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Décisions

CA Riom, ch. com., 18 novembre 2009, n° 08-02936

RIOM

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Auvergne Limousin Export (SARL)

Défendeur :

Calzados Fal (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bressoulaly

Conseillers :

M. Despierres, Mme Javion

Avoués :

Me Gutton-Perrin, SCP Goutet-Arnaud

Avocats :

Mes Nicolaï, Gondran de Robert, SCP Collet-de Rocquigny-Chantelot-Romenville, Associés

T. com. Riom, du 25 nov. 2008

25 novembre 2008

Faits, procédure et prétentions des parties;

Suivant contrat du 20 novembre 2000, la société espagnole Calzados a confié à la société Alex une mission d'agent commercial portant sur la commercialisation en France des chaussures de chasse et de randonnée qu'elle fabrique sous la marque Chiruca auprès des coopératives agricoles et détaillants, et sur la Belgique et l'Allemagne, la commercialisation des chaussures de chasse, auprès des centrales d'achat et détaillants, pour une durée de 3 ans prorogeable par tacite reconduction.

Par un second contrat du 2 janvier 2004, la société Calzados a confié à la société Alex, pour une durée de 5 ans prorogeable par tacite reconduction, la commercialisation de la gamme chasse en France, auprès des coopératives agricoles, centrales d'achat, détaillants de chasse, en Belgique, auprès des centrales d'achat et détaillants de chasse, en Allemagne, auprès des centrales d'achat.

Les relations entre les parties se sont détériorées à partir de l'été 2005 et ont totalement cessé fin mars-début avril 2006. Imputant à la société Calzados l'origine de la rupture, la société Alex a demandé en justice l'indemnisation de ses préjudices.

Par un premier jugement du 27 février 2007 rendu en réputé contradictoire, le Tribunal de commerce de Riom a fait droit à ses demandes et condamné la société Calzados à lui payer diverses indemnités pour un montant total de 177 399 euro, laquelle en a interjeté appel le 11 avril 2007. Cette procédure, qui a été radiée le 10 janvier 2008, a été réinscrite au rôle le 17 février 2009.

Par un second jugement du 25 novembre 2008 rendu en contradictoire, le Tribunal de commerce de Riom, statuant sur le même litige, a cette fois débouté la société Alex de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Calzados la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. La société Alex a interjeté appel de cette décision le 26 décembre 2008.

Les deux procédures ont été jointes le 12 mars 2009.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 14 septembre 2009, la société Alex reprend ses demandes initiales en paiement d'indemnités de préavis (9 277,38 euro), de compensation de chiffre d'affaires (111 328,49 euro), de perte de reconduction du contrat (55 664,25 euro), de remboursement des collections textiles (1 129,29 euro) et des commissions encore dues (mémoire).

Elle reproche à son mandant d'avoir modifié unilatéralement les modalités d'exécution du contrat et cherché à l'éliminer pour éviter un intermédiaire coûteux en utilisant diverses manœuvres et en l'incitant à donner sa démission.

Dans ses conclusions signifiées le 11 mai 2009, la société Calzados demande d'annuler le premier jugement, de confirmer le second, et subsidiairement de réduire le montant des indemnités à de plus justes proportions.

Elle soutient qu'Alex a unilatéralement et sans préavis décidé de cesser de travailler avec elle, en n'assurant plus la commercialisation de ses produits dès la fin du mois de mars 2006, la mettant ainsi en grande difficulté, la rupture étant intervenue au surplus en pleine campagne de vente de la collection chasse.

Motifs:

Sur la demande de nullité du jugement du 27 février 2007:

Attendu que la société Calzados indique qu'elle n'a jamais reçu l'assignation d'octobre 2006 à comparaître devant le Tribunal de commerce de Riom;

Qu'il résulte des pièces produites par la société Alex que cette assignation a été délivrée à domicile mais sans traduction un espagnol nuisant ainsi gravement aux droits de la défense;

Attendu qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande de nullité du premier jugement;

Sur l'imputabilité de la rupture du contrat d'agent commercial:

