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Décisions

ADLC, 18 décembre 2009, n° 09-D-39

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre par le Conseil national des exploitants thermaux dans le secteur du thermalisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Marie-Hélène Auffret, l'intervention de M. Jean-Marc Belorgey, rapporteur général adjoint, par M. Patrick Spilliaert, vice-président, président de séance, Mme Laurence Idot, M. Emmanuel Combe, membres.

ADLC n° 09-D-39

18 décembre 2009

L'Autorité de la concurrence (section V),

Vu la lettre, enregistrée le 21 juillet 2006 sous le numéro 06/0050 F par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le Conseil national des exploitants thermaux dans le secteur du thermalisme ; Vu la décision de la rapporteure générale du 24 juillet 2009, disposant que l'affaire fera l'objet d'une décision de l'Autorité sans établissement préalable d'un rapport ; Vu le livre IV du Code de commerce et notamment l'article L. 420-1 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par le Conseil national des exploitants thermaux et le commissaire du Gouvernement ; La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants du Conseil national des exploitants thermaux entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 2 décembre 2009 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LE SECTEUR CONCERNE ET LES ACTEURS DU MARCHE DE LA CURE THERMALE

1. LE SECTEUR DE LA CURE THERMALE

1. Le secteur concerné est celui de la cure thermale à but médical, c'est-à-dire qui nécessite une prescription médicale obligatoire. A ce titre, la cure est remboursée par la Sécurité sociale.

2. Il convient de souligner la spécificité de ce secteur en ce qu'il est règlementé. En effet, les prix et les modalités de prise en charge sont fixés par le Code de la sécurité sociale et par une convention nationale thermale du 1er avril 2003 conclue entre les organismes d'assurance maladie et la profession. Toutefois, ce secteur n'échappe pas à la concurrence. En effet, il existe une liberté tarifaire pour tout ce qui ne concerne pas la cure stricto sensu et pour le choix de l'exploitant, même si ce choix fait intervenir des considérations médicales et des considérations propres au médecin prescripteur et au curiste.

3. Enfin, les marchés concernés sont a priori de dimension nationale. La cure thermale étant remboursée par la Sécurité sociale, sa réalisation est, sauf exceptions, circonscrite aux exploitants thermaux français conventionnés. Le territoire national compte 1 200 sources d'eaux minérales et le nombre d'exploitants thermaux est proche de 110 selon les années de décompte (certains exploitants étant ponctuellement fermés pour travaux). La majeure partie des stations thermales est située en zone rurale ou à la montagne, au sud d'une ligne Arcachon-Thionville.

2. LES ACTEURS

a) Les établissements thermaux conventionnés

4. Sur les 108 stations thermales inscrites à la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), les 12 plus importantes accueillent près de la moitié des curistes.

5. Les stations se différencient non seulement par leurs écarts en capacité d'accueil mais aussi en fonction de leurs orientations thérapeutiques. Dans la majorité des cas (72 %), elles sont spécialisées dans un ou deux domaines. La rhumatologie est le domaine de prédilection du thermalisme français puisque les rhumatismes sont traités dans les trois quarts des stations thermales et concernent 70 % des curistes. Les autres orientations thérapeutiques les plus proposées visent les affections des voies respiratoires (38 % des stations et 10 % des curistes) et les affections de l'appareil digestif (18 % des stations). À côté de l'activité de cure remboursée par la sécurité sociale, les mêmes exploitants proposent des activités non médicales (remise en forme) pour lesquelles les prix sont libres. Cependant, ces activités ne représentent en moyenne pas plus de 5 % du chiffre d'affaire des stations.

6. La nature juridique et le mode d'exploitation des établissements thermaux sont variables. Si la majorité des sources thermales appartient au domaine public, les opérateurs publics ne gèrent directement que 11 % des stations. L'exploitation des autres sources thermales est déléguée à des sociétés privées ou d'économie mixte. Trois catégories d'opérateurs privés peuvent être distinguées. Certains sont uniquement présents dans le thermalisme, comme la chaîne thermale du soleil, qui dispose d'exploitants dans plus de 20 stations. Ce groupe est le plus important et a accueilli plus du quart des curistes en 2004. D'autres ont choisi un positionnement géographique spécifique comme Eurothermes, surtout implanté dans le Sud-Ouest et comme la Compagnie européenne des Bains (groupe Valvital), implantée dans l'Est. La deuxième catégorie est constituée de groupes issus d'autres secteurs. C'est le cas du groupe Partouche et du groupe hôtelier Accor ou de laboratoires pharmaceutiques comme le laboratoire Pierre Fabre. Enfin, une grande partie des établissements reste exploitée par des indépendants qui, pour accroître leur visibilité, s'engagent souvent dans la création de labels de qualité comme le réseau " thermauvergne " ou " thermalliance ". Le secteur des exploitants thermaux est donc assez peu concentré, néanmoins les quatre acteurs les plus importants représentent presque 40 % des sites et 200 000 curistes sur 509 000 en 2004.

b) L'organisme professionnel des exploitants thermaux

7. La profession est représentée par un syndicat unique : le Conseil national des exploitants thermaux (CNETh). Il est issu de la Confédération nationale des exploitants thermaux créée en juin 2002, elle-même résultant de la fusion de trois syndicats : l'Union nationale des exploitants thermaux (UNET), le Syndicat autonome du thermalisme français (SATH) et le Syndicat national des exploitants thermaux de France (SNETH). La confédération s'est transformée en syndicat en janvier 2004.

