Livv
Décisions

CA Dijon, ch. civ. C, 10 septembre 2009, n° 08-01641

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chervet

Défendeur :

Chervet (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Schmitt

Conseillers :

M. Plantier, Mme Greff

Avoués :

SCP Avril & Hanssen, SCP André & Gillis

Avocats :

Selarl Monod-Tallen, Me Chaumard, SCP Adida-Mathieu-Buisson-Vieillard-Meunier-Guigue

TGI Chalon-sur-Saône, du 26 août 2008

26 août 2008

Faits et prétentions des parties

Paul Chervet et Paulette Janton qui étaient mariés sous le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution au dernier survivant sont décédés respectivement les 7 avril et 5 décembre 1998, laissant pour leur succéder leurs quatre enfants :

* Jean-Louis Chervet,

* Philippe Chervet,

* Anne-Marie Chervet,

* Dominique Chervet.

De cette succession dépendent plusieurs biens immobiliers sis à Tournus, Lyon, Caluire et Cuire et des biens mobiliers, dont un fonds de commerce de meunerie.

Par acte sous seing privé du 1er janvier 1985, Paul Chervet avait donné le fonds de commerce en location-gérance à la SARL Société d'Exploitation du Moulin du Loisy (SEML) dont son fils, Philippe Chervet, est le gérant et ce moyennant une redevance annuelle de 140 000 F HT.

Selon un acte postérieur du 27 décembre 1985, Paul Chervet a consenti à la SEML un bail commercial portant sur divers biens immobiliers dont " le bâtiment à usage de moulin avec toutes dépendances et matériels, immeuble par destination, y compris le barrage sur la Seille et droit d'eau ".

Le contrat de location-gérance a été résilié par le preneur le 29 septembre 2001 avec effet au 31 décembre 2001.

Par exploit du 20 août 1999, Jean-Louis Chervet, Anne-Marie Chervet et Dominique Chervet ont fait assigner Philippe Chervet aux fins de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Paulette Janton.

Par jugement du 21 août 2000, le Tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône a:

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage désignant Maître de Seresin, notaire, pour procéder aux opérations

- dit que la production d'électricité du moulin faisait partie de l'actif successoral

- dit qu'il n'y avait lieu à annulation du contrat signé par Maître de Seresin avec EDF le 21 décembre 1999.

Par arrêt du 17 décembre 2002, la cour d'appel a:

- déclaré la SEML recevable en son intervention volontaire;

- confirmé le jugement sauf en ce qu'il avait rejeté la demande d'expertise des consorts Chervet;

- ordonné une expertise confiée à Renaud de Vilette aux fins essentiellement d'inventorier et évaluer, le matériel servant à l'exploitation du fonds de commerce de meunerie en distinguant celui acquis et financé par la SEML au cours de sa gérance ayant pris fin le 31 octobre 2001, les éléments incorporels de ce fonds de commerce (contingents, droits de mouture, clientèle), et de proposer des mises à prix de tous les éléments corporels et incorporels du fonds de commerce, propriété de l'indivision successorale en vue de leur licitation;

- ajoutant au jugement, ordonné la licitation des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce, à l'exception du matériel qui serait resté la propriété de la SEML par devant les notaires et sur les cahiers des charges dressé par eux.

L'expert a déposé son rapport d'expertise le 2 avril 2004.

Par conclusions du 28 juin 2007, Jean-Louis Chervet, Anne-Marie Chervet et Dominique Chervet ont repris l'instance devant le tribunal de grande instance aux fins de voir ordonner la poursuite des opérations de licitation des droits d'écrasement attachés au Moulin de Loisy et au matériel s'y trouvant, selon les cahiers des charges rédigés par Maître de Seresin concernant les contingents et droits de mouture d'une part, et le matériel d'autre part.

