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Décisions

CA Rouen, 2e ch., 29 octobre 2009, n° 08-02185

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

DRL Conseil (SARL), SCP Guérin Diesbecq (ès qual.), Bourgoin (ès qual.)

Défendeur :

Lic Formation (SARL), Lefebvre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bartholin

Conseillers :

M. Lottin, Mme Vinot

Avoués :

SCP Colin-Voinchet Radiguet-Thomas Enault, SCP Lejeune Marchand Gray Scolan

Avocats :

Mes Laurent, Guillin

T. com. Evreux, du 24 avr. 2008

24 avril 2008

Exposé du litige

La société DRL Conseil est un organisme de formation dont le siège se situe à Vernon et qui intervient principalement dans le domaine de la formation professionnelle linguistique, ses clientes étant des PME ou de grandes sociétés situées en Haute-Normandie ou Ile-de-France et les cours ayant lieu dans les locaux des entreprises clientes.

Elle avait en octobre 1986 embauché Monsieur Lefebvre qui était devenu son directeur commercial en 1999 et, en septembre 2002, engagé Madame Lefebvre en qualité d'assistante polyvalente.

Madame Lefebvre a démissionné par courrier du 20 juin 2006 avec préavis écourté à sa demande au 13 juillet et Monsieur Lefebvre a été licencié pour faute grave le 7 juin 2006.

La SARL Lic Formation, organisme de formation aux activités identiques à celles de la société DRL Conseil, a été créée le 15 mars 2006 avec début d'activité le 2 avril 2006, Madame Lefebvre en étant l'actionnaire unique et gérante et Monsieur Lefebvre en devenant le directeur commercial début 2007.

Sur requête de la société DRL Conseil, une ordonnance du Président du Tribunal de grande instance d'Evreux en date du 7 novembre 2007, qui sera confirmée par arrêt du 29 octobre 2008, a désigné la SCP Brouhot Ribette Thiery, huissier de justice, aux fins de se rendre au siège de la SARL Lic Formation et de notamment y demander à Monsieur Lefebvre s'il participe à l'activité de la société et à quel titre et y copier un certain nombre de documents tels que fiches de paie, contrats de formation, déclaration de TVA, tests de niveau de stagiaire, listing de clients, document de présentation commerciale.

L'huissier a effectué un constat le 22 novembre 2007 et adressé son rapport à DRL Conseil le 6 décembre.

Par acte du 26 février 2008, la société DRL Conseil a fait assigner la SARL Lic Formation et Monsieur Lefebvre devant le Tribunal de commerce d'Evreux aux fins de voir dire que la société Lic s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme envers elle et que Monsieur Lefebvre s'est rendu coupable d'actes de concurrence déloyale.

Elle sollicitait que soient faites à la société Lic un certain nombre d'interdictions et la condamnation in solidum de la SARL Lic et de Monsieur Lefebvre à lui payer les sommes de 600 000 euro au titre du préjudice économique et 75 000 euro au titre du trouble commercial.

Par jugement du 24 avril 2008, le Tribunal de commerce d'Evreux a:

- débouté la SARL DRL de l'ensemble de ses demandes

- condamné la SARL DRL Conseil à payer à la SARL Lic Formation la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du CPC

- condamné la SARL DRL Conseil aux dépens.

La SARL DRL Conseil a interjeté appel de ce jugement.

En cours de procédure, la SCP Guérin Diesbecq, ès qualités de mandataire judiciaire, et Maître Bourgoin, ès qualités de d'administrateur judiciaire, sont intervenus aux débats, la société DRL Conseil ayant été placée en redressement judiciaire par jugement du 30 octobre 2008.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 28 juillet 2009 pour la société DRL Conseil, la SCP Guérin Diesbecq ès qualités de mandataire judiciaire de cette société et Maître Bourgoin ès qualités d'administrateur et le 12 août 2009 pour la SARL Lic Formation et Monsieur Lefebvre.

