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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 25 septembre 2009, n° 08-01704

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Interior's (SAS), Le Broussois

Défendeur :

Couleurs des Alpes (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mmes Regniez, Saint-Schroeder

Avoués :

Me Olivier, SCP Oudinot-Flauraud

Avocats :

Mes Casalonga, Greffe

TGI Bobigny, du 18 déc. 2007

18 décembre 2007

La société Interior's commercialise des objets de décoration parmi lesquels des modèles d'enseignes ou des tableaux décoratifs en bois travaillé comportant parfois des horloges, des ardoises ou des patères. Elle a déposé de nombreux modèles auprès de l'Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle (OMPI) désignant Monsieur Jean-Michel Le Broussois en qualité d'auteur. Elle a notamment déposé les modèles suivants

Elle a également déposé le modèle d'horloge suivant :

Ainsi qu'un modèle de pendule de forme ronde présentant un aspect vieilli.

Ayant découvert que la société Couleurs des Alpes commercialisait des enseignes reprenant les mêmes thèmes et que celle-ci les avait déposées à titre de dessins et modèles auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), Monsieur Le Broussois et la société Interior's l'ont assignée en contrefaçon de dessins et modèles et de droit d'auteur, nullité des dépôts et concurrence déloyale.

Par jugement du 18 décembre 2007, la cinquième chambre du Tribunal de grande instance de Bobigny a, notamment, dit que la société avait porté atteinte au droit moral de Monsieur Le Broussois pour les patères de l'enseigne " Tennis " et pour l'enseigne "Billard-Snooker " et l'a condamnée à lui verser la somme de 10 000 euro de ce chef, a condamné cette société à payer une somme de même montant à la société Interior's pour contrefaçon de ce modèle dont il a ordonné le retrait de la référence déposée à l'INPI, a ordonné des mesures d'interdiction et de confiscation des modèles incriminés "Tennis " et " Snooker ", rejeté les demandes formées par la société Interior's au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, dit n'y avoir lieu à publication de la décision et condamné la société Couleurs des Alpes à verser à chacun des demandeurs la somme de 1 000 euro au titre des frais irrépétibles.

Aux termes de ses dernières conclusions du 11 juin 2009, la société Interior's et Monsieur Le Broussois, appelants, demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité des modèles et a reconnu la contrefaçon des modèles " Billard Club " et "Oxford Tennis Club " et de l'infirmer pour le surplus. Ils sollicitent la nullité des modèles n° DM/040642, DM/033866 et DM/030306 déposés par la société intimée, la condamnation de cette dernière à payer à Monsieur Le Broussois la somme de 30 000 euro du fait de l'atteinte à son droit moral, celle de 100 000 euro à la société Interior's au titre de la contrefaçon, une expertise comptable étant réclamée, ainsi que celle de 200 000 euro à la même société du chef des actes de concurrence déloyale. Ils demandent, en outre, des mesures d'interdiction, de confiscation et de publication et la somme globale de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Couleur des Alpes, intimée et appelante incidente, conclut, dans ses dernières écritures du 27 mai 2009 à l'infirmation de la décision déférée en ce que celle-ci a dit qu'elle avait porté atteinte au droit moral de Monsieur Le Broussois et avait commis des actes de contrefaçon de la référence 10913 intitulée " Snooker ", à sa confirmation pour le surplus et sollicite la somme de 300 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive de même que la publication du présent arrêt et la somme de 50 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties en date des 27 mai 2009 et 11 juin 2009 pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions et ce, conformément aux dispositions des articles 455 et 753 du Code de procédure civile.

Sur ce,

Sur la validité des modèles d'enseignes

Considérant que la société Interior's invoque dix modèles d'enseignes créés par Monsieur Le Broussois dont l'originalité et la nouveauté de huit de ces modèles ne sont pas contestées par la société Couleurs des Alpes ; que cette société ne dénie le caractère original et nouveau qu'aux deux modèles d'horloges qui ont fait l'objet, le 17 février 2003 d'un dépôt à l'OMPI sous le n° DM/062 837, ce dépôt désignant la France.

Considérant que la société Couleur des Alpes fait valoir que les modèles 1 (horloge à potence) et 9 de ce dépôt relèvent du domaine public et existaient dès le XIXe siècle.

Considérant que ces modèles se caractérisent, selon les appelants, par leur aspect vieilli avec des tâches de rouille et des lettres effacées, par la présence de chiffres romains et des aiguilles "de forme originale ", d'éléments de ferronnerie dont le modèle 1 est agrémentée sur sa partie haute, cette horloge étant suspendue par deux chaînes à un portant en ferronnerie.