8. Selon les statuts du CNETh mis à jour au 23 juin 2005, celui-ci a pour objet l'étude et la défense des droits et intérêts matériels et moraux de ses adhérents. Le CNETh comptait 92 adhérents en 2005, 96 en 2004, soit la très grande majorité des exploitants thermaux.

c) La représentation des curistes

9. Selon les éléments du dossier, les curistes assurés sociaux étaient 509 424 en 2004 et 504 560 en 2005 (en baisse de 0,53 % et de 3,70 % par rapport à 2003). Les deux tiers des curistes sont des femmes. La clientèle est le plus souvent âgée, puisque 60 % des patients ont entre 60 et 79 ans. Les cures concernent aussi les enfants (moins de 20 ans) qui représentent 5 % des curistes.

10. La défense des intérêts des curistes est assurée soit par des associations de protection des consommateurs généralistes, soit par des associations spécialisées dans la représentation et la défense des intérêts des curistes, comme la Fédération française des curistes médicalisés (FFCM). Fondée en 2000 dans le contexte d'un projet de suppression du remboursement des cures thermales, la FFCM a été agréée en 2007 par le ministère de la santé pour représenter les usagers devant les instances hospitalière ou de santé publique. Selon la FFCM, elle comptait un millier d'adhérents en 2005 et 2006 et environ 3 000 sympathisants.

B. LE CADRE LEGAL DE L'ORGANISATION DE LA CURE THERMALE

1. LA CONVENTION NATIONALE THERMALE

11. Les articles L. 162-39 à L. 162-42 du Code de la sécurité sociale renvoient à une convention nationale le soin de définir les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les exploitants thermaux. Cette convention conclue en général pour une durée de cinq ans est négociée entre les caisses nationales d'assurance maladie d'une part (Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des professions indépendantes) et le principal syndicat professionnel des exploitants thermaux d'autre part.

12. La convention nationale thermale en vigueur au 1er avril 2003 prévoit dans son préambule de garantir " aux établissements thermaux adhérant à la présente convention que les prestations seront dispensées aux assurés sociaux dans des conditions économiques dépourvues de concurrence d'origine conventionnelle ". L'article 12 énonce que les traitements sont pris en charge sous forme de forfait tout compris, excluant tout autre supplément en dehors des honoraires médicaux pour des consultations médicales effectuées sur place. Il précise également que " le forfait comporte l'ensemble des séances de soins prescrites parmi le traitement type, les matériels, équipements, consommables, linges, plateau technique (y compris volume d'eau) et personnel dédiés nécessaires et suffisants à la réalisation d'une cure de qualité. Seuls certains accessoires à usage

personnel (verres de boisson et embouts ORL) peuvent être vendus aux curistes ". L'article 16 intitulé " fixation des tarifs " prévoit que " les tarifs de responsabilité des orientations thérapeutiques sont déterminés en prenant notamment en compte l'évolution technique et médicale du thermalisme, les réglementations sanitaires et de la santé publique, ainsi que les charges et les revenus des exploitants thermaux ". Les alinéas 1 et 2 dudit article précisent d'une part que " les tarifs des forfaits de soins des exploitants thermaux sont déterminés, dans une annexe annuelle à la présente convention " et que d'autre part, " Les tarifs des exploitants thermaux s'entendent : [inclus] pourboires, services, taxes et linge nécessaire au traitement y compris la participation en matériel et en personnel au service des pratiques médicales complémentaires éventuelles ".

13. Au-delà de l'absence de concurrence sur les tarifs d'une cure en raison de leur caractère conventionnel, la convention encadre également de façon très stricte, les modalités d'organisation de la cure. Celle-ci doit répondre aux caractéristiques suivantes :

. La durée de la cure est fixée à 18 jours. Pour chaque orientation thérapeutique, la convention fixe le nombre total de séances de soins (article 11) ;

. La station thermale doit figurer sur la liste de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) ;

. L'établissement thermal doit être agréé et conventionné par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ;

. La prescription de la cure doit viser l'une des douze orientations thérapeutiques officielles (affections des muqueuses bucco-linguales, affections digestives, affections psychosomatiques, affections urinaires, dermatologie, gynécologie, maladies cardio-artérielles, neurologie, phlébologie, rhumatologie, troubles de développement chez l'enfant, voies respiratoires).

14. La convention distingue également à côté des traitements médicaux obligatoires et remboursés, des soins et prestations complémentaires et des prestations de confort (article 11-2) qui sont tarifés librement et qui ne donnent pas lieu à un remboursement par l'assurance maladie. Ces soins sont le cas échéant prescrits par le médecin de l'exploitant thermal.