La société DRL Conseil, la SCP Guérin Diesbecq et Maître Bourgoin concluent à l'infirmation du jugement, qu'il soit jugé que la société Lic s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme envers elle et que Monsieur Lefebvre s'est rendu coupable d'actes de concurrence déloyale.

Ils demandent en conséquence qu'il soit ordonné à la société Lic Formation sous astreinte de cesser d'utiliser le test d'auto évaluation en bureautique copié sur DRL, de cesser de placer les formateurs liés à DRL par un contrat de travail sur des actions en faveur d'entreprises ou de particuliers qui ont été ou sont encore ses clients, qu'il soit interdit à la société Lic de recruter tout formateur encore lié par contrat de travail avec DRL et de contracter avec toute nouvelle entreprise qui a été ou est sa cliente.

Ils sollicitent enfin la condamnation solidaire de la société Lic et de Monsieur Lefebvre à payer à la société DRL les sommes de 600 000 euro à titre de préjudice économique et 75 000 euro au titre du trouble commercial, que soit ordonnée la publication de l'arrêt dans trois journaux ou revues à concurrence de 5 000 euro HT par publication et la condamnation de la société Lic et de Monsieur Lefebvre à lui payer la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du CPC.

La société Lic Formation et Monsieur Lefebvre concluent à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société DRL Conseil à payer à la société Lic la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du CPC.

Sur ce,

L'essentiel des arguments des appelants est consacré aux agissements de la société Lic qui seront examinés en premier lieu.

Sur la responsabilité de la société Lic Formation

Les appelants entendent opérer une distinction entre les agissements antérieurs au terme des contrats de travail de Madame et Monsieur Lefebvre et ceux postérieurs.

- Sur les agissements antérieurs au terme des contrats de travail:

Il est reproché par les appelants à la société Lic Formation d'avoir, par l'intermédiaire de sa gérante encore liée par contrat de travail à la société DRL, signé des conventions de formation avec des clients de cette dernière et d'avoir laissé participer à son activité un salarié de DRL encore lié par contrat de travail en la personne de Monsieur Lefebvre.

Le litige n'opposant pas la société DRL à ses anciens salariés mais celle-ci à la société Lic dont la responsabilité est recherchée pour actes de concurrence déloyale, il appartient à la cour d'examiner les agissements au regard de la part qu'y a prise cette dernière.

Si les témoignages versés aux débats, relatifs au fait que Madame Lefebvre aurait accompagné régulièrement son mari lors de visites clientèle au cours du premier trimestre 2006, ne font la preuve d'aucun acte précis de concurrence ou préparatoire de concurrence, la preuve est en revanche apportée qu'une quinzaine de conventions de formation ont été signées par Madame Lefebvre en qualité de gérante de la société Lic entre la date de constitution de cette société et la date d'expiration de son contrat de travail chez DRL, ce avec des clients de cette dernière société.

Le rôle personnel de Monsieur Lefebvre dans la signature, alors qu'il était encore salarié de DRL, de huit conventions pour le compte de Lic n'est pas établi mais les courriers versés aux débats établissent de manière incontestable que le 12 avril 2006 il a personnellement adressé à la société Universal Music, société qu'il suivait pour le compte de DRL, une proposition de formation pour le compte de Lic.

Ainsi, il est établi que, dans les débuts de son activité, la société Lic a bénéficié du concours de deux salariés de DRL liés à cette dernière par une obligation de fidélité, concours qui a eu pour effet le transfert d'un certain nombre de clients d'une société à l'autre et caractérise une manœuvre déloyale.

- Sur les agissements postérieurs au terme des contrats de travail:

La société Lic entend faire valoir qu'en déliant, par la lettre de licenciement puis par une transaction signée le 15 juin 2006, Monsieur Lefebvre de son obligation de non-concurrence, la société DRL aurait, consciente que ce dernier continuerait de travailler avec les clients qu'il avait suivis pendant leurs 20 ans de collaboration, accepté ainsi la création d'une entreprise concurrente et accepté qu'il en résulte des conséquences sur son propre chiffre d'affaires.

