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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 18 juin 2009, n° 06-06360

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Algos Network (SAS)

Défendeur :

Nextiraone France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deurbergue

Conseillers :

Mmes Le Bail, Mouillard

Avoués :

SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet, Me Buret

Avocats :

Mes Perrin, Damerval

T. com. Paris, du 23 févr. 2006

23 février 2006

Vu l'appel interjeté, le 4 avril 2006, par la société Algos Network d'un jugement du Tribunal de commerce de Paris, du 23 février 2006, qui l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Nextiraone France 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions de la société Algos Network, du 2 janvier 2008, qui sollicite la cour de lui donner acte de son changement de forme sociale en société anonyme, de réformer le jugement, de condamner la société Nextiraone à lui payer en application de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- 132 892 euro HT correspondant à l'indemnisation du préjudice consécutif à l'absence de préavis,

- 1 000 euro au titre des dépenses générées par le licenciement de M. Deheeger,

- 67 702 euro HT au titre du bail actuellement en cours,

- 3 000 euro au titre des dépenses afférentes au paiement de la société d'affacturage,

- 15 630 euro HT correspondant au montant du logiciel permettant la traçabilité des composants des marchandises livrées à la société Nextiraone,

et 8 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions de la société Nextiraone France, du 30 décembre 2008, tendant à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Algos Network à lui payer la somme de 8 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Sur ce, LA COUR :

Considérant que la société Nextiraone France a pour activité l'étude, la conception, la réalisation, la commercialisation, la location, la maintenance, l'infogérance, la prestation de services professionnels et toutes autres prestations de services portant sur des systèmes de communication configurés avec des équipements téléphoniques (voix) et/ou des équipements informatiques (données) et/ou audiovisuels et de façon générale toutes opérations portant sur tous biens (matériels et/ou logiciels) ;

Que la société Algos Network, créée en août 2003, vend, achète ou loue, exporte et importe tous produits informatiques, électroniques, électriques, logiciels ou progiciels ;

Qu'à la suite d'un transfert d'activité de la société Pertec à son profit, elle est entrée en contact avec la société Nextiraone France;

Que, le 2 juin 2004, les deux sociétés ont conclu un accord-cadre incluant les conditions particulières et les conditions générales de vente et de services, se rapportant notamment aux conditions de paiement, à la logistique, à la garantie et à l'extension de garantie, aux procédures des commandes et à leur résiliation, aux délais et lieux de livraison et aux prestations de garantie et de maintenance et de services ; qu'auparavant, le 28 août 2003, la société Nextiraone avait ouvert un compte fournisseur à la société Algos Network;

Que par lettre recommandée du 7 mars 2005 adressée à la société Nextiraone, le conseil de la société Algos Network, faisant état d'une forte baisse des commandes à partir du mois de novembre 2004, a évoqué un comportement répréhensible, contraire aux dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce consistant à réduire en très peu de temps, sans aucun préavis écrit et de manière brutale le volume de ses commandes;

Que c'est dans ces conditions que la société Algos Network, qui alléguait que les commandes de Nextiraone non seulement avaient enregistré une forte baisse à partir du mois de novembre 2004, mais à partir de mars 2005 s'étaient trouvées réduites à néant, alors qu'elle avait effectué d'importants investissements spécifiquement pour répondre à ces commandes, a assigné, le 21 juin 2005, la société Nextiraone devant le Tribunal de commerce de Paris, qui a statué, le 23 février 2006, comme ci-dessus rappelé, retenant qu'il n'y avait pas de relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce et qu'il n'y avait pas eu non plus de rupture brutale et fautive des relations entre les parties;

