CA Bourges, ch. civ., 12 novembre 2009, n° 08-01483
BOURGES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Etablissements Gaubier (SA)
Défendeur :
Sogic (SAS), Granimond (SARL), Zouari
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Perrin
Conseillers :
M. Lavigerie, Mme Ladant
Avoués :
Mes Rahon, Tracol, Guillaumin
Avocats :
Mes Storelli, Bolimowski, Germain
Vu le jugement du 10 juillet 2008 par lequel le Tribunal de grande instance de Nevers a:
1) constaté l'absence de demande diligentée à l'encontre de la société Sogic,
2) dit que les deux modèles litigieux installés par la SA Gaubier dans le cimetière de la commune de Belleville-sur-Loire constituent la contrefaçon manifeste du modèle Columbarium " Prestige 12 familles " déposé à l'INPI le 5 juillet 1990 sous le numéro 905367, fabriqué et commercialisé par la SARL Granimond et appartenant à M. Marc Zouari,
3) condamné la SA Gaubier à payer:
- à la SARL Granimond la somme de 18 958 euro à titre de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon,
- à M. Marc Zouari la somme de 5 000 euro au titre de son préjudice moral,
4) débouté la SARL Granimond et M. Marc Zouari de leur demande de condamnation de la SA Gaubier au versement de dommages-intérêts au titre des actes de concurrence déloyale,
5) fait interdiction à la SA Gaubier de fabriquer, faire fabriquer, commercialiser et distribuer les modèles litigieux,
6) rejeté toutes autres demandes,
7) ordonné la capitalisation des intérêts,
8) ordonné l'exécution provisoire de la décision,
9) condamné la SA Gaubier à payer à la SARL Granimond et à M. Marc Zouari la somme unique de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
10) précisé que les présentes condamnations sont assorties de l'intérêt au taux légal à partir du prononcé du jugement,
11) condamné la SA Gaubier aux entiers dépens,
12) alloué à la SCP Levoir Stralka le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile,
Vu l'appel interjeté par la SA Gaubier le 19 septembre 2008 ;
Vu les dernières conclusions de la SA Gaubier, du 16 septembre 2009, qui demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- débouter la SARL Granimond et M. Marc Zouari de toutes leurs demandes,
- déclarer nul l'enregistrement du modèle Columbarium Prestige 12 familles déposé à l'INPI en date du 5 juillet 1990 sous le n° 905367,
- dire et juger qu'en tout état de cause, la SA Gaubier n'a commis aucun acte de contrefaçon,
- constater l'absence de ressemblance et d'imitation,
- confirmer le jugement sur la question de la concurrence déloyale,
- condamner la SARL Granimond au paiement de la somme de 18 958 euro, M. Marc Zouari au paiement de la somme de 5 000 euro, et tous deux solidairement au paiement de la somme de 4 224,36 euro correspondant aux causes accessoires exécutées du jugement,
- condamner solidairement la SARL Granimond et M. Marc Zouari au paiement de la somme de 30 000 euro à titre de dommages-intérêts pour mauvaise foi manifeste, pour procédure abusive et malveillante, ainsi que pour concurrence déloyale et dénigrement,
- dire et juger que l'appel en garantie formé par la SA Gaubier contre la Sogic est parfaitement recevable et bien fondé.
