de l'opération avec la résiliation du contrat de concession, les juges du fond ont violé l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985; et alors, enfin, que le pouvoir souverain reconnu aux juges du fond pour apprécier l'opportunité d'une nullité ne peut restituer une base légale à l'arrêt au regard de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, dès lors que les motifs de droit mis en avant par la cour d'appel pour justifier sa décision excluent l'usage par les juges du fond du pouvoir de prononcer la nullité ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'un côté, que le juge-commissaire avait constaté, le 11 juin 1993, que le contrat de concession avait été résilié le 7 mai 1993 avant l'ouverture de la procédure collective, et d'un autre côté, que ce contrat énonçait qu'à son expiration les véhicules neufs en stock chez le concessionnaire ou mis en dépôt par lui chez ses agents ou chez des garagistes, et non réglés, seront remis à la disposition du constructeur qui annulera les factures correspondantes, la cour d'appel, qui a en outre constaté qu'à la suite de cette "défacturation", la société automobiles Citroën avait facturé les véhicules à la société commerciale Citroën, en a exactement déduit, sans avoir à effectuer la recherche énoncée à la première branche, que le droit de propriété de la société automobiles Citroën sur les véhicules étant établi dès avant l'ouverture de la procédure collective de la Sofidia du seul fait de la reconnaissance de la résiliation du contrat de concession, le transfert de ce droit à la société commerciale Citroën par un acte à titre onéreux qui, n'étant pas passé avec le débiteur, n'entrait pas dans les prévisions de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, était valable à l'égard de la Sofidia, de sorte qu'était fondée la demande en revendication engagée, dans le délai de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, par la société commerciale Citroën subrogée aux droits de la société automobiles Citroën; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que le liquidateur judiciaire de la Sofidia reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de paiement, par la société commerciale Citroën, des frais de garage et de gardiennage des véhicules alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cassation qui interviendra sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, par application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, l'annulation du chef de dispositif attaqué dans le second moyen; alors, d'autre part, que, si même une partie est tenue à restitution, elle est en droit d'obtenir le remboursement des dépenses exposées pour conserver la chose; qu'en omettant de rechercher si tel n'était pas le cas des frais de gardiennage et de garage, les juges du fond ont privé la décision de base légale au regard des articles 1582, 1604, 1615, 1947 et 1948 du Code civil, et de façon plus générale au regard des règles régissant les restitutions; et alors, enfin, que faute d'avoir précisé la date du transfert de propriété pour déterminer à quelle date la société commerciale Citroën n'était plus redevable des frais de gardiennage et de garage, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1582, 1604, 1615, 1947 et 1948 du Code civil et au regard des règles générales régissant les restitutions ;
Mais attendu, en premier lieu, que le premier moyen ayant été rejeté, le second moyen doit l'être également en sa première branche ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer les recherches énoncées aux deuxième et troisième branches dès lors que, pour rejeter la demande du liquidateur judiciaire de la Sofidia, elle a retenu que les frais de gardiennage et de garage étaient la conséquence du refus opposé par le liquidateur à la restitution des véhicules à la société commerciale Citroën, en méconnaissance du droit de propriété de celle-ci ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.