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Décisions

Cass. com., 27 avril 2011, n° 09-72.304

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Wedi GmbH (Sté)

Défendeur :

Sick

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

Me Bertrand, SCP Bénabent

T. com. Versailles, 3e ch., du 19 oct. 2…

19 octobre 2007

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Wedi GmbH que sur le pourvoi incident relevé par M. Sick ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de droit allemand Wedi GmbH (la société Wedi) a conclu avec M. Sick un contrat d'agent commercial le 23 novembre 1993 en vue de la prospection de sa clientèle française ; qu'à la suite de la réduction du secteur d'activité qui lui avait été confié, M. Sick a assigné la société Wedi, ainsi que sa filiale française, devant le tribunal de commerce, pour réclamer, en application de la loi française, certaines sommes, notamment à titre d'indemnité de cessation de contrat, indemnité de préavis et en complément du droit de suite ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal : - Attendu que la société Wedi fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le contrat d'agent commercial, ainsi que le litige relatif à sa résiliation, sont régis par la loi française et de l'avoir condamnée, en application de cette loi, à payer à M. Sick diverses sommes, alors, selon le moyen : 1°) qu'il résulte des termes clairs et précis de l'article 6 du contrat uniforme de commercialisation des produits Wedi en France du 23 novembre 1993 que "si aucune solution à l'amiable n'intervient, les parties contractantes peuvent décider de soumettre leurs différends à la commission d'arbitrage des agents commerciaux, le droit allemand étant applicable en dernier ressort" aux litiges entre les parties ; qu'il résulte clairement de ce texte que le droit allemand est applicable en dernier ressort à tous les litiges nés entre les parties au contrat ; que selon la cour d'appel le sens de cet article serait néanmoins incertain "dès lors qu'il peut être compris comme imposant l'application du droit allemand dans la seule hypothèse de la saisine de la commission d'arbitrage" (Arrêt page 10 § 4) ; qu'une telle lecture de cet article est pourtant non seulement contraire à son intitulé qui vise de manière générale tous les litiges sans distinguer entre ceux soumis à la commission d'arbitrage et au juge étatique, mais confine au non-sens ; qu'en effet, la commission d'arbitrage ne statue pas en dernier ressort dès lors qu'un recours ultérieur devant les juges étatiques n'a pas été expressément exclu ; qu'en conséquence, en refusant de faire application du droit allemand expressément choisi par les parties au motif que "le sens de cet article est incertain", la cour d'appel a interprété l'article 6 dont les termes clairs et précis n'autorisaient pourtant aucune interprétation, dénaturant ainsi cette clause en violation de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 et l'article 5 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 ; 2°) que les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ; que l'article 6 du contrat du 23 novembre 1993 précise qu' "en cas de litiges ... le droit allemand (est) applicable" tandis qu'en application de l'article 1 du même contrat le statut professionnel de l'agent commercial français est régi par les termes du décret du 23 décembre 1958 ; que comme le soulignait la société Wedi dans ses conclusions d'appel (conclusions page 18, § 4 et page 20, §§ 2 et 4), le décret du 1958 dans sa version applicable aux faits de l'espèce ne précisait que les obligations d'information de l'agent commercial et du mandant (Articles 1 à 3-1), l'obligation d'immatriculation de l'agent commercial (Articles 4 et 5), sa radiation (Articles 6 à 9), les informations qui doivent figurer sur les documents et correspondances de l'agent commercial (Article 10) et les différentes sanctions en cas de non-respect de ces obligations (Articles 11 et suivants) ; que ce texte, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, ne régissait en revanche aucunement les éventuels litiges pouvant naître entre les parties au moment de l'exécution ou la résiliation du contrat ; qu'il n'existe en conséquence aucune contradiction entre la désignation du droit français pour régir le statut de l'agent commercial français et le choix du droit allemand applicable aux litiges éventuels entre les parties au contrat ; qu'en refusant de tenir compte du choix par les parties de la loi applicable au motif que l'article 6 relatif aux " litiges " se trouverait contredite par la référence au décret de 1958 pour régir le statut professionnel de l'agent commercial, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 et l'article 5 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 ; 3°) que le décret n° 58-1345 du 23 décembre 1958, dans sa version applicable au moment de la conclusion du contrat en novembre 1993, précisait les obligations d'information de l'agent commercial et du mandant (Articles 1 à 3-1), l'obligation