Considérant qu'il résulte de l'article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle qu'un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement , aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué ; que des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants ; que l'article L. 511-4 dudit code énonce qu'un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement;

Que s'agissant du modèle n° 1 figurant une horloge en potence, ce modèle diffère des antériorités produites par la société Couleur des Alpes en ce qu'aucune de ces antériorités ne comprend l'association d'une potence en fer forgé soutenant par deux chaînes une horloge surmontée elle-même d'éléments de ferronnerie qui confèrent au modèle déposé son caractère propre et nouveau qu'il se dégage, du fait de ces différences, une impression visuelle d'ensemble qui, aux yeux de l'observateur averti, le démarque des modèles déjà divulgués ;

Que cette combinaison révèle également l'effort créatif de l'auteur qui rend ce modèle protégeable au titre du Livre I du Code de la propriété intellectuelle. Considérant que s'agissant du modèle n° 9, la société Couleurs des Alpes produit, pour établir l'antériorité de toutes pièces de ce modèle, un catalogue de la société Christie's, publié en 2002, dont la page 119 donne à voir plusieurs modèles, notamment le modèle désigné sous le numéro 444, comprenant la même ossature en bois, des chiffres romains et deux aiguilles identiques; que les caractéristiques de ces modèles ne diffèrent que par des détails insignifiants, à savoir la présence de lettres effacées et un aspect vieilli ; que l'impression d'ensemble qui se dégage du modèle n° 9 ne diffère pas de celle produite par les modèles divulgués avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement du modèle opposé;

Qu'il sera dès lors fait droit à la demande de nullité du modèle n° 9.

Sur la contrefaçon

Considérant qu'il y a lieu d'examiner successivement les dix modèles opposés et les enseignes incriminées.

Sur le modèle d'horloge à potence

Considérant qu'il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 2 septembre 2005 que la société Couleurs des Alpes offrait à la vente sur son stand au parc des expositions de Villepinte une pendule ronde dont la moitié supérieure du pourtour est ornementée de fer forgé et qui est suspendue au moyen de deux chaînettes sur une "crédence " (sic) en fer forgé, les heures étant représentées par des chiffres romains.

Considérant que cette horloge reproduit les éléments caractéristiques du modèle déposé dans la même combinaison d'une potence (et non d'une " crédence " comme indiqué par erreur par l'huissier instrumentaire) et d'une pendule portant les mêmes ornements de fer forgé, dont les heures sont figurées sous la forme de chiffres romains et qui présente un aspect vieilli et rouillé par endroits ainsi que des lettres à demi effacées; qu'elle produit donc sur l'observateur averti la même impression visuelle d'ensemble; que la contrefaçon du modèle déposé par la société Interior's et créé par Monsieur Le Broussois, est ainsi réalisée;

Que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur le modèle DM/059 245 déposé le 28 février 2002 dénommé " Le Temps des Récoltes En Août, la Moisson... "

Considérant que ce modèle se caractérise par la représentation, dans un cadre rectangulaire dont les coins supérieurs sont concaves et la partie haute légèrement arrondie, de l'arrière d'une charrette de foin dont une roue est visible et située au premier plan droit du panneau; qu'au centre se tient un paysan, jambes fléchies, occupé à ramasser du foin avec une fourche ; qu'à l'arrière plan s'affairent quelques paysans et l'on devine, en fond de tableau, un alignement de collines, le tout survolé d'oiseaux;

Que le modèle de panneau décoratif qui a fait l'objet d'un dépôt à l'INPI de la part de la société Couleur des Alpes le 4 août 2003 représente un cheval attelé à une charrette qu'un paysan charge de foin aidé par un second paysan juché sur ladite charrette; qu'on aperçoit à l'arrière plan droit un corps de ferme et, sur la ligne d'horizon, quelques arbres groupés.

Considérant que l'illustration du même thème, celui des moissons, aboutit à deux compositions dont la seule ressemblance consiste dans le ramassage de loin ; que l'agencement des éléments de ces compositions n'est pas susceptible de produire sur l'observateur averti la même impression visuelle d'ensemble et ne permet pas de retenir la contrefaçon;

Que la décision soumise à la cour sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté le grief de contrefaçon.

