CA Bourges, ch. soc., 29 mai 2009, n° 08-01314
BOURGES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Da Assunçao
Défendeur :
Innov'habitat (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vallée
Conseillers :
Mme Gaudet, M. Lachal
Avocats :
Mes Fleurier, Preguimbeau, Mathieu
Faits et procédure
Le 24 octobre 2005, par contrat à durée indéterminée, M. Julien da Assunçao a été engagé par la SAS Innov'habitat en qualité de VRP exclusif.
Par courrier en date du 28 juin 2007, ce salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Le 26 juillet 2007, ce salarié a saisi le conseil de prud'hommes pour demander que la prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour obtenir une indemnité spéciale de rupture, une indemnité de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le remboursement de frais professionnels et de visite médicale, un rappel de salaires au titre de la rémunération minimale garantie, la remise des documents sociaux sous astreinte.
À titre reconventionnel, la SAS Innov'habitat a demandé au conseil de prud'hommes une indemnité compensatrice de préavis et la restitution des objets confiés au salarié dans le cadre de ses fonctions.
Par jugement en date du 19 juin 2008, dont M. Julien da Assunçao a régulièrement interjeté appel, le Conseil de prud'hommes de Bourges a :
dit la rupture du contrat de travail imputable à M. da Assunçao;
débouté M. da Assunçao de l'ensemble de ses demandes;
condamné M. da Assunçao à payer à la SAS Innov'habitat les sommes de 2 457,43 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 100 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
condamné M. da Assunçao à restituer à la SAS Innov'habitat le matériel de travail confié par cette dernière suivant la pièce n° 8 ;
Moyens et prétentions des parties :
M. Julien da Assunçao demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de:
dire que la prise d'acte à l'initiative du salarié produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;
condamner la SAS Innov'habitat à payer à M. Julien da Assunçao les sommes de:
1 385,19 euro à titre d'indemnité spéciale de rupture;
3 957,70 euro à titre d'indemnité de préavis et 395,77 euro à titre de congés payés y afférents
7 915 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
1 895 euro à titre de remboursement des frais professionnels ;
30 euro à titre de remboursement de visite médicale;
438,97 euro à titre de rappel de salaires au titre de la rémunération minimale garantie;
1 500 euro sur te fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
condamner la SAS Innov'habitat à remettre à M. Julien da Assunçao un certificat de travail et une attestation ASSEDIC sous astreinte de 30 euro par jour de retard à compter de la décision à intervenir;
Il expose que l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975, prévoyant une rémunération minimale garantie, est applicable. Il souligne que l'employeur le reconnaît lui-même en indiquant devoir la somme de 438,47 euro qu'il n'a toujours pas réglée. Il signale que le bulletin de paye de juin 2007 régularise la rémunération de décembre 2005 et mai 2006. Il signale que l'employeur a commis de nombreuses irrégularités sur les bulletins de salaires, ceux-ci faisant même apparaître parfois des rémunérations négatives. Il ajoute que son employeur lui a fait supporter des frais professionnels en effectuant des prélèvements égaux ou coût de la location du véhicule mis à sa disposition alors que l'avantage en nature faisait déjà objet d'un prélèvement. Il souligne qu'une des clauses du contrat constitue une sanction pécuniaire prohibée puisque les prélèvements relatifs au véhicule étaient fonction du montant du chiffre d'affaires réalisé. Il révèle que l'employeur lui a de plus prélevé le coût d'une visite médicale à la médecine du travail. Il mentionne qu'à partir de mai 2007, il n'a plus eu de véhicule à sa disposition. Il explique que dans ce contexte, il a envoyé le 28 juin 2007 une lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
En réponse, la SAS Innov'habitat demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions. A titre subsidiaire, si par impossible la cour faisait droit aux demandes du salarié quant au rappel de salaires, à la retenue liée à la visite médicale et au remboursement des frais professionnels, elle sollicite la compensation de ces sommes avec l'indemnité compensatrice de préavis due par le salarié. Elle revendique alors la condamnation de M. Julien da Assunçao à lui verser la somme de 93,40 euro. En toute hypothèse, elle sollicite la confirmation de la condamnation à lui restituer les objets qui ont été confiés au salarié afin d'exercer sa profession et dont la liste est matérialisée par la pièce n° 8 outre une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle explique que M. Julien da Assunçao ne voulait plus s'investir dans son travail, voulant créer sa propre entreprise. Elle rappelle que ce salarié ne lui avait pas envoyé des feuilles de semaine relatives à son activité et qu'il avait alors été convoqué par lettre recommandée. Elle ajoute que le salarié avait répondu par une lettre de prise d'acte invoquant, de mauvaise foi, la non fourniture d'un véhicule alors qu'il était à l'époque en suspension du permis de conduire pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique. Elle ajoute que l'article 5 de la convention collective n'est pas applicable puisqu'il n'est pas étendu et qu'elle n'est pas membre d'une organisation signataire. À titre subsidiaire, elle rappelle qu'elle a fait une légère erreur comptable de 438,97 euro sur une année d'activité. Elle indique que les salaires négatifs sont dus à des arrêts de travail, des congés ou des avances. Elle mentionne que le salarié savait qu'en cas d'absence non excusée à la médecine du travail, le coût de la visite lui était imputé. Elle relate que pour l'utilisation du véhicule mis à sa disposition, le montant des prélèvements était contractuellement fixé, notamment si un chiffre d'affaires mensuel n'était pas obtenu. Elle en déduit que les manquements, qui pourraient lui être reprochés, sont insuffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur. Elle considère que M. Julien da Assunçao a démissionné et qu'il lui doit un préavis. À titre subsidiaire, elle rappelle que ce salarié avait moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et que la preuve de son préjudice n'est pas rapportée.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux articles 946, 455 et 749 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience.
Sur quoi, LA COUR
Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission;
Attendu que le 28 juin 2007, M. Julien da Assunçao a adressé à son employeur, la SAS Innov'habitat, une lettre aux termes de laquelle il prenait acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements à son égard ;
Attendu que la simple lecture du contrat de travail démontre que les dispositions de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 sont applicables à l'espèce, l'article 14 stipulant expressément que ce contrat de VRP est soumis à ces dispositions, en les qualifiant de convention collective; que la rémunération minimale garantie s'impose; que l'employeur reconnaît d'ailleurs devoir à son salarié la somme de 438,97 euro à ce titre; qu'il convient donc de le condamner à payer cette somme;
Attendu qu'en vertu de l'article L. 122-42 devenu L. 1331-2 du Code du travail, toutes sanctions pécuniaires sont interdites et toute stipulation contraire est réputée non écrite ; qu'il en est ainsi de la déduction appliquée sur la rémunération du salarié du coût d'une visite à la médecine du travail à laquelle celui-ci ne s'est pas rendu, et ce, d'autant plus que l'employeur ne démontre pas que ce salarié ait été avisé de cette visite et du risque de sanction encourue ; qu'ainsi, la SAS Innov'habitat doit rembourser à M. Julien La Assunçao la somme de 30 euro ; que de même, l'employeur prélevait chaque mois une somme fixe sur la rémunération du salarié à titre de l'avantage en nature lié au véhicule de l'entreprise mis à sa disposition; que l'institution, à l'article 10 du contrat de VRP, d'une participation du salarié au coût mensuel de la location du véhicule, proportionnelle au chiffre d'affaires du vendeur qui n'aurait pas atteint un certain chiffre, constitue alors une sanction pécuniaire ; qu'en conséquence, la SAS Innov'habitat doit rembourser à M. Julien da Assunçao la somme de 1 895 euro ;
Attendu que ces manquements relatifs, d'une part, à l'absence de versement de la garantie minimale de rémunération et, d'autre part, à des sanctions pécuniaires prohibées sont d'une gravité suffisante pour justifier la prise d'acte par M. Julien da Assunçao de la rupture du contrat de travail aux torts de la SAS Innov'habitat;
Attendu que M. Julien da Assunçao renonce à solliciter une indemnité de clientèle et revendique, à raison en application de l'article 14 de l'accord national interprofessionnel, une indemnité spéciale de rupture d'un montant de 1 385,69 euro ; que le salarié a aussi droit à une indemnité de préavis d'un montant de 3 957,70 euro à laquelle s'ajoutent les congés payés y afférents, soit 395,77 euro ; qu'enfin, une somme de 2 000 euro réparera justement le préjudice subi pour la rupture du contrat imputable à l'employeur;
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la remise par la SAS Innov'habitat à M. Julien da Assunçao des documents sociaux conformes aux dispositions du présent arrêt ; que le prononcé d'une astreinte ne s'avère pas nécessaire;
Attendu que l'appelant ne conteste pas la condamnation à restituer du matériel appartenant à l'employeur, condamnation prononcée à son encontre en première instance;
Attendu que dans ces conditions, le jugement déféré sera infirmé sauf la condamnation à restituer du matériel par le salarié à l'employeur ;
Attendu qu'aux termes de l'article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, tant de première instance que d'appel ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à M. Julien da Assunçao la charge des frais exposés par lui, tant en première instance qu'en appel, et non compris dans les dépens; qu'il y a lieu de condamner la SAS Innov'habitat à lui verser une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré sauf la condamnation de M. Julien da Assunçao à restituer du matériel à la SAS Innov'habitat; Statuant à nouveau, Condamne la SAS Innov'habitat à payer à M. Julien da Assunçao les sommes de : 438,97 euro à titre de rappel de salaires; 1 895,06 euro à titre de frais professionnels; 30 euro à titre du coût d'une visite médicale; 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur 3 957,70 euro à titre de préavis et 395,77 euro à titre de congés payés y afférents; 1 385,19 à titre d'indemnité spéciale de rupture; Ordonne la remise par la SAS Innov'habitat à M. Julien da Assunçao des documents sociaux conformes aux dispositions du présent arrêt; Condamne la SAS Innov'habitat aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. Julien da Assunçao une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.