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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 1 octobre 2009, n° 08-02432

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

ABC Ambulances (SARL), Lemaire (Consorts)

Défendeur :

Ambulances du Mantois (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

M. Coupin, Mme Brylinski

Avoués :

SCP Debray-Chemin, SCP Jullien, Lecharny, Rol, Fertier

Avocats :

Mes Delignière, Lemperière

T. com. Versailles, 2e ch., du 6 févr. 2…

6 février 2008

Faits et procédure :

Les époux Lemaire ont, par acte en date du 31 août 2006, cédé à la SARL Ambulances du Mantois un fonds de commerce de transport sanitaire (offrant des services de transport ambulanciers, transports par véhicules sanitaires légers et transports de corps avant mise en bière) sis à Meulan, connu sous le nom professionnel Ambulances Meulan et comprenant notamment l'enseigne, le nom professionnel, la clientèle et l'achalandage y attaché. Cet acte a été signé devant notaire.

Faisant valoir qu'elle avait constaté la perte d'un certain nombre de patients qui, bien que mentionnés dans les fichiers regroupant les transports antérieurement réalisés par les époux Lemaire comme des clients réguliers, ne s'adressaient plus au fonds de commerce acquis par elle et estimant que cette perte était due à des agissements contraires à l'acte de cession, Ambulances du Mantois a, par acte en date du 12 décembre 2006, assigné les époux Lemaire en référé devant le Président du Tribunal de commerce de Versailles afin que celui-ci, notamment, constate l'existence d'un dommage imminent du fait de la violation par Josyane Lemaire de ses obligations contractuelles, l'absence de toute contestation sérieuse concernant les obligations contractuelles de Josyane Lemaire et leur violation et par conséquent ordonne à celle-ci de cesser immédiatement toute activité au sein de la société ABC Ambulances et de céder ses parts dans cette société ainsi que la consignation du prix de vente, jusqu'à ce qu'elle ait cessé ses activités et cédé ses parts sociales au sein de la société ABC Ambulances. Elle demandait en outre condamnation de Josyane Lemaire au paiement de l'indemnité exigible au titre de l'acte de cession de fonds de commerce sur la base de 100 euro par jour depuis le 1er septembre 2006.

Par ordonnance en date du 17 janvier 2007, confirmée par arrêt du 31 octobre 2007, le Président du Tribunal de commerce de Versailles a considéré qu'il existait une difficulté sérieuse concernant l'interprétation de la clause de non-concurrence et par conséquent renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Ambulances du Mantois a alors assigné les époux Lemaire et la société ABC Ambulances devant le Tribunal de commerce de Versailles, pour obtenir la condamnation des deux premiers à cesser toute activité au sein de la troisième, à ce qu'il soit ordonné à Josyane Lemaire de céder ses parts au sein d'ABC Ambulances, la condamnation des époux Lemaire et de la SARL ABC Ambulances au paiement de l'indemnité exigible au titre de l'acte de cession et de 54 000 euro au titre du préjudice subi du fait de leur concurrence déloyale et la condamnation des époux Lemaire à lui payer 34 689,64 euro du fait de la perte de chiffre d'affaires subie.

Par la décision déférée, en date du 6 février 2008, le Tribunal de commerce de Versailles a constaté la violation par les cédants de leurs obligations contractuelles de non-concurrence, constaté la concurrence déloyale effectuée par la société ABC Ambulances au détriment d'Ambulances du Mantois, dit n'y avoir lieu à ordonner à Madame Lemaire de céder ses parts au sein de la SARL ABC Ambulances, condamné les époux Lemaire au paiement de l'indemnité exigible au titre de l'acte de cession de fonds de commerce en date du 31 août 2006, sur la base de cent euro par jour depuis le 1er septembre 2006, jusqu'à la date de signification du jugement, ordonné aux époux Lemaire de cesser immédiatement toute activité au sein de la société ABC Ambulances, sous une astreinte de cent (100) euro par jour, à compter de la date du signification du jugement, condamné la société ABC Ambulances, solidairement avec les cédants au paiement de l'indemnité exigible au titre de l'acte de cession de fonds de commerce, soit cent euro (100 euro) par jour depuis le 1er septembre 2006 jusqu'à la date du signification du jugement et condamné les époux Lemaire au paiement de 7 300 euro de dommages-intérêts à Ambulances du Mantois.

