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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 19 juin 2009, n° 06-04416

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Viola

Défendeur :

Pages Jaunes (SA), France Telecom (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

MM. Laurent-Atthalin, Schneider

Avoués :

Me Teytaud, SCP Baufumé-Galland-Vignes, SCP Gaultier-Kistner

Avocats :

Mes Firtion, Potot, Ekici

T. com. Paris, 8e ch., du 8 févr. 2006

8 février 2006

M. Viola exerce l'activité d'antiquaire à Metz.

En 1997, il a choisi d'exercer son activité sous le nom d'Aabam Antiquités André Viola et a sollicité de France Télécom la modification de son inscription dans l'annuaire des pages blanches et il a été ainsi inscrit gratuitement dans l'annuaire des pages jaunes sous l'appellation Aabam Antiquités André Viola en 1999 et en 2000.

Lors de la parution des annuaires 2001 des pages blanches et pages jaunes, il a découvert que son inscription gratuite sous l'appellation d'Aabam Antiquités André Viola avait été supprimée.

Il a interrogé France Télécom sur les raisons de ce changement et il lui a été répondu que, sous prétexte de vouloir apparaître en début de liste, la société France Télécom avait vu apparaître une quantité d'enseignes commençant par Aabam et qui n'avaient pas de sens de sorte que le centre de gestion des annuaires a décidé de ne plus accepter ces enseignes qu'avec un justificatif et d'attribuer, dans les annuaires électroniques, de façon aléatoire l'ordre de parution dans une rubrique professionnelle.

Les sociétés France Télécom et Pages Jaunes ayant maintenu leur position, M. Viola les a assignées devant le Tribunal de commerce de Metz en paiement de dommages-intérêts.

Les sociétés ayant soulevé l'incompétence territoriale du Tribunal de commerce de Metz, le Tribunal de commerce de Paris a été saisi.

Par jugement du 8 février 2006, le Tribunal de commerce a débouté M. Viola de ses demandes et l'a condamné à payer à chacune des sociétés 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Viola a relevé appel. Il conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de condamner solidairement les sociétés France Télécom et Pages Jaunes à lui verse 68 881 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique et 50 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, de condamner les sociétés France Télécom et Pages Jaunes à prendre en charge les trimestres de retraite perdus par lui, d'ordonner la réinscription dans les annuaires des pages blanches et jaunes et dans le Minitel de la mention Aabam Antiquités André Viola, d'ordonner la publication de l'arrêt dans deux quotidiens nationaux et sur les sites internet des sociétés France Télécom et Pages Jaunes.

Il réclame 8 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il expose que le tribunal de commerce ne pouvait se fonder sur le rapport du conseil national de la consommation du 12 mai 1999 qui ne concerne que les activités de dépannage, que l'appellation d'Aabam n'est pas abusive, que la société Pages Jaunes ne peut modifier, contre la volonté de l'annonceur, les données que celui-ci fournit, qu'il a droit au respect et à la protection de sa marque et de sa dénomination, qu'il est enregistré au Registre du commerce de Metz sous l'appellation Aabam Antiquités André Viola et que le priver de sa marque lui a causé un préjudice important.

La société France Télécom requiert la confirmation du jugement et sollicite 2 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Pages Jaunes prie la cour de confirmer le jugement et de lui allouer 2 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Cela exposé, LA COUR,

Considérant qu'il ressort du règlement adopté par la société Pages Jaunes que l'objectif des règles de classement critiquées par M. Viola est d'éviter tout classement préférentiel en contrant les pratiques abusives concernant les classements;

Que ces règles, qui s'appliquent indistinctement à tout annonceur, sont destinées à éviter des détournements de l'ordre alphabétique dont l'emploi est utilisé comme méthode de classement, étant observé que M. Viola ne rapporte pas la preuve d'actes constitutifs de discrimination opérées par la société Pages Jaunes qui aurait continué à autoriser certains annonceurs à utiliser une dénomination contraire aux nouvelles règles pour bénéficier d'un classement privilégié;

Que la circonstance que M. Viola a bénéficié d'un classement privilégié jusqu'en 2000 ne pouvait créer à son profit un droit acquis au maintien de ce classement en dépit de l'instauration de nouvelles règles, la société Pages Jaunes étant endroit d'instaurer des règles nouvelles afin d'empêcher des pratiques abusives entravant la concurrence;

Que la souscription d'insertions publicitaires dans les annuaires est soumise au respect des conditions générales que la société Pages Jaunes était en droit de modifier pour éviter des détournements de l'ordre alphabétique et qu'elle était fondée à interdire toute dénomination constituée d'une succession de lettres A et B à l'exception des noms patronymiques;

Considérant, en outre, que le nom d'Aabam, qui signifie le plomb dans le vocabulaire de l'alchimie, n'a pas de rapport direct avec une activité d'antiquaire, un antiquaire ne travaillant pas le plomb de façon habituelle;

Que, contrairement à ce que prétend M. Viola, la société Pages Jaunes, ne pouvait publier la marque sous laquelle M. Viola est inscrit au registre du commerce de Metz, à savoir Aabam Antiquités André Viola, dès lors que cette marque est en contradiction avec les règles instituées par les conditions générales en matière de parution des annonces, la société Pages Jaunes devant respecter ses conditions générales de publication;

Que, dès lors, le choix par M. Viola de faire précéder son nom du mot Aabam ne pouvait avoir d'autre but que celui-ci de chercher un classement préférentiel qui constituait une pratique de nature abusive contrairement à ce que prétend M. Viola;

Considérant que, sans suivre M. Viola dans le détail de son argumentation, il convient de confirmer le jugement ;

Considérant que M. Viola a pu se méprendre sur ses droits de sorte que la demande de dommages-intérêts formée par la société Pages Jaunes et la société France Télécom pour procédure abusive sera rejetée;

Considérant que les circonstances de la cause commandent d'allouer 3 000 euro à la société Pages Jaunes et à la société France Télécom, chacune en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en cause d'appel;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement; Condamne M. Viola à payer à la société France Télécom et à la société Pages Jaunes, chacune, la somme de 3 000 euro, en cause d'appel; Déboute ces sociétés de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive; Met les dépens d'appel à la charge de M. Viola et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 Code de procédure civile.