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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 25 février 2009, n° 07-15129

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Château de Chassagne Montrachet (SCV), Clerget (Consorts)

Défendeur :

Bader (Consorts), Domaine du Château de Chassagne Montrachet (GFA), Bader-Mimeur (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mmes Regniez, Le Bail, Pierrard, Saint-Schroeder

Avoués :

SCP Roblin-Chaix de Laverene, SCP Grapotte Benetreau Jumel

Avocats :

Mes Etienne, Dumitresco

TGI Dijon, du 29 juill. 1996

29 juillet 1996

Vu le jugement du Tribunal de grande instance de Dijon du 29 juillet 1996 qui a:

- déclaré les consorts Bader et le Groupement foncier agricole (GFA) du Domaine du Château de Chassagne Montrachet irrecevables à agir en nullité et en contrefaçon de marques déposées par Monsieur Clerget le 17 février 1989

- dit que Monsieur Clerget, représenté par ses héritiers, et la SCE Château de Chassagne Montrachet se sont livrés à des actes de concurrence déloyale,

- condamné in solidum les héritiers de Monsieur Clerget et la SCE Château de Chassagne Montrachet à payer aux consorts Bader et au GFA du Domaine du Château de Chassagne Montrachet la somme de 10 000 F en réparation du préjudice subi ainsi que celle de 10 000 F au titre des frais irrépétibles,

- ordonné sous astreinte aux consorts Clerget et à la SCE Château de Chassagne Montrachet de cesser toute utilisation des étiquettes imitées et de tous documents ayant facilité la concurrence déloyale,

- autorisé la publication du jugement,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné les défendeurs aux dépens.

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon du 25 septembre 1998 qui, statuant sur l'appel interjeté par les consorts Clerget et la SCE Château de Chassagne Montrachet, a infirmé le jugement et, statuant à nouveau, a :

- annulé les marques " Clos du Château de Chassagne ", " Château de Chassagne " déposées par Pierre Bader et les marques " Caves du Château de Chassagne Montrachet ", " Château de Chassagne Montrachet " et " Domaines du Château de Chassagne Montrachet " déposées par Maurice Clerget,

- fait défense aux parties d'utiliser ces marques,

- dit que la SCE Château de Chassagne Montrachet avait seule le droit de commercialiser des vins produits en AOC sur le territoire de Chassagne Montrachet élevés et mis en bouteille au château sous la dénomination " Château de Chassagne Montrachet ",

- débouté les parties de plus amples prétentions et condamné les consorts Bader et le GFA aux dépens.

Vu l'arrêt du 6 mai 2002 par lequel la Cour de cassation, sur le pourvoi formé par les consorts Bader et le GFA du Domaine du Château de Chassagne Montrachet qui a cassé et annulé l'arrêt du 25 septembre 1998 mais en ses seules dispositions ayant dit que la SCE Château de Chassagne Montrachet avait seule le droit de commercialiser des vins produits en AOC sur le territoire de Chassagne Montrachet sous la dénomination " Château de Chassagne Montrachet ",

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris 4e chambre section A qui a infirmé le jugement en ce qu'il a condamné les consorts Clerget et la SCE Château de Chassagne Montrachet au titre d'actes de concurrence déloyale au préjudice des consorts Bader et du GFA du Domaine du Château de Chassagne Montrachet et prononcé des mesures d'interdiction et de publication et, statuant à nouveau, a:

- débouté la SCE Château de Chassagne Montrachet de sa demande à se voir reconnaître le droit exclusif de commercialiser des vins produits en AOC sur le territoire de Chassagne Montrachet sous la dénomination " Château de Chassagne Montrachet ",

