CA Douai, ch. soc., 29 mai 2009, n° 09-00318
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Selarl Duquesnoy (ès qual.), Giausseran
Défendeur :
Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Basset
Conseillers :
MM. Mouysset, Petit
Avocats :
Mes Bellet, Peignard
Madame Giausseran a souscrit le 15 mars 1999 un contrat de franchise avec la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à effet au 12 octobre 1998 pour une durée de 5 ans renouvelable d'année en année et, immatriculée au registre du commerce et des sociétés, a exploité dans ce cadre le centre de beauté Yves Rocher, situé à Carvin, 12 rue Edouard Plachez.
Alors que Madame Giausseran était confrontée à d'importantes difficultés de trésorerie, la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 mars 2003, lui a notifié son refus de renouveler le contrat, de sorte qu'il devait venir à expiration le 11 octobre 2003.
Sur déclaration de cessation des paiements, le Tribunal de commerce de Béthune a, par jugement du 20 février 2004, prononcé la liquidation judiciaire de Madame Giausseran, et la Selarl Duquesnoy désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Saisi le 21 janvier 2005 par Madame Giausseran aux fins de paiement par la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher de rappels de salaires, d'heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités de fin de contrat, et ce par application de l'article L. 781-1 du Code du travail, le Conseil des prud'hommes de Lens, par jugement du 24 juin 2008, s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Vannes.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 juin 2008, Madame Giausseran a formé contredit à l'encontre de cette décision.
Estimant qu'elle remplissait les conditions cumulatives posées par l'article L. 781-1 pour obtenir le bénéfice des dispositions du Code du travail, qu'elle exerçait pour profession essentiellement la vente des produits Yves Rocher, dans un local fourni et agréé par le franchiseur, aux conditions et aux prix fixés par celui-ci, que de surcroît, les relations contractuelles se caractérisaient par l'existence d'un lien juridique de subordination envers la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, elle prie la cour de:
- constater que l'activité était en fait exercée personnellement par Madame Giausseran,
- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher et déclarer le Conseil des prud'hommes de Lens compétent,
- débouter la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher de ses demandes,
- dire qu'elle réunissait les conditions posées par les articles L. 781-1 et L. 121-1 du Code du travail,
- en conséquence requalifier le contrat de franchise en contrat de travail et renvoyer les parties devant le Conseil des prud'hommes de Lens, seul habilité à statuer sur les demandes financières formées par la Selarl Duquesnoy, ès qualité,
- condamner la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à lui payer la somme de 7 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
La société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, par conclusions déposées le 26 mars 2009 développées à l'audience, conclut à la confirmation du jugement et demande condamnation de Madame Giausseran à lui payer les sommes de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour contredit abusif, et 5 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées par Madame Giausseran le 24 mars 2009 et soutenues à l'audience, vu les conclusions déposées le 26 mars 2009 par la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher et soutenues à l'audience,
Vu l'article 455 du Code de procédure civile,
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 511-1 devenu l'article L. 1411-1 du Code du travail, les conseils des prud'hommes sont seuls compétents pour connaître des différends qui s'élèvent à l'occasion du contrat de travail.
Par ailleurs, l'article L. 781-1 alinéa 2 devenu les articles 7321-2 alinéa 2 et 7321-3 du Code du travail, étend les dispositions du Code du travail aux personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toute sorte qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise.
La preuve en incombe au travailleur qui s'en prévaut.
La société Yves Rocher fait valoir en premier lieu que le contrat de franchise a toujours reçu exécution comme tel et que Madame Giausseran, devant le Tribunal de commerce de Béthune, a conclu en reconnaissant expressément sa qualité de franchisée, et à son cocontractant la qualité de franchiseur, que les dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail sont dès lors inapplicables.
Mais les dispositions de l'article L. 781-1 visent les personnes faisant profession de vendre les produits fournis par une entreprise et qui exécutent dans ce cadre le contrat qui les lie à l'entreprise. Par ailleurs, les déclarations de Madame Giausseran devant le tribunal de commerce relatives à l'exécution du contrat de franchise, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, ne manifestent pas la renonciation claire et non équivoque de l'intéressée au bénéfice desdites dispositions.
