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Décisions

CA Angers, ch. soc., 17 mars 2009, n° 07-02748

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fernandès

Défendeur :

Fernandès (Consorts), Maes (ès qual.), Marc Martin (EURL), CGEA UNEDIC/AGS Rennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

Mmes André, Lecaplain-Morel

Avocats :

Mes Boucheron, Wents, Dupuy, Pigeau, Cren, Follen

Cons. prud'h. Le Mans, du 28 nov. 2007

28 novembre 2007

I) Exposé du litige, moyens et prétentions des parties

Le 1er septembre 1978, Patrick Fernandès, et le 1er septembre 1980, Jacques Emile Fernandès ont été engagés par Jacques Fernandès, leur père, qui exploitait un fonds de commerce de discothèque à Sablé dans la Sarthe, en qualité, respectivement pour l'un, de disc jokey, et pour l'autre, de responsable du personnel.

Le 14 novembre 2005, Jacques Fernandès a donné son fonds de commerce de discothèque en location-gérance à une EURL Marc Martin.

Les contrats de travail des deux fils Fernandès ont été transférés à l'EURL Marc Martin.

L'EURL Marc Martin a été placée en liquidation judiciaire, le 5 septembre 2006, par jugement du Tribunal de commerce du Mans, l'état de cessation des paiements ayant été fixé au 30 novembre 2005, et Jacques Maes a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Les contrats de travail n'ont plus été exécutés à compter du 20 septembre 2006.

Jacques Maes, ès qualités, a adressé, le 20 septembre 2006, un courrier au propriétaire du fonds, Jacques Fernandès, l'informant que le contrat de location-gérance était résilié, conformément aux dispositions de l'article L. 622-13 du Code du commerce.

Jacques Maes rappelait au propriétaire du fonds, que les contrats de travail étaient attachés au fonds, et l'invitait ce faisant, à prendre toutes dispositions à l'égard des salariés, dont il avait à nouveau la responsabilité juridique.

Jacques Emile Fernandès et Patrick Fernandès ont saisi le Conseil de prud'hommes du Mans, aux fins de réclamer le paiement, de rappels de salaire à compter de septembre 2006, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement, ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 28 novembre 2007, ce conseil a:

- dit que l'employeur de Jacques Emile Fernandès, et de Patrick Fernandès, après la liquidation judiciaire de l'EURL Marc Martin est Jacques Fernandès,

- mis hors de cause Jacques Maes ès qualités de mandataire liquidateur de l'EURL Marc Martin, ainsi que le CGEA-UNEDIC AGS de Rennes,

- dit que la rupture des contrats de travail de Jacques Emile Fernandès et de Patrick Fernandès doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à effet du 30 septembre 2007,

- condamné Jacques Fernandès à verser à:

1°) Jacques Emile Fernandès les sommes suivantes:

- 893,62 euro pour solde de salaire de septembre 2006,

- 21 997,50 euro de rappel de salaire du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007,

- 2 289,16 euro au titre des congés payés,

- 5 499,45 euro au titre de l'indemnité de préavis,

- 11 565,53 euro au titre de l'indemnité de licenciement,

- 15 000 euro à titre de dommages-intérêts pour défaut de procédure et licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

2°) Patrick Fernandès les sommes suivantes:

- 893,62 euro pour solde de salaire de septembre 2006,

- 21 997,50 euro de rappel de salaire du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007,

- 2 289,16 euro au titre des congés payés y afférents

- 5 499,45 euro au titre l'indemnité de préavis,

- 12 343,21 euro au titre de l'indemnité de licenciement,

- 15 000 euro à titre de dommages-intérêts pour défaut de procédure et licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

3°) débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- débouté Jacques Fernandès, Jacques Maes ès qualités, le CGEA-UNEDIC AGS de Rennes de leurs demandes reconventionnelles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Jacques Fernandès aux entiers dépens.