Au soutien de l'appel qu'ils ont interjeté contre cette décision, ABC Ambulances et les époux Lemaire font valoir que Josyane Lemaire a créé un fonds artisanal d'ambulances, sous le nom d'Ambulances Meulan. Son époux n'en était qu'employé, même si, mariés sous le régime de la communauté, le fonds était réputé appartenir aux deux époux.

C'est le seul notaire de l'acquéreur qui est intervenu à l'acte de cession, les dirigeants d'Ambulances du Mantois ayant refusé que le conseil des époux Lemaire intervienne.

L'acte de cession comportait une clause de non-concurrence.

En premier lieu, il n'avait été caché au cessionnaire ni l'existence de la société ABC Ambulances, ni la gérance de la fille de Josyane Lemaire, et cela est reconnu par Ambulances du Mantois. Il appartenait, en réalité, au notaire instrumentaire d'attirer l'attention des cédants sur la clause de non-concurrence et de poser la question à Josyane Lemaire sur l'existence d'une participation, de sa part, dans cette société. Si tel avait été le cas, le notaire aurait mentionné la réponse à l'acte ou, à tout le moins, délivré une attestation lors de la présente instance,

Il y a là une question de responsabilité du rédacteur de l'acte et il y a lieu de dire que si rien n'a été mentionné dans l'acte, c'est parce que la question n'a pas été posée à Josyane Lemaire, et si la question n'a pas été posée, c'est parce que Ambulances du Mantois était déjà informée. Au demeurant, cette société expose dans ses écritures que Josyane Lemaire avait, lors des négociations de vente, " mentionné la possession par sa fille d'une autre société d'ambulances et proposé à l'intimée d'acquérir cette société ". Si tel est le cas, c'est bien évidemment qu'elle en était porteuse de parts. C'est aussi pour cette raison que, si peu de temps après l'acquisition, les dirigeants d'Ambulances du Mantois étaient au courant de ce fait.

Sur l'interprétation de la clause, les appelants font valoir qu'elle est équivoque dans la mesure où l'interdiction " s'exerce à compter du jour de l'entrée en jouissance ", ce qui pouvait signifier que c'est seulement à partir de cette date que Josyane Lemaire ne pouvait prendre de nouvelles participations mais que celles déjà prises pouvaient demeurer.

Sur les conséquences d'une violation de la clause, il appartiendrait à Ambulances du Mantois, pour prospérer dans son action, de démontrer l'existence d'un préjudice en résultant.

Josyane Lemaire souligne qu'elle n'a jamais pris part à l'exploitation d'ABC Ambulances, mais que sa participation s'est limitée à quelques actes bénévoles.

Sur les faits qui leur sont reprochés, les appelants font valoir que s'il est exact que Josyane Lemaire a fait un simple chèque de dépôt de 1 500 euro, cela n'a pas été même une avance de trésorerie. Cette circonstance ne saurait donc constituer un fait de concurrence déloyale.

S'agissant des faits reprochés à Dominique Lemaire, dont le contrat de travail avait été repris par Ambulances du Mantois, en application de l'article L. 122-12 du Code du travail, cette société s'est, dans un premier temps, livrée à un véritable harcèlement moral à son endroit, puis l'a licencié. Compte tenu de sa formation, celui-ci n'avait alors d'autre solution que de rechercher un autre emploi d'ambulancier et, compte tenu de la clause de non-concurrence et des difficultés auxquelles il se heurtait pour rechercher un tel emploi, que d'être engagé, en janvier 2007, par ABC Ambulances, laquelle société était dans l'ignorance de l'existence de cette clause.

Sur les services rendus par Dominique Lemaire à ABC Ambulances antérieurement à son embauche, les appelants font valoir que celui-ci a, avec l'accord d'un des dirigeants d'Ambulances du Mantois, effectué trois transports de corps en dehors de ses heures de service. Il conteste avoir demandé au personnel de l'hôpital une quelconque discrétion de sa part à l'égard d'Ambulances du Mantois. Ces transports ont été effectués uniquement pour l'hôpital de Mantes, établissement pour lequel Ambulances du Mantois n'a jamais effectué de transports de corps.