Sur le modèle DM/062 753 déposé le 16 octobre 2002 désigné sous le titre " Flower Shop "

Considérant que ce modèle donne à voir une boutique de fleuriste composée de quatre panneaux vitrés fermés surmontée d'un store à rayures jaunes et blanches, devant laquelle se tient une femme tenant dans ses bras un bouquet multicolore ; que sont disposés au sol des pots contenant des fleurs et, dans l'angle droit du panneau, une petite charrette chargée de fleurs ; que le tout est surmonté de l'inscription " Flower Shop";

Que l'enseigne incriminée se compose d'un magasin de fleurs au fronton duquel on peut lire l'inscription "Au salon de Venus " en lettres de couleur blanche sous laquelle est déroulé un store à rayures rouges et blanches ; que devant la boutique, composée de deux baies vitrées et d'une porte également vitrée à double battant et entrouverte, se tient de dos un homme donnant la main à une fillette chapeautée ainsi que le fleuriste portant un bouquet de fleurs blanches ; que des vases et des pots de fleurs reposent sur une tablette et des tréteaux, une jardinière à fleurs blanches et un seau rempli de fleurs de même teinte sont disposés sur le trottoir ; que la boutique est encadrée de deux plantes vertes identiques.

Considérant que la disposition des éléments qui composent chaque panneau et les nuances de couleurs choisies, vives sur l'enseigne de la société intimée et pastel sur le panneau décoratif de la société Interior's ne sont pas de nature à susciter sur l'observateur averti la même impression visuelle d'ensemble

Qu'il suit que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point.

Sur le modèle DM/058 395 déposé le 19 septembre 2001 et dénommé " Paris Roubaix "

Considérant que l'on distingue au premier plan de ce modèle de panneau décoratif de forme rectangulaire arrondi en sa partie supérieure, trois cyclistes de profil qui roulent sur une route pavée, courbés dans l'effort, devant des spectateurs enthousiastes, la plupart levant le bras dans un élan d'encouragement, et retenus par une barrière de couleur blanche; que quelques arbres composent l'arrière plan du panneau sur lequel on peut lire l'inscription Paris-Roubaix;

Que le modèle déposé par la société Couleurs des Alpes le 17 janvier 2003 a pour thème la course Paris-Roubaix dont le nom est reproduit dans la partie supérieure du panneau suivie de l'année 1912;

Que les cyclistes avancent de face sur la route pavée, trois d'entre eux, en relief, sont en tête suivis par le peloton; qu'on aperçoit sur la droite un couple qui regarde sans manifester.

Considérant que ces deux compositions n'ont en commun que le thème de la course Paris-Roubaix; que leur ordonnancement est en effet dissemblable au contraire de ce qu'avancent les appelants; que de plus, la sensation de mouvement qui est perceptible dans le modèle opposé ne se retrouve pas dans le modèle argué de contrefaçon; que, dès lors, ces configurations ne sont pas susceptibles de produire sur l'observateur averti la même impression visuelle d'ensemble ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il n'a pas retenu la contrefaçon.

Sur le modèle DM 053 698 dénommé " Billard Club " déposé le 30 octobre 2000

Considérant que le modèle déposé représente, dans un cadre rectangulaire arrondi en sa partie supérieure, une scène de billard se composant d'un tapis vert sur lequel est appuyé un personnage portant la moustache, un gilet sans manches et une chemise blanche dont une manche est retroussée sur le bras gauche, qui tient une queue de billard avec laquelle il s'apprête à pousser la bille blanche parmi trois autres billes de couleur ; que cette enseigne comprend, dans sa partie haute et arrondie se détachant sur un fond de couleur marron, une pendule ronde marquant 10h10 ; que cette pendule est surmontée de l'inscription "Open Daily";

Que le panneau décoratif incriminé épouse une forme rectangulaire arrondie en son sommet qui sert de logement à une pendule de forme ronde qui se découpe sur un fond de couleur marron, surplombe une scène de billard se composant d'un personnage dans la même position que celui qui est visible sur le modèle opposé, vêtu de semblable façon et portant pareillement la moustache, et qui est sur le point de pousser la bille blanche contre une autre bille de couleur;

Que les différences de détail consistant dans la présence discrète d'un personnage au second plan, de chiffres arabes et non romains sur le cadran de la pendule ainsi que l'inscription " Snooker " qui se développe à la base de celle-ci n'altèrent pas l'impression d'ensemble identique que produit le modèle de la société Couleurs des Alpes;

