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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 1 juillet 2009, n° 09-10895

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Château de Chassagne Montrachet (SCV), Clerget (Consorts)

Défendeur :

Bader (Epoux), Domaine du Château de Chassagne (GFA), Bader-Mimeur (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mmes Regniez, Le Bail, Pierrard, Saint-Schroeder

Avoués :

SCP Roblin-Chaix de Laverene, SCP Grapotte Benetreau Jumel

Avocats :

Mes Etienne, Dumitresco

TGI Dijon, du 29 juill. 1996

29 juillet 1996

Vu l'arrêt prononcé le 25 février 2009 qui a, notamment:

- confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Dijon du 29 juillet 1996 en ce qu'il a condamné les consorts Clerget et la SCE aujourd'hui SCV du Château de Chassagne Montrachet au titre d'actes de concurrence déloyale au préjudice des consorts Bader et du GFA du Domaine du Château de Chassagne Montrachet et prononcé des mesures d'interdiction et de publication.

Y ajoutant,

- dit que la SCV du Château de Chassagne Montrachet a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Bader-Mimeur,

- condamné in solidum les appelants à verser aux consorts Bader, au GFA du Domaine du Château de Chassagne Montrachet et à la société Bader Mimeur la somme de 150 000 euro à titre de dommages-intérêts,

- fait interdiction aux appelants de faire usage de la dénomination Château de Chassagne Montrachet pour commercialiser des vins autres que ceux venant de la parcelle de vignes sise " Champ Derrière " sur l'ancien domaine du Château de Chassagne-Montrachet sous astreinte de 100 euro par infraction constatée passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt;

Vu la requête en interprétation du 19 mai 2009 présentée par la SCV du Château de Chassagne Montrachet, Madame Corinne Clerget et Monsieur Patrick Clerget tendant à voir complété le dispositif de l'arrêt précité en précisant que l'interdiction sous astreinte n'empêche pas la SCV ou ses ayants droit de mentionner qu'elle est propriétaire du château, et/ou d'indiquer l'adresse du siège social situé au Château de Chassagne Montrachet sur l'ensemble de ses supports commerciaux quand bien même ceux-ci seraient utilisés pour la commercialisation de vins,

Vu les conclusions en réponse des consorts Bader, du GFA du domaine du Château de Chassagne Montrachet et de la société Bader-Mimeur qui demandent à la cour de déclarer la requête irrecevable et de débouter les requérants de leurs prétentions, subsidiairement de juger qu'il n'y a pas lieu à interprétation et, à titre très subsidiaire, de dire qu'elle a entendu interdire à la SCV Château de Chassagne Montrachet sur tous les supports possibles, en toute circonstance et sous quelle que forme que ce soit et notamment en rajoutant à son adresse postale réelle " 5, chemin du château " les mentions telles que " Au château ", " Propriétaire du château " ou " Au château de Chassagne Montrachet " dès lors qu'il s'agit de commercialiser du vin qui ne serait pas issu des vignes de la parcelle cadastrée Champ Derrière.

Sur ce

Considérant qu'il appartient à tout juge, en application de l'article 461 du Code de procédure civile, d'interpréter sa décision.

Considérant que les parties s'opposent sur le sens à donner à l'interdiction prononcée par l'arrêt du 25 février 2009, la SCV du Château de Chassagne Montrachet demandant à la cour d'interpréter cette mesure comme l'autorisant à mentionner qu'elle est propriétaire du Château et à indiquer l'adresse de son siège social " Au château - Chassagne Montrachet " sur l'ensemble de ses documents commerciaux comprenant ceux qu'elle utilise pour la commercialisation de vins, ce à quoi s'opposent les consorts Bader-Mimeur qui estiment qu'il n'y a pas lieu à interprétation ; que ces derniers objectent que la SCV n'est propriétaire que d'une partie du château de Chassagne Montrachet alors qu'eux-mêmes sont propriétaires, par l'intermédiaire de leur GFA, d'une autre fraction dudit château comportant à la fois certains bâtiments du château de Chassagne Montrachet ainsi que des terres plantées en vignes ; qu'ils ajoutent que l'adresse postale réelle de la SCV n'est pas " Au château " mais " 5, chemin - ou rue - du Château " et que l'adresse de cette société n'est nullement dépendante de la mention " Au château " qui ne se retrouve pas dans des documents officiels comme les déclarations de récoltes et les documents comptables.

Considérant, ceci exposé, que la mesure d'interdiction ordonnée par la cour dans son arrêt du 25 février 2009 a pour but d'empêcher le renouvellement des actes de concurrence déloyale commis par les consorts Clerget et la SCV du Château de Chassagne Montrachet au préjudice des intimés et partant, de supprimer tout risque de confusion sur l'origine des vins désignés sous l'appellation " Château de Chassagne Montrachet ".

Considérant que la SCV du Château de Chassagne Montrachet tente par un moyen détourné d'obtenir l'autorisation de faire usage de cette dénomination sur ses supports commerciaux utilisés pour la commercialisation de l'ensemble de ses vins en intégrant dans son adresse la mention " Au château " alors que son adresse postale telle qu'elle apparaît dans l'annuaire des pages jaunes, sur le site officiel des vins de Bourgogne, sur les états comptables et fiscaux 2006 et sur la requête en interprétation de même que sur la déclaration de pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt du 25 février 2009 ne comporte pas cette expression ; que celle-ci n'est nullement nécessaire pour identifier l'adresse de la SCV qui l'est suffisamment par le numéro et le nom de la rue où elle est domiciliée et celui de la commune;

Qu'interpréter la mesure d'interdiction dans le sens souhaité par cette société et dire que la mesure d'interdiction n'empêche pas la SCV d'indiquer l'adresse de son siège social en ces termes : " Au château - Chassagne Montrachet " ou bien encore de mentionner sur les supports commerciaux qu'elle utilise pour la distribution de ses vins le titre de " Propriétaire du Château de Chassagne Montrachet " alors qu'une partie de ce domaine ne lui appartient pas, reviendrait à priver cette mesure de toute efficacité et à altérer le sens de la décision;

Qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter la demande en interprétation telle que formulée par la SCV et de dire que la mesure d'interdiction dont s'agit s'étend à l'utilisation des termes " Au Château " dans l'adresse que fait figurer la SCV sur l'ensemble de ses supports commerciaux et à ceux de " Propriétaire du château de Chassagne Montrachet ".

Considérant que l'équité commande d'allouer aux consorts Bader, au Groupement foncier agricole du Domaine du Château de Chassagne-Montrachet et à la société Bader-Mimeur la somme globale de 2 000 euro au titre de frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, Dit que la mesure d'interdiction prononcée par la cour dans son arrêt du 25 février 2009 s'entend également de l'interdiction de l'usage, sur les supports commerciaux destinés à la commercialisation de vins autres que ceux venant de la parcelle sise " Champ derrière ", de la dénomination " Au château de Chassagne Montrachet " ou " Au château - Chassagne Montrachet " ou bien encore " Au château " dans l'adresse qu'utilise la SCV du Château de Chassagne Montrachet et de celle de " Propriétaire du château de Chassagne Montrachet ". Condamne in solidum les consorts Clerget et la SCV du Château de Chassagne Montrachet à verser aux consorts Bader, au CFA du Domaine du Château de Chassagne Montrachet et à la société Bader-Mimeur la somme totale de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Les condamne in solidum aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par la SCP Grappotte Benetreau Jumel, avoué.