2. LES FRAIS ANNEXES A LA CURE THERMALE

15. Il existe une liberté tarifaire pour tous les frais qui ne concernent pas les soins obligatoires liés à la cure. Il s'agit d'une part des soins et prestations complémentaires, déjà évoqués, qui nécessitent une prescription médicale mais dont la tarification est libre et d'autre part, des prestations de confort qui excédent le contenu strictement thérapeutique de la cure comme par exemple, la fourniture d'un linge de meilleure qualité, l'accès à des zones de repos plus luxueuses. Pour ces prestations, la concurrence entre les exploitants peut s'exercer librement tant au niveau de la qualité des prestations qu'au niveau des prix pratiqués.

16. Le curiste doit également assumer de nombreux postes de dépenses comme les frais de transport, d'hébergement et de repas. À quelques exceptions, ces coûts ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale. Néanmoins, dans la mesure où très peu d'établissements thermaux proposent ces services d'hébergement et de restauration (thermalisme intégré), ces derniers ne sont pas en général eux-mêmes en concurrence sur ces postes.

C. LES PRATIQUES RELEVEES

1. L'ADOPTION D'UNE CONSIGNE TARIFAIRE LORS DE L'ASSEMBLEE GENERALE DU CNETH DU 18 NOVEMBRE 2004

17. Conformément à l'article 11.5 des statuts du CNETh, ses membres se réunissent chaque année en assemblée générale ordinaire. Lors de l'assemblée générale du 18 novembre 2004, réunie à Contrexeville, les exploitants des centres thermaux membres ont décidé de facturer aux curistes assurés sociaux un supplément d'un montant forfaitaire de 10 euros correspondant à des " frais de dossiers ". Ainsi, la première résolution énonce :

" Les exploitants thermaux,

Considérant que le refus d'approbation des revalorisations tarifaires conventionnelles par le ministre de l'Economie et des finances met gravement en péril l'équilibre financier de leurs entreprises ;

Et pour remédier partiellement à cette situation, dans l'attente d'une modification structurelle du mode de prise en charge des cures thermales par l'Assurance maladie qui ouvrirait un nécessaire espace de liberté tarifaire, ou acterait une évolution régulière des tarifs conventionnels ;

Décident les mesures suivantes :

À compter du 1er janvier 2005, tous les curistes se verront facturer des frais de dossier non remboursables par l'Assurance maladie, dont le montant est fixé à 10 euros TTC par curiste pour 2005.

Chaque adhérent du syndicat s'engage à appliquer cette facturation après en avoir préalablement averti les curistes.

Le CNETh assurera la défense de cette résolution auprès de l'Assurance Maladie, tant au plan qu'collectif qu'individuel.

Cette résolution, mise au vote, est adoptée à l'unanimité moins 3 abstentions ".

18. Lors de cette assemblée générale, 80 exploitants étaient présents ou représentés sur un total de 96 membres, soit 75 % de la profession, comme en atteste la lecture du procès-verbal. Le caractère collégial de la décision apparaît dans de nombreux documents. Il est souvent fait référence à la décision prise collégialement par les adhérents dans les documents internes au CNETh et dans ceux destinés à la communication extérieure du syndicat :

" Le CNETh tient à faire savoir que cette mesure, votée à l'unanimité en Assemblée générale par tous les établissements thermaux adhérents (...) " (cote 397).

" Les exploitants thermaux réunis en assemblée générale ont collectivement décidé de facturer 10 euros par cure au titre des frais de dossiers (...) " (cote 428).

19. Le montant de 10 euros a été appliqué par la très grande majorité des exploitants thermaux membres du syndicat. Leurs brochures et imprimés de réservation ainsi que les factures versées au dossier incluent en effet une mention concernant les " frais de dossiers ". Certains exploitants les encaissaient par déduction au moment de la restitution des arrhes versées lors de la réservation ; d'autres l'exigeaient en préalable à toute délivrance des soins.

20. Les raisons avancées par le CNETh pour justifier cette initiative sont d'ordre économique.

21. A l'époque, les exploitants thermaux devaient faire face à une baisse de fréquentation. Le nombre de curistes assurés sociaux était globalement en récession. Il a chuté pour la période 1992-2002 de 15 %, soit d'environ 100 000 curistes. Le nombre de journées de cure a également diminué. Cette évolution concernait principalement les cures traitant des maladies pour lesquelles la médecine a apporté de nouvelles réponses (troubles digestifs et ORL notamment).

22. Par ailleurs, les exploitants thermaux sont soumis à des impératifs sévères en termes d'hygiène, dans le cadre de la réglementation dite " zéro bactérie ". Les seuils bactériologiques définis par cette réglementation ont obligé les exploitants à investir dans l'entretien et la modernisation de leurs infrastructures, entraînant une hausse des charges d'exploitation et des coûts d'investissements.

23. Enfin, la profession a été confrontée au souci de justifier l'efficacité de la médecine thermale face aux propositions de déremboursement des soins qui ont eu lieu au début des années 2000.

24. Le régime de revalorisation des tarifs thermaux est prévu à l'article 16 de la convention thermale qui renvoie au Code de la sécurité sociale. Or, il n'y a pas eu de revalorisation en 2003, 2004 et 2005, ainsi que le souligne le rapport moral du CNETh de 2005, " L'obligation conventionnelle de tenir une réunion de revalorisation tarifaire avant la fin du mois de mars de chaque année n'a pas été respectée par l'Assurance maladie, aucune date n'ayant à ce jour été fixée pour la négociation 2005, et ce pour la première fois depuis la mise en place de la convention nationale de 1997 ".