Sur la récupération du fichier clients du fonds cédé par Josyane Lemaire, les appelants soulignent en premier lieu que l'allégation d'Ambulances du Mantois repose sur deux documents, un "chiffre d'affaires Meulan " qui n'est pas une pièce comptable et ne repose pas sur de telles pièces et sur les attestations de l'ancienne secrétaire de l'entreprise Ambulances Meulan qui nourrit une animosité contre la famille Lemaire.

Or ces attestations sont fausses et ne sont, pour cause, corroborées par aucun élément. Ainsi n'existe-t-il aucun élément qui permettrait de comparer le fichier clients d'ABC Ambulances et celui de Meulan Ambulances, ni aucune demande d'Ambulances du Mantois en ce sens.

En réalité, les dirigeants d'Ambulances du Mantois avaient demandé à Josyane Lemaire de passer sur leur comptabilité toutes leurs factures antérieures à l'obtention des autorisations DDASS et à la signature de la convention CPAM, ce que celle-ci a refusé. Elle en justifie par la production des prescriptions concernées. De même Ambulances du Mantois a-t-elle fait des transports de corps dont certains qu'elle a faits enregistrer au funérarium sous le nom d'ABC Ambulances, qui n'en avait pas été informée.

S'agissant de la comptabilité, afin d'éviter qu'Ambulances du Mantois ne modifie la comptabilité d'Ambulances Meulan, Josyane Lemaire avait, effectivement, demandé à Mme le Coz, auteur des attestations dont se prévaut Ambulances du Mantois, d'effectuer les manœuvres informatiques permettant d'empêcher que la comptabilité ne soit modifiée.

Par ailleurs, si Ambulances du Mantois a vu son chiffre d'affaires diminuer, c'est en raison de son refus d'effectuer tous les transports sanitaires légers à destination de Paris. Par ailleurs, cette société n'a pas toujours répondu avec diligence et ponctualité aux attentes de la clientèle.

Sur la perte de chiffre d'affaires due à l'impossibilité d'exercer l'activité de transport de corps avant la mise en bière, Josyane Lemaire souligne qu'elle avait une habilitation dont la validité se prolongeait au-delà de la date de cession du fonds. Quant au véhicule, à supposer que le renouvellement de l'agrément n'ait pas été demandé en temps et en heure, cela n'entrainerait aucune conséquence pour Ambulances du Mantois, à qui il appartenait de demander une habilitation à titre personnel. Quant au fait que la carte grise porte non la mention de fourgon funéraire, mais seulement celle de fourgon, la plupart des sociétés d'ambulances qui effectuent des transports de corps avant mise en bière ont des véhicules de ce type et l'acte de cession ne comporte aucune garantie en ce qui concerne l'affectation des véhicules. Au surplus, Ambulances du Mantois a effectué des transports de corps avec ce véhicule et d'autres du même type.

S'agissant des faits reprochés à ABC Ambulances, celle-ci n'a jamais été partie à la signature de l'acte de cession. Elle n'a, non plus, jamais fait l'objet d'une quelconque mise en demeure d'Ambulances du Mantois. Elle n'avait dès lors aucun motif pour ne pas embaucher Dominique Lemaire. Au surplus, elle n'a repris aucun client de Meudan Ambulances et son chiffre d'affaires est à peu près constant. Aucune condamnation ne saurait, dès lors, être prononcée à son profit.

Sur le montant des condamnations, les appelants font valoir qu'Ambulances du Mantois ne communique aucun élément sur son activité ou son absence d'activité dans le domaine du transport de corps. Au demeurant, elle a confié cette activité à un de ses salariés qui a créé une entreprise Transport de corps du Mantois.

Sur la clause pénale, les demandes en paiement de 100 euro par jour depuis le 1er septembre 2006 et de 54 000 euro de dommages-intérêts font en premier lieu double emploi. En outre, Ambulances du Mantois n'a communiqué aucun document comptable.

S'agissant de la clause figurant à l'acte de cession, il s'agit d'une clause pénale qu'il appartient au juge d'apprécier et le seul fait que Josyane Lemaire détienne des parts de la société de sa fille ne suffit pas à constituer une violation de la clause.

