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Décisions

CA Dijon, ch. soc., 12 mars 2009, n° 08-00545

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Centrale des Artisans Coiffeurs (Sté)

Défendeur :

Alves, Assedic Franche-Comté Bourgogne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roux

Conseillers :

MM. Hoyet, Vignard

Avocats :

Mes Eckert, Meunier

Cons. prud'h. Mâcon, du 23 juin 2008

23 juin 2008

Monsieur Alves a été embauché par la société Centrale des Artisans Coiffeurs (CAC) le 24 août 1998 en qualité de VRP exclusif.

Il a été licencié pour faute grave par lettre du 29 décembre 2005.

Contestant le motif de son licenciement il a saisi le Conseil de prud'hommes de Mâcon lequel, par jugement du 23 juin 2008 a dit que son licenciement ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse de licenciement et a condamné la société CAC à lui payer les sommes suivantes:

- 13 800 euro à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 300 euro au titre de la mise à pied conservatoire et 230 euro au titre des congés payés afférents,

- 6 900 euro au titre de l'indemnité de préavis et 690 euro au titre des congés payés afférents,

- 27 600 euro à titre d'indemnité de clientèle.

La société CAC a été déboutée de sa demande reconventionnelle et condamnée à verser 750 euro à Monsieur Alves au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Centrale des Artisans Coiffeurs a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses écritures reprises à l'audience elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter Monsieur Alves de toutes ses demandes et, à titre reconventionnel, de condamner Monsieur Alves à lui payer la somme de 14 507,37 euro outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2007.

Par conclusions également reprises à l'audience Monsieur Alves demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf à porter à 27 600 euro le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à 55 200 euro la somme due au titre de l'indemnité de clientèle.

Il sollicite une somme de 750 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par lettre du 19 septembre 2008 l'Assedic Franche-Comté Bourgogne demande à la cour de condamner la société coopérative CAC à lui rembourser la somme de 8 206,06 euro au titre des indemnités de chômage versées à Monsieur Alves dans la limite de six mois.

Motifs de la décision

Sur le licenciement

Attendu que Monsieur Alves a été licencié pour faute grave par lettre du 29 décembre 2005 ainsi libellée:

"Nous faisons suite à l'entretien du 12 décembre 2005 au cours duquel nous vous avons fait part des griefs que nous étions amenés à formuler à votre encontre, et sur les quels vous n'avez formulé aucun élément.

Les éléments en notre possession ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits qui vous sont reprochés.

Nous vous rappelons que ceux-ci se rapportent aux agissements suivants :

* Le mercredi 23 novembre 2005, en début de soirée, vous avez déclaré lors d'un énième appel téléphonique de votre part que vous alliez "prendre votre voiture, venir à Sey-Chazelles et être à l'origine d'un fait divers très grave (sic)". Le fait que vous ayez déjà dit haut et fort que vous êtes du genre à passer à l'acte nous fait prendre vos menaces très au sérieux.

Le caractère délibéré de vos propos et le danger réel que représentent vos menaces graves nous amènent à prononcer votre licenciement pour faute grave, qui prendra effet à la date de première présentation de cette lettre.

Nous vous adresserons dans les prochains jours votre bulletin de paie et votre certificat de travail, ainsi que l'attestation destinée à l'Assedic.

Nous vous confirmons également nos propos concernant votre courrier insidieux daté du 30 novembre 2005 et qui se résument à: tout ce que nous avons pu vous dire depuis un an environ, n'a été que la réponse et la réaction de notre part à vos sempiternelles demandes d'obtention de licenciement illégitime.

Enfin, nous vous informons que nous avons décidé de vous appliquer la clause de non-concurrence pour une période de six mois qui expira le 30 juin 2006. Vous bénéficierez mensuellement de la contrepartie financière correspondante" ;

Attendu que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

Qu'il appartient à l'employeur de la prouver;

Attendu que sont versées aux débats plusieurs attestations;

Que Madame Beausoleil n'a pas été témoin de la conversation téléphonique du 23 novembre 2005;

Que ni Monsieur Jouffroy, ni Monsieur Brice qui se bornent à émettre des propos critiques sur Monsieur Alves ne font référence à l'incident du 23 novembre 2005;

Que Monsieur Paquier fait seulement état d'une insulte proférée à son encontre par Monsieur Alves;

Que Madame Delalande déclare avoir entendu Monsieur Alves dire qu'il souhaitait quitter la société coopérative CAC;

Que Madame Texier indique que Monsieur Alves se plaignait de l'insuffisance de sa rémunération et qu'il tenait des propos critiques sur la société qui l'employait;

Que Madame Chambard rapporte un incident postérieur au licenciement;

Attendu que les déclarations de ces attestataires n'ont aucune valeur probante, aucun d'eux ne relatant le fait reproché à Monsieur Alves dans la lettre de licenciement;

Attendu que l'attestation de Monsieur Hamann qui était directeur commercial au moment du licenciement, qui a représenté la société lors de l'entretien préalable au licenciement et qui est actuellement directeur général de la société coopérative CAC doit être écartée des débats, son auteur ne remplissant pas les conditions d'objectivité requises;