25. Malgré les nombreuses démarches entreprises par le CNETh, auprès de la CNAMTS et du ministère de la Santé, les demandes de revalorisation n'ont pas abouti, du moins jusqu'à la mi-2006. La dernière revalorisation datait de 2002 : " la revalorisation qui avait été accordée par le Conseil d'administration de la CNAMTS au titre de 2003 (3 %), n'a jamais été avalisée par le gouvernement, et que, de plus, la CNAMTS, avait refusé toute négociation tarifaire au titre de 2004 en raison de l'imminence de la réforme de l'Assurance maladie " (rapport moral du CNETh 2005).

2. LE ROLE DU CNETH DANS L'ADOPTION, LA MISE EN PLACE ET LE SUIVI DE L'APPLICATION DE LA CONSIGNE TARIFAIRE

26. La décision de facturer des frais de dossier aux curistes a été prise par le CNETh, ainsi que le confirment plusieurs documents :

" (...) l'initiative qu'a prise notre syndicat à la demande expresse de ses adhérents ".

" (...) la décision qui a été demandée par nos adhérents et prise par notre syndicat (...) " (cote 403).

" Le CNETh a souhaité harmoniser la pratique de l'ensemble de ses adhérents " (cote 428).

27. Le CNETh s'est aussi préoccupé d'en encadrer et d'en harmoniser l'application. Le syndicat a précisé notamment dans son bulletin de liaison 02/05 et dans la circulaire n° 38-04 du 7 décembre 2004, les consignes nécessaires à la mise en place du forfait et aux modalités de sa facturation :

" Les Préconisations du syndicat sont les suivantes :

. Taux de TVA applicable :

. Ce forfait ne relevant pas d'une prestation prescrite par un médecin, il est soumis au taux de TVA habituel, soit 19,6 % ;

. Facturation de ce forfait à plusieurs curistes membres d'une même famille :

Ce point est laissé à la libre appréciation des exploitants.

Néanmoins, le syndicat suggère de faire acquitter ce forfait par les deux premiers curistes, membres d'une même famille, et de ne pas le facturer aux autres membres de la famille qui suivraient une cure dans le même établissement.

. Application de ce forfait aux curistes pris en charge à 100 % :

Le syndicat préconise de facturer ce forfait de 10 euros aux curistes pris en charge à 100 % par l'Assurance maladie (en effet, seuls les soins sont visés par la prise en charge).

. Application de ce forfait aux bénéficiaires de la CMU :

Le syndicat préconise de ne pas appliquer ce forfait aux bénéficiaires de la CMU (conformément à l'objectif social de la CMU).

. Facturation de ce forfait lors de la réservation ou en fin de cure :

Il est souhaitable que ce forfait soit ajouté sur la facture de cure et que son règlement ne soit pas demandé lors de la réservation, afin d'éviter toute confusion avec les arrhes et tout litige en cas d'annulation de cure. "

28. La circulaire n° 23-05 du 12 juillet 2005 précise également : " Nonobstant le mode de fixation du prix, nous vous rappelons que cette facturation doit faire référence aux seuls frais de dossier et que son existence doit être portée à la connaissance des curistes préalablement à leur réservation et/ou leur inscription ".

29. C'est aussi le CNETh qui a défendu auprès du ministre délégué aux anciens combattants le principe de l'application du forfait aux bénéficiaires de l'article L. 115 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

30. Le syndicat s'est constamment préoccupé de l'application collective du forfait par l'ensemble de ses membres en leur rappelant à de nombreuses reprises cette nécessité. Ainsi, dans la circulaire n° 35-04 du 21 novembre 2004, il indique : " Il va sans dire que cette démarche collective requiert l'adhésion et le soutien de chaque adhérent ".

31. Pour cela, le CNETh a donné des consignes pratiques d'organisation à ses membres par la diffusion de circulaires et notamment " de retarder au maximum l'impression de vos documents annuels de communication, afin de pouvoir intégrer, le cas échéant, de nouvelles informations (notamment concernant les frais de dossiers) " (cote 377).

32. Le CNETh a également pris en charge la communication destinée à informer d'une part, les curistes par la rédaction d'une note " information aux curistes assurées sociaux " du 22 novembre 2004 (cote 429) et d'autre part, les caisses d'assurance maladie par la rédaction de la note du 7 décembre 2004 (cote 428). Le syndicat a aussi rédigé un communiqué de presse à l'attention de l'AFP et l'a diffusé à l'ensemble de ses membres dans le cadre de la circulaire n° 16-05 du 30 mai 2005. La circulaire précise que le communiqué " constitue une réponse syndicale et nationale à la vague d'articles polémiques récente " et " Dans le cas où vous (les membres) seriez sollicités par des médias régionaux sur ce sujet, nous vous encourageons à diffuser ce texte de préférence à des informations orales qui sont toujours susceptibles d'interprétation ou de déformation ". La diffusion de ces circulaires à l'ensemble des adhérents confirme le rôle central du syndicat dans le suivi de l'application du forfait.