S'agissant des actes reprochés à Dominique Lemaire, les transports de corps ne sauraient justifier de condamnation. Par ailleurs, le fait, pour lui, de prendre une activité salariée dans une autre entreprise ne constitue pas, en soi, une concurrence déloyale.

Subsidiairement, il est demandé de modérer la clause pénale à 1 euro.

Sur la cession de parts de Josyane Lemaire, on ne saurait l'ordonner, ce point dépendant non seulement de celle-ci, mais aussi de la possibilité de trouver un autre acquéreur; par ailleurs, comme précédemment indiqué, la clause est équivoque sur ce point.

Chacun des appelants demande 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ambulances du Mantois souligne que la clause de non-concurrence, limitée dans son objet, dans le temps et dans l'espace est valable.

En possédant, à l'insu des cessionnaires, des parts dans une entreprise concurrente et voisine, Josyane Lemaire l'a violée. Le simple fait que la clause soit intitulée " interdiction de se rétablir " ne saurait semer la confusion, cette mention n'étant présente qu'en titre de chapitre, et la volonté des parties étant clairement exprimée par la rédaction de la clause. Si les parties avaient souhaité permettre à Josyane Lemaire d'exercer des activités concurrentes à celles du fonds de commerce cédé, dans une société dont le siège social se situait à moins de deux kilomètres, elles l'auraient clairement mentionné dans l'acte de cession.

De même, les activités des époux Lemaire au sein de la société ABC Ambulances ont constitué une nouvelle violation de la clause.

Josyane Lemaire a pris un rôle actif dans la gestion d'ABC Ambulances par ses activités, pour le moins, de préposé à titre accessoire (pour reprendre les termes de la clause de non-concurrence) puisqu'elle dispose du pouvoir de signer des chèques pour le compte de cette société. Ainsi, même après avoir été assignée pour violation de ses obligations de non-concurrence, elle a continué à intervenir dans la gestion d'ABC Ambulances.

Dominique Lemaire, quant à lui, a effectué régulièrement des transports pour le compte de la société ABC Ambulances dès la cession du fonds de commerce, alors qu'il était encore salarié de l'intimée, et est devenu salarié de cette société le 2 décembre 2006, ainsi qu'en atteste la liste du personnel possédant le certificat de capacité d'ambulancier, communiqué par la DDASS à Sandrine Le Coz suite à sa demande dans le cadre de son contentieux prud'homal avec cette société. Les activités de celui-ci, au sein d'ABC Ambulances, aussi bien lorsqu'il était salarié de l'intimée (et sans son assentiment) que suite à son licenciement, ont été régulières et ont porté à la fois sur les transports de corps et sur les transports en VSL et en ambulance. Il a poursuivi ses activités de salarié au sein de la société ABC Ambulance, malgré l'interdiction assortie de l'exécution provisoire qui lui en a été faite par le Tribunal de commerce de Versailles et confirmée par la cour.

Aussi Ambulances du Mantois demande-t-elle que soit ordonnée la cession par Josyane Lemaire de ses parts sociales au sein de la société ABC Ambulances, sous astreinte de cent euro par jour, que soit ordonnée la cessation de toute activité par les cédants au sein d'ABC Ambulances, sous astreinte de cent euro par jour et leur condamnation au paiement d'une indemnité de cent euro par jour de contravention à leurs obligations contractuelles, du 1er septembre 2006 jusqu'à la date du jugement.

Sur l'application de la clause pénale, Ambulances du Mantois fait valoir qu'il n'est pas besoin de la preuve d'un préjudice pour sa mise en œuvre. Au surplus, les dommages subis par elle excèdent le montant de sa mise en œuvre.

C'est, estime-t-elle, de façon délibérée et commettant une faute dolosive que les cédants se sont rendus coupables de la violation de la clause de non-concurrence.

ABC Ambulances a, de son côté, profité du détournement des fichiers, ainsi que des services des époux Lemaire. Aussi doit-elle être condamnée solidairement au paiement des pénalités et dommages-intérêts.

Sur la perte de chiffre d'affaires due à l'impossibilité d'effectuer des transports de corps avant mise en bière, Ambulances du Mantois fait valoir que le " fonds de commerce " cédé comprenait une telle activité qui avait généré, pour l'année 2005 un chiffre d'affaires d'un montant total de 34 689,64 euro, selon la comptabilité d'Ambulance de Meulan.

Du fait de l'absence de respect par les cédants de leurs obligations légales et d'entretien du véhicule affecté à cette activité, elle a dû renoncer à l'exercice de cette activité. Aussi demande-t-elle indemnisation de la perte de chiffre d'affaires subie, soit 34 689,64 euro, correspondant au chiffre d'affaires réalisé l'année précédant la cession sur l'activité de transport de corps avant mise en bière.

Enfin, elle demande leur condamnation à lui payer la somme de 9 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce LA COUR,

Attendu que les époux Lemaire ont, par acte en date du 31 août 2006, cédé à Ambulances du Mantois un fonds artisanal de transport sanitaire sis à Meulan et connu sous le nom de Ambulances Meulan ;

Attendu que l'acte de cession comporte notamment une clause (p. 19) intitulée " Interdiction de se rétablir " (en caractères gras dans le texte), ainsi rédigée : " A titre de condition essentielle et déterminante, sans laquelle le cessionnaire n'aurait pas contracté, le cedant s'interdit expressément la faculté :

- de créer, acquérir, exploiter, prendre à bail ou faire valoir, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, aucun fond similaire en tout ou partie à celui présentement cédé,

- de s'intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée, et même en tant qu'associé ou actionnaire de droit ou de fait, même à titre de simple commanditaire, ou de gérant, dirigeant social, salarié ou préposé, fût-ce à titre accessoire, à une activité concurrente ou similaire en tout ou partie à celle exercée par lui dans le fonds présentement cédé.

Cette interdiction s'exerce à compter du jour de l'entrée en jouissance dans un rayon de 150 kilomètres du lieu d'exploitation du fonds cédé et ce pendant 5 ans. En cas d'infraction, le cédant sera de plein droit redevable d'une indemnité forfaitaire de cent euro (100 euro) par jour de contravention ; le cessionnaire se réservant en outre le droit de demander à la juridiction compétente d'ordonner la cessation immédiate de ladite infraction " ;

Attendu qu'une clause de non-concurrence, dans la mesure où elle est constitutive d'un obstacle au principe fondamental de liberté du commerce et de l'industrie, doit, pour être valable, être limitée; que la clause ci-dessus reproduite est limitée dans le temps et l'espace et quant à son objet; que les limitations, et notamment la limitation dans l'espace, n'apparaissent pas comme insuffisantes à satisfaire au respect du principe rappelé; qu'en conséquence la clause est valable;

Attendu qu'une clause de non-concurrence, dans la mesure où elle est constitutive d'un obstacle au principe fondamental de liberté du commerce et de l'industrie, ne peut par ailleurs recevoir, lorsqu'elle requiert interprétation, d'interprétation que restrictive, l'interprétation devant nécessairement se faire en faveur du principe supérieur de liberté du commerce et de l'industrie; que compte tenu du même principe, et contrairement à ce que soutient Ambulances du Mantois, si les parties avaient souhaité permettre à Josyane Lemaire de conserver un intérêt dans une société dont le siège social se situait à proximité et exerçant des activités concurrentes à celles du fonds artisanal cédé, elles n'avaient nullement à le mentionner dans l'acte de cession; qu'au contraire, seule une clause expresse pouvait prohiber une telle situation;

Attendu qu'il est fait grief à Josyane Lemaire d'avoir, en violation de la clause de non-concurrence, conservé des parts dans la SARL ABC Ambulances;

Attendu que la clause précédemment reproduite s'intitule " Interdiction de se rétablir ", cet intitulé figurant en caractères gras; qu'elle précise qu'elle " s'exerce à compter du jour de l'entrée en jouissance "; qu'il n'est, à aucun moment, dans l'acte, précisé que les cédants ne seraient pas déjà porteurs de parts d'une société exploitant un fonds similaire et située dans un rayon de 150 kms alors qu'Ambulances du Mantois reconnaît expressément qu'elle était, dès avant la signature de l'acte de cession, informée du fait que la fille de Josyane Lemaire exploitait une telle société à Mantes-la-Ville ce qui rendait vraisemblable ou à tout le moins plausible que les cédants y eussent des intérêts; qu'enfin la clause porte interdiction de " de s'intéresser directement ou indirectement (...) à une activité concurrente ou similaire en tout ou partie à celle exercée par lui dans le fonds présentement cédé " et non de s'intéresser à une telle activité ou d'y conserver un intérêt, rédaction qui seule eût été claire et sans équivoque, spécialement eu égard à cette connaissance antérieure de l'existence d'un fonds concurrent situé à proximité et exploité par la fille de Josyane Lemaire;