Attendu que par mail du 16 mars 2006, la société Calzados a informé le dirigeant de la société Alex, M. Lopez, des plaintes formulées auprès d'elle par plusieurs clients et s'est par ailleurs étonnée de son absence au salon de la chasse IWA ; Que constatant le manque d'intérêt de son agent commercial, elle a formulé les interrogations suivantes : "Si Chiruca ne t'intéresse pas, pourquoi ne le dis-tu pas simplement et ne nous quittes-tu pas ? Ce serait plus facile, n'es-tu pas d'accord ? ... Il y a peut-être d'autres entreprises qui te comprennent davantage et qui te comprennent mieux. Nous savons que tu as contacté d'autres entreprises, parmi lesquelles des entreprises de chaussure, pour offrir des bottes en caoutchouc à Décathlon. Ce "dérapage" pourrait être considéré comme une faute grave eu égard au contrat qui nous lie. Veux-tu vraiment en arriver là ? Pourquoi ne pas assumer et partir la tête haute ? Ne serait-ce pas plus facile pour tout le monde ? Si tu n'es pas content, pourquoi continuer à supporter toutes ces disputes, etc ? Je te demande, s'il te plaît, de répondre par écrit à tout ce qui précède. Je veux que tu me dises si tu souhaites continuer ou non. Mais, dans l'affirmative, tu devras te conformer aux règles de l'entreprise et bien t'occuper des clients. Dans le cas contraire, il est inutile que tu poursuives cette représentation désastreuse de la marque Chiruca";

Qu'en réponse, la société Alex a envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mars 2006 dans laquelle elle s'insurge contre les affirmations adverses, déclarant au contraire avoir toujours fait loyalement un bon travail avec des bons résultats et d'excellentes relations commerciales avec sa clientèle ; Qu'elle reproche à Calzados de lui mettre sans cesse des entraves dans son travail et de passer outre leurs accords contractuels, à savoir rupture du contrat sur l'Allemagne, visite de ses clients sans l'avertir préalablement, rétention sur ses commissions des collections textile, augmentation des tarifs 2006 de manière importante, refus d'élaborer des tarifs particuliers pour des clients nommés au contrat, tentative de modification en réduisant les taux de commissions contractuels, mail de la veille qu'elle qualifie de pernicieux, mauvais service et livraisons auprès des clients, annulations de commandes; Qu'au regard de ces conditions de travail, elle considère que la société Calzados a pris l'initiative de résilier le contrat, en prend acte, et lui réclame le paiement de ses diverses indemnités qu'elle estime à la somme de 146 611,84 euro sous réserve de toute indemnité complémentaire;

Que par courrier du 3 avril 2006, la société Calzados a contesté les griefs qui lui étaient reprochés, et précisé que de son côté le contrat restait eu vigueur, sauf si Alex ne souhaitait pas continuer travailler avec elle, ce qu'elle déduira de l'absence de réponse aux commandes des clients dans un délai non prorogeable de 10 jours à compter de la réception dudit courrier;

Que dans un dernier courrier du 14 avril 2006, M. Lopez constate que Calzados lui impose une rupture pure et simple, et se considère ainsi délié de tous engagements pour l'avenir avec toute latitude pour répondre à toute sollicitation du marché pour le futur;

Attendu qu'il résulte de ces échanges que chacune des parties ne souhaite plus travailler ensemble, sans toutefois prendre clairement la responsabilité de la rupture au regard des conséquences financières en résultant; Qu'il est cependant acquis que dès son courrier du 17 mars 2006, la société Alex a cessé de travailler pour Calzados, ce qui est confirmé par des mails de clients;

Qu'ainsi, pour prétendre aux indemnités sollicitées, la société Alex doit établir que sa démission n'est pas volontaire, sa décision résultant d'un manquement grave de Calzados à ses obligations contractuelles;

Attendu que pour ce faire, elle invoque l'installation par Calzados d'un nouvel agent en Allemagne malgré ses protestations et la façon brutale dont cela lui a été imposé dans un courriel du 19 janvier 2006 l'informant que "le marché allemand a été donné à un nouvel agent. Point. Il n'y a pas à discuter. Point";

Qu'il convient cependant de rappeler que ce mail est intervenu en phase finale de discussions au cours desquelles la société Calzados avait proposé à Alex en compensation de la perte des 6 détaillants allemands représentant des ventes totales de 227 paires, les clients français d'un M. Coustillon partant à la retraite représentant 213 paires, tel que cela résulte de son mail du 5 janvier 2004 ; Que cette personne étant un sous-agent, M. Lopez a relevé que sa cessation d'activité impliquait un retour à la normale du démarchage, du suivi clients et du commissionnement au profit d'Alex; Que toutefois, il n'en demeure pas moins que la société Calzados était libre de confier le marché des détaillants allemands à un autre agent, le contrat de janvier 2004, contrairement à celui de novembre 2000 ne prévoyant pas d'exclusivité pour ce type de clients, dès lors qu'il était limité aux centrales d'achat ; Qu'au regard du professionnalisme des parties, ce retrait par rapport au contrat précédent ne peut être considéré comme une simple omission matérielle ; Qu'il ne peut donc être retenu une faute contractuelle de la société Calzados à ce sujet et ce d'autant plus qu'elle a pu légitimement souhaiter modifier sa stratégie sur le secteur allemand, aucune vente n'étant intervenue en 2005 pour les 9 autres clients d'Alex;

