Livv
Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 14 octobre 2009, n° 08-00684

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Joly

Défendeur :

Cabinet Bedin (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bougon

Conseillers :

M. Legras, Mme Larsabal

Avoués :

SCP Casteja-Clermontel & Jaubert, SCP Taillard & Janoueix

Avocats :

Mes Delavoye, Prunières-Lemoigne

T. com. Bordeaux, du 11 janv. 2008

11 janvier 2008

Par contrat d'agent commercial du 1er août 2000 la SA Cabinet Bedin confiait à Madame Aimée Joly un mandat consistant en la prospection de tous les secteurs géographiques de la Gironde et de toutes les catégories de clientèle en matière immobilière et de fonds de commerce pour la recherche de propriétaires et la souscription de mandats de vente. Le contrat conclu à durée indéterminée prévoyait la rémunération de l'agent sous forme de commissions.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 novembre 2005 la SA Cabinet Bedin, visant la baisse significative du chiffre d'affaires réalisé par l'agent, passé de 26 923,84 euro en 2004 à 17 371,07 euro en 2005, mettait un terme au contrat avec cessation effective au 24 février 2006 à l'issue d'un préavis de trois mois.

Par acte du 27 février 2007 Madame Aimée Joly faisait assigner la SA Cabinet Bedin devant le Tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir reconnaître son droit à une indemnité compensatrice de 48 394,04 euro.

Par jugement contradictoire du 11 janvier 2008 le tribunal a débouté Madame Aimée Joly de sa demande.

Madame Aimée Joly a interjeté appel les 5 et 15 février 2008 de ce jugement dont elle a conclu en dernier lieu le 9 mars 2009 à l'infirmation en reprenant ses demandes de première instance avec une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SA Cabinet Bedin, intimée, a conclu récapitulativement le 14 avril 2009 au débouté de l'appelante soit sur le fondement de la déchéance de son droit à réparation du fait de la prescription soit à défaut de justification de la réalité de son préjudice et elle demande une indemnité au titre des frais irrépétibles de 5 000 euro.

Motifs et décision

Attendu qu'aux termes de l'article L. 134-12 du Code de commerce l'agent commercial a, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, mais perd ce droit s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ;

Que ces dispositions légales sont reprises aux articles 11 et 12 du contrat du 1er août 2000 liant les parties, Madame Aimée Joly étant désignée comme agent commercial;

Attendu qu'il est constant que la demande de droits de Madame Aimée Joly résulte de l'assignation délivrée le 27 février 2007 à la SA Cabinet Bedin et que dans sa lettre recommandée avec accusé de réception du 24 novembre 2005 celle-ci fixait la cessation du contrat à la date du 24 février 2006 à l'issue d'un préavis de trois mois ;

Attendu que la prescription annale commence à courir à compter de l'extinction effective des relations contractuelles et non à la date de notification de la rupture par le mandant, peu important donc en l'espèce la date à laquelle la lettre recommandée avec accusé de réception a été reçue ;

Attendu que l'intimée indique que Madame Aimée Joly a exécuté son contrat jusqu'à la date fixée par elle du 24 février 2006 et pas au-delà, ce qui ne peut lui être reproché dès lors qu'il ne lui était pas demandé davantage ;

Mais attendu que le contrat prévoyait que, dans tous les cas de rupture, le préavis à respecter devrait coïncider avec la fin d'un mois civil et être de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes;

Qu'il s'en évince que, compte tenu de la date de la lettre de notification du 24 novembre 2005, le préavis à respecter dont la fin marquait la cessation effective des relations contractuelles ne pouvait expirer, dans le strict respect du contrat, avant le 28 février 2006 ;

Que dès lors l'action engagée le 27 février 2007 est recevable, le jugement étant infirmé;

Attendu que l'indemnité de cessation de contrat due à l'agent commercial a pour objet de réparer le préjudice qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties, la base de calcul devant être prise en compte étant le montant des commissions perçues par l'agent au cours des trois années précédent la rupture, dont il est fait la moyenne ;

Que l'existence du préjudice n'est ici pas utilement contestée alors que l'appelante justifie avoir été dans l'obligation de déposer un dossier de surendettement ;

Que si la baisse de chiffre d'affaires constatée entre 2004 et 2005 pouvait justifier la rupture des relations contractuelles elle n'interfère pas sur l'évaluation du préjudice subi par l'agent à qui il n'est pas reproché de faute ;

Que les années prises en considération en l'espèce étant les années 2003, 2004 et 2005 et non comme le prétend l'intimée les années 2004 à 2006 alors que l'activité de cette dernière année ne correspond qu'à deux mois de préavis, soit une moyenne annuelle de commissions brutes de 24 197,02 euro il sera, en application d'une jurisprudence constante, fait droit à la demande sur la base de deux années soit une somme de 48 394,04 euro ;

Attendu qu'il sera fait droit à hauteur de 2 000 euro à la demande de l'appelante sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, - Infirme le jugement et statuant à nouveau : - Déclare recevable l'action engagée par Madame Aimée Joly ; - Condamne la SA Cabinet Bedin à lui payer à titre d'indemnité de rupture la somme de 48 394,04 euro avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2007; - Condamne la SA Cabinet Bedin à payer à Madame Aimée Joly la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; - Condamne la SA Cabinet Bedin aux dépens dont distraction au profit de la SCP d'avoués Casteja-Clermontel et Jaubert.