33. Enfin, le CNETh s'est engagé auprès de ses membres à assurer leur défense commune face à la montée de la contestation de la légalité de ces frais de dossiers par les curistes, l'association FFCM et les caisses d'assurance-maladie. Ainsi dans la circulaire n° 14-05 du 18 mai 2005, il indique :

" Enfin, nous nous permettons de vous rendre attentifs à la nécessité de facturer ces 10 euros au seul titre des frais de dossiers. Tout autre " justification " de ce forfait ne serait pas en cohérence avec la position syndicale et rendrait contestable l'application de ce forfait, au regard de la convention nationale thermale, et difficile sa défense par le syndicat ".

Le compte-rendu du conseil d'administration du 13 mai 2005 énonce à cet égard :

" Le Conseil décide :

Le CNETh confirme sa position sur le forfait 10 euros.

Une note sera adressée aux exploitants, afin de conforter la position du syndicat, d'attirer leur attention sur les risques qu'occasionneraient d'autres justifications à la mise en place de ce forfait que les frais de dossiers et de leur demander de faire " remonter " au syndicat leurs éventuels dossiers de litige aves les Caisses ".

34. La contestation de la facturation de frais de dossier a été vive comme en témoignent les nombreux articles de presse, les lettres de mécontentement des curistes et l'action des associations de consommateurs et de la FFCM. Les réponses ministérielles à des questions parlementaires et les courriers du ministère de la santé indiquent à ce sujet : " L'instauration d'une telle taxe contrevient aux dispositions de la convention thermale du 1er avril 2003. Les frais de dossiers (...) sont inclus dans les charges des exploitants qui sont prises en compte dans la détermination du forfait des soins thermaux remboursé par l'Assurance maladie. Ces forfaits sont exclusifs de tout supplément en dehors des honoraires médicaux. Dans ces conditions, les exploitants thermaux ne sont pas en droit d'exiger des curistes une telle participation à des frais qui relèvent de l'assurance maladie " (cote 511). À cet égard, comme il ressort des éléments exposés ci-dessus, le CNETh a recommandé à ses adhérents de prendre la précaution d'intituler cette somme, " frais de dossiers " ou " frais administratifs " à l'exclusion de toute autre justification. Il a également mis en garde ses membres, conscients des risques d'éventuelles mesures de déconventionnement de leur établissement par l'assurance maladie, lors du Conseil d'administration du 13 mai 2005 :

" M. X... souligne à ce sujet que les éventuelles mesures de déconventionnement que l'Assurance maladie pourrait envisager, en cas de conflit ouvert sur ce dossier, ne peuvent intervenir qu'établissement par établissement (et non de façon collective), car les adhérents à la convention sont les exploitants et non le syndicat ; dans un tel contexte, le comportement de chaque exploitant et sa cohérence avec la position syndicale sera essentiel ".

3. LA PERSISTANCE DE LA PRATIQUE JUSQU'AU 10 AOUT 2006

35. Selon les représentants du CNETh, la consigne tarifaire visait initialement l'année 2005 et était la conséquence de la non revalorisation de leurs tarifs et honoraires, ainsi que l'ont souligné le président et le délégué général du CNETh à l'occasion de leur procès-verbal d'audition du 19 octobre 2005 : " Cet épisode ne concerne que 2005. Il s'agit surtout pour les adhérents de s'en sortir économiquement ". Cependant, la consigne a été reconduite pour 2006 ainsi que l'indique le procès-verbal de l'assemblée générale du 23 juin 2005 : " maintien du principe de la facturation des frais de dossier en 2006 : oui à l'unanimité " (cote 445). La feuille de présence émargée à l'entrée de la séance fait ressortir que 69 exploitants étaient présents ou avaient donné procuration, sur 93 exploitants adhérents (87 ayant le droit de vote).

36. La pratique des " frais de dossiers " a été reconduite en 2006 et certains exploitants ont d'ailleurs augmenté le montant. Ainsi, selon les brochures publicitaires des exploitants de Brides-les-Bains et de Salins-les-Thermes : " Les frais de dossiers qui ne font pas partie des forfaits thermaux conventionnels seront facturés pour un montant de 18 euros. Ces frais de dossiers ne sont pas pris en charge par l'Assurance-maladie ".

37. Une note interne au CNETh du 6 juillet 2005 (cote 493) précise :

" Le Directeur (de la CNAM lors du conseil d'administration qui s'est tenu le 2 juin 2005) aurait livré son appréciation en déplorant notre démarche et en invoquant le fait qu'elle pourrait résulter d'une " entente ", répréhensible au regard du droit de la consommation. (...)

" Notre conseil a pris au sérieux cette information et considère qu'il pourrait y avoir matière à un action judiciaire à l'encontre du CNETh sur la base du droit de la concurrence et de la consommation.

Il nous a préconisé, à titre de précaution, de circulariser auprès de nos adhérents une mise au point précisant que le montant de 10 euros n'avait été livré qu'à titre indicatif en novembre 2004, et qu'il appartient à chaque adhérent de fixer le montant des frais de dossiers ; ceci sans remettre en cause le principe ".