Que l'appelante reproche également à la société Calzados d'avoir pris des contacts directement auprès de ses clients sans l'avoir avertie préalablement et d'avoir en outre détourné des marchés qu'elle avait obtenus ; Qu'elle cite ainsi l'entreprise Manucentre d'Aurillac pour laquelle elle avait obtenu une commande de 280 paires début 2006, laquelle a été annulée, les délais de livraison ne pouvant être respectés d'après Calzados alors qu'il s'agissait selon elle d'un problème vraisemblablement imaginaire; Que par la suite, la société Calzados a proposé directement à Manufrance d'autres chaussures avec des tarifs à la baisse;

Qu'il n'est cependant pas démontré que le retard de livraison de certaines chaussures ait été un prétexte fallacieux pour écarter Alex et proposer en remplacement des chaussures de marche pour garder le client; Que l'exclusivité de la société Alex ne portant plus depuis le second contrat que sur les chaussures de chasse, il ne peut être reproché à Calzados d'avoir vendu des chaussures de randonnées;

Que par ailleurs, Calzados conteste vivement avoir contacté directement les clients d'Alex sans l'avoir avisée préalablement; Qu'aucune preuve n'est rapportée à ce sujet que ce soit dans un sens ou dans un autre, les parties se contentant chacune du formuler des affirmations contraires;

Que l'augmentation des tarifs en 2006, revue à la baisse en 2007, peut être expliquée par d'autres raisons qu'une manœuvre frauduleuse destinée à faire partir la société Alex, laquelle n'est aucunement démontrée;

Que les autres griefs mentionnés dans le courrier du 17 mars 2006 n'ont pas été repris devant la cour, à l'exception de celui relatif à la rétention su les commissions textile ;

Que la société Calzados a déduit unilatéralement de ses commissions des 2e et 4e trimestres 2005 une somme totale de 1 129,29 euro correspondant aux frais d'envoi à Alex des collections textiles, contrairement aux années précédentes ; Que pour justifier ce prélèvement, elle invoque l'article 9 du contrat sur l'échantillonnage, alors que celui-ci ne s'applique qu'aux frais engagés en cas de refus de restitution par l'agent à l'expiration d'un délai d'un mois après la demande du directeur, ce qui ne correspond pas à la situation litigieuse;

Attendu que si la société Calzados n'a effectivement pas respecté ses obligations contractuelles sur le problème des échantillons, ce seul manquement ne peut être retenu comme suffisamment grave au regard de son montant pour justifier une rupture du contrat;

Que le tribunal de commerce a ainsi justement retenu, en application de l'article 11 du contrat, que la société Alex ne pouvait prétendre à des indemnités au titre de sa résiliation anticipée, celle-ci étant intervenue par démission volontaire de sa part, sans respect du préavis de 3 mois. Que le jugement sera en conséquence confirmé sur les rejets des demandes d'indemnité;

Qu'il sera par contre infirmé sur le rejet de la demande relative au remboursement des sommes indûment prélevées au titre des échantillons;

Attendu que les prétentions de la société Alex de 177 399 euro n'étant finalement retenues qu'à hauteur de la somme de 1 129,29 euro, les dépens seront laissés intégralement à sa charge ; Qu'il ne sera par contre pas fait application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré, Annule le jugement du Tribunal de commerce de Riom du 27 février 2007. Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Riom du 25 novembre 2008 en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Alex relatives aux indemnités de rupture du contrat d'agent commercial. L'infirme sur le rejet de la demande relative au remboursement des collections textiles et l'article 700 du Code de procédure civile. Statuant à nouveau sur cette disposition, Condamne la société Calzados à payer à la société Alex la somme de 1 129,29 euro. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Alex aux dépens et dit qu'il sera fait application de l'article 699 du Code de procédure civile.