Il sera relevé tout d'abord qu'il n'y a pas lieu d'entrer dans l'examen de la réalité et de la teneur des concessions réciproques contenues dans une transaction dont la validité n'a pas été contestée devant le conseil de prud'hommes.

Il sera seulement relevé que, si elle déliait Monsieur Lefebvre de son obligation de non-concurrence, la transaction (postérieure de trois mois au début d'activité de Lic) ne déliait aucunement ce dernier, et encore moins la société Lic non partie à det acte, de leur obligation de loyauté dans l'exercice de cette concurrence.

En conséquence, il ne saurait être sérieusement soutenu que, par sa signature, la société DRL aurait en quelque sorte accepté à l'avance "l'évaporation inévitable de sa clientèle" et renoncé à toute action.

Il convient dès lors d'examiner si les agissements allégués présentent le caractère déloyal et parasitaire prétendu.

1) copie et utilisation de documents internes de DRL:

Il est établi que Lic Formation utilise un test d'auto-évaluation en bureautique identique à celui utilisé par DRL Conseil.

En l'état de l'attestation de Madame Dubourguet, qui indique avoir été amenée à créer des supports pédagogiques qu'elle a mis à disposition de ses différents employeurs, un acte de "copie" de document "interne" à la société DRL et imputable à Lic n'est pas caractérisé.

S'agissant du modèle de convention de formation qui serait lui aussi identique, la société Lic soutient à juste titre qu'aucun savoir-faire particulier n'est attaché à la rédaction d'un tel document dont le contenu, régi par des dispositions législatives précises, laisse peu de place à l'improvisation.

2) recours au même prestataire pour les immersions:

Il est affirmé que, de multiples prestataires existant en Grande-Bretagne, ce choix serait dicté par la volonté de faciliter la migration de clients de DRL.

Cependant le prestataire en question (Abbey Communication Training) atteste avoir rencontré pendant de nombreuses années des difficultés de paiement avec DRL, avoir trouvé avantage à travailler avec Lic compte tenu des incidences positives sur sa trésorerie, avoir néanmoins continué à travailler avec DRL ainsi qu'avec d'autres partenaires même après les liens créés avec Lic.

En l'état de cette attestation et alors qu'aucun élément autre n'est produit ni même invoqué sur la part de clientèle concernée par cette immersion, sur le nombre de prestataires existant et sur d'éventuelles manœuvres ayant accompagné le choix de ce prestataire, ce fait n'est pas déterminant d'un acte de concurrence.

3) démarchage systématique de la clientèle DRL ayant entraîné la captation de clients:

Il résulte de l'examen de l'agenda de Monsieur Lefebvre auquel a procédé l'huissier dans le cadre de l'ordonnance sur requête que sur 48 clients potentiels visités dans la période du 9 juin au 31 décembre 2006 (période pendant laquelle Monsieur Lefebvre n'était pas encore salarié de Lic) 36 étaient des clients de DRL.

Les pièces produites par les parties permettent toutefois d'établir que certains (5) n'avaient pas été clients en 2006 et que tous n'ont pas contracté ensuite (3), un certain nombre de clients (11) attestant que ce sont eux qui ont pris contact spontanément avec Monsieur Lefebvre.

Sur ce dernier point, rien n'établit qu'il s'agirait d'attestations de complaisance comme soutenu, les affirmations des sociétés Henkel ou Rieter n'étant pas en contradiction avec les conventions de formation produites.

Cela étant, les appelants observent à juste titre que les contacts ont été pris avec Monsieur Lefebvre qui n'avait pourtant à cette période aucune fonction officielle dans Lic.

Le constat d'huissier permet par ailleurs d'établir que, au 1er juillet 2007, 36 des 45 clients de Lic Formation étaient d'anciens clients DRL.

Les intimés soutiennent que ce chiffre doit être rapproché du nombre de clients de DRL.