- constater que la SA Gaubier n'a passé aucun contrat d'entreprise avec la société Sogic, hormis la commande d'un modèle se trouvant sur le catalogue de la Sogic, à l'exclusion de toute stipulation particulière,
- condamner la Sogic à lui payer toute somme qui pourrait être mise à sa charge du fait de la décision à intervenir et ce sur le fondement des fautes contractuelles commises par la Sogic en fabriquant et commercialisant un modèle figurant dans son catalogue alors qu'elle ne pouvait ignorer, du fait des nombreux contentieux existant que ladite commercialisation exposerait sa cliente, la SA Gaubier, à des difficultés juridiques ou judiciaires,
- condamner la Sogic à lui payer les causes de la condamnation exécutée, augmentée des dommages-intérêts correspondant au préjudice subi et aux frais de procédure, soit 60 000 euro,
- condamner la SARL Granimond et M. Marc Zouari à payer chacun la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la Sogic au paiement de la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner solidairement la SARL Granimond, M. Zouari et la Sogic au paiement des entiers dépens dont distraction au bénéfice de Me Tracol, avoué, en application de l'article 699 du Code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société Sogic, du 25 septembre 2009, qui, au visa des articles 1146 et suivants et 1787 et suivants du Code civil, demande à la cour de:
- rabattre l'ordonnance de clôture pour être prononcée à une date plus proche des plaidoiries,
A titre principal,
- constater que les modèles déposés par M. Zouari et exploités par la SARL Granimond ne sont pas susceptibles de protection au sens du Code de la propriété intellectuelle,
- constater que la société Sogic n'a pas commis d'acte de contrefaçon en fabriquant le modèle de columbarium, objet du présent litige,
En conséquence,
- dire et juger que l'appel en garantie formé par la SA Gaubier est alors irrecevable et à tout le moins mal fondé car sans objet,
Subsidiairement,
- constater que la société Sogic a parfaitement rempli son obligation d'exécuter la prestation sollicitée par la SA Gaubier,
- constater que la SA Gaubier, en sa qualité de marbrier professionnel, a proposé le modèle litigieux à la municipalité de Belleville-sur-Loire en toute connaissance de cause,
- constater que la société Sogic ne saurait garantir la SA Gaubier de sa propre négligence,
En conséquence,
- débouter la SA Gaubier de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SA Gaubier à lui payer la somme de 4 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la SA Gaubier aux entiers dépens;
Vu les conclusions de la SARL Granimond et de M. Marc Zouari, du 7 juillet 2009, qui, au visa des articles 1146 et suivants et 1787 et suivants du Code civil, demandent à la cour de:
- dire et juger que le columbarium " Prestige 12 Familles " est bien nouveau et présente une physionomie propre et nouvelle,
- dire et juger en conséquence que ce columbarium est bien éligible au bénéfice de la protection du Code de la propriété intellectuelle,
En conséquence,
- débouter la SA Gaubier de sa demande d'annulation du modèle enregistré à l'INPI sous le n° 905367, et de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et au titre d'une prétendue concurrence déloyale,
Sur le fond,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'existence de faits de contrefaçon et les a sanctionnés financièrement,
- porter la demande d'indemnisation au profit de M. Marc Zouari à la somme de 30 000 euro,
- subsidiairement la main tenir à la somme de 5 000 euro,
- dire et juger que la SA Gaubier a bien commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires,
- assortir l'interdiction faite à la SA Gaubier de fabriquer, faire fabriquer et de commercialiser le modèle contrefait précité d'une astreinte définitive de 10 000 euro par infraction constatée,
- dire que l'arrêt à intervenir sera publié dans cinq journaux au choix de la société Granimond et de M. Zouari, et ce aux frais de la SA Gaubier, à titre de dommages-intérêts complémentaires, dans la limite de 3 000 euro par insertion,
- confirmer pour le surplus,
Y ajoutant
- interdire à la société Sogic de fabriquer, faire fabriquer et/ou commercialiser le modèle qu'elle commercialise sous l'intitulé " columbarium horizontal CH12 ", interdiction assortie d'une astreinte définitive de 10 000 euro par infraction constatée,
- condamner la SA Gaubier au paiement à leur payer la somme de 7 500 euro en sus des sommes accordées en première instance, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le droit de recouvrement ou d'encaissement prévu par l'article 10 du décret du 12 décembre 1996, tel qu'issu du décret du 8 mars 2001, distraits au profit de Me Hervé Rahon, et les frais liés au constat d'huissier établi le 24 mars 2004;
Vu les conclusions de la SARL Granimond et M. Marc Zouari, du 25 septembre 2009, qui demandent à la cour de:
- rejeter purement et simplement des débats les écritures prises par la SA Gaubier le jour de la clôture,
- pour le surplus, leur adjuger le bénéfice de leurs précédentes écritures ;
Vu l'ordonnance de clôture du 16 septembre 2009.
