CA Agen, 1re ch. civ., 18 mai 2009, n° 07-01792
AGEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Acadie (SARL), Clément et Elodie (SARL), IDA Fleurs (SARL)
Défendeur :
Flora Partner (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Muller
Conseillers :
M. Certner, Mme Auber
Avoués :
SCP Tandonnet, SCP Vimont
Avocats :
SCP Threard Bourgeon Meresse, Cabinet Lexens
Exposé du litige
Dans des conditions de régularité de forme et de délais non discutées, la SARL Acadie, la SARL Clément et Elodie et la SARL IDA Fleurs ont interjeté appel du jugement prononcé par le Tribunal de grande instance d'Agen :
1°) ayant dit que, dans leurs prospectus publicitaires, elles ont contrefait la marque semi-figurative n° 02 31 62 823 déposée par la SA Flora Partner,
2°) ayant dit qu'elles ont engagé leur responsabilité délictuelle à l'égard de la SA Flora Partner en raison de leurs agissements parasitaires découlant des prospectus publicitaires,
3°) les ayant in solidum condamnées à payer à la SA Flora Partner les sommes de :
* 5 000 euro au titre de la contrefaçon,
* 2 000 euro au titre des agissements parasitaires,
4°) ayant ordonné la publication de la décision à leurs frais dans un périodique du choix de la SA Flora Partner, le coût de l'inscription ne devant pas dépasser 2 000 euro,
5°) ayant dit qu'elles ont effectué une publicité comparative illicite, trompeuse et mensongère,
6°) ayant débouté la SA Flora Partner de sa demande en dommages et intérêts en réparation de ces agissements faute pour elle de prouver le préjudice allégué,
7°) les ayant déboutées de leurs demandes reconventionnelles fondées sur la faute et la vente avec primes illicites,
8°) ayant rejeté la demande de prononcé de l'exécution provisoire,
9°) les ayant condamnées à verser à la SA Flora Partner la somme de 4 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
10°) les ayant déboutées de leur prétention fondée sur l'article précité et condamnées aux entiers dépens.
Les faits de la cause ont été relatés par le premier juge en des énonciations auxquelles la cour se réfère expressément, sauf à préciser que le litige s'inscrit dans le cadre de la rupture des contrats de franchise conclus entre les trois appelantes, franchisées, et l'intimée, franchiseur.
Vu les écritures non synthétiques déposées par les appelantes le 22 octobre 2008 aux termes desquelles elles concluent à l'infirmation de la décision entreprise et demandent à la cour, d'une part de condamner l'intimée à verser à la SARL IDA Fleurs la somme de 25 000 euro et à la SARL Clément et Elodie la somme de 50 000 euro en réparation des préjudices commerciaux soufferts par elles, d'autre part de confirmer les plus amples dispositions du jugement attaqué ;
A titre subsidiaire, elles réclament la mise en œuvre d'une expertise à l'effet de comparer les deux marques semi-figuratives pour déterminer s'il existe ou pas un risque de confusion dans l'esprit du public entre la marque "Carrément Fleurs" et la marque "Le Jardin des Fleurs" ;
Enfin, elles sollicitent l'allocation à chacune d'elles de la somme de 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamnation de l'intimée en tous les dépens ;
A l'appui de leurs prétentions, elles développent pour l'essentiel l'argumentation suivante :