Que la contrefaçon du modèle DM/053 698 est donc établie ; qu'elle l'est de même sur le fondement du droit d'auteur par la reprise des caractéristiques essentielles de l'œuvre créée par Monsieur Le Broussois;

Que la décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur le modèle DM/051 160 intitulé " Oxford Tennis Club " déposé le 10 janvier 2000

Considérant que ce modèle est constitué de la représentation, dans un panneau de forme ovale et sur un fond de couleur verte, d'une raquette de tennis en bois placée à l'horizontale dont le manche se décline dans les couleurs rouge et noire, et accompagnée des inscriptions suivantes "Oxford Tennis Club Championship ", la date 1927 étant inscrite en rouge dans le prolongement du manche de la raquette ; que cinq patères en forme de balles de tennis sont fixées à la base de l'enseigne;

Que le modèle déposé à l'INPI le 10 février 2004 par la société Couleurs des Alpes se présente sous la forme d'un panneau de forme rectangulaire arrondi dans sa partie haute et illustré, sous l'inscription " Tennis Masters" 1920, d'une partie de tennis opposant deux joueurs en tournoi comme le démontre la présence d'un arbitre et de spectateurs à l'arrière ; que ce panneau comprend en sa partie inférieure quatre patères ayant la forme de balles de tennis.

Considérant que les appelants prétendent que le modèle dénommé "Oxford tennis Club " est contrefait par l'enseigne commercialisée par la société Couleurs des Alpes et qui vient d'être décrite.

Mais considérant que les deux modèles n'ont d'autre ressemblance que la présence de patères figurant des balles de tennis ; que ces patères ne constituent qu'un élément de la combinaison de chacune des compositions et leur seule présence commune ne suffit pas à créer une impression d'ensemble identique voire approchante ; que tout au contraire, l'impression visuelle qui se dégage de ces deux modèles est très éloignée;

Qu'il suit que le jugement sera infirmé en ce qu'il a interdit à la société Couleurs des Alpes la commercialisation directe ou indirecte du modèle "Tennis " et a ordonné la confiscation aux fins de destruction de ce produit entre les mains de l'intimée et de ses revendeurs.

Sur le modèle DM/044 965 intitulé " Menu " déposé le 28 août 1998

Considérant que ce modèle a la forme d'une panneau rectangulaire arrondi en sa partie haute dans laquelle se lit l'inscription "Menu " dont le centre, de couleur vert foncé, est vierge de tout dessin ou inscription et dont la partie gauche est ornée d'une guirlande de grappes de raisin rouges et de feuillage; que cette guirlande, enroulée autour d'une tige de bois, se développe le long de deux côtés du panneau;

Que le modèle déposé à l'INPI en 2004 par la société Couleurs des Alpes comporte un panneau de forme carrée, arrondi en sa partie supérieure, dont le centre est en ardoise souligné d'un cadre de couleur bordeaux orné d'un liseré jaune et surmonté du mot " Menu " ; que ce panneau est agrémenté dans son angle gauche de deux grappes de raisin, l'une de raisin noir, l'autre blanc, couvertes de deux feuilles de vigne.

Considérant que la seule reprise de grappes de raisin, symbole du vin qui accompagne les repas et qui avaient déjà dans le passé illustré des enseignes de menu comme l'établit la société Couleurs des Alpes, n'est pas critiquable dès lors que la disposition et le volume des grappes de raisin et du feuillage ainsi que les couleurs de chacun des modèles confèrent à ces derniers une impression visuelle d'ensemble distincte

Que la décision critiquée sera dès lors confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande en contrefaçon de ce modèle.

Sur le modèle DM/054 572 dénommé " Vegetable gardener " et déposé le 15 janvier 2001

Considérant que ce modèle représente une scène se situant dans un potager et qui donne à voir un jardinier tenant un arrosoir dans chaque main et avec lesquels il arrose deux rangées de salades ; que l'on aperçoit derrière lui une brouette contenant des outils de jardin, quelques potirons et, à l'arrière, des parcelles cultivées;

Qu'au lointain se profile une rangée d'arbres de forme conique; que dans la partie haute et arrondie du panneau sont représentés deux potirons, deux salades ainsi qu'une pelle et un râteau.

