Cass. com., 15 décembre 2009, n° 08-20.242
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
MAD éditions (SARL)
Défendeur :
Michelet (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Jenny
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
Me Foussard, SCP Boutet
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 1er juillet 2008), que par acte des 15 et 28 avril 2002, la société [MAD éditions] éditeur d'un magazine à publication trimestrielle dénommé "Ové Magazine" et la société [Michelet], dépositaire de presse, ont conclu un contrat de distribution à durée indéterminée, résiliable par lettre recommandée avec avis de réception en respectant un préavis de trois mois, par lequel l'éditeur confiait au dépositaire de presse l'exclusivité de la vente du magazine, par l'intermédiaire du réseau des diffuseurs de presse par lui agréé ; qu'à compter du 11 septembre 2002 et pour une durée indéterminée, la société MAD éditions, a, suivant contrat de distribution et de groupage de produits "presse", confié aux Messageries lyonnaises de presse (les MLP) l'exclusivité de la distribution du magazine sur le territoire métropolitain dans le réseau de distribution presse ; que pour la parution du numéro 6 du magazine, en juin 2003, la société MAD éditions a décidé de confier à nouveau à la société Michelet la distribution en direct de son magazine ; que la société Michelet a transmis, le 21 avril 2004, à la société MAD éditions un exemplaire du contrat à signer, nécessaire à la poursuite de leur collaboration ; que ce contrat n'a pas été signé par les parties ; que le 5 juillet 2004, la société Michelet a informé la société MAD éditions qu'elle ne souhaitait plus assurer la distribution de son titre dès le prochain numéro ; que le numéro 11 d'Ové magazine, qui était en cours de distribution en octobre 2004, n'a pas été distribué par la société Michelet dans son secteur ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société MAD éditions, éditrice du journal Ové Magazine fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle n'était pas fondée à rechercher, sur le fondement de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce, la responsabilité de la société Michelet, dépositaire de presse, qui avait mis fin au contrat de distribution qui les liait, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 442-6 I-5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice subi, le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie ; que pour exclure l'existence d'une relation commerciale pouvant être qualifiée d'établie entre la société MAD éditions et la société Michelet, la cour d'appel a constaté qu'au moment de la rupture, ces sociétés avaient renoué une relation afférente à la distribution du magazine Ové Magazine depuis un an environ ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société MAD éditions avait lié des relations commerciales avec la société Michelet à partir du mois d'avril 2002, soit plus de deux ans avant la rupture et que la poursuite de la distribution s'était effectuée aux conditions de rémunération antérieures, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard de l'article L. 442-6 I-5° du Code de commerce et violé ledit texte ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'à compter du 11 septembre 2002 la société MAD éditions a confié aux MLP l'exclusivité de la distribution sur le territoire métropolitain, dans le réseau de distribution presse, du magazine Ové Magazine, que pour la parution du numéro 6, en juin 2003, la société MAD éditions a décidé de confier à nouveau à la société Michelet la distribution en direct de son magazine, que cette dernière a distribué en direct les numéros 6, 7, 9 et 10, qu'il n'est pas justifié que la société Michelet ait reçu pour distribution le numéro 8 et que la société MAD éditions n'a pas signé le contrat proposé par la société Michelet; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel qui a fait ressortir que la société MAD éditions avait, en septembre 2002, unilatéralement cessé d'exécuter le contrat de distribution qu'elle avait conclu avec la société Michelet en avril 2002 et qu'elle ne justifiait pas avoir confié à la société Michelet la distribution de la totalité des numéros de son magazine après juin 2003, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche : - Attendu que la société MAD éditions fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'en interrompant brutalement la distribution d'Ové Magazine la société Michelet n'avait pas commis un abus de position dominante et que sa responsabilité n'était pas engagée sur le fondement de l'article L. 420-2 du Code de commerce, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 420-2 du Code de commerce, l'abus d'une position dominante peut consister dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ; que dès lors, en se bornant, pour exclure toute violation de ce texte par la société Michelet, à constater que la société MAD éditions avait la possibilité de faire distribuer son titre sans être obligée de s'adresser directement à la société Michelet, sans rechercher si la rupture des relations commerciales par cette dernière société ne résultait pas du refus de la société MAD éditions de se soumettre aux conditions injustifiées du nouveau contrat qui lui était proposé, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la mauvaise foi de la société Michelet, qui estimait que les conditions du contrat du 28 avril 2002 ne correspondaient plus à ses conditions économiques, n'était pas établie et que la société MAD éditions ne prouvait pas que la société Michelet avait commis à son encontre une discrimination fautive en cessant de distribuer son titre ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à constater que la société MAD éditions avait la possibilité de faire distribuer son titre sans être obligée de s'adresser directement à la société Michelet a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que la société MAD éditions fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle ne justifiait pas que la société Michelet avait refusé, de façon fautive, de distribuer son magazine, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 2 avril 1947 toute entreprise de presse est libre d'assurer elle-même la distribution de ses propres journaux par les moyens qu'elle jugera les plus convenables à cet effet ; que la société MAD éditions ayant choisi d'assurer la distribution de son titre par la société Michelet, dépositaire de presse, et non pas par une messagerie, c'est à cette dernière société qu'il incombait de distribuer le journal Ové Magazine ; que dès lors, en se bornant à constater, pour exclure toute faute de la société Michelet dans le refus de la distribution d'Ové Magazine, que la société MAD éditions disposait d'une autre solution de distribution la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 2 avril 1947 ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société Michelet n'était pas obligée, à partir de juin 2003, d'assurer la distribution d'Ové Magazine dans les conditions du contrat du 28 avril 2002 ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à constater que la société MAD éditions disposait d'une autre solution de distribution, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen : - Attendu que la société MAD éditions, éditrice du journal Ové Magazine fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la société Michelet n'avait pas porté atteinte à la liberté de la presse et à la liberté d'expression, alors, selon le moyen, que la société MAD éditions avait fait valoir dans ses conclusions d'appel qu'en acceptant de distribuer la presse et en jouissant à cette fin d'un monopole de fait, la société Michelet avait pris l'engagement réglementé de recevoir et de distribuer tous les titres que les éditeurs désiraient lui confier dès lors qu'ils ne faisaient l'objet d'aucune interdiction légale, administrative ou judiciaire et qu'elle avait contrevenu à cet engagement en mettant fin à la distribution d'Ové Magazine ; qu'en s'abstenant de répondre à ses conclusions sur ce point la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la société MAD éditions n'avait pas signé le nouveau contrat de distribution proposé par la société Michelet qui avait repris, en juin 2003, à sa demande, la distribution d'Ové Magazine, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que l'arrêt de la distribution du titre par la société Michelet en juillet 2004 avait pour origine un différend sur les conditions économiques de la distribution du magazine et en a déduit que la société Michelet n'avait pas porté atteinte à la liberté de la presse et d'expression, a ainsi répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument omises ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche et sur le cinquième moyen : - Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.