Sur ce:
Sur la demande de la société Sogic de rabat de l'ordonnance de clôture :
Attendu que cette demande ne vise qu'à permettre à la société Sogic de verser aux débats un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 3 septembre 2009, dans une instance à laquelle elle était partie ;
Attendu que la copie exécutoire de cette décision a été délivrée le 4 septembre 2009 au conseil de la Sogic, qui disposait d'un temps suffisant pour la communiquer avant l'ordonnance de clôture ;
Que dès lors, il n'y a pas lieu de révoquer cette ordonnance ;
Sur la demande de la SARL Granimond et de M. Marc Zouari de rejet des débats des écritures prises par la SA Gaubier le jour de la clôture :
Attendu que l'audience de plaidoiries, fixée initialement au 24 mars 2009, a été reportée une première fois au 4 avril 2009 et une seconde au 30 septembre 2009;
Que la clôture a été reportée à six reprises ;
Attendu qu'un examen rapide des conclusions récapitulatives déposées par la SA Gaubier, n° 1 le 16 mars 2009 et n° 2 le 16 septembre 2009, permet de constater que ces conclusions visaient à " répliquer à l'argumentaire de la Sogic en dates des 4 juin et 4 août 2009 " (page 3) et que les ajouts (rappel des dispositions de l'article 567 du Code de procédure civile, page 7; trois paragraphes relatifs à l'appel en garantie, page 12) et modifications (remplacement de la formule " les intimés " par " la SARL Granimond et M. Zouari ") sont mineurs et ne font pas grief à la SARL Granimond et à M. Marc Zouari;
Que la demande de ces derniers doit dès lors être rejetée;
Au fond:
Sur la demande de la SA Gaubier d'annulation l'enregistrement du modèle Columbarium Prestige 12 familles déposé à l'INPI le 5 juillet 1990 sous le n° 905367 :
Attendu que par jugement du 19 septembre 2006, dans l'instance opposant la SARL Granimond et M. Marc Zouari, demandeurs, à la SA OGF et à la commune de Quimper, le Tribunal de grande instance de Quimper a notamment :
- déclaré la société Granimond recevable à agir sur le fondement du droit d'auteur et irrecevable en ses demandes fondées sur la législation des dessins et modèles déposés,
- dit que les modèles publiés sous les numéros 275 411, 277 406 et 407 et 330 705 (colombarium prestige mural 6 famille enregistré sous le n° 905357) ne relèvent pas de la protection prévue par les articles L. 111-1et suivants et L. 511-1 du Code de la propriété intellectuelle,
- annulé en conséquence ces modèles en application de l'article 512-4 a) du Code de la propriété intellectuelle,
- ordonné la publication du jugement dans cinq journaux au choix d'OGF, aux frais solidaires de Marc Zouari et de la société Granimond dans la limite de 3 000 euro par publication;
Attendu que par arrêt du 6 novembre 2007, la Cour d'appel de Rennes a confirmé cette décision en toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours;
Attendu que par arrêt du 27 janvier 2009, la Cour de cassation a donné acte à la SARL Granimond et à M. X... de leur désistement à l'égard la commune de Quimper et a rejeté leur pourvoi contre cet arrêt ;
Attendu que le modèle Columbarium " Prestige 12 familles " déposé à l'INPI le 5 juillet 1990 à 15 heures sous le numéro 905367 par la SARL 2020 diffusion, 65 rue Hirschauer à Saint-Avold (57), acquis par M. Marc Zouari, 24 place Théodore Paqué à Saint-Avold (57), fabriqué et commercialisé par la SARL Granimond, 24 place Théodore Paqué à Saint-Avold (57), présente les mêmes caractéristiques que le modèle Colombarium " Prestige mural 6 familles " dont il n'est que le développement sur un cercle complet au lieu demi-cercle, a également été déposé à l'INPI le 5 juillet 1990 à 15 heures sous le numéro 905357, appartient et est fabriqué et commercialisé par les mêmes;
Que le dessin joint à la déclaration de dépôt du modèle 12 familles est à peine moins rudimentaire et aussi peu original que celui joint à la déclaration de dépôt du modèle 6 familles;