- dit que la SARL Bader-Mimeur était en droit de commercialiser sous la dénomination " Château de Chassagne Montrachet " ou " Clos du Château de Chassagne Montrachet " les vins d'AOC Chassagne Montrachet issus de l'exploitation du domaine historique du Château de Chassagne Montrachet et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Vu l'arrêt du 30 mai 2007 par lequel la Cour de cassation, sur le pourvoi formé par les consorts Bader et le GFA du Domaine du Château de Chassagne Montrachet qui a cassé et annulé l'arrêt du 15 décembre 2004 mais en ses seules dispositions ayant rejeté la demande en concurrence déloyale formée par les consorts Bader, le GFA et la société Bader-Mimeur.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 3 décembre 2008, la SCV du Château de Chassagne Montrachet et les consorts Clerget demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de déclarer irrecevables les consorts Bader et le GFA du Domaine du Château de Chassagne Montrachet sur le fondement de la concurrence déloyale à tout le moins à compter de l'année 2000, de déclarer la société Bader-Mimeur irrecevable à ce titre pour des faits antérieurs au 25 janvier 2005 à tout le moins 2000 et de mettre hors de cause les consorts Clerget.

Ils sollicitent que soit posée avant dire droit à la Cour de justice des Communautés européennes une question préjudicielle au regard de l'article 54 paragraphe 2 du règlement CE 479-08 du 29 avril 2008 et de l'article 25 du règlement CE 753-02 du 29 avril 2002.

Subsidiairement, ils demandent à la cour d'enjoindre les intimés de communiquer leurs déclarations de récoltes, comptes de résultat et livres d'embouteillage de 1997 à 2007, de dire que les motifs attachés à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 15 décembre 2004 n'ont pas acquis autorité de chose jugée, de dire qu'ils avaient le droit de commercialiser les vins produits en AOC sur le territoire de Chassagne Montrachet, élevés et mis en bouteille au Château sous la dénomination Château de Chassagne Montrachet, de dire que les actes de concurrence déloyale qui leur sont reprochés ne sont pas établis pas plus que ne l'est le risque de confusion résultant de l'usage de la dénomination litigieuse et de dire au besoin qu'il n'est justifié d'aucun préjudice de ce chef.

Ils concluent à l'irrecevabilité de la demande fondée sur l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle.

La SCV du Château de Chassagne Montrachet réclame reconventionnellement la somme de 500 000 euro au titre d'actes de concurrence déloyale commis à son préjudice par les intimés outre la somme de 20 000 euro au titre des frais irrépétibles.

Les intimés concluent dans leurs dernières écritures du 15 décembre 2008 à l'irrecevabilité et, subsidiairement, au mal fondé de la demande de question préjudicielle ainsi qu'à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle et à la tardiveté de la demande de communication de pièces.

Ils demandent à la cour de dire que les appelants ont commis des actes de concurrence déloyale à leur préjudice, de les condamner à leur payer la somme de 1 576 410 euro de dommages-intérêts, d'interdire à la SCV du Château de Chassagne Montrachet de faire référence au Château de Chassagne pour commercialiser des vins, d'ordonner la destruction des étiquettes et d'ordonner à cette société de changer sa dénomination sociale. Ils sollicitent la publication du jugement et la somme de 80 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties en date des 3 et 15 décembre 2008 pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions et ce, conformément aux dispositions des articles 455 et 753 du Code de procédure civile.

Sur ce

Sur les fins de non-recevoir

Sur la recevabilité de la demande en concurrence déloyale formée par les intimés

Considérant que les appelants concluent à l'irrecevabilité des demandes formées au titre de la concurrence déloyale au motif que les consorts Bader et le GFA Château de Chassagne Montrachet ont cessé en 2000 d'exploiter et de commercialiser les vins issus du domaine du Château de Chassagne Montrachet au profit de la SARL Bader-Mimeur ; qu'ils prétendent que cette société n'est pas plus recevable à agir de ce chef pour la période antérieure au 25 janvier 2005 dès lors qu'elle " n'exploitait pas " alors le nom commercial Château de Chassagne Montrachet.