Attendu qu'Ambulances du Mantois conclut expressément que " Madame Lemaire a effectivement lors des négociations préliminaires à la cession mentionné la possession par sa fille d'une autre société d'ambulance et proposé à l'intimée d'acquérir cette société auprès de sa fille, Madame Lemaire se présentant en tant qu'intermédiaire en non, en tant que propriétaire de la société. Maître Tarrade a, lors de la signature, demandé à Madame Lemaire si elle possédait des parts dans une société concurrente, ce que cette dernière a nié. Si un reproche peut être fait à Maître Tarrade en tant que rédacteur d'acte, c'est effectivement de ne pas avoir inséré dans l'acte une mention stipulant que ni Madame Lemaire ni Monsieur Lemaire n'étaient à la date de signature de l'acte intéressés de quelque façon que ce soit dans une société concurrente "; qu'ainsi, alors même qu'elle fait valoir qu'elle était informée de l'existence d'ABC Ambulances et que Josyane Lemaire aurait fait des déclarations selon lesquelles elle n'y avait pas d'intérêts et que ces déclarations n'ont pas été retranscrites par le notaire auquel elle admet qu'il peut être fait reproche de n'avoir pas inséré une mention stipulant que les cédants n'étaient pas intéressés, à la date de signature de l'acte, dans une société concurrente, elle n'a nullement attrait ce dernier à la procédure pour, le cas échéant, engager sa responsabilité; qu'elle reconnaît implicitement ainsi que la clause qu'elle invoque n'a pas la portée qu'elle prétend lui donner, dans la mesure où elle reconnaît qu'il eût fallu que le notaire inclût dans l'acte une mention des déclarations qu'elle prête à Josyane Lemaire;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que le fait, par Josyane Lemaire, d'avoir seulement conservé des parts de la SARL ABC Ambulances n'est, en l'absence d'une clause le prohibant de façon expresse et alors que les parties étaient préalablement informées à tout le moins d'une circonstance rendant plausible le fait qu'elle eût, au jour de la signature de la cession, des intérêts dans une société concurrente et située à proximité immédiate, pas constitutif d'une violation de la clause rapportée; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à ordonner la cession par Josyane Lemaire, des parts qu'elle détient dans la SARL ABC Ambulances;

Attendu qu'il est encore reproché à Josyane Lemaire d'avoir pris un rôle actif dans la gestion d'ABC Ambulances, par ses activités pour le moins de préposée à titre accessoire, puisqu'elle disposait du pouvoir de signer des chèques pour le compte de cette société;

Attendu qu'il est à cet égard justifié par Ambulances du Mantois que Josyane Lemaire a signé un chèque de 1 500 euro au profit de la société Garage Dorlet le 6 février 2007;

Attendu que si, pour les motifs précédemment énoncés, la validité des clauses de non-concurrence est assujettie à leur caractère limité et si en cas de rédaction ambigüe, elles doivent être interprétées en faveur du principe de liberté du commerce et de l'industrie, elles n'en constituent pas moins, dans la mesure de leur portée, la loi des parties et doivent en conséquence recevoir rigoureuse application;

Attendu que la signature de ce chèque, fût-il un chèque de garantie, est constitutive d'un acte d'exploitation indirecte d'un fonds similaire; qu'il n'importe que, comme le font valoir les appelants, cet acte d'exploitation indirecte ait été effectué à titre bénévole d'entraide familiale, dès lors que la clause de non-concurrence prohibe tout acte d'exploitation, directe ou indirecte, et, " à quelque titre que ce soit ";

Attendu qu'Ambulances du Mantois fait encore grief à Josyane Lemaire d'avoir détourné de la clientèle au profit d'ABC Ambulances; que cependant elle n'apporte aucun élément à cet égard, la seule attestation de Sandrine le Coz ne permettant pas de justifier de cette assertion ;