Ils affirment à cet effet, en produisant une liste, que DRL avait 76 autres clients dont une trentaine de gros clients, liste qui n'est pas contestée.

Des pièces comptables versées aux débats, il résulte que le chiffre d'affaires de DRL était en 2005 de 1 853 271 euro et de 1 723 692 euro en 2006.

Une fiche annexée au constat d'huissier et non contestée fait état de ce que les 36 clients DRL devenus clients Lic et qui représentaient pour DRL un chiffre d'affaires de 676 104 euro en 2005, ne représentaient plus pour elle qu'un chiffre d'affaires de 595 838 euro en 2006 et de 91 479,79 euro en 2007.

S'agissant de la part de ces anciens clients DRL dans le chiffre d'affaires réalisé par Lic, des explications contradictoires sont fournies.

Un "état formations" dont on ne sait comment, quand et d'après quels documents il a été établi, fait état d'un chiffre d'affaires "nouveaux clients" d'un montant en 2007 de 50 234,67 euro pour un chiffre d'affaires total de 679 106,85 euro (il est évoqué dans les conclusions qu'il s'agirait d'un chiffre prévisionnel) tandis qu'une attestation de l'expert-comptable Eric Blois listant des clients et le montant des formations conclues fait état d'un chiffre d'affaires "nouveaux clients" d'un montant de 187 350,79 euro pour 2007 et qu'un extrait de compte résultat fait état d'un chiffre d'affaires net de la société Lic d'un montant de 907 007 euro pour l'année 2007.

Il résulte de ces éléments que sont établis les faits suivants: environ un tiers, en volume de chiffre d'affaires et en nombre, des clients de DRL est devenu client de Lic en 2007 et pour cette même année la part du chiffre d'affaires Lic représentée par ces anciens clients DRL était de plus des trois quarts de son chiffre d'affaires total, ce qui s'analyse en un déplacement important de clientèle.

Les intimés observent sans être critiqués sérieusement que les sociétés clientes ne renouvellent pas systématiquement les formations chaque année et que de ce fait les chiffres d'affaires réalisés sont variables d'une année à l'autre.

Les intimés observent encore à juste titre qu'une concurrence sérieuse existe dans ce domaine, de nombreuses sociétés de formation étant sur le marché et les formations s'effectuant sur appel d'offres, que la société DRL a été fragilisée par la perte de son directeur commercial qui n'a été remplacé que provisoirement et qu'une autre ancienne salariée de DRL, a constitué en juillet 2000 une société concurrente réalisant un chiffre d'affaires conséquent.

Pour autant ces données sont insuffisantes à expliquer la concordance entre le transfert de clientèle et la perte de chiffre d'affaires, alors surtout que les prétendues causes de l'effondrement du chiffre d'affaires DRL avancées par les intimés n'en sont pas.

En effet, l'examen des bilans auquel procèdent les intimés en pages 30 à 33 de leurs écritures, en relevant notamment un endettement ancien important et un poste "traitements et salaires" excessif, s'il est éventuellement de nature à expliquer la situation de redressement à laquelle a été confrontée la société DRL, est en revanche inopérant s'agissant d'expliquer la baisse de chiffre d'affaires.

- Embauches massives de formateurs et placement de formateurs issus de DRL sur des clients DRL :

Les appelants soutiennent qu'au 1er octobre 2007, sur les 24 formateurs salariés en fonction chez Lic 22 étaient des formateurs ou ex formateurs DRL.

Ils présentent une liste avec indication des dates d'embauche et de départ et du nombre d'heures effectué, liste sur les mentions de laquelle les parties s'accordent en réalité et dont l'examen établit que 13 formateurs ont été embauchés entre juin et décembre 2006, les autres entre janvier et octobre 2007, que 5 formateurs n'étaient plus depuis plusieurs mois (voire plusieurs années pour l'un d'entre eux) salariés de DRL au moment où ils ont été embauchés par Lic, que sur ces 5 salariés 4 ne travaillaient chez DRL que quelques heures par mois, que parmi les 17 autres 4 ne travaillaient que moins de 35 heures par mois pour DRL et 2 autres moins de 150 heures par mois pour DRL, seuls six salariés Lic étant des salariés qui en 2005 travaillaient à temps complet pour DRL.