Mais considérant que tant les consorts Bader que le GFA Château de Chassagne Montrachet et la société Bader-Mimeur ont un intérêt à agir en réparation du préjudice qu'ils ont pu respectivement subir les premiers avant 2000 et la seconde après cette date ; que l'absence d'usage du nom commercial Château de Chassagne Montrachet par la société Bader-Mimeur avant le 25 janvier 2005 est sans portée s'agissant de rechercher si les actes de concurrence déloyale qui sont reprochés aux appelants, à savoir la commercialisation de vins ne provenant pas du Domaine du Château de Chassagne Montrachet sous les dénominations Château de Chassagne Montrachet ou Domaine du Château de Chassagne Montrachet ou bien encore récolte du Château de Chassagne Montrachet, sont caractérisés;

Que cette fin de non-recevoir sera, en conséquence, rejetée.

Sur la recevabilité des pièces communiquées le 26 novembre 2008 par les intimés

Considérant que les consorts Clerget et la SCV du Château de Chassagne Montrachet demandent que soient écartés des débats les documents établis le 30 octobre 2008 mais communiqués par les intimés le 26 novembre suivant en raison du caractère tardif de cette communication.

Considérant, toutefois, que les appelants ont pu prendre connaissance de ces pièces et les critiquer dans leurs écritures du 3 décembre 2008.

Que cette fin de non-recevoir sera donc également rejetée.

Sur la recevabilité de la demande portant sur l'atteinte à l'AOC Chassagne Montrachet

Considérant que les intimés ont pour la première fois formé cette demande devant la Cour d'appel de Paris après le prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2007 ;

Que cette prétention ne tendant pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et n'entrant pas dans le cadre des exceptions prévues à l'article 564 du Code de procédure civile doit être déclarée irrecevable.

Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle des appelants

Considérant que les intimés objectent que la demande reconventionnelle en concurrence déloyale présentée pour la première fois par les appelants deux mois avant la clôture de l'instruction ne répond pas à la condition posée par l'article 70 du Code de procédure civile.

Considérant que les demandes originaires formées par les consorts Bader et le GFA Château de Chassagne Montrachet tendaient à voir sanctionner des actes de contrefaçon de marques et des actes de concurrence déloyale consistant dans l'usage de la dénomination Château de Chassagne Montrachet pour des vins ne provenant pas des vignes plantées sur l'ancien domaine du château;

Que la demande reconventionnelle des appelants porte sur la présentation par les consorts Bader sur leur site Internet de leur activité de négociant au château, de l'usage qu'ils font depuis des décennies de la dénomination Clos du Château de Chassagne Montrachet pour désigner leur vigne attenante au château et située Champ Derrière et de l'usage qu'ils feraient d'une fausse appellation pour commercialiser du Beaujolais village, du Juliénas et du Chablis ;

Qu'une telle demande ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'elle sera dès lors déclarée irrecevable.

Sur la recevabilité de la demande de question préjudicielle

Considérant que les appelants demandent à la cour de poser à la Cour de justice des Communautés européennes la question préjudicielle suivante

" L'article 54 paragraphe 2 du règlement CE 479-08 du 29 avril 2008 ainsi que l'article 25 du règlement CE 753-02 s'opposent-ils à ce qu'une entreprise qui possède ou exploite le domaine d'un château et vinifie, élève et embouteille au sein de ce château tous les raisins qu'elle récolte dans des vignes faisant partie de cette exploitation, utilise le nom de ce château, lequel correspond également à son nom commercial, pour commercialiser les vins produits au sein de cette exploitation ?

Pour répondre à la question, le droit communautaire impose-t-il de se référer à la notion d'ancien domaine ou de domaine historique du château dont il conviendrait alors de définir le périmètre ?

Et en ce cas, à quelle époque convient-il de se placer pour définir ce périmètre ?

Plus précisément, le droit communautaire interdit-il, dans un but de protection du consommateur, qu'une autre entreprise, n'exploitant pas ce château mais seulement des annexes et quelques parcelles distraites ou démembrées, commercialise ses vins en faisant usage du nom de ce château ?