38. Ainsi, le 12 juillet suivant, le CNETh a diffusé à ses membres, la circulaire n° 23-05 dont le contenu était le suivant :

" La majorité de l'assemblée avait estimé qu'une somme de 10 euros correspondait au coût moyen de ces frais de dossier ; ce chiffre avait donc été retenu à titre indicatif. (...)

Par ailleurs, il est clair qu'il n'appartient pas à notre syndicat de fixer un tarif de prestation en lieu et place de ses adhérents.

Dès lors, aucun élément ne conduisant à remettre en cause le principe de la facturation des frais de dossier, principe confirmé à l'unanimité lors de notre dernière assemblée générale, il appartient bien à chaque adhérent d'en fixer le montant en fonction de la réalité de ses charges ".

39. La pratique de la facturation des frais de dossier a cessé le 10 août 2006 après la publication au journal officiel de l'avenant n° 2 à la convention thermale, qui a revalorisé les tarifs. Le CNETh a donné alors à ses adhérents la consigne de ne plus facturer les frais de dossier dans la circulaire n° 18-06 du 09 août 2006 (cote 1618) :

" L'article 2 de cet avenant stipule que, à compter de sa date d'application (soit le 10 août 2006) les exploitants ne facturent plus aux assurés .aucune participation au titre des frais administratifs, ni à titre obligatoire, ni à titre facultatif..

En application de cette disposition, il devient donc interdit de facturer notamment les frais de dossier, sous peine d'encourir les sanctions prévues généralement par la convention et renforcées par l'article 5 du présent avenant.

Nous invitons donc tous les adhérents qui le pratiquaient à ne plus facturer de frais de dossier aux assurés sociaux à compter du 10 août 2006 ".

D. LES GRIEFS NOTIFIES

40. Au vu des éléments présentés ci-dessus, il a été fait grief au CNETh d'avoir décidé d'imposer, entre le 1er janvier 2005 et le 10 août 2006, aux curistes assurés sociaux un forfait supplémentaire de 10 euros, non remboursé par la sécurité sociale, pratique prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

II. Discussion

A. SUR L'APPLICATION DES RÈGLES DE CONCURRENCE

41. Le CNETh conteste l'applicabilité des règles de concurrence et notamment de l'article L. 420-1 du Code de commerce, à la consigne tarifaire qu'il a diffusée.

42. L'article L. 420-1 du Code de commerce énonce : " Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : 1°) Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; 2°) Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; 3°) Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; 4°) Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ".

43. Les règles de concurrence s'appliquent dès lors qu'il existe une demande de soins à laquelle répond une offre. Cette rencontre entre une offre et une demande caractérise l'existence d'un marché qui doit respecter les règles de la concurrence.

44. Selon la jurisprudence nationale et communautaire, les particularités du secteur de la santé et son caractère réglementé ne sont pas de nature à exclure l'activité de soins " du champ d'application du droit de la concurrence, dès lors qu'elle s'analyse en une activité de services, permettant la rencontre, moyennant paiement, d'une demande de la part des malades, et d'une offre de la part des médecins " (arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 avril 1997, syndicat des médecins de la Somme, voir aussi l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 12 septembre 2000, Pavel Pavlov, affaires jointes C-180/98 à C-184/98, Rec p. I-6451, points 85 et 86).

45. En l'occurrence, il est difficilement contestable que les exploitants thermaux exercent une activité de services. Le secteur est soumis aux dispositions du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

46. Par ailleurs, aucun exploitant thermal ne dispose d'un monopole qui pourrait conduire à considérer qu'il exerce son activité sans concurrence, ce qui exclurait l'applicabilité de l'article L. 420-1, si seul le comportement de cet exploitant était examiné. En tout état de cause, même si, pour une affection particulière, un établissement thermal se trouvait être le seul à pouvoir répondre aux besoins de cure de certains patients, les pratiques visées sont des consignes données à l'ensemble des exploitants thermaux par leur organisation professionnelle et ont donc touché nombre d'opérateurs en situation de concurrence. Il peut être relevé, ainsi qu'indiqué au paragraphe 5, que par exemple les rhumatismes sont traités dans les trois quarts des stations thermales et concernent 70 % des curistes. À cet égard, il convient de souligner, d'une part, que la concurrence joue, en ce qui concerne les soins, par la qualité des équipements et des locaux ainsi que par celle des prestations, tant d'un point de vue médical que d'un point de vue relationnel. Même si dans un certain nombre de situations, les médecins choisissent le lieu de cure pour leurs patients, il est évident que les médecins sont attentifs à ces paramètres qu'ils connaissent, ne serait-ce que par leurs patients de retour de cure.

47. D'autre part, à partir du moment où des exploitants thermaux facturent des prestations hors forfait de la sécurité sociale, ils sont à cet égard en situation de concurrence par les prix. La présente affaire porte précisément sur une prestation, la gestion du dossier, facturée hors forfait.

48. La dérogation au principe de liberté des prix sur certaines prestations de santé n'empêche pas leur soumission aux règles de la concurrence sur tous les autres aspects de leur activité. Ainsi que l'a exposé l'Autorité de la concurrence dans son rapport annuel 2008 : " Dans les affaires examinées par les autorités de concurrence, les comportements anticoncurrentiels ne découlent jamais directement de la règle étatique mais s'insinuent dans les interstices du marché laissés au libre jeu de la concurrence ".

