CA Paris, 1re ch. C, 2 avril 2009, n° 08-14550
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
General Motors France (SAS)
Défendeur :
Champ de Mars Automobiles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Périé
Conseillers :
M. Matet, Mme Bozzi
Avoués :
SCP Monin-d'Auriac de Brons, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Henry, Bourgeon
La SAS General Motors France, importateur en France de véhicules de la marque Opel, a conclu avec la société Champ de Mars Automobile un contrat de distribution, dans le cadre du système de distribution sélective quantitative au sens du règlement d'exemption CE 1400-2002 relatif aux accords de distribution du secteur automobile sur une zone de responsabilité, autrement dit un secteur géographique, à durée indéterminée à effet du 1er octobre 2003. Selon ce contrat, les parties doivent convenir d'objectifs de vente avant la fin du premier trimestre de chaque année civile (article 10 du contrat) et en cas de désaccord avoir recours à une commission de tiers experts composée de trois personnes désignées conjointement par le distributeur et la SAS General Motors France, chaque partie désignant un expert et les deux désignant le troisième.
Les parties n'ayant pu s'accorder sur les objectifs de vente pour l'année 2007, la société Champ de Mars Automobile a sollicité l'application de la procédure prévue à l'article 23.7 du contrat de distribution.
Cette commission composée de MM. Betsch, Mauguit et Darmon a, par "décision" du 26 juin 2008, fixé l'objectif de vente 2007 à 388 véhicules particuliers Opel pour SAS Auto Service Réparation.
La SAS General Motors France a formé appel de la sentence dont elle poursuit l'infirmation et demande de dire que l'objectif VP (véhicules particuliers) 2007 de la société Champ de Mars Automobile doit être fixé à 535 VP (véhicules particuliers) et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Champ de Mars Automobile ayant soulevé l'irrecevabilité de l'appel, l'affaire a été renvoyée pour plaider exclusivement sur cette exception.
La société Champ de Mars Automobile prie la cour de déclarer l'appel irrecevable et de condamner la SAS General Motors France à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle articule que la décision rendue par la commission de tiers experts, le 26 juin 2008, n'est pas une sentence arbitrale susceptible d'appel en vertu de l'article 1482 du Code de procédure civile, que l'article 23.7 du contrat de distributeur agréé ne constitue pas une clause compromissoire, que le mécanisme d'arbitrage contractuel est assimilable à la faculté prévue à l'article 1592 du Code civil de s'en remettre à l'estimation d'un tiers pour la détermination du prix de vente par un tiers dont la décision est insusceptible d'appel.
La SAS General Motors France conclut au rejet de l'exception d'irrecevabilité d'appel.
Elle fait valoir essentiellement que l'article 23.7 du contrat constitue une véritable clause compromissoire, s'intitulant clause d'arbitrage et prévoyant son application en cas de désaccord entre les parties concernant l'exécution de leurs obligations contractuelles ; que les parties ont accepté de soumettre à cette commission leur différend, qu'en l'espèce deux prétentions antagonistes s'opposent, chaque partie proposant un objectif de vente différent, et que les tiers experts sont investis d'un pouvoir juridictionnel puisque leur décision est obligatoire. La SAS General Motors France soutient donc que la décision rendue doit être considérée comme une sentence arbitrale susceptible d'appel.
Sur ce, LA COUR
Considérant que selon l'article 1482 du Code de procédure civile la sentence arbitrale est susceptible d'appel ; que la qualification de sentence ne dépend pas des termes retenus par les parties dans leur convention, ou par le tribunal arbitral, mais dépend étroitement de la mission confiée par ces parties à un tiers;
Considérant que d'après l'article 23.7 intitulé "clause d'arbitrage" du contrat de distributeur conclu entre la SAS General Motors France et la société Champ de Mars Automobile "en cas de désaccord entre les parties concernant l'exécution de leurs obligations contractuelles et plus particulièrement (...) la fixation et la réalisation des objectifs de vente (...) les parties acceptent de soumettre le différend à une commission de tiers experts composée de trois personnes désignées conjointement par le distributeur et General Motors France";
Qu'en l'espèce, selon la qualification employée par les tiers experts, la "décision de la Commission" "fixe à 388 véhicules particuliers Opel, les objectifs de vente assignés pour 2007 à la société Champ de Mars Automobile" et "rappelle en outre, que, conformément aux dispositions de l'article 23.7 du contrat, les honoraires et frais de ses membres seront supportés par moitié, donc en deux parts égales, par la société Champ de Mars Automobile et la SAS General Motors France";
Considérant d'une part que le désaccord sur le volume des objectifs de vente ne remettant pas en cause le principe de l'obligation pour le distributeur de se voir assigner annuellement des objectifs par la SAS General Motors France, la mission confiée à la "Commission" de ces tiers experts revêt exclusivement un caractère factuel et technique et d'autre part que les tiers experts n'ont tiré aucune conséquence juridique de leur décision, la société Champ de Mars Automobile ne contestant pas être tenue contractuellement de remplir des objectifs de vente ; que, par suite, l'existence d'un litige sans lequel il n'existe pas d'arbitrage juridictionnel n'étant pas caractérisé, l'acte qui est déféré à la cour n'est pas une sentence arbitrale, et l'appel de cette "décision" est irrecevable;
Considérant qu'il convient de condamner la SAS General Motors France qui succombe à payer à la société Champ de Mars Automobile la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Par ces motifs, Déclare irrecevable l'appel formé par la SAS General Motors France, Condamne la SAS General Motors France à payer à la société Champ de Mars Automobile la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS General Motors France aux dépens et admet la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.