Enfin, la réponse à cette troisième question serait-elle modifiée dans l'hypothèse où cette seconde entreprise avait accolé, de manière très récente, à sa dénomination sociale et/ou nom commercial d'origine, une seconde dénomination sociale et bu nom commercial faisant soudainement référence à ce château qu'elle n'exploite pas ?

Considérant que les intimés soutiennent que cette demande est irrecevable au motif que cette demande avait déjà été faite devant la Cour de cassation en 2006 sous une forme modifiée et avait été rejetée.

Considérant, cependant, que la Cour de cassation a, dans son arrêt du 30 mai 2007, cassé l'arrêt d'appel du 15 décembre 2004 en ses seules dispositions ayant rejeté la demande en concurrence déloyale formée par les consorts Bader, le GFA et la société Bader-Mimeur sans rejeter la demande de question préjudicielle ;

Que la demande tendant à voir poser la question préjudicielle susvisée est donc recevable ; que l'opportunité de poser une telle question sera examinée ci-après.

Sur la demande de mise hors de cause des consorts Clerget

Considérant que les consorts Clerget sollicitent leur mise hors de cause en raison de la cession des parts qu'ils détenaient dans la SCE Château de Chassagne Montrachet intervenue les 18 septembre et 3 décembre 1997 au profit de la société Picard Père & Fils.

Considérant, néanmoins, que les actes de concurrence déloyale litigieux reprochés aux appelants portent notamment sur la période antérieure à 1997 de sorte qu'en l'absence de dispositions particulières dans l'acte de cession il y a lieu de débouter les consorts Clerget de leur demande de mise hors de cause.

Au fond

Considérant que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris précité a pris force de chose jugée en ce qu'il a débouté la SCE du Château de Chassagne Montrachet tendant à se voir reconnaître le droit exclusif de commercialiser des vins produits en AOC sur le territoire de Chassagne Montrachet sous la dénomination " Château de Chassagne Montrachet " et dit que la SARL Bader-Mimeur était en droit de commercialiser sous la dénomination " Château de Chassagne Montrachet " ou " Clos du Château de Chassagne Montrachet " les vins d'AOC Chassagne Montrachet issus de l'exploitation du domaine historique du Château de Chassagne Montrachet ;

Que le litige est donc limité à l'examen des actes de concurrence déloyale reprochés par les intimés aux consorts Clerget et à la SCV du Château de Chassagne Montrachet et consistant dans la commercialisation sous la dénomination " Château de Chassagne Montrachet " de vins issus de vignes extérieures au domaine du château ;

Que les appelants répliquent que les raisins provenaient exclusivement de vignes faisant partie de l'exploitation de la SCV du Château de Chassagne Montrachet et que le vin issu de ces vignes a été vinifié, élevé et mis en bouteilles au château de sorte qu'ils pouvaient prétendre à utiliser la dénomination litigieuse pour l'ensemble des vins provenant de cette même et unique exploitation conformément à la réglementation communautaire applicable, à savoir le règlement du Conseil du 29 avril 2008, subsidiairement le règlement CE 753-02.

Considérant ceci exposé que les documents versés aux débats par les appelants dont les actes notariés établissent que Monsieur Charles Mimeur, aux droits duquel viennent aujourd'hui les consorts Bader, a acquis en 1919 une propriété sise à Chassagne Montrachet en un lieu communément appelé " le Château de Chassagne " et comprenant un bâtiment à usage de cuverie, un petit bâtiment à usage de bouteillage et de rinçage, jardin derrière, clos de murs et un clos attenant en terre qu'il est précisé dans l'acte qu'en 1875 ce clos était déjà planté en vignes ; que la délimitation de l'enclos du domaine affecté à la culture de la vigne apparaît dans cet acte ; que les plans du domaine tel qu'il était délimité au XVIIe siècle et qui démontrent que le périmètre n'a pas évolué depuis ne sont pas contredits par des pièces probantes émanant des appelants.