Toutefois, il incombe à Madame Giausseran, pour y prétendre, de démontrer cumulativement :
- qu'elle a pour profession essentielle la vente de marchandises fournies exclusivement ou presqu'exclusivement par la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher,
- qu'elle exerce sa profession dans un local fourni ou agréé par ladite société,
- que les conditions et prix de ventes sont imposés par la société Yves Rocher,
* La condition tirée de l'exercice de la profession essentielle de vente de marchandises fournies exclusivement par la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher.
L'intimée fait valoir que l'activité de soins dont Madame Giausseran fixait librement le prix, dispensée au sein du centre et distincte de la vente de produits de beauté, générait une marge beaucoup plus élevée et représentait une part significative des revenus professionnels. Ainsi, les soins avaient progressé de manière telle qu'en 2002, ils représentaient dans le résultat, 62,73 % de la marge, et plus de 37 % du chiffre d'affaires. La société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher estime en conséquence que l'activité de vente n'était pas essentielle.
En réponse, Madame Giausseran rappelle qu'elle n'exerçait que les deux seules activités prévues au contrat, vente de produits et soins, qu'en aucun cas elle n'avait d'activité complémentaire, autonome et plus rentable, ce dernier critère n'étant au demeurant pas déterminant pour l'application de l'article L. 781-1 du Code du travail. La notion de vente implique d'ailleurs la seule prise en considération du chiffre d'affaires, peu important la marge dégagée, laquelle résulte directement de la politique commerciale décidée par le franchiseur. Au surplus, les soins étant dispensés par des esthéticiennes, il en résulte d'une part que la profession effective de Madame Giausseran à titre personnel était bien la vente, d'autre part, que les coûts salariaux représentaient une part importante de la marge réalisée par les soins.
Il est constant, et l'intimée l'évoque elle-même aux termes de ses écritures, que les dispositions de l'article L. 781-1 alinéa 2 du Code du travail ont pour finalité de permettre l'application aux personnes pratiquant la vente, et placées sous la dépendance économique d'un fournisseur, des dispositions du Code du travail. Dans ce cadre, la notion d'activité annexe en parallèle de celle considérée dans le cadre du litige, doit être interprétée comme celle exercée de manière autonome, susceptible de générer des recettes indépendantes.
En l'espèce, en préambule du contrat de franchise, étant rappelé que Madame Giausseran s'était engagée à consacrer toute son activité à l'exploitation et à la direction effective de son centre, il est mentionné que "Yves Rocher a pour activité principale de fabriquer et de commercialiser des produits de beauté et des soins esthétiques. Yves Rocher détient un savoir-faire dans la conception et la commercialisation des produits et des soins esthétiques Yves Rocher, notamment quant à l'aménagement du magasin, les techniques de promotion et les services offerts à la clientèle".
L'article 1er stipule que "Yves Rocher concède à la franchisée le droit d'utiliser la franchise (c'est-à-dire d'utiliser les signes distinctifs et le savoir-faire appartenant à Yves Rocher) pour la commercialisation des produits Yves Rocher et des soins esthétiques conçus par Yves Rocher."
L'article 4.3.1 contient l'engagement de l'entreprise d'organiser un stage de formation ayant pour objet notamment de préciser les modalités d'exploitation et de direction d'un centre de beauté, la connaissance des produits, la connaissance des techniques de soins esthétiques, la qualité d'accueil et le niveau de service à la clientèle".
De même, les conseillères esthéticiennes engagées par la franchisée ont obligation de suivre un stage de formation ayant pour objet de les former à la vente des produits ainsi qu'à la pratique des soins esthétiques conformes aux normes Yves Rocher.
Enfin, selon l'article 4.4.1, Yves Rocher s'engage à communiquer régulièrement son savoir-faire au moyen de documents concernant notamment la nature, la qualité et les méthodes des soins esthétiques donnés à la clientèle du centre de beauté.