Par jugement du 26 août 2008, le Tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône a:

- constaté que l'ensemble des 83 050 quintaux de contingents et de droits de mouture doit être déclaré comme constituant un des éléments incorporels du fonds de commerce de meunerie, dont la propriété est reconnue à l'indivision successorale Chervet;

- débouté en conséquence Philippe Chervet de l'ensemble de ses demandes;

- ordonné que les opérations tendant à la licitation par Maître de Seresin et le notaire désigné par le président de la chambre départementale des notaires de Saône-et-Loire du fonds de commerce soient poursuivies conformément au dispositif de l'arrêt de la cour d'appel du 17 décembre 2002

- ordonné en conséquence la vente de 83 050 quintaux de contingents et droits de mouture au prix de 5,14 euro le quintal ;

- fixé la valeur de mise en vente du matériel à la somme de 28 550 euro ;

- ordonné la composition de quatre lots de meubles meublants et leur attribution à chacun des co-indivisaires sous la surveillance des notaires en charge de la liquidation de la succession de Paulette Janton;

- débouté Philippe Chervet de l'ensemble de ses demandes;

- condamné Philippe Chervet à payer à Jean-Louis Chervet, à Anne-Marie Chervet et à Dominique Chervet la somme de 2 000 euro chacun à titre de dommages-intérêts ;

- condamné Philippe Chervet à leur payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

- condamné Philippe Chervet aux dépens.

Ayant régulièrement formé appel de ce jugement, Philippe Chervet sollicite de voir la cour :

- annuler les dispositions du cahier des charges établi par les notaires liquidateurs en ce qu'ils intègrent dans les opérations de vente aux enchères des droits de mouture et contingent acquis postérieurement à la mise en location-gérance du fonds de commerce de Paul Chervet en 1985 ;

- condamner Dominique Chervet, Jean-Louis Chervet et Anne-Marie Chervet à lui payer la somme de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts;

- condamner enfin les intimés aux dépens et au paiement de la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il expose :

- que c'est à tort que le tribunal de grande instance a considéré que les contingents et droits de mouture seraient des éléments du fonds de commerce alors que ces droits qui ne peuvent exister indépendamment d'un moulin sont de nature immobilière;

- que ces droits sont cessibles à toute personne physique ou morale propriétaire ou seulement exploitante d'un moulin pourvu de contingents;

- que le fait que la location-gérance ait emporté la location des droits de mouture existant et dont était propriétaire le bailleur ne faisait nullement obstacle au droit pour la SEML qui exploitait le moulin dans le cadre d'un bail commercial d'acquérir pour sa part des contingents et droits de mouture;

- qu'il doit être rappelé que par arrêt du 4 octobre 2007, la cour d'appel a déclaré nul et de nul effet le refus de renouvellement de bail signifié le 10 janvier 2003 par les consorts Chervet à la SEML et a relevé l'inanité de l'argumentation de ceux-ci sur la prétendue absence de propriété commerciale ou par suite de bail commercial;

- qu'ainsi, le tribunal de grande instance a purement et simplement ignoré le bail commercial passé le 27 décembre 2005 entre Paul Chervet et la SEML;

- qu'il est en effet incontestable au vu des actes de propriété et de vente que les droits litigieux ont été cédés à la SEML, ce qui a été au demeurant reconnu par l'office national interprofessionnel des céréales (ONIC) qui confirme la reconnaissance du droit de propriété sans réserve au profit de cette seule société ;

- que les acquisitions des droits de mouture et de contingent ont ainsi été acquis par la SEML dans le cadre du bail commercial qui se poursuit encore et dont la cour avait constaté la validité dans son arrêt précité ;

- que l'analyse du tribunal revient en définitive à ignorer la nature juridique particulière des droits de mouture, les conventions passées entre les parties et les termes mêmes d'une décision de justice ayant autorité de chose jugée;

- que les droits en cause ne peuvent être considérés comme dépendant de la succession et ainsi être vendus à l'initiative des notaires chargés de la liquidation;

- qu'il s'ensuit que l'indivision n'est propriétaire que d'un total de 44 406 quintaux de contingent et de droit de mouture tandis que la SEML est propriétaire de 38 644 quintaux de droits acquis par elle;

- que la dissociation entre l'affectation des droits à un moulin et la notion de propriété explique que le propriétaire de ces droits peut être une personne distincte du propriétaire du moulin.

Arme-Marie Chervet et Dominique Chervet ont conclu aux fins de voir:

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf à porter à 50 000 euro le montant des dommages-intérêts mis à la charge de Philippe Chervet;

- ordonner la poursuite de la vente aux enchères par devant le notaire rédacteur des cahiers des charges, des 83 050 quintaux de droits d'écrasement au prix de cession évalué à 5,14 euro le quintal et du matériel sur la mise à prix de 28 550 euro ;

- ordonner la composition de quatre lots des meubles meublants et leur attribution à chacun des co-indivisaires, sous la surveillance du notaire;

- condamner Philippe Chervet aux dépens et au paiement de la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils vont valoir :