49. L'article 420-1 du Code de commerce est donc susceptible de s'appliquer à la pratique examinée.

B. SUR LES PRATIQUES

1. SUR LE GRIEF TIRE DE LA DIFFUSION D'UNE CONSIGNE TARIFAIRE

50. Le CNETh a procédé à l'élaboration et à la diffusion, à son initiative, de circulaires destinées à l'ensemble de ses membres visant à mettre en place la facturation de frais des dossiers des curistes. Cette pratique constitue une action concertée prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

51. Ainsi que rappelé par le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007 relative à des pratiques s'opposant à la liberté des prix des services proposés aux exploitants de santé à l'occasion d'appels d'offres en matière d'examens anatomo-cyto-pathologiques, " Il ressort d'une jurisprudence constante, tant interne que communautaire, qu'une entente peut résulter de tout acte émanant des organes d'un groupement professionnel, tel qu'un règlement professionnel, un règlement intérieur, un barème ou une circulaire. Ainsi, l'élaboration et la diffusion, à l'initiative d'une organisation professionnelle, d'un document destiné à l'ensemble de ses adhérents constituent une action concertée ". Conformément à cette jurisprudence, le Conseil de la concurrence a précisé que " (...) la défense de la profession par tout syndicat créé à cette fin ne l'autorise nullement à s'engager, ni à engager ses adhérents dans des actions collectives visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence ou susceptibles d'avoir de tels effets (...) ".

52. La cour d'appel de Paris a aussi confirmé qu'un syndicat sort de sa mission lorsqu'il diffuse à ses membres "des tarifs ou des méthodes de calcul de prix qui ne prennent pas en considération les coûts effectifs de chaque entreprise " (arrêt du 17 octobre 2000 relatif au recours formé par le Syndicat national des ambulanciers de montagne contre la décision n° 99-D-70 du Conseil de la concurrence relative à certaines pratiques mises en œuvre dans le secteur des transports sanitaires de skieurs accidentés).

53. En l'espèce, il y a bien eu concertation et mot d'ordre sur le principe de facturation des frais de dossiers, et aussi, tout au moins jusqu'en juillet 2005, en ce qui concerne le prix à appliquer sur cette facturation.

54. Indépendamment de la question de la légalité de la facturation de frais de dossiers au regard de la convention thermale alors en vigueur, l'opportunité d'une telle facturation et son niveau devaient résulter de l'appréciation individuelle de chaque exploitant thermal et le CNETh n'avait pas, sauf à enfreindre l'article L. 420-1 du Code de commerce, à donner des consignes à cet égard.

2. SUR LE MOYEN EN DEFENSE FONDE SUR L'INCERTITUDE DE LA REGULARITE DES FRAIS DE DOSSIERS AU REGARD DES STIPULATIONS DE LA CONVENTION NATIONALE THERMALE DU 1ER AVRIL 2003

55. Le CNETh souligne qu'entre le 18 novembre 2004 et le 21 février 2008, date d'un arrêt de la Cour de cassation ayant établi l'irrégularité de la facturation des frais de dossiers au regard des stipulations de la convention nationale thermale de 2003, personne ne pouvait affirmer avec certitude cette irrégularité. Les ministres compétents auraient attendu le 22 décembre 2005 pour demander au CNETh de cesser la pratique et aucune action n'aurait été engagée à ce titre contre le CNETh ou ses adhérents.

56. Ces circonstances ne sauraient justifier la pratique mise en œuvre par le CNETh. La question de la légalité ou de l'illégalité de la facturation des frais de dossier au regard de la convention thermale n'a aucune influence sur l'application de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Ce n'est pas l'illégalité de la facturation des frais de dossiers au regard de la convention thermale qui justifie la qualification de la pratique au regard du Code de commerce. De même, l'intervention tardive des ministres de tutelle dans cette affaire ne saurait justifier l'existence de pratiques anticoncurrentielles.

3. SUR LA FIN DE LA PRATIQUE

57. Le CNETh avance que la pratique aurait cessé en juin 2005 et non le 10 août 2006, contrairement à ce qui est exposé dans la notification de griefs, car à partir du mois de juin 2005, le montant facturé aurait été différent d'un exploitant à l'autre.

58. Cependant, la consigne de facturer des frais de dossiers, même sans en indiquer le montant, demeure une pratique concertée anticoncurrentielle. Les effets de la consigne tarifaire ont donc perduré au-delà de la circulaire n° 23-05 du 12 juillet 2005. D'ailleurs, si la consigne de facturation de frais de dossiers avait effectivement cessé comme le prétend le CNETH dès le mois de juillet 2005, le CNETh n'aurait pas eu besoin de diffuser la circulaire n° 18-06 du 9 août 2006 qui demande à ses adhérents de cesser définitivement la facturation des frais de dossiers.