Que la comparaison de ces deux dessins met en évidence que les déposants se bornent à décliner autour d'un axe central des polygones dont le nombre de côtés est déterminé par le nombre de cases funéraires que le monument contient;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux retenus par les décisions susvisées aujourd'hui définitives, l'enregistrement du modèle Columbarium Prestige 12 familles déposé à l'INPI le 5 juillet 1990 sous le n° 905367 doit être annulé;
Sur les demandes de la SARL Granimond et de M. Marc Zouari :
Attendu qu'en conséquence de l'annulation de l'enregistrement du modèle Columbarium Prestige 12 familles déposé à l'INPI le 5 juillet 1990 sous le n° 905367, la SARL Granimond et M. Marc Zouari ne peuvent qu'être déboutés de l'ensemble de leurs demandes;
Attendu au demeurant que contrairement à ce qu'affirme la SARL Granimond dans son courrier du 2 mars 2004 à la commune de Belleville-sur-Loire, les deux colombariums 12 familles que celle-ci a fait ériger, qui ne comportent que huit côtés, ne peuvent être qualifiés de " copie servile " ou d'" imitation flagrante " du modèle déposé à l'INPI sous le n° 0905367- 0330713 le 5 juillet 1990, qui en comporte vingt-quatre;
Sur les demandes de la SA Gaubier
Attendu qu'en conséquence de l'annulation de l'enregistrement du modèle Columbarium Prestige 12 familles déposé à l'INPI le 5 juillet 1990 sous le n° 905367, il ne peut être reproché à la SA Gaubier aucun acte de contrefaçon ni de concurrence déloyale;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de condamner la SARL Granimond au paiement de la somme de 18 958 euro, M. Marc Zouari au paiement de la somme de 5 000 euro, et tous deux solidairement au paiement de la somme de 4 224,36 euro correspondant aux causes accessoires exécutées du jugement, la restitution des sommes acquittées en vertu du jugement déféré résultant de plein droit de son infirmation ;
Attendu que le jugement déféré ayant été rendu avant que n'aient été définitivement annulés certains modèles cinéraires déposés par la SARL Granimond et M. Marc Zouari, la mauvaise foi de ces derniers n'est pas certaine;
Que la SA Gaubier sera en conséquence déboutée de sa demande en dommages-intérêts "pour mauvaise foi manifeste, pour procédure abusive et malveillante, ainsi que pour concurrence déloyale et dénigrement";
Attendu que l'appel en garantie formé par la SA Gaubier contre la Sogic n'a plus lieu d'être;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA Gaubier la totalité des frais exposés dans le cadre de la présente instance et non compris dans les dépens;
Sur les demandes de la société Sogic
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Sogic la totalité des frais exposés dans le cadre de la présente instance et non compris dans les dépens;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, Rejette la demande de la société Sogic de rabat de l'ordonnance de clôture, Rejette la demande de la SARL Granimond et de M. Marc Zouari tendant au rejet des débats des écritures prises par la SA Gaubier le jour de la clôture, Infirme le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Déboute la SARL Granimond et M. Marc Zouari de l'ensemble de leurs demandes ; Annule l'enregistrement du modèle Columbarium Prestige 12 familles déposé à l'INPI le 5 juillet 1990 sous le n° 905367; Condamne la SARL Granimond et M. Marc Zouari à payer chacun à la SA Gaubier la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SA Gaubier à payer à la société Sogic la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la SA Gaubier et la société Sogic du surplus de leurs demandes ; Condamne in solidum la SARL Granimond et M. Zouari aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Tracol et de Me Rahon, avoués.