L'examen de cette liste établit encore que 14 formateurs n'ont pas cessé de travailler pour DRL pour se consacrer exclusivement à Lic mais ont partagé leur temps entre DRL et Lic et parfois d'autres sociétés.

Ces chiffres doivent être rapprochés du chiffre non contesté de 50 formateurs DRL.

Ils doivent en outre être rapprochés de la spécificité des contrats de formateurs qui sont des contrats à durée indéterminée intermittents impliquant que très souvent ces salariés n'effectuent qu'un nombre d'heures limité pour un même employeur et ont simultanément plusieurs employeurs, ainsi qu'en attestent dans la présente instance 11 des formateurs en question, lesquels insistent sur leur liberté de se mettre à disposition de plusieurs employeurs afin de remplir et optimiser leur agenda et font en outre état de la spontanéité de leur démarche à l'égard de Lic faite de leur propre initiative.

S'agissant des augmentations de salaire dont ont bénéficié certains formateurs après leur embauche chez Lic, elles ne sont pas contestées, étant toutefois relevé qu'elles ne concernent que 11 formateurs, la hausse de salaire étant pour certains minime même si elle atteint pour quelques autres plus de 2,50 euro de l'heure.

Dans un tel contexte tenant notamment à la particularité des contrats de formateur et alors encore qu'il n'est pas démontré que les formateurs auraient acquis chez DRL un savoir-faire particulier que Lic aurait eu pour but de s'approprier, le débauchage ne saurait être considéré comme massif.

Cependant, les contrats signés avec DRL interdisaient en l'espèce au formateur, ce pendant leur durée et pendant un an à compter de leur date d'expiration, d'exercer pour leur compte ou pour le compte d'un tiers une fonction de formation linguistique auprès de la clientèle de DRL.

A cet égard, les intimés ne contestent en rien que pour trois clients (Sika, Goodyear, M Real), des formateurs Lic issus de DRL y ont été "placés", en contravention avec l'interdiction précitée.

Bien que les trois salariés en question ne fassent pas état de manœuvres de Lic destinées à les amener à contracter, il n'en demeure pas moins une déloyauté particulière dans le "placement" par Lic de formateurs DRL chez des clients communs.

- Volonté de désorganisation:

Pour conclure que les embauches de formateurs auraient pour but, ou à tout le moins pour effet, de provoquer une désorganisation et de capter une partie de la clientèle, les appelants font état de perturbations dans l'organisation du travail et la gestion du personnel, de redéploiement dans l'urgence de l'action commerciale, du recrutement de 20 nouveaux formateurs, de l'effondrement brutal de chiffre d'affaires et de graves difficultés de trésorerie.

Cependant, la seule attestation de Madame Shepard, responsable pédagogique, est insuffisante à faire la preuve d'une désorganisation dès lors qu'elle se borne à en faire état en termes généraux ("désorganisation tant au niveau des plannings que des relations") sans citer de faits précis que par ailleurs aucune autre pièce n'étaye.

Ce témoin fait lui-même état d'une rotation rapide des recrutements dans ce type d'activité et les affirmations des intimés selon lesquelles la société Lic aurait déjà enregistré 14 démissions sur 44 embauches ne sont pas contestées, attestant là encore d'une rotation rapide des effectifs à des postes qui pour beaucoup ne portent que sur l'accomplissement de quelques heures par mois.

Alors qu'il est affirmé par les intimés que les formateurs en langue sont très nombreux sur le marché, les appelants ne font état d'aucune difficulté de recrutement particulière et le livre du personnel de la société DRL atteste de 23 nouvelles embauches entre juin 2006 et le 1er octobre 2007 et d'une masse salariale constante.

Les intimés observent à juste titre qu'il ne résulte en rien de l'attestation de la banque BSD CIN la preuve d'un lien entre les embauches et des difficultés de trésorerie, cette attestation traduisant au contraire l'ancienneté d'une situation dont ils font quant à eux par ailleurs la preuve (importants reports à nouveau depuis plusieurs années, charges exceptionnelles ...).

Cela étant, les chiffres avancés par les appelants comme étant ceux réalisés par DRL avec les 36 clients devenus clients Lic ne sont pas contestés et sont les suivants:

2005 : 670 104,63 euro

2006 : 595 838,28 euro

2007 : 91 479,79 euro.

Ceux relatifs aux chiffres d'affaires réalisés en son entier par la société DRL sont les suivants:

2003 : 1 783 808 euro

2004 : 1 860 818 euro

2005 : 853 271 euro

2006 : 1 723 692 euro

2007 : 1 212 332 euro.

Si la baisse ne présente pas de caractère significatif entre 2005 et 2006, il ne peut en revanche être contesté qu'elle est importante en 2007 et correspond globalement au montant du chiffre d'affaires réalisé alors avec les clients devenus clients Lic.

Dans une telle proportion, elle est source de désorganisation.

Ainsi, de l'examen d'ensemble auquel il vient d'être procédé, il ressort qu'en plaçant certains de ses formateurs chez des clients de DRL en violation de dispositions contractuelles, la société Lic a eu pour but de détourner une clientèle qu'elle avait entrepris de détourner dès sa création avec le concours de deux salariés de DRL, ce détournement ayant permis son développement et ayant eu pour résultat corrélatif un appauvrissement important du chiffre d'affaires de son concurrent : un comportement constitutif de concurrence déloyale est donc constitué.

- Sur le préjudice:

Il est exact que le secteur de la formation linguistique est concurrentiel, une autre société ayant notamment été créée dans le même temps par une autre ancienne salariée de DRL, que Monsieur Lefebvre n'a pas été efficacement et durablement remplacé après son départ et que les sociétés clientes ne renouvellent pas chaque année leurs budgets de formation et ne s'adressent pas chaque année au même prestataire.

Pour ces motifs, la société DRL ne saurait, comme elle le fait, prendre pour base de calcul la totalité du chiffre d'affaires perdu en 2007.

Ces mêmes considérations conduisent à n'imputer aux faits litigieux qu'une part de la baisse de chiffre d'affaires et à évaluer à 250 000 euro le préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale, à l'exclusion de toute autre somme, en l'absence de preuve d'un "trouble commercial" distinct.

Il ne saurait être fait droit aux demandes d'interdiction telles que formulées en termes généraux et contraires aux principes de droit du travail et de libre concurrence.

La publication sera ordonnée dans les conditions précisées au dispositif.

Sur la responsabilité de Monsieur Lefebvre

Le comportement de Monsieur Lefebvre postérieur à la cessation du contrat de travail le liant à DRL (prospection par lui personnellement de la clientèle DRL pour le compte de Lic) a été déterminant dans le détournement déloyal de clientèle qui a été opéré et ce comportement, comme celui de la société Lic elle-même, a concouru à la création du préjudice qui en est résulté pour DRL.

Monsieur Lefebvre sera condamné in solidum à réparer le préjudice subi par DRL.

Il y a lieu d'allouer aux appelants la somme précisée au dispositif sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris. Et statuant à nouveau : Condamne in solidum la société Lic Formation et Monsieur Lefebvre à payer à la société DRL Conseil la somme de 250 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale commis, outre celle de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Ordonne la publication en entier ou par extraits de l'arrêt dans trois journaux au choix de la société DRL Conseil et aux frais de la société Lic Formation sans que ceux-ci excèdent la somme de 3 000 euro HT par insertion. Déboute la société DRL Conseil, la SCP Guérin Diesbecq et Maître Bourgoin du surplus de leurs demandes. Condamne in solidum la société Lic Formation et Monsieur Lefebvre à payer les dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.