C. SUR LES SUITES A DONNER

1. SUR LA GRAVITE DE LA PRATIQUE

59. Le CNETh souligne que la décision de facturer des frais de dossier n'était pas préméditée car " elle n'était pas inscrite à l'ordre du jour et elle n'a été adoptée que sur la base d'un mécontentement collectif surgi au cours de cette assemblée générale contre la manière dont l'État ne respectait pas ses engagements ". L'absence de préméditation atténuerait sa responsabilité. Par ailleurs, le syndicat justifie son initiative et relativise sa gravité par l'importance des coûts auxquels sont confrontés les exploitants thermaux alors que les cures thermales relèvent d'un régime de prix administrés qui seraient insuffisants.

60. Toutefois, l'existence ou non, d'une " préméditation " est dépourvue de pertinence en matière d'appréciation de la gravité de décisions anticoncurrentielles d'associations professionnelles. Ces décisions sont nécessairement adoptées par les organes de ces associations et peu importe la durée de leur gestation. Par la suite, par l'envoi de nombreuses circulaires, le CNETh a encadré et harmonisé les modalités d'application de la facturation. Le CNETh reconnaît d'ailleurs dans ses observations : " Bien évidemment, le CNETh ne conteste pas avoir, le 18 novembre 2004, recommandé à ses adhérents de facturer des frais de dossier de 10 euros aux curistes, cette somme n'étant pas prise en charge par l'assurance maladie ".

61. Par ailleurs, l'argument selon lequel le renchérissement du prix résultant de son initiative était loin de correspondre à un rattrapage des coûts auxquels faisait face les exploitants thermaux, ne peut pas être retenu. La pratique a eu pour conséquence un renchérissement du coût des cures, resté à la charge des patients alors qu'une revalorisation des tarifs dans le cadre de la convention thermale aurait conduit à une prise en charge de ce surcoût par la collectivité. En tout état de cause, quand bien même les coûts auxquels devaient faire face les exploitants thermaux auraient justifié une augmentation des tarifs des soins, cela ne justifie pas la mise en œuvre d'une pratique anticoncurrentielle pour répondre à la situation.

62. Le CNETh relativise encore la gravité de son comportement en rappelant qu'il a toujours eu le souci de préserver les populations fragiles en ne leur appliquant pas les frais de dossiers et qu'aucun exploitant thermal n'a refusé l'accès aux soins à un curiste qui refusait de les payer.

63. Certes, le CNETh a exclu dès le début certaines catégories de curistes de la facturation des frais de dossiers (3ème membre d'une famille, bénéficiaire de la CMU...). Toutefois, ce syndicat a bien donné une consigne tarifaire dont l'objet anticoncurrentiel était d'inciter ses adhérents à renchérir le prix de leur prestation et de s'assurer que tous les exploitants thermaux qui appliqueraient ce forfait ne se feraient pas concurrence entre eux sur cet aspect.

2. SUR LE DOMMAGE A L'ECONOMIE

64. Le rapport administratif d'enquête de la DGCCRF a estimé que les curistes auraient versé au cours de l'année 2005, au titre du supplément pour frais de dossiers, une somme comprise entre 4,5 et 4,8 millions d'euros. La pratique a duré 18 mois du 1er janvier 2005 au 10 août 2006. Le nombre de curistes s'élevant à environ 504 500 en 2005, le dommage à l'économie s'avère important à supposer même qu'un certain nombre de curistes n'a pas payé ces frais de dossiers. Par ailleurs, les curistes constituent globalement une clientèle relativement vulnérable car il s'agit en majorité d'une population âgée, et surtout captive. Les curistes sont en effet dépendants d'un besoin médical que seuls les exploitants thermaux conventionnés peuvent satisfaire. La cure thermale représente souvent l'ultime recours pour des patients après un traitement médicamenteux qui ne les satisfait pas ou plus.

3. SUR LA SANCTION

65. Les ressources financières du CNETh sont résumées dans le tableau suivant :

<emplacement tableau>

Compte tenu des éléments indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction financière de 140 000 euros.

66. Par ailleurs, il est enjoint au CNETh d'insérer à ses frais dans le journal " Le Quotidien du médecin " la publication suivante :

" Par décision du 18 décembre 2009, l'Autorité de la concurrence a infligé une sanction de 140 000 euros au Conseil national des exploitants thermaux, pour avoir enfreint les dispositions sur la prohibition des ententes visées à l'article L. 420-1 du Code de commerce en adoptant et diffusant une consigne tarifaire lors de son Assemblée générale du 18 novembre 2004 visant à facturer aux curistes assurés sociaux un supplément, initialement d'un montant forfaitaire de 10 euros, qualifié de frais de dossier et non remboursable par l'assurance maladie. Cette pratique a cessé le 10 août 2006. Le texte intégral de la décision de l'Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr ".

Décision

Article 1er : Il est établi que le Conseil national des exploitants thermaux a enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Il est infligé au Conseil national des exploitants thermaux une sanction pécuniaire de 140 000 euros.

Article 3 : Il est enjoint au Conseil national des exploitants thermaux de procéder à la publication du texte figurant au paragraphe 66 dans le journal " Le Quotidien du médecin " dans les deux mois qui suivront la notification de cette décision. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " Décision n° 09-D-39 du 18 décembre 2009 de l'Autorité de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par le Conseil national des exploitants thermaux dans le secteur du thermalisme ". Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la cour d'appel de Paris si de tels recours sont exercés. Le Conseil national des exploitants thermaux adressera, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de ces publications, dès leur parution.