- que c'est vainement que Philippe Chervet invoque sa seule qualité de locataire de l'immeuble pour se dire propriétaire du fonds de meunerie et des droits y afférents, occultant totalement sa qualité de locataire-gérant;

- que le bail est distinct de la location-gérance qui suppose que le preneur n'est pas le propriétaire du fonds de commerce dont le bailleur lui procure seulement la jouissance ainsi que celle du local ;

- que l'extrait du registre du commerce et des sociétés mentionne bien que le fonds de commerce était la propriété de Paul Chervet;

- que n'étant pas propriétaire du fonds, Philippe Chervet ne peut invoquer le statut des baux commerciaux pour le bail ;

- que Philippe Chervet ne rapporte nullement la preuve de ce que la SEML possède d'autres éléments d'actifs que ceux acquis durant la location-gérance;

- qu'en tout état de cause, admettre la création d'un autre fonds de commerce de meunerie aboutirait à reconnaître l'existence de deux moulins sur la commune de Loisy et ce en contravention avec la législation applicable ;

- qu'encore que l'existence d'un bail commercial ne conférerait nullement à Philippe Chervet la propriété du fonds de commerce avec tous ses éléments incorporels, l'arrêt de la cour d'appel du 4 octobre 2007 n'a nullement reconnu la validité du bail commercial ;

- que la cour a seulement considéré que le refus de renouvellement du bail, quel qu'en soit le motif, relevait des dispositions de l'article 815-3 du Code civil et qu'il nécessitait l'accord de tous les indivisaires ;

- qu'il conviendra en conséquence d'ordonner la poursuite de la vente aux enchères des 83 050 quintaux de droits d'écrasement au prix proposé par l'expert dont les conclusions, non précisément contestées, ont été prises au terme d'opérations effectuées dans le respect du contradictoire ;

- qu'il en est de même pour l'évaluation du matériel à hauteur de 28 550 euro;

- que le comportement systématiquement et violemment opposant de Philippe Chervet ayant imposé un dépôt en garde meuble, il devra en supporter les frais.

Jean-Louis Chervet a également conclu à la confirmation du jugement, sollicitant en outre la condamnation de Philippe Chervet à lui payer la somme de 25 000 euro à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Il fait valoir :

- que Philippe Chervet qui cherche à s'approprier les éléments essentiels du fonds de commerce persiste devant la cour à prétendre qu'il serait propriétaire du fonds de meunerie au motif qu'il serait titulaire d'un bail commercial ;

- que c'est pourtant à tort qu'il soutient que ce bail commercial aurait été reconnu judiciairement par un arrêt de la cour du 4 octobre 2007 ;

- qu'en aucun cas la location-gérance sur laquelle Philippe Chervet fait l'impasse n'a pu déposséder l'indivision de son fonds de commerce.

Par conclusions d'incident du 18 juin 2009 Dominique Chervet et Anne-Marie Chervet ont sollicité que soient écartées des débats les conclusions et pièces communiquées par Philippe Chervet le 17 juin 2009.

Philippe Chervet a conclu le même jour au rejet de l'incident. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2009.

Motifs

- Sur l'incident:

Les conclusions déposées par Philippe Chervet le 17 juin 2009 l'ont été en réplique aux écritures adverses du 29 mai 2009 et ne soulèvent ni moyens nouveaux ni prétentions nouvelles de telle sorte qu'elles ne nécessitent pas de réplique.

Les pièces communiquées le même jour par Philippe Chervet alors que Dominique Chervet et Anne-Marie Chervet avaient eux mêmes communiqué de nouvelles pièces le 29 mai n'apportent en réalité aucun élément nouveau aux débats.

Il s'ensuit qu'aucune atteinte n'a été apportée au principe de la contradiction et que la demande de Dominique Chervet et d'Anne-Marie Chervet sera rejetée

- Sur l'expertise:

Philippe Chervet critique le rapport d'expertise au motif qu'il n'en aurait eu connaissance qu'à l'occasion de la présente procédure, soit plus exactement après la reprise d'instance par Jean-Louis Chervet, Dominique Chervet et Anne-Marie Chervet le 28 juin 2007.

Il apparaît que les opérations d'expertise se sont déroulées dans le respect du principe de contradiction puisque les parties ont été associées à toutes les opérations et ont, respectivement les 12 et 15 mars 2004, adressé à l'expert des dires après le pré-rapport qui leur a été communiqué le 23 février 2004.