Considérant que la société Algos Network, tout en soutenant que l'article L. 442-6 du Code de commerce ne donne aucune indication sur la durée de la relation commerciale établie, évoque 18 mois de relations, dont 14 poursuivies de façon constante et progressive avec une commune intention des parties de les voir se développer, et ajoute que si la société Nextiraone souhaitait interrompre les relations commerciales, elle devait respecter le formalisme édicté par l'article précité, afin de lui permettre de préparer sa reconversion, et qu'eu égard aux usages commerciaux, un préavis au moins égal à 6 mois était nécessaire ; qu'elle indique que la moyenne mensuelle des commandes est passée de 70 000 euro au cours de la période d'août à octobre 2004 à 16 000 euro pour la période de novembre 2004 à janvier 2005, et invoque une situation de dépendance économique (75 % de son chiffre d'affaires entre août 2003 et novembre 2004 réalisé avec l'intimée) ; que son préjudice consécutif à l'absence de préavis et qui a augmenté depuis la saisine du tribunal de commerce (sa situation comptable en septembre 2005 laissant apparaître une perte de 174 261 euro directement consécutive à la rupture brutale des relations commerciales) doit être fixé à 132 892 euro HT, somme à laquelle doit s'ajouter le remboursement des investissements spécifiques nécessaires à la gestion des commandes passées par la société Nextiraone non déduits de la marge brute;

Mais considérant que l'accord-cadre du 2 juin 2004 ne comporte aucun engagement de volume de commandes et que la société Algos Network ne bénéficiait pas en tant que fournisseur d'une exclusivité ; que l'accord-cadre ne s'inscrit dans aucune durée; que, par ailleurs, le dirigeant de la société Algos Network savait que la société Nextiraone pouvait recourir à des appels d'offres, pour avoir souscrit à l'un d'entre eux ; que la mise en compétition avec des concurrents, dans le cadre d'un appel d'offres, prive les relations commerciales de toute permanence garantie et les place dans une perspective de précarité ; que la société Algos Network n'ignorait donc pas que la pérennité de sa relation avec la société Nextiraone n'était pas assurée;

Qu'ensuite, la société Algos Network ne démontre pas que les investissements qu'elle allègue (signature d'un bail pour agrandir la surface de ses locaux, appel aux services d'une société d'affacturage pour le suivi spécifique des factures de la société Nextiraone ou mise en place d'une procédure commerciale particulière pour permettre la traçabilité des composants des marchandises livrées à cette société) aient été exigés par la société Nextiraone dans le cadre d'une collaboration étroite et suivie ; qu'à cet égard, dans sa lettre du 10 décembre 2004, la société Nextiraone, ne fait que l'inviter à poursuivre ses efforts pour remédier aux importants retards de livraison dénoncés dans un précédent courrier du 23 juillet 2004 et ne l'incite nullement à engager ou à poursuivre des investissements qui auraient été nécessaires au développement de leur relation;

Qu'elle n'établit pas non plus qu'il y aurait eu une volonté de la part de la société Nextiraone de la placer dans une situation de dépendance économique, dans la mesure où cette société faisait jouer la concurrence entre les fournisseurs en recourant à des appels d'offres, et qu'elle l'a avertie dès le mois de juin 2004 qu'elle n'avait pas été retenue dans le cadre de cette procédure ; que la société Nextiraone n'a donc pas commis de faute en passant toutes ses commandes chez le fournisseur européen qu'elle avait retenu à compter de septembre 2004;

Qu'ainsi, la société Algos Network ne prouve pas avoir entretenu une relation commerciale établie, c'est-à-dire constante, régulière et durable, manifestée par une étroitesse de la collaboration entre les partenaires et une intensité de la relation sur le plan économique, au sens de l'article L. 442-6 I 5° Code de commerce, avec la société Nextiraone;

Qu'il convient, en conséquence, de débouter la société Algos Network de ses demandes et de confirmer le jugement;

Considérant que l'équité commande en appel de condamner la société Algos Network à payer à la société Nextiraone une indemnité de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter sa demande;

Par ces motifs, LA COUR, Donne acte à la société Algos Network de son changement de forme sociale en société anonyme, au capital de 261 250 euro, dont le siège social est situé, 19, avenue des Indes La Ferme de Courtaboeuf Les Ulis, 91969 Courtaboeuf, immatriculée au RCS de Evry, sous le n° 449 638 436, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Condamne la société Algos Network à payer en appel à la société Nextiraone France la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Algos Network de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Algos Network aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.