* c'est à tort que le premier juge a estimé qu'il y a avait contrefaçon par reproduction dans leurs prospectus publicitaires d'une part de la partie nominative, d'autre part de la partie figurative de la marque "Le Jardin des Fleurs" car les dispositions des articles L. 713-2 et 713-3 du Code de la propriété industrielle n'ont pas été violées ; il n'y a en aucun cas eu contrefaçon car les noms d'enseigne sont phonétiquement totalement différents - sachant que le mot "fleur" est un terme générique courant insusceptible d'appropriation et donc de protection - et les logos sont visuellement très différents ; il est de jurisprudence constante qu'en pareille matière, la comparaison doit s'effectuer de ces différents points de vue, outre qu'il faut encore procéder à une comparaison intellectuelle qui, au cas précis, démontre qu'il n'existe aucune similitude entre "un espace composé de fleurs" ("Le Jardin des Fleurs") et un adverbe évoquant un caractère franc et absolu ("Carrément Fleurs"),
* la citation dans ses prospectus de la partie nominative du "Jardin des Fleurs" a été faite en toute bonne foi dans le but d'informer la clientèle du changement d'enseigne en "Carrément Fleurs" de sorte que la condamnation au paiement de la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts et injustifiée et doit, subsidiairement, si la contrefaçon était admise, être ramenée à hauteur de 2 500 euro,
* le contenu très différent de ses prospectus comparé à celui de son adversaire ne saurait permettre de retenir un acte de parasitisme, d'autant qu'ils n'ont été diffusés qu'à une seule et unique reprise,
* pour qu'il y ait parasitisme selon la définition donnée en la matière par le Cour de cassation, encore faut-il qu'un "agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire" ; l'intimée prétend avoir consacré 900 000 euro par an à ses actions de communication ; or, elle n'en rapporte pas la preuve, d'autant que ce sont les franchisés qui financent ces opérations ainsi qu'il est prévu à l'article 17.3.1 du contrat de franchise ; elles ont de ce fait participé annuellement à hauteur de 110 000 euro à ces opérations de publicité,
* le contenu très différent de ses cartes de fidélité - et même leur format - comparé à celui de son adversaire ne saurait lui non plus permettre de retenir un acte de parasitisme,
* en matière de concurrence déloyale, la victime doit prouver qu'un préjudice existe, qu'il est certain et pas simplement éventuel - autrement dit démontrer une perte de clientèle - et qu'il est réparable ; tel n'est pas ici le cas d'autant que, de jurisprudence établie, la clientèle appartient au franchisé ; or, à l'époque des faits litigieux, le premier point de vente de l'intimée était situé à 60 kilomètres de leurs propres trois points de vente,
* il n'y a pas eu de publicité comparative illicite : d'une part, aucune des mentions figurant sur leurs prospectus n'est mensongère ; d'autre part, aucune ne met l'enseigne "Le Jardin des Fleurs" en comparaison avec elles ; seules deux mentions font référence à leur adversaire : le changement d'enseigne qui ne peut être assimilé à un dénigrement ; l'offre intitulée "un bouquet au 5e achat au lieu du 6e avec Le Jardin des Fleurs" est objectivement exacte ; ne comportant ni mensonge, ni critique, on ne peut considérer que leurs prospectus jettent le discrédit sur leur ancien franchiseur,
* alors qu'elles formaient depuis plusieurs années deux salariées sous couvert de contrats d'apprentissage, l'intimée a tenté de les débaucher ainsi que cela est démontré,
* à l'ouverture de son magasin de Marmande, l'intimée a offert une prime, sous la forme d'un bouquet de cinq roses, contrevenant aux dispositions de l'article R. 121-8 du Code de la consommation dans l'unique but de les concurrencer de manière déloyale ; le procédé est contraire aux règles posées à l'article L. 121-35 de ce même code car le bien offert n'était pas identique à ceux faisant l'objet de la vente ou de la prestation ; en effet, la prime - ici le bouquet de 5 roses - était offerte "pour tout achat" de plus d'une valeur déterminée alors qu'elle ne pouvait l'être que pour l'achat de roses et non d'autres types de fleurs, d'une plante ou d'un vase.
