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Décisions

CA Riom, ch. com., 29 avril 2009, n° 08-00203

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Soulier, Médiaco Auvergne (SARL)

Défendeur :

Alain Toueix (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bressoulaly

Conseillers :

M. Despierres, Mme Javion

Avoués :

SCP Lecocq, Me Mottet

Avocats :

Selarl Duffo, Mes Fontaine, Lacour

TGI Clermont-Ferrand, du 9 janv. 2008

9 janvier 2008

Faits, procédure et prétentions des parties :

M. Bernard Soulier a été engagé comme agent technico-commercial par la SAS Alain Toueix à compter du 13 juin 1995. Il a signé le 23 octobre 1996 un contrat de travail écrit comportant une clause de non-concurrence limitée à une durée de 1 an sur les départements de l'Allier et du Puy-de-Dôme, étant prévu en contrepartie pendant la durée de l'interdiction le versement d'une indemnité mensuelle.

M. Soulier qui a démissionné à effet au 10 novembre 1999, est entré au service d'une entreprise concurrente le 15 novembre 1999 en qualité de directeur commercial.

Par lettres recommandées avec AR du 22 novembre 1999, la SAS Alain Toueix a mis en demeure son ancien salarié et son nouvel employeur de cesser leur collaboration dans le secteur géographique concerné par la clause de non-concurrence.

M. Soulier a répliqué en saisissant le conseil des prud'hommes d'une demande d'annulation du contrat de travail du 23 octobre 2006 et de la clause de non-concurrence, et la société Médiaco Auvergne a répondu que M. Soulier était employé par l'agence Médiaco Industrie de Chaponost du Rhône.

Par jugement du 9 janvier 2008, rendu après que l'instance prud'homale ait été définitivement tranchée en reconnaissant la validité de la clause de non-concurrence, le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a condamné solidairement M. Soulier et la société Médiaco Auvergne à payer à la SAS Alain Toueix la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et celle de 3 000 euro au titre de l'article 700.

M. Soulier et la société Médiaco Auvergne, qui ont interjeté appel le 30 janvier 2008, demandent dans leurs conclusions signifiées le 28 mai 2008, de débouter la société Toueix de l'intégralité de ses demandes et de la condamner reconventionnellement à payer M. Soulier la somme de 7 317 euro.

Ils soutiennent que l'employeur de M. Soulier n'est pas la société Médiaco Auvergne mais la société Médiaco Industrie qui exerce son activité dans le Rhône en dehors de la zone géographique interdite, produisant à l'appui le registre du personnel et les bulletins de paie, et estiment que les pièces adverses allant en sens contraire ne sont pas probantes.

Ils contestent l'application de l'article L. 1237-3 du Code du travail (ancien article L. 122-15) fondant la condamnation solidaire ainsi que tout acte de concurrence déloyale, débauchage de salarié, détournement de clientèle.

Ils relèvent également que la société Toueix ne justifie pas de l'existence d'un quelconque préjudice, son chiffre d'affaires ayant augmenté entre 1999 et 2000.

M. Soulier demande par ailleurs paiement de l'indemnité due en contrepartie de la clause de non-concurrence qui ne lui a jamais été versée.

Dans ses écritures signifiées le 18 novembre 2008, la SAS Alain Toueix venant aux droits de la SA du même nom, a conclu à la confirmation du jugement sauf à porter les dommages et intérêts à la somme de 80 000 euro.

Motifs :

Attendu que par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a procédé à une analyse exacte de la situation et en a justement déduit, au vu des moyens des parties, les conséquences juridiques qui s'imposaient ;

Attendu qu'en effet, le contrat de travail signé par M. Soulier le 23 octobre 1996 comportait une clause de non-concurrence d'une durée de 1 an sur les départements de l'Allier et du Puy-de-Dôme lui interdisant de s'intéresser directement ou indirectement ou pour le compte d'un tiers à une entreprise concurrente en qualité de salarié ou à tout autre titre ;

Que la société Médiaco Auvergne, nouvellement installée sur Gerzat, fait partie du groupe Médiaco, 1er levageur en France implanté sur l'ensemble du territoire national ;

Que malgré les dénégations des appelants, il est clairement démontré par le rapport d'enquête du cabinet de détectives privés concernant la période du 30 mars au 5 avril 2000, par des attestations de clients ainsi que celle d'un salarié de la société Médiaco Auvergne, que M. Soulier travaillait bien pour la société Médiaco Auvergne sur la zone géographique interdite, laquelle exerce une activité concurrente de celle de la société Toueix ; Que le rattachement officiel de M. Soulier à une autre société du groupe dans le Rhône s'avère en fait purement fictif ; Que les bulletins de salaire établis par la société Médiaco Industrie de Chaponost ne concernent d'ailleurs que la période postérieure à la mise en demeure du 22 novembre 1999 et mentionnent toujours l'adresse personnelle de M. Soulier sur Cournon ;

Qu'il est ainsi bien rapporté la preuve que M. Soulier a violé sa clause de non-concurrence en travaillant pour la société Médiaco Auvergne, laquelle en connaissait l'existence et a néanmoins continué sciemment à utiliser ses services, se rendant ainsi complice de cette violation ;

Qu'elle sera en conséquence condamnée avec son salarié à indemniser la société Toueix, et ce de manière in solidum, l'ancien article L. 122-15 du Code du travail relatif au débauchage d'un salarié sur lequel s'est fondé le tribunal pour prononcer une condamnation solidaire, n'étant pas applicable en l'espèce faute de démontrer la condition de rupture abusive du contrat de travail ;

Attendu que le chiffre d'affaires de la société Toueix a connu les variations suivantes : 986 436 euro en 1998, 721 029 euro en 1999, 883 093 euro en 2000, 812 987 euro en 2001 ; Qu'elles ne peuvent être imputées que partiellement à la violation de la clause de non-concurrence de M. Soulier qui a donné sa démission en novembre 1999 mais avait manifestement préparé sa sortie puisqu'il a été aussitôt embauché par son nouvel employeur ; Qu'il n'en demeure pas moins que ce comportement déloyal n'a pu que perturber le fonctionnement de l'entreprise compte tenu de la nature de son emploi en contact direct avec la clientèle ; Qu'au surplus, la dernière jurisprudence de la Cour de cassation (1re civ. 10 mai 2005, 31 mai 2007) admet un droit automatique à des dommages et intérêts sur le seul constat de l'inexécution ; Qu'au vu de ces éléments, la cour considère que le tribunal a justement apprécié les dommages et intérêts alloués à l'ancien employeur victime à la somme de 50 000 euro ;

Attendu que la violation de la clause de non-concurrence étant établie, M. Soulier ne peut prétendre toucher l'indemnité due en contrepartie pendant la durée d'interdiction d'un an ; Qu'il sera débouté de sa demande reconventionnelle ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi : Confirme le jugement déféré sauf à dire que la condamnation de M. Bernard Soulier et de la SARL Compagnie clermontoise de levage et de montage Médiaco Auvergne sera prononcée in solidum et non solidairement. Déboute M. Bernard Soulier de sa demande reconventionnelle. Condamne in solidum M. Bernard Soulier et la SARL Compagnie clermontoise de levage et de montage Médiaco Auvergne à payer à la SAS Alain Toueix la somme de 3 000 euro au titre des nouveaux frais irrépétibles exposés devant la cour. Condamne in solidum les appelants aux dépens et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.