Il n'est pas inutile de relever que l'expert rend compte dans son rapport qu'il a eu les plus grandes difficultés à obtenir de Philippe Chervet qu'il fournisse des pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

Philippe Chervet a évidemment eu connaissance du rapport définitif de l'expert intégrant son dire et conforme au pré-rapport, ce au plus tard lors de l'instance en référé qu'il a introduite le 13 décembre 2006 pour obtenir la suspension des opérations de licitation puisque le juge des référés a relevé dans son ordonnance que ledit rapport avait été produit aux débats.

Il convient enfin de noter que Philippe Chervet ne conteste pas le rapport d'expertise sur les évaluations proposées des éléments matériels et incorporels du fonds de commerce, mais sur l'appartenance à l'indivision du fonds de commerce des contingents et droits de mouture acquis après 1985, soit sur un point de droit échappant en tout état de cause à la mission technique de l'expert.

Ainsi et à titre surabondant puisqu'il n'a tiré aucune conséquence particulière de ses critiques, notamment aucune demande de nullité, il y a lieu de constater que les conclusions de l'expert sont opposables à Philippe Chervet.

- Sur le fond:

La question litigieuse est celle de l'appartenance ou non à l'indivision des contingents et droits de mouture acquis par la SEML entre 1985 et 1994, soit alors que cette société, dont Philippe Chervet est le gérant, était tout à la fois locataire-gérant du fonds de commerce de Paul Chervet et titulaire d'un bail commercial portant sur l'immeuble à usage de moulin.

En effet, alors qu'était attaché au Moulin de Loisy au 31 décembre 1984 un plafond d'écrasement de 44 406 quintaux, soit 22 513 quintaux de contingent et 21 893 quintaux de droits de mouture, la SEML a acquis durant cette période les droits suivants :

- 15 décembre 1986, achat de 500 quintaux de droits de mouture à la SARL " Minoterie Durand et fils ";

- 24 novembre 1987, achat du contingent de 9 250 quintaux au liquidateur à la liquidation judiciaire de Patrick Verne, le contingent transféré étant toutefois ramené à 8 788 quintaux après application d'un abattement de 5 % ;

- 7 décembre 1989, achat de 1 000 quintaux de droits de mouture à la SARL Société du Moulin de Rivières;

- 28 novembre 1990, achat de 2 500 quintaux de droits de mouture à la SA Minoterie Mercier;

- 26 novembre 1992, achat de 1 806 quintaux de droits de mouture à la SA Minoterie Gautier, David et Lavalade:

- 30 novembre 1993, achat de 3 000 quintaux de droits de mouture à la SA Grands Moulins de Paris;

- 29 décembre 1994, achat d'un contingent de 21 050 quintaux à la SA Minoterie Charles Chatain.

A la suite de ces acquisitions successives, le plafond d'écrasement attaché au Moulin de Loisy s'est ainsi trouvé augmenté de 38 644 quintaux (29 838 quintaux de contingent et 8 806 quintaux de droits de mouture) pour atteindre un total de 83 050 quintaux.

Il convient de relever que les parties ne contestant pas l'estimation à 5,14 euro du quintal de droit de mouture et de contingent retenue par le tribunal sur la base du rapport d'expertise de Renaud de Vilette, le litige porte sur une somme de 198 630,16 euro (5,14 x 38 644).

Quant à la nature juridique des droits dont il est question, il est rappelé qu'en vertu de la législation applicable à l'espèce mise en place par les décrets-lois du 30 octobre 1935 et 17 juin 1938, sont attachés à chaque moulin en activité un contingent de meunerie sans lequel le meunier ne peut produire de farine destinée à la consommation humaine et des droits de mouture issus de la transformation des contingents non utilisés.

La capacité d'écrasement d'un moulin peut être augmentée par acquisition de droits détachés du contingent d'autres moulins et c'est ainsi en l'espèce que l'Office national interprofessionnel des céréales a autorisé les acquisitions susvisées, dans le cadre de sa mission d'enregistrement et de gestion des transferts des contingents.

Dès lors qu'ils sont librement cessibles et détachables du moulin en activité auquel ils sont originairement affectés, les contingents et droits de mouture sont de nature mobilière et constituent des éléments incorporels du fonds de commerce de meunerie et non des accessoires de la propriété de l'immeuble.

Il doit donc être recherché qui était propriétaire du fonds de commerce de meunerie auquel les droits acquis après 1985 ont été nécessairement incorporés.

La difficulté tient à la contrariété manifeste, sur laquelle Philippe Chervet ne s'explique pas, existant entre la gérance libre du fonds de commerce de meunerie appartenant à Paul Chervet et la souscription la même année d'un bail commercial présupposant la propriété d'un fonds de commerce de meunerie.

Il est constant toutefois que l'exploitation du fonds de commerce de meunerie en cause, dont dépendait avant les acquisitions litigieuses un droit d'écrasement de 44 406 quintaux, n'a jamais connu d'interruption, notamment durant la période où ont été souscrits successivement les contrats de location-gérance et de bail commercial.

Etant rappelé que le bail commercial est antérieur aux acquisitions de droits qui ont a priori amené un développement de l'activité, le principe d'universalité du fonds de commerce exclut que la SEML ait pu créer dans le même moulin un fonds de commerce identique mais néanmoins distinct de celui qui lui avait été donné en location-gérance.

Force est de constater d'ailleurs qu'alors qu'il est le gérant de la SEML qu'il s'est gardé de faire intervenir à l'instance ainsi qu'il l'avait fait à hauteur de cour lors de l'instance en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage (cf arrêt du 17 décembre 2002), Philippe Chervet ne fournit aucun élément justifiant de l'existence d'une clientèle propre et autonome lors de la souscription du bail commercial moins d'un an après la location-gérance.

La SEML a ainsi tout simplement continué en tant que locataire-gérant l'exploitation du fonds de commerce ayant appartenu à Paul Chervet puis à l'indivision et il est significatif qu'un extrait du registre du commerce et des sociétés délivré le 1er août 2001 mentionne bien que le fonds exploité a été reçu en location-gérance.

Il s'ensuit que les contingents et droits de mouture acquis par la SEML n'ont pu être attachés qu'à un seul fonds de commerce qui est celui qu'elle exploitait dans le cadre de sa location-gérance et dépendant de l'indivision.

La souscription du bail commercial ne saurait remettre en cause cette analyse et il convient d'observer à cet égard que contrairement à ce qui est soutenu, la cour de céans ne s'est pas prononcée sur les questions de la réalité d'un fonds de commerce propre et de l'application du statut commercial au bail en cause lorsqu'elle a, par arrêt du 4 octobre 2007, déclaré nul le refus de renouvellement du bail opposé par Dominique Chervet, Jean-Louis Chervet et Anne-Marie Chervet au motif qu'il n'émanait pas de tous les indivisaires et qu'aucune autorisation judiciaire n'avait été donnée pour pallier l'absence d'unanimité.

Il est acquis que dans le cadre de son obligation de restitution du fonds et de maintien de sa destination sans accroissement, le locataire-gérant doit également restituer les éléments corporels et incorporels nouveaux inséparables de l'exploitation du fonds, ce sans indemnité.

La location-gérance consentie le 1er janvier 1985 ayant pris fin le 31 décembre 2001 et ne comportant aucune clause particulière au sujet des éléments incorporels acquis durant la location-gérance (contrairement au matériel), c'est à juste titre en définitive que le premier juge a considéré que l'intégralité des 83 050 quintaux de contingents et droits de mouture appartenait à l'indivision et qu'il n'y avait pas lieu d'exclure de la liquidation les droits acquis postérieurement à la location-gérance.

En l'absence de discussion sur ce point devant la cour, seront également confirmées les dispositions relatives à la fixation du prix de vente unitaire du quintal de contingent ou de droit de mouture, à la fixation de la valeur du matériel et aux modalités du partage des meubles. Sur ce dernier point, il est logique de faire supporter à l'indivision les frais de garde-meuble et la demande des intimés à ce sujet sera rejetée.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont condamné Philippe Chervet à payer à chacun des consorts Chervet la somme de 2 000 euro et il n'y a pas lieu d'augmenter le montant alloué à ce titre.

Le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles et Philippe Chervet qui succombe en son appel sera condamné à payer à Anne-Marie Chervet, Jean-Louis Chervet et Dominique Chervet une somme supplémentaire de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions Y ajoutant, Condamne Philippe Chervet à payer à Jean-Louis Chervet, Anne-Marie Chervet et Dominique Chervet sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 3 000 euro; Condamne Philippe Chervet aux dépens d'appel avec droit pour la SCP André & Gillis, avoués associés, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Déboute de toutes demandes plus amples ou contraires.