Considérant que les appelants soutiennent que l'enseigne " Vegetable gardener " est contrefaite par le modèle déposé par la société Couleurs des Alpes le 10 février 2004 et portant l'inscription "Le Potager ", dont le " O " a la forme d'une tomate (en relief);

Que ce modèle représente un jardinier à l'avant d'un champ fleuri à l'arrière duquel on aperçoit quelques arbres de type cyprès, une cabane étant située à l'arrière plan gauche de la scène; un tas de choux est placé au premier plan, à droite du jardinier, et, à gauche de celui-ci, une brouette et quelques potirons en relief ;

Considérant, toutefois, que les seules ressemblances entre les deux modèles résident dans le choix du thème, non appropriable, du potager et la présence de potirons ; que ces modèles diffèrent en revanche tant par la composition, les nuances de couleurs, l'allure des personnages, le jardinier du modèle de la société Couleurs des Alpes apparaissant dans une position décontractée, la main droite sur la hanche, le bras gauche le long du corps, le bout des sabots écarté et abreuvant le sol d'un seul arrosoir tandis que le jardinier du modèle intitulé " Vegetable Gardener ", d'apparence plus jeune, est légèrement courbé, les deux jambes écartées comme pour un meilleur appui et tient dans chaque main un arrosoir;

Que l'impression visuelle d'ensemble qui se dégage de ces deux modèles n'est pas la même;

Qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté le grief de contrefaçon.

Sur le modèle DM/046 807 déposé le 4 février 1999 intitulé " Fresh Milk "

Considérant que ce modèle se compose d'une scène de ferme où l'on voit une femme assise trayant une vache rousse et blanche, de profil dans un pré clos d'une barrière en arrière plan, deux poules picorant à ses côtés ; que quelques arbres apparaissent à l'horizon ;

Considérant que les appelants reprochent à la société Couleurs des Alpes d'avoir commis des actes de contrefaçon de ce modèle en déposant le 4 aout 2003 et en offrant à la vente un modèle de panneau décoratif représentant un fermier en train de traire une vache tachetée de noir dans la cour d'une ferme tandis que la fermière donne du grain à des poules; que ce panneau porte l'inscription "La Ferme 1908 ".

Mais considérant que la composition particulière dans chacun de ces modèles du thème commun de la ferme dégage une impression d'ensemble distincte qui ne permet pas de retenir la contrefaçon;

Que le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef.

Sur la concurrence déloyale

Considérant que la société Interior's reproche à ce titre à la société Couleurs des Alpes d'une part, de proposer une gamme complète d'enseignes reprenant des formes, des graphismes, des couleurs, des noms, des calligraphies, des bandeaux ou " flammes " interchangeables et des thèmes identiques à ceux qu'elle utilise de longue date pour caractériser sa propre gamme de produits et, d'autre part, d'avoir demandé à son propre fabricant chinois de reproduire pour son compte et sous sa marque "Comptoirs des Alpes " plusieurs articles en bois flotté qu'elle a créés;

Que la société Couleurs des Alpes conteste l'ensemble de ces faits qu'elle estime ne pas être distincts des actes de contrefaçon allégués et relève que la société appelante ne donne qu'une seule et même définition de ses 69 enseignes; qu'elle conclut à la nullité des dépôts de modèles de bandeaux, demande dont la société Interior's soulève l'irrecevabilité pour être formée pour la première fois devant la cour tout en reconnaissant que ces bandeaux font partie du domaine public; qu'elle affirme néanmoins être la seule à les proposer dans le domaine des enseignes.

Considérant que s'agissant de la nullité sollicitée par la société intimée, la lecture des dernières conclusions signifiées par la société Interior's et Monsieur Le Broussois en première instance, dont le tribunal de grande instance était saisi à l'exclusion des précédentes écritures en application de l'article 753 du Code de procédure civile, révèle que les modèles de bandeaux n'ont pas été opposés par les demandeurs au titre de la contrefaçon de sorte que la demande en nullité de ces modèles est irrecevable.

Considérant que la société Interior's fait donc grief à la société Couleurs des Alpes de décliner dans des formes identiques les mêmes thèmes et sous thèmes qu'elle soutient avoir été la première à exploiter; qu'elle cite les thèmes de la montagne et des sports d'hiver, des vins et vignobles, des commerces et métiers, des concours sportifs de tennis, rugby, football, vélo, boxe et golf, des loisirs de la chasse, de la pêche, de la pétanque et du billard, des transports et des courses, de l'école, de la cuisine et du terroir ainsi que de la musique.