d'immatriculation de l'agent commercial (Articles 4 et 5), sa radiation (Articles 6 à 9), les informations qui doivent figurer sur les documents et correspondances de l'agent commercial (Article 10) et les différentes sanctions en cas de non-respect de ces obligations (Articles 11 et suivants) ; que ce texte ne prévoyait en revanche, dans sa version applicable en 1993, aucune règle relative aux éventuelles indemnités dues à la suite d'une résiliation du contrat ; qu'en énonçant que le décret du 23 décembre 1958 "édictait que la résiliation du contrat par le mandant ouvrait droit, nonobstant toute clause contraire, à indemnisation compensatrice du mandataire, sauf faute commise par ce dernier" pour déclarer l'article 6 imprécis et ambigu, la cour d'appel a violé les termes du décret n° 58-1345 du 23 décembre 1958, ensemble l'article 1134 du Code civil, l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 et l'article 5 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 ; 4°) qu'en outre et subsidiairement, même si on devait admettre que les termes de l'article 6 du contrat du 23 novembre 1993 étaient imprécis - ce qui n'est pas le cas - il appartenait alors aux juges du fond, face à une clause qu'ils estimaient ambigüe, de rechercher la volonté des parties ; que la société Wedi et M. Sick avaient expressément prévu qu' "en cas de litiges .... le droit allemand (est) applicable ..." ; que les juges d'appel devaient alors, face à un choix exprès mais, selon eux, imprécis de la loi applicable, rechercher la volonté des parties ; qu'en refusant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a dénié son effet obligatoire à l'article 6 du contrat, en violation de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 et l'article 5 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 ; 5°) qu'enfin les articles 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 et 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 précisent la loi applicable au contrat à défaut de choix de cette loi par les parties ; qu'en l'espèce le contrat signé par la société Wedi et M. Sick prévoyait expressément dans son article 6 qu' "en cas de litiges ... le droit allemand (est) applicable ..." ; qu'en désignant, malgré ce choix des parties de droit allemand comme loi applicable, la loi du contrat en application des articles 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 et 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, la cour d'appel a, par fausse application, violé ces textes, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate que le contrat signé le 23 novembre 1993 stipule en son article 1 que le mandat est confié par la société Wedi à M. Sick qui doit exercer cette représentation dans la position d'agent commercial conformément au décret du 23 décembre 1958 ; qu'il relève que l'article 6 de ce contrat, intitulé "Litiges," prévoit qu'en cas de litige et si aucune solution à l'amiable n'intervient, les parties contractantes peuvent décider de soumettre leurs différends à la commission d'arbitrage des agents commerciaux, le droit allemand étant applicable en dernier ressort ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation, que l'ambiguïté des clauses contractuelles rendait nécessaire, que la cour d'appel, qui ne s'est pas référée au décret du 23 décembre 1958 pour considérer que l'article 6 avait un sens incertain, a retenu que le contrat ne fixait pas clairement la loi interne choisie par les parties ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant ainsi fait ressortir l'absence de stipulation explicite, claire et dénuée d'ambiguïté désignant la loi choisie par les parties, au sens de l'article 5 de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 et constaté que M. Sick avait son domicile et son établissement professionnel en France, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ces constatations et appréciations rendaient inopérante, a exactement retenu que le contrat d'agent commercial ainsi que le litige relatif à sa résiliation, étaient régis par la loi française ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche : - Vu l'article L. 134-7 du Code de commerce ; - Attendu que pour rejeter la demande de M. Sick tendant à la condamnation de la société Wedi à lui payer une certaine somme au titre du droit de suite, l'arrêt retient que lorsque le contrat cesse, l'agent perd tout droit à commissions sur les commandes postérieures à cette date et qu'en conséquence, M. Sick n'est pas fondé à réclamer une indemnisation pour la perte de commissions sur des chiffres d'affaires réalisés par son ancien mandant avec la clientèle de son ancien territoire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 134-7 du Code de commerce reconnaît, à certaines conditions, un droit à commission à l'agent commercial après la cessation de son contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. Sick au titre du droit de suite, l'arrêt rendu entre les parties le 3 septembre 2009 par la Cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles, autrement composée.