Jacques Fernandès a relevé appel de ce jugement et soutient principalement:

- que Jacques Emile et Patrick Fernandès sont devenus les salariés de l'EURL Marc Martin dans le cadre des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail ;

- que l'entité économique est transférée au bailleur, suite à la résiliation du contrat de location-gérance, à condition, que le fonds de commerce soit toujours exploitable, au moment de la résiliation du contrat;

- qu'il n'a récupéré les clefs du fonds de commerce, que le 17 février 2004, au moment de l'établissement du procès-verbal établi par Maître Aillerie, huissier de justice;

- que le fonds n'était plus exploité depuis le 19 juin 2006, à la suite d'une coupure d'électricité, précédée d'une coupure de gaz, pour non-paiement des factures, et que, de ce fait un fonds de commerce non exploité depuis trois mois ne pouvait plus être considéré comme exploitable, ayant perdu la totalité de sa clientèle;

- que de plus, le matériel de sonorisation avait disparu;

- que Jacques Maes, ès qualités, n'a pas produit le constat d'huissier, qu'il a fait obligatoirement établir, concomitamment à la mise en liquidation judiciaire de l'EURL Marc Martin ;

- que la cession envisagée par l'huissier Poujade concernait le restaurant La Fringale, et non pas la discothèque Las Vegas ;

- que subsidiairement, il fait valoir que ses deux fils ont retrouvé du travail dès le mois de décembre 2006 auprès de la société LDC;

- que l'infirmation du jugement sera prononcée avec le paiement par chacun de ses fils de la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Jacques Emile et Patrick Fernandès, intimés, font valoir:

- que si l'argumentation de leur père aboutissait, ils demandent la prise en charge de leurs créances par la procédure collective et le CGEA;

- qu'ils travaillaient tous les deux, et pour le restaurant La Fringale, Le haras, et en fin de semaine, pour la discothèque;

- que la déconfiture de la discothèque est explicitée par le fait, que leur père a fait transférer la totalité de leurs salaires, et les charges afférentes, sur la discothèque gérée par l'EURL Marc Martin, alors même qu'ils n'y travaillaient, que deux jours, et le reste du temps, ils travaillaient pour le restaurant La Fringale, et le Haras, soit une charge des salaires reposant sur les différentes activités exploitées par Jacques Fernandès ;

- que la confirmation du jugement s'impose, ils réclament pour chacun d'eux la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Jacques Maes ès qualités de mandataire liquidateur de l'EURL Marc Martin, expose:

- qu'aux termes de l'article L. 122-12 du Code du travail, devenu l'article L. 1124-1 du même Code, la location-gérance d'un fonds de commerce emporte transfert de l'activité, et des éléments incorporels ou corporels de ce fonds, le tout constituant une entité économique ;

- qu'en l'espèce, les contrats de travail de Jacques Emile Fernandès, et de Patrick Fernandès ont été transférés le 14 novembre 2005 à l'EURL Marc Martin, le 5 septembre 2006 par la mise en liquidation judiciaire de la société, le même processus en sens inverse s'étant produit;

- qu'à ce stade, l'activité n'ayant pas disparu et le fonds de commerce demeurant exploitable, Jacques Fernandès est redevenu employeur de ses fils, Jacques Emile, et Patrick;

- que le procès-verbal que Jacques Fernandès met en avant, pour échapper aux conséquences financières de cette évidence, n'a été dressé que le 16 février 2007, soit cinq mois et demi après la résiliation du contrat de location-gérance;

- que les dégradations commises éventuellement après la résiliation du contrat de location-gérance, dans le fonds de commerce, sont sans influence sur la situation au 5 septembre 2006, qui est la seule date à prendre en considération pour apprécier le sort des salariés;

- que de plus, le 9 janvier 2007, Jacques Fernandès avait la ferme intention de vendre ce fonds de commerce ;

- que la confirmation du jugement s'impose; il réclame 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'AGS CGEA de Rennes soutient pour sa part:

- que contrairement à la thèse développée par Jacques Fernandès, rien ne permet de dire que le fonds de commerce était inexploitable au moment de la liquidation judiciaire de l'EURL Marc Martin ;