Considérant que la SCE Château de Chassagne Montrachet, devenue SCV du Domaine du Château de Chassagne Montrachet, a acquis en copropriété le 22 octobre 1991 un ensemble immobilier sur la commune de Chassagne Montrachet comprenant un bâtiment, une cour en façade Ouest du bâtiment, une parcelle de vignes cadastrée lieu-dit " Champ Derrière " pour 10 ares 58 centiares ainsi qu'une cour et diverses dépendances cadastrées lieu-dit " Champ Derrière " ; que la commune de Chassagne Montrachet a vendu à la SCE en 1997 la partie des bâtiments dont elle était copropriétaire ;

Qu'il est ainsi établi que l'ensemble des terres plantées de vignes faisant partie de l'ancien domaine du château appartient aux consorts Bader à l'exception d'une parcelle de vignes cadastrée lieu-dit " Champ derrière " dont la SCV Domaine du Château de Chassagne Montrachet est propriétaire.

Considérant que cette société ne conteste pas commercialiser sous la dénomination " Château de Chassagne Montrachet " des vins issus de vignes extérieures au domaine du château mais considère qu'elle ne commet aucune faute en agissant ainsi dès lors que ces vignes font partie de son exploitation, que la vinification a été effectuée sous son contrôle et que le vin issu de ces vignes a été vinifié, élevé et mis en bouteilles au Château de sorte qu'elle peut prétendre à l'utilisation de la dénomination litigieuse pour l'ensemble des vins provenant de cette même et unique exploitation conformément à la réglementation communautaire applicable.

Considérant que l'article 6 du règlement CEE n° 3201-90 du 16 octobre 1990 applicable en l'espèce et dont le règlement CE 753-02 n'a pas modifié les critères étant rappelé que le règlement CE 479-2008 n'est pas encore entré en vigueur dans ses dispositions intéressant le présent litige, énonce que " pour l'indication du nom de l'exploitation viticole où le vin a été obtenu (...) les termes " château ", " domaine " (...) ne peuvent être utilisés qu'à condition que le vin provienne exclusivement de raisins récoltés dans des vignes faisant partie de cette même exploitation viticole et que la vinification ait été effectuée dans cette exploitation ;

Que cette double exigence répond à un objectif de protection et d'information correcte du consommateur.

Considérant que par arrêt du 29 juin 1994, la Cour de justice des Communautés européennes répondant à une question préjudicielle posée par la Cour de cassation a dit que la circonstance que certains viticulteurs cultivent des terres qui n'appartiennent pas à l'ancien domaine du Château et qui ne produisent donc pas nécessairement des raisins d'une qualité comparable à celle des raisins qui sont récoltés sur les terres qui font partie de l'ancien domaine est sans incidence sur l'application de ce texte dès lors que des procédures fiables sont instaurées pour que les raisins récoltés hors de l'ancien domaine du château ne soient pas mélangés aux raisins récoltés sur cet ancien domaine.

Considérant que les appelants ne prétendent pas avoir mis en œuvre de telles procédures.

Considérant, en conséquence, que la SCV du Château de Chassagne Montrachet et avant elle les consorts Clerget jusqu'en 1997, en faisant usage de la dénomination " Château de Chassagne Montrachet " pour commercialiser des vins issus de vignes ne faisant pas partie de l'ancien domaine du Château de Chassagne Montrachet et en créant une confusion sur l'origine du vin ainsi désigné a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des intimés qui commercialisent sous cette dénomination des vins issus exclusivement des vignes situées sur l'ancien domaine du château ;

Qu'il n'apparaît pas, à l'issue de ces développements, qu'il soit nécessaire de poser à la Cour de justice des Communautés européennes une question préjudicielle sur le droit applicable ; que cette demande formée par les appelants sera donc rejetée.