Il résulte ainsi du contrat que l'activité de soins, présentée comme un produit Yves Rocher et commercialisée au même titre que les produits de beauté comme nécessitant la mise en œuvre de techniques spécifiques propres à Yves Rocher, ne peut en être dissociée et que le tout forme un ensemble destiné à la vente, qu'il ne peut s'agir en aucun cas, comme le souligne à juste titre Madame Giausseran, d'une activité autonome, donnant au franchisé un certain degré d'indépendance par rapport à l'entreprise dans l'exploitation du salon.
Au surplus, l'article 1 du contrat spécifie que dans le local, sous l'enseigne Yves Rocher, "l'activité principale de vente de produits Yves Rocher s'accompagne de prestations de soins esthétiques répondant aux normes Yves Rocher".
Il en résulte d'une part que, dans les faits, Madame Giausseran ne tirait d'aucune activité annexe un revenu permettant de considérer comme non essentielle son activité de vente, d'autre part que dans l'esprit même des parties, cette activité demeurait essentielle.
De surcroît, l'article L. 781-1 ne distinguant pas entre les différents éléments du chiffre d'affaires, celui de Madame Giausseran montre qu'à l'évidence l'activité vente, en volume, excédait considérablement celle des soins.
Il sera noté à cet égard que si dans le chiffre d'affaires total réalisé en 2002, la part des soins est beaucoup plus importante que les années précédentes, c'est en raison de la forte dégradation des ventes, situation qui a abouti à la non-reconduction du contrat en 2003 et à la déclaration de cessation des paiements en 2004.
Il y a lieu en conséquence de considérer que Madame Giausseran exerçait bien à titre de profession essentielle la vente de produits fournis par la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher.
Pour répondre aux conditions de l'article L. 781-1, les produits vendus devaient par ailleurs être vendus exclusivement ou presque exclusivement par la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher.
Aux termes de l'article 4.9.8 du contrat, la franchisée s'interdisait de vendre d'autres produits que les produits Yves Rocher, d'effectuer d'autres soins esthétiques que ceux préconisés ou autorisés par Yves Rocher, caractérisant ainsi la condition d'exclusivité de fourniture.
Si comme le fait valoir la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, il était possible à la franchisée de vendre d'autres produits que ceux vendus par elle, il ne peut toutefois s'agir que de produits Yves Rocher, susceptibles d'être acquis seulement auprès de revendeurs à l'intérieur de l'Union européenne, n'étant nullement démontré par la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher qu'une telle possibilité présentât le moindre intérêt compte tenu des prix pratiqués par la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher au sein du réseau.
Au surplus, contrairement à ce qu'il soutient, l'article 4-12 ne donne pas la possibilité à Madame Giausseran de vendre des produits autres que les produits Yves Rocher. En effet, cette clause ne vise que la possibilité d'acquérir auprès de tout autre fournisseur, après agrément de la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, des produits ou accessoires indispensables à la réalisation des soins esthétiques ne figurant pas sur une annexe au contrat, au demeurant non communiquée.
Le caractère accessoire des soins selon le contrat, ainsi que la condition relative à l'approbation du franchiseur, rend inopérante une telle possibilité.
* Un local fourni ou agréé par la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher
Aux termes du contrat, le franchiseur définit le centre de beauté, qui doit répondre à diverses conditions tenant à la localisation, soit en rez-de-chaussée et s'ouvrant sur la rue, soit dans une galerie marchande.
S'il n'est nullement établi comme le souligne la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher que le franchiseur a fourni le local, il convient toutefois de relever qu'il le connaissait puisqu'un centre de beauté Yves Rocher y était précédemment exploité. Loin de se borner à accepter, comme elle le prétend, une situation préexistante, Yves Rocher faisait obligation à Madame Giausseran par contrat, d'exploiter le fonds dans l'immeuble situé à Carvin, 12 rue Edouard Plachez, et tout déplacement quelle qu'en soit la cause, dans un autre local, devait obtenir l'agrément d'Yves Rocher "qui contrôlera que les chances de réussite de la franchisée ne sont pas affectées".
Outre que le local devait adopter la dénomination "Centre de beauté Yves Rocher" à l'exclusion de tout autre, le franchiseur établissait lui-même à ses frais, les plans d'aménagement et d'implantation du mobilier, ainsi que l'enseigne, et imposait les équipements, seul le choix de l'entrepreneur étant laissé à Madame Giausseran;
Par ailleurs, préalablement à l'ouverture du centre de beauté, Yves Rocher devait avoir fait part de son approbation écrite des travaux et aménagements réalisés.
Il est ainsi démontré que le local faisait l'objet d'un agrément par le franchiseur, et que la condition relative au local posée par l'article L. 781-1 était remplie.
* Les conditions d'exploitation
La société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher justifie ses nombreuses recommandations par le respect des normes relatives à l'identité propre et à l'uniformité du réseau, ainsi que par sa valorisation. Elle soutient que le contrat laissait la franchisée autonome dans la gestion de son entreprise, dès lors qu'il n'y avait pas atteinte au savoir-faire développé par le franchiseur.
Elle fait valoir notamment que les jours et heures d'ouvertures étaient librement décidées par la franchisée, que le recrutement du personnel relevait du choix propre de l'intéressée, qu'enfin elle bénéficiait de toute liberté de gestion, et que, sur le plan commercial, elle pouvait tout à fait décider de campagnes publicitaires propres.
Mais force est de constater à la lecture du contrat et au vu des pièces tels que notes, ou courriels, guides, courriers, que le savoir-faire du franchiseur concernait tous les aspects de l'exploitation, jusque dans ses moindres détails.
C'est ainsi que la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher met à la disposition de la franchisée son savoir-faire sous forme de documents divers, dossiers, fiches techniques, cassettes, constituant la "bible du savoir-faire", ayant trait à la décoration, la présentation des produits, la qualité d'accueil et le niveau de service à la clientèle, les techniques de vente, les campagnes publicitaires et promotionnelles, la nature, la qualité et les méthodes des soins. Il lui impose également le système informatique, matériel et logiciel, conçu par lui.
Les articles 4-8, 4-9, 4-10 et 4-11 décrivent très précisément les normes et leurs évolutions, à respecter de façon très stricte, concernant la présentation du centre de beauté, sa direction, les campagnes promotionnelles, la qualité de service, la gestion, un tableau de bord trimestriel de l'activité étant adressé à la franchisée, assorti d'éléments de comparaison avec d'autres salons Yves Rocher.
Le respect de l'ensemble de ces prescriptions faisait l'objet de contrôles de la part du franchiseur, à qui Madame Giausseran s'engageait par ailleurs à communiquer sur demande, tout renseignement sur la situation commerciale et financière, et notamment les chiffres d'affaires relatifs à la vente des produits et soins esthétiques.
La franchisée avait également l'obligation de faire l'acquisition ou de s'équiper du matériel recommandé, la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher se réservant le droit d'en contrôler l'entretien.
De même, la société Yves Rocher fournissait Madame Giausseran en guides, guide de procédures, guide de recrutement et de gestion du personnel, guide des "bonnes pratiques" prodiguant de nombreuses directives, depuis la couleur de la peinture des murs, jusqu'aux conseils d'entretien des sols, tous éléments destinés à obtenir une parfaite uniformité dans la présentation des magasins, et soumis à contrôle.
Dans les faits, ainsi qu'en témoignent les courriels et lettres versés aux débats, les instructions étaient très nombreuses, poussant jusqu'à l'extrême le souci du détail, et portaient sur les aspects les plus divers de l'activité tels les éléments de signalétique, les opérations publicitaires, les clientes à relancer, toutes directives devant être scrupuleusement respectées.
Au surplus, Yves Rocher adressait directement à la clientèle de Madame Giausseran des mailings portant à sa connaissance les produits proposés par le salon de beauté.
Si par ailleurs, la lettre du contrat laisse à Madame Giausseran la liberté de décider des jours et heures d'ouverture, il est établi par celle-ci que la rédaction de la clause a permis à la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher d'intervenir auprès de l'un des membres du réseau qui avait fixé des dates de vacances au milieu du mois d'août sans que pour autant il soit seulement allégué que les dates de congés aient été susceptibles de porter préjudice à la bonne exécution du contrat de franchise, ni à l'image de marque du franchiseur.
Le libre choix de l'expert-comptable, présenté comme élément d'autonomie par la société Yves Rocher, n'est pas de nature, dans ces conditions, à lui donner la moindre marge d'initiative en matière de gestion, au regard des prescriptions du franchiseur et celui-ci peut difficilement soutenir ne pas soumettre Madame Giausseran à ses exigences relatives à l'exploitation de l'institut.
Dès lors, il y a lieu de constater que l'application des procédures inhérentes au savoir-faire, selon la thèse du franchiseur, aboutit à une uniformisation des conditions d'exploitation au sein du réseau, se traduisant par des directives très détaillées et un contrôle constant de leur mise en œuvre.
- Les conditions de prix
La société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher souligne qu'il n'existe pas de prix imposés, tous les catalogues rappelant qu'il s'agit de prix conseillés, et que sur les promotions, Madame Giausseran était toujours libre de pratiquer des prix inférieurs.
A cet égard, l'article 4-9-6 du contrat, relatif aux prix, stipule que "la franchisée déterminera librement le prix de vente des produits qu'elle distribue et des soins esthétiques qu'elle effectue". L'alinéa suivant précise "dans le cadre de son assistance, Yves Rocher communiquera régulièrement des prix maximum pour chaque produit et soin esthétique afin d'assurer l'homogénéité de la politique commerciale et le positionnement de l'image de marque".
Au surplus, l'article 4.12 relatif à l'approvisionnement prévoit que Yves Rocher s'engage à vendre à la franchisée les produits Yves Rocher avec une remise de 32 % sur les prix de vente unitaires hors taxes tels qu'ils ressortent des tarifs valant prix maximum conseillés figurant dans les livres verts de la beauté diffusés dans les centres de beauté et des tarifs de mise à jour.
Enfin, le livre vert diffusé toute les semaines, versé aux débats par l'intimée, comporte des directives telles que "nous vous informons qu'à compter du 21 septembre 1995, les prix conseillés de la majorité de nos références sont augmentés... nous vous rappelons à cette occasion que les prix conseillés sont indicatifs et que chaque magasin est libre de vendre à un prix inférieur."
Il en résulte que la franchisée ne pouvait dépasser le prix indiqué, et contrairement à ce que soutient la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, le prix des soins n'était pas plus libre que le prix des produits de beauté.
Par ailleurs, les nombreuses campagnes promotionnelles, dont les dates étaient unilatéralement fixées par le franchiseur, avec le matériel correspondant, affichettes déjà remplies, mailings à la clientèle, publication sur le site Internet, et autres outils de communication, mentionnant le prix soldé, avec référence au prix d'origine, décidant du taux de réduction des produits soldés, étaient de ce fait incompatibles avec une politique autonome de prix. Il n'est au surplus pas contesté par la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher que la faiblesse de la marge consentie ne leur donnait pas la possibilité effective de baisser les prix.
Il est ainsi démontré qu'il n'était laissé au franchisé aucune marge pour une politique commerciale propre.
Il y a lieu au vu de ces éléments de dire les dispositions du Code du travail applicables à la cause par application des dispositions de l'article L. 781-1 du même Code, et le contredit bien fondé.
Les parties sont renvoyées devant le Conseil des prud'hommes de Lens pour l'examen de la demande en paiement, étant précisé qu'il appartiendra à cette juridiction de se prononcer sur le bien-fondé de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, soulevée par la société Yves Rocher.
Les demandes reconventionnelles
L'intimée ayant succombé en cause d'appel sera déboutée de ses demandes reconventionnelles
Par ces motifs, LA COUR, infirme le jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Lens le 20 février 2004 en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Vannes; Statuant à nouveau; Dit que le Conseil des prud'hommes de Lens est compétent pour connaître des demandes formées par la Selarl Duquesnoy ès qualité de mandataire judiciaire de Madame Cécile Giausseran à l'encontre de la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher; Renvoie les parties devant cette juridiction pour qu'il soit statué sur les demandes, Déboute la société des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher de ses demandes reconventionnelles; Dit qu'il sera statué sur les demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens avec la décision au fond.