- que l'on peut s'étonner de la réalité des contrats de travail pour un horaire de 35 heures par semaine, alors que l'ouverture de la discothèque n'était que de deux jours par semaine que l'on sait que les deux fils Fernandès travaillaient également dans le restaurant contigu à la discothèque exploité par leur père;

- qu'il est étonnant de constater, que la location-gérance a commencé le 15 novembre 2005, et que le tribunal de commerce a fixé la date de cessation des paiements au 30 novembre 2005, soit quinze jours plus tard;

- que l'AGS-CGEA rappelle les conditions et les limites de sa garantie légale, et demande la confirmation du jugement en réclamant la somme de 1 500 euro à Jacques Fernandès par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

II) Motifs de la décision

Par lettre du 20 septembre 2006, Jacques Maes, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Marc Martin, informait Jacques Fernandès que, suite à la liquidation judiciaire de l'EURL Marc Martin, le contrat de location-gérance était résilié, conformément aux dispositions de l'article L. 622-13 du Code de commerce, et qu'en conséquence, l'ensemble des contrats de travail étant attachés au fonds de commerce lui appartenant, ceux-ci lui revenaient, en tant que propriétaire, et qu'il lui appartenait, compte tenu qu'il avait les clefs, de prendre toutes dispositions à l'égard des salariés dont il avait de nouveau la responsabilité juridique, consécutivement à la résiliation du contrat de location-gérance.

Le procès-verbal de constat, dressé par l'huissier Aillerie le 16 février 2007, constate surtout des désordres liés à l'humidité dans les locaux, du fait de l'absence de chauffage, et d'entretien des locaux, depuis plusieurs mois de la saison d'hiver.

Or, il appartenait à Jacques Fernandès, propriétaire du fonds de commerce, et qui en avait récupéré la jouissance depuis la résiliation du contrat de location-gérance d'assurer l'entretien du fonds.

Ce procès-verbal est tardif pour tenter d'éluder ses responsabilités, alors que l'exploitation du fonds doit être appréciée au jour de la résiliation du contrat de location-gérance, soit le 6 septembre 2006, et que la charge de la preuve d'établir qu'au jour du prononcé de la liquidation judiciaire, le fonds de commerce n'était plus exploitable, incombe à Jacques Fernandès, propriétaire du fonds, la notion de fonds exploitable étant différente de celle de fonds exploité, la coupure d'alimentation électrique en juin ne rendant pas ipso facto le fonds inexploitable.

En effet, le procès-verbal, même établi plus de cinq mois après la résiliation judiciaire, relève surtout des traces d'humidité dues à un défaut d'entretien, et un défaut de chauffe pendant les mois d'hiver, et la disparition du matériel de sonorisation.

Au jour de la résiliation judiciaire, Jacques Fernandès est redevenu propriétaire d'une entité économique conservant son identité, lui permettant d'en poursuivre l'activité, activité qu'il exerçait, au demeurant, moins d'une année auparavant.

Aucune ruine du fonds n'est établie au jour de la liquidation judiciaire.

Jacques Fernandès échoue en son offre de preuve, de, sorte que le jugement sera confirmé sur la charge des contrats de travail de Jacques Emile et Patrick Fernandès.

Il sera également confirmé sur les montants alloués aux deux intimés, les contrats intérimaires conclus de temps en temps alors que ceux-ci, étaient "ballotés" entre le locataire-gérant, et le propriétaire du fonds pour avoir paiement de leurs salaires, et avoir une décision concernant leur contrat de travail leur permettant d'être indemnisés, ne peut faire échec à leur indemnisation alors que c'est à l'employeur de fournir un travail à ses salariés.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement, Condamne jacques Fernandès à payer à Jacques Emile Fernandès, à Patrick Fernandès, à Jacques Maes ès qualités de mandataire liquidateur de l'EURL Marc Martin, au CGEA-AGS de Rennes, la somme de 1 200 euro, à chacun d'eux, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Jacques Fernandès aux dépens de la procédure d'appel.