Sur les mesures réparatrices

Considérant que les intimés réclament la somme de 1 576 410 euro en réparation du préjudice lié au bénéfice que les appelants ont tiré de l'usage abusif de la dénomination litigieuse, de la perte de valeur de leurs investissements, des ventes perdues de bouteilles du vin issu du Domaine du Château et du préjudice moral lié au trouble commercial qu'ils ont subi.

Considérant, cependant, que la taille des infrastructures des intimés qui ne leur permet pas de produire plus de 40 000 bouteilles au mieux par an comme ils l'indiquent eux-mêmes dans leurs écritures sans produire aucun élément comptable sérieux exclut la perte des ventes qu'ils déclarent avoir subi à hauteur de 3 000 bouteilles par an du fait des ventes réalisées par les appelants sous la dénomination litigieuse ;

Qu'en revanche, l'usage de cette dénomination pour commercialiser des quantités importantes de bouteilles de vins provenant de vignes extérieures à l'ancien domaine du Château de Chassagne Montrachet, soit aujourd'hui 120 000 bouteilles par an, chiffre non contesté par les appelants, a porté atteinte à la valeur de la dénomination;

Que l'usurpation de la dénomination Château de Chassagne Montrachet utilisée pour des vins qui ne pouvaient être vendus sous cette appellation et le trouble commercial résultant de la confusion créée par les appelants auprès des consommateurs par la commercialisation de ces vins sous la dénomination de Château de Chassagne Montrachet justifie l'allocation de la somme de 150 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

Qu'il sera fait interdiction sous astreinte aux appelants de faire usage de la dénomination Château de Chassagne Montrachet pour commercialiser des vins autres que ceux venant de la parcelle de vignes sise " Champ Derrière " sur l'ancien domaine du Château ; que la destruction des étiquettes et de tous documents portant cette dénomination dans un tel usage sera ordonnée ainsi que la publication du présent arrêt dans les conditions ci-après définies au dispositif.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande d'allouer aux intimés la somme de 15 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs, Statuant dans la limite de sa saisine, Déclare irrecevable la demande formée par les intimés du chef de l'atteinte à l'AOC Chassagne Montrachet. Déclare irrecevable la demande reconventionnelle des consorts Clerget et de la SCV du Château de Chassagne Montrachet. Rejette les autres fins de non-recevoir. Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les consorts Clerget et la SCE aujourd'hui SCV du Château de Chassagne Montrachet au titre d'actes de concurrence déloyale au préjudice des consorts Bader et du GFA du Domaine du Château de Chassagne Montrachet et prononcé des mesures d'interdiction et de publication. Y ajoutant, Dit que la SCV du Château de Chassagne Montrachet a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Bader-Mimeur. Condamne in solidum les appelants à verser aux consorts Bader, au GFA du Domaine du Château de Chassagne Montrachet et à la société Bader-Mimeur la somme de 150 000 euro à titre de dommages-intérêts. Fait interdiction aux appelants de faire usage de la dénomination Château de Chassagne Montrachet pour commercialiser des vins autres que ceux venant de la parcelle de vignes sise " Champ Derrière " sur l'ancien domaine du Château de Chassagne Montrachet sous astreinte de 100 euro par infraction constatée passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt. Ordonne la destruction des étiquettes et de tout document portant la dénomination Château de Chassagne Montrachet dans un tel usage sous astreinte de 100 euro par infraction constatée passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt. Autorise la publication du présent arrêt dans une revue au choix des intimés et aux frais des consorts Clerget et de la SCV du Château de Chassagne Montrachet sans que le coût de cette insertion n'excède à la charge de ces derniers la somme de 6 000 euro. Condamne in solidum les consorts Clerget et la SCV du Château de Chassagne Montrachet à verser aux intimés la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette le surplus des demandes. Condamne les appelants en tous les dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par la SCP Grappotte Benetreau Jumel, avoué, pour ceux la concernant.