Considérant que la déclinaison de mêmes thèmes du domaine public n'est pas illicite si cette déclinaison n'est pas susceptible d'entraîner un risque de confusion dans l'esprit du public et ne relève pas d'un abus de la liberté du commerce et de l'industrie;

Qu'en l'espèce, la comparaison des enseignes commercialisées par chacune des parties démontre que la société Couleurs des Alpes a repris les mêmes thèmes que ceux traités par les appelants et ce, dans des Formes et des calligraphies approchantes avec utilisation de bandeaux pour une partie des enseignes à l'instar de la société Interior's et d'intitulés très proches, alors qu'une telle déclinaison n'était pas antériorisée, le catalogue de la société Herman, publié avant 1995, ne donnant à voir que quelques thèmes comme celui de la navigation ou des sports tels que le golf et le tennis;

Que la reprise de ces mêmes éléments par la société Couleurs des Alpes est de nature à générer un risque de confusion et partant, constitue un acte de concurrence déloyale dont la société Interior's est bien fondée à solliciter réparation.

Considérant, sur le second grief, que la société Interior's justifie par la production d'une attestation de son fabricant chinois que la société Couleurs des Alpes s'est adressé à ce dernier pour obtenir la reproduction d'articles en bois flotté créés par la société appelante; qu'un tel comportement qui tend à copier servilement les produits commercialisés par un concurrent est constitutif de concurrence déloyale.

Sur les mesures réparatrices

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué la somme de 10 000 euro à Monsieur Le Broussois en réparation de son préjudice moral et annulé le dépôt de modèle intitulé " Snooker " n° 03 0306, référence 701 220 du 20 janvier 2003 ; qu'il sera infirmé pour le surplus.

Considérant que le préjudice subi par la société Interior's du chef de la contrefaçon et consistant dans l'atteinte à ses droits et à la banalisation de ses deux modèles d'enseignes par la société Couleurs des Alpes qui diffuse son propre catalogue et commercialise ses produits par les mêmes voies de distribution comme l'établit par exemple le catalogue " Meubles Pin " dans lequel les panneaux décoratifs des deux sociétés en présence sont présentés côte à côte, sera justement réparé par la somme de 30 000 euro;

Que le préjudice subi du chef des actes de concurrence déloyale justifie l'allocation de la somme de 50 000 euro à la société Interior's;

Qu'il sera fait droit à la mesure d'interdiction dans les termes du dispositif ; que la publication du présent arrêt sera ordonnée dans les conditions définies ci-après ;

Que la mesure de confiscation n'apparaît pas nécessaire eu égard à l'interdiction prononcée.

Sur la demande reconventionnelle

Considérant que la solution du litige conduit à rejeter la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande d'allouer aux appelants la somme globale de 8 000 euro au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a alloué la somme de 10 000 euro à Monsieur Jean-Michel Le Broussois en réparation de son préjudice moral et annulé le dépôt de modèle intitulé " Snooker " n° 03 0306, référence 701 220 effectué le 20 janvier 2003 par la société Couleurs des Alpes. L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Déclare irrecevable la demande en nullité des modèles de bandeaux déposés à l'OMPI par la société Interior's le 17 février 2003. Dit que la société Couleurs des Alpes a commis des actes de contrefaçon du modèle d'horloge créé par Monsieur Jean-Michel Le Broussois et déposé à l'OMPI par la société Interior's le 17 février 2003 sous le n° DM/062 837 (modèle 1). En conséquence, interdit à la société Couleurs des Alpes la poursuite de la commercialisation des enseignes qu'elle offre à la vente sous la dénomination " Snooker " ainsi que du modèle d'horloge à potence jugé contrefaisant sous astreinte de 300 euro par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt. Condamne la société Couleurs des Alpes à verser à la société Interior's la somme de 30 000 euro en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon. Dit que la société Couleurs des Alpes, en commercialisant une gamme d'enseignes reprenant les mêmes thèmes que ceux traités par la société Interior's et dans des formes et graphismes approchants et en s'adressant au fabricant de cette société pour obtenir la reproduction pour son compte des mêmes articles en bois flotté, a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Interior's. Condamne la société Couleurs des Alpes à verser à la société Interior's la somme de 50 000 euro en réparation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale. Autorise la société Interior's à faire publier le dispositif du présent arrêt dans trois revues ou journaux de son choix aux frais de la société Couleurs des Alpes dans la limite de la somme de 4 000 euro par insertion. Rejette toutes autres demandes. Dit que l'arrêt sera transmis à l'INPI par les soins du greffier. Condamne la société Couleurs des Alpes à verser à Monsieur Jean-Michel Le Broussois et à la société Interior's la somme globale de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. La condamne aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par Maître Olivier, avoué.