Cass. soc., 9 décembre 2009, n° 08-44.358
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Défendeur :
Paintfill et Carding France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP de Chaisemartin, Courjon
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 juin 2008), que M. X a été engagé en qualité de technicien, le 16 janvier 2006, par la société Paintfill et Carding France qui exerce une activité de réparation rapide et mobile de peinture sur les carrosseries automobiles selon un procédé qu'elle dit avoir élaboré ; que son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence lui interdisant, notamment, pendant une durée de vingt-quatre mois à compter de sa cessation d'activité, d'exercer cette même activité et de rechercher, solliciter ou tenter de détacher de l'employeur toute personne physique ou morale, ou toute entreprise qui, pendant la durée du contrat, aura été cliente ou employée de l'employeur sur tous les sites où la société exerce son activité ; que le salarié a démissionné le 9 février 2007 pour devenir cogérant d'une société qui exerçait la même activité que la société Paintfill et Carding France ; que cette dernière a saisi le juge des référés pour faire constater l'existence d'un trouble manifestement illicite et ordonner à M. X de cesser sa nouvelle activité ;
Attendu que M. X fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen : 1°) que n'est pas manifestement illicite la violation d'une clause de non-concurrence dont la licéité n'apparaît pas à l'évidence requise devant les juges des référés ; qu'il en est ainsi de la clause qui, compte tenu des connaissances techniques et du parcours professionnel du salarié, lui interdit, en fait, d'exercer une activité professionnelle ; qu'en l'espèce, il avait fait valoir, dans ses écritures, qu'en douze années d'activité professionnelle il n'avait jamais exercé qu'une activité de peinture, à l'exclusion de toute activité de carrosserie ou débosselage, de sorte que l'interdiction litigieuse, qui concernait un procédé en usage dans l'ensemble des entreprises, le privait, en fait, de la possibilité d'exercer son activité professionnelle ; qu'en se déterminant, sans examiner ce moyen, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que la clause de non-concurrence n'est licite que pour autant que la contrepartie financière octroyée est proportionnelle à la limitation de l'activité du salarié qu'elle édicte, appréciée dans son ensemble; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'en sus de pratiquer l'activité de peinture exercée par Paintfill et Carding la clause de non-concurrence litigieuse lui interdisait de "... rechercher, solliciter ou tenter de détacher de l'employeur toute personne physique ou morale ou toute entreprise qui, pendant la durée du présent contrat, aura été cliente de l'employeur sur les sites où la société exerce son activité" ; qu'elle édictait ainsi une interdiction de concurrence pure et simple, générale et absolue, concernant l'ensemble de la clientèle de l'employeur, illimitée dans son étendue et dans les activités exercées ; qu'en se déterminant, pour considérer que la contrepartie financière de 10 % du salaire n'était pas dérisoire aux termes de motifs prenant uniquement en considération l'interdiction d'exercer une activité de peinture identique à celle de l'employeur, qui ne tiennent pas compte de l'interdiction générale et absolue de démarcher, à quelque titre que ce soit, la clientèle de son ancien employeur également imposée par la clause litigieuse, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article R. 1455-6 du Code du travail ; 3°) que l'exercice par un ancien salarié d'une activité concurrentielle ne constitue pas en lui-même un agissement déloyal ; que par ailleurs, il était acquis aux débats que la société Paintfill et Carding avait accepté de le libérer dans l'exécution de son préavis bien que, dans sa lettre de démission, il lui eût annoncé son intention de ne pas tenir compte de la clause de non-concurrence ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, que "le trouble causé par Jerry X consiste en un comportement déloyal qui a conduit ce dernier à s'exonérer de l'exécution de son préavis, dans sa hâte d'exercer une activité directement concurrente, et à s'installer immédiatement après sa démission à une soixantaine de kilomètres seulement de son ancien employeur, dont il a repris exactement les tarifs", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la clause litigieuse limitait l'interdiction faite au salarié à la seule mise en œuvre de la technique spécifique utilisée par la société Paintfill et Carding France lui laissant, sous cette réserve, toute latitude pour exercer un emploi de carrossier et constaté qu'eu égard à cette circonstance, sa contrepartie financière n'était pas dérisoire ; qu'en l'état de ces motifs, l'arrêt, qui, répondant aux conclusions prétendument délaissées selon la première branche, n'a pas violé le texte visé par la deuxième, est légalement justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.