Attendu qu'Ambulances du Mantois fait par ailleurs grief à Dominique Lemaire d'avoir effectué des transports pour le compte d'ABC Ambulances dès la cession du fonds de commerce, alors qu'il était encore son salarié, et qu'il est devenu salarié de cette société le 2 décembre 2006;

Attendu que ces faits ne sont pas contestés; que les justifications alléguées ne sont pas démontrées et sont, en toute hypothèse, inopérantes à l'égard d'Ambulances du Mantois; qu'ils sont constitutifs de violations de la clause précédemment reproduite;

Attendu qu'il est justifié, par Ambulances du Mantois, de quatre violations par Dominique Lemaire, de la clause (trois transports de corps alors qu'il était salarié d'Ambulances du Mantois et son embauche - à laquelle il a été mis fin - par ABC Ambulances);

Attendu que la clause stipule qu' " en cas d'infraction, le cédant sera de plein droit redevable d'une indemnité forfaitaire de cent euro (100 euro) par jour de contravention; le cessionnaire se réservant en outre le droit de demander à la juridiction compétente d'ordonner la cessation immédiate de ladite infraction " ;

Attendu qu'en application de cette clause, qui constitue une clause pénale mais qui n'apparaît pas manifestement excessive, il y a lieu de condamner les époux Lemaire, solidairement, à payer à Ambulances du Mantois la somme de 500 euro;

Attendu qu'Ambulances du Mantois demande en outre des dommages-intérêts complémentaires en se fondant sur le fait que les fautes des époux Lemaire seraient des fautes dolosives;

Attendu cependant que les violations effectuées sont de faible importance; qu'elles consistent toutes en des intérêts indirects et ponctuels ou seulement comme salarié ou préposé; qu'eu égard à la formation des époux Lemaire et à la rédaction de la clause ces violations ne sont pas dolosives; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter la demande de dommages-intérêts complémentaire d'Ambulances du Mantois;

Attendu qu'Ambulances du Mantois fait encore valoir qu'ABC Ambulances se serait elle-même rendue coupable d'actes de concurrence déloyale en ayant été bénéficiaire des détournements de clientèle opérés par les cédants et a bénéficié des services des époux Lemaire, en violation de leurs obligations contractuelles de non-concurrence ;

Attendu cependant d'une part que les détournements de clientèle allégués ne sont nullement démontrés; que par ailleurs il n'est nullement justifié de ce qu'ABC Ambulances aurait été informée de ce que les époux Lemaire étaient tenus, à l'égard d'Ambulances du Mantois, par une clause de non-concurrence; que cette dernière société doit, dès lors, être déboutée de ses demandes à l'encontre de cette partie;

Attendu que l'équité conduit à condamnation d'Ambulances du Mantois à payer à ABC Ambulances la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'elle s'oppose à autres condamnations sur ce fondement;

Attendu qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, de condamner Ambulances du Mantois aux dépens afférents aux demandes formées contre ABC Ambulances ainsi qu'aux 2/3 de ceux afférents aux demandes - disproportionnées - formées contre les époux Lemaire;

Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à ordonner la cession des parts de Josyane Lemaire au sein de la SARL ABC Ambulances, Infirme le jugement déféré en ce qu'il a constaté la concurrence déloyale d'ABC Ambulances et a prononcé condamnation contre celle-ci et déboute Ambulances du Mantois de ses demandes contre cette partie, Réforme pour le surplus ledit jugement, Condamne solidairement les époux Lemaire à payer à Ambulances du Mantois la somme de 500 euro au titre de la clause pénale, Déboute Ambulances du Mantois du surplus de ses demandes, La condamne à payer à ABC Ambulances la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et dit n'y avoir lieu à autres condamnations sur ce fondement, Condamne Ambulances du Mantois aux dépens afférents à ses demandes contre ABC Ambulances et à la mise en cause de celle-ci ainsi qu'aux 2/3 de ceux afférents à ses demandes contre les époux Lemaire, laisse le surplus des dépens à la charge de ceux qui les ont exposés, Admet la SCP Debray-Chemin, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.