Que de la même manière, les attestations de Monsieur Renard, directeur régional de la société coopérative, de Monsieur Libotte, directeur général au moment du licenciement et signataire de la convocation à l'entretien préalable et de Monsieur Schmitt, directeur régional et responsable de l'agence de Mulhouse n'ont aucune valeur probante compte tenu de l'implication de leurs auteurs dans la société ; qu'ils n'ont en toute hypothèse, pas été témoins des propos reprochés à Monsieur Alves;

Attendu qui force est de constater qu'il n'est établi par aucun document probant la réalité des propos reprochés à Monsieur Alves à l'appui de son licenciement;

Que par suite son licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse de licenciement;

Attendu que ce licenciement a causé à Monsieur Alves un préjudice, notamment moral, que la cour, au vu des pièces versées aux débats, fixe à la somme 18 400 euro;

Attendu que les montants de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents tels que fixés par les premiers juges, qui n'ont pas été critiqués par la société CAC doivent être confirmés ainsi que la somme allouée à Monsieur Alves au titre de la mise à pied conservatoire;

Sur l'indemnité de clientèle

Attendu que selon les dispositions de l'article L. 751-9 du Code du travail recodifié L. 7313-13, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, le représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui;

Attendu que les documents versés aux débats font apparaître que le chiffre d'affaires réalisé par Monsieur Alves a régulièrement augmenté durant ses six années de présence au sein de la société;

Qu'ainsi ce chiffre d'affaires qui était de 257 269,66 euro en 1999 est passé à 302 240,21 euro en 2000 puis à 452 702,75 euro en 2001, à 559 742,46 euro en 2002, à 528 308,73 euro en 2003 et à 588 906,20 euro en 2004, ce qui représente une augmentation de 129 % en six années;

Que la constance et la régularité de cette progression établissent le développement de la clientèle par Monsieur Alves, peu important que la société soit une société coopérative dès lors qu'il n'est pas justifié que la vente des produits ait été réservée aux seuls adhérents et qu'en toute hypothèse il appartenait également aux commerciaux d'augmenter le nombre des adhérents ainsi que le nombre des ventes qui leur étaient faites;

Attendu que le préjudice résultant pour Monsieur Alves de la perte de cette clientèle qu'il a développée de manière très importante a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 27 600 euro qui doit être confirmée;

Sur la demande reconventionnelle de la société CAC

Attendu que la société CAC fait valoir que Monsieur Alves a, de 1999 à 2005, perçu des avances sur commissions pour un montant de 15 584,39 euro qui n'ont pas fait l'objet de régularisation à hauteur de 14 502,37 euro;

Attendu que le contrat de travail de Monsieur Alves prévoyait, en ses articles 6 et 7 que celui-ci aurait droit à une commission sur toutes les commandes, directes ou indirectes facturées et que le montant de la commission serait calculé sur la base du montant net facturé au client et versé le 6 du mois suivant;

Qu'il était prévu à l'article 8 du contrat que le droit aux commissions était subordonné à la réalisation des conditions postérieures à la prise d'ordre, suivant acceptation de l'ordre par la CAC et encaissement du prix dans un délai maximum de 90 jours fin de mois sauf convention écrite contraire lors de la prise d'ordre;

Qu'ainsi la société CAC qui fait valoir que des commissions qui ont fait l'objet d'avances doivent être remboursées, doit, au vu des dispositions de l'article 8 susvisé, établir qu'elles n'étaient pas dues;

Or attendu qu'elle ne verse sur ce point aucun document et ne fournit au surplus aucune explication sur les motifs pour lesquels elle n'aurait pas effectué les régularisations au fur et à mesure;

Que par suite, elle doit être déboutée de sa demande reconventionnelle;

Attendu que par application de l'article L. 122-14-4 § 2 du Code du travail recodifié L. 1235-4 la société CAC doit être condamnée à payer à l'Assedic Franche-Comté Bourgogne la somme de 8 206,06 euro correspondant au montant des indemnités Assedic versées à Monsieur Alves dans la limite de six mois;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme partiellement le jugement déféré, Dit que le licenciement de Monsieur Alves ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse de licenciement, Condamne la société coopérative Centrale des artisans coiffeurs à payer à Monsieur Alves les sommes suivantes : - 18 400 euro à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 2 300 euro au titre de la mise à pied conservatoire, - 6 900 euro et 690 euro au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, Condamne la société coopérative Centrale des artisans coiffeurs à payer à Monsieur Alves la somme de 27 600 euro au titre de l'indemnité de clientèle, Déboute la société coopérative Centrale des artisans coiffeurs de sa demande reconventionnelle, Condamne la société coopérative Centrale des artisans coiffeurs à payer à l'Assedic Franche-Comté Bourgogne la somme de 8 206,06 euro, Condamne la société coopérative Centrale des artisans coiffeurs à payer à Monsieur Alves la somme de 1 000 euro au titre de ses frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel, Condamne la société coopérative Centrale des artisans coiffeurs aux dépens.