Vu les écritures non synthétiques déposées par la SA Flora Partner le 4 novembre 2008 aux termes desquelles elle conclut à la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a retenu la contrefaçon de marque et la responsabilité délictuelle adverse tant par l'utilisation de sa charte graphique que de cartes de fidélité, mais à sa réformation en demandant à la cour de :
- condamner chacune des appelantes à changer de nom commercial sous astreinte de 500 euro par jour de retard,
- les condamner à faire de même pour leur enseigne extérieure sous la même astreinte,
- condamner in solidum les appelantes à lui payer la somme de 50 000 euro en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon reprochés,
- rejeter la demande adverse tendant à la mise en œuvre d'une mesure d'expertise,
- retenir que les agissements parasitaires adverses se sont accompagnés d'une volonté délibérée de porter atteinte à son image en créant délibérément la confusion dans l'esprit du public,
- condamner en conséquence in solidum les appelantes à lui payer la somme de 50 000 euro en réparation de son préjudice causé par leur agissements parasitaires,
- confirmer la condamnation des appelantes à publier à leur frais la décision à intervenir, mais dans deux périodiques de son choix sans que le coût de chaque insertion puisse être inférieur à 5 000 euro,
- dire et juger que les appelantes ont effectué une publicité comparative illicite violant les dispositions des articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation et les condamner en conséquence in solidum à lui payer la somme de 50 000 euro en réparation de ce préjudice particulier,
- débouter ses adversaires de toutes leurs prétentions reconventionnelles et les condamner chacune à lui verser la somme de 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, elle développe pour l'essentiel l'argumentation suivante :
* elle a fait enregistrer la marque semi-figurative composée de la dénomination "Le Jardin des Fleurs" et d'un logo composé de neuf pétales stylisés de couleurs caractéristiques ce qui lui confère un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services désignés, droit absolu et opposable à tous conformément aux dispositions de l'article L. 713-1 du Code de la propriété intellectuelle,
* les appelantes se sont livrées à des actes de contrefaçon par reproduction et par imitation ; par reproduction en utilisant sans son autorisation dans leurs prospectus la dénomination "Le Jardin des Fleurs", ce qui équivaut à une usurpation de marque visée aux articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ; l'argument de la bonne foi invoquée par ces dernières, à supposer cette bonne foi établie alors que le procédé incriminé est employé plus de deux mois après la rupture du contrat de franchise, est en la matière inopérante ; par imitation dès lors qu'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, comme c'est le cas en l'espèce, sachant d'une part que le risque de confusion suppose une analyse d'ensemble et non uniquement la prise en considération d'un des composants d'une marque complexe et d'autres part que les appelantes commercialisent des produits identiques et/ou similaires aux siens,
* le logo des sociétés appelantes - pétales de fleurs stylisés - imite sciemment le sien en s'en rapprochant pour donner une impression d'ensemble d'identité entre les "blocs marques" et créer la confusion ; il en va de même pour les codes couleurs et du choix du nom "Carrément Fleurs" utilisé de manière identique à la dénomination "Le Jardin des Fleurs" et figurant dans la même position et sur des enseignes lumineuses découpées de manière identique aux siennes,
* les appelantes ont distribué un million de prospectus dont la charte graphique est identique à la sienne, ce qui traduit leurs agissements parasitaires alors qu'ainsi qu'elle l'établit, elle consacre 900 000 euro d'investissements publicitaires par an ; l'imitation est encore plus flagrante quand on compare ces prospectus avec les affiches de son plan de communication 2006 : représentation d'un bouquet de roses dans les tons orange dans un halo de lumière ; il en est de même s'agissant des cartes de fidélité,
* les appelantes doivent être condamnées sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle et le fondement de l'article 1382 du Code civil pour s'être, à titre lucratif et de façon injustifiée, ou sensiblement inspirées, ou avoir copié la valeur économique d'autrui individualisée afin de se procurer un avantage concurrentiel dans leur intérêt, en se plaçant dans son sillage économique à moindre frais,
* les appelantes ont commis des actes de dénigrement en indiquant dans leurs prospectus que l'ancienne équipe de "Le Jardin des Fleurs" est devenue "Carrément Fleurs" et offre "plus de choix", "plus de qualité" et "plus de prix", ce qui laisse entendre que les services qu'elle rend sont inférieurs à ceux proposés par ses concurrentes ; lesdits prospectus violent les dispositions de l'article L. 121-9 et suivants du Code de la consommation encadrant strictement la publicité comparative par le biais de laquelle on ne doit, ni jeter le discrédit, ni dénigrer une marque, un nom commercial ou la situation d'un concurrent ; de plus, la publicité litigieuse contient des allégations trompeuses et mensongères : les appelantes n'offrent pas des produits de meilleure qualité que les siens, ni un meilleur prix car, contrairement à elle, elles n'offrent pas à leurs clients des promotions hebdomadaires, voire quotidiennes ou à une fréquence plus élevée ; l'offre d'un bouquet de cinq roses au 5e achat est fausse et ne peut être comparée à ses propres propositions fondées sur la fidélité de ses clients qui reçoivent un bon d'achat lorsqu'ils ont cumulé un certain nombre de points,
* son préjudice est constitué par :
- l'atteinte à la valeur de sa marque, laquelle est notoire, par la banalisation de sa dénomination et de son logo,
- les actes de parasitisme commis à son détriment par la distribution d'un million de prospectus : d'une part, c'est bien elle qui, grâce certes aux redevances pour ce faire versées par les franchisés en vertu du contrat de franchise, détermine la stratégie, met en œuvre la publicité du réseau et de la marque et subi en conséquence le comportement des appelantes qui tentent de profiter à moindre frais de sa notoriété ; d'autre part et contrairement à ce qui est affirmé par ces dernières, la jurisprudence relative à la question de la propriété de la clientèle d'une réseau de franchise n'est pas fixée,
- les actes de dénigrement et de publicité mensongère,
* elle conteste les accusations de débauchage de deux de leurs salariées formulées à son encontre par les sociétés appelantes,
* elle conteste toute contravention aux règles de l'article R. 121-35 du Code de la consommation dès lors qu'en offrant en prime un bouquet de cinq roses pour tout achat de 2,90 euro ou plus, ladite prime en "produits, biens ou services" est identique à ceux qui font l'objet de la vente ou de la prestation ; s'agissant de la limite quantitative de la prime, il n'en existe pas en l'espèce, les dispositions de l'article R. 121-8 du Code de la consommation renvoyant en l'espèce à l'alinéa 1 de l'article R. 121-35 instituant la licéité de la vente avec prime sans plafond quantitatif dès lors qu'il s'agit de produit identiques et non à l'alinéa 2 qui trouve à s'appliquer lorsque la prime est constituée d'objets ou de services de faible valeur ou d'échantillons.
Motifs de la décision
Sur la contrefaçon de marque
I - Par l'utilisation de la dénomination "Le Jardin des Fleurs" :
Les attendus du premier juge doivent être entièrement adoptés ; du reste, les appelantes reconnaissent expressément avoir utilisé - indûment - la marque de l'intimée, sans l'autorisation de cette dernière ; elles invoquent leur bonne foi, laquelle est d'autant plus inopérante en la matière que le contrat de franchise était rompu depuis déjà quelques mois et qu'il existait un litige virulent entre les parties ; ce faisant, les appelantes ont contrevenu aux dispositions des articles L. 713-2 a) et 713-3 a) du Code de la propriété intellectuelle.
II - Par la reproduction imitative du logo :
La prohibition posée à l'article 713-3 a) du Code précité est soumise à trois conditions : qu'il y ait imitation d'une marque, qu'il s'agisse de produits identiques ou similaires et qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;
Il est de jurisprudence bien établie de procéder en pareille matière à une appréciation globale et en conséquence de comparer l'impression d'ensemble dégagée par chacun des signes en cause en tenant compte des éléments prépondérants de chacune des marques mais aussi du caractère distinctif plus ou moins élevé de la marque antérieure ; au cas précis, la marque de l'intimée est antérieure et connue par les campagnes publicitaires et promotionnelles mises en œuvre depuis des années ; certes, ces campagnes sont financées par les redevances versées par les franchisés, mais c'est le franchiseur qui en fait usage et détermine pour ce faire la stratégie suivie et les supports employés, conformément aux stipulations du contrat de franchise ; à ce jour, les appelantes ne sont toujours pas parvenues à démontrer que les redevances versées à cette fin n'auraient pas été consommées dans le but de promouvoir la marque et le réseau ;
L'examen des différents éléments suivants ne permet pas de considérer qu'il existe une similitude dans l'impression globale dégagée par chacune des marques en tenant compte des critères d'ores et déjà énoncés plus haut :
* sur le plan phonétique, les marques ont une prononciation totalement différente qui ne peuvent prêter à confusion, même si elles comportent toutes deux le mot "fleur" lequel, générique, est insusceptible d'appropriation,
* le logo est dans les deux cas composé d'une locution et d'une représentation de pétales ; la taille et la police de caractère utilisés dans l'impression de ces noms sont différentes ; quant aux pétales, représentés de manière relativement figurative s'agissant de l'intimée, ils sont complètement stylisés sur les prospectus émanant des appelantes ; même si l'on devait estimer que les pétales - dont il faut noter qu'ils doivent être considérés comme un genre, car il s'agit d'un caractère commun aux fleurs, sans protection particulière réservée aux seuls objets déterminés et individualisés - constituent un signe prépondérant du logo de l'intimée, le dessin très abstraitisé des appelantes ne peut porter à confusion ; mais surtout, il importe de constater que la présentation et la répartition de ces pétales dans les logos respectifs des parties sont sans aucune similitude ; les pétales de l'intimée sont au nombre de neuf, disposés de manière symétrique par bandes rectilignes et organisées de 3 x 3 ; ceux des appelantes sont au nombre de quatre, considérablement plus grands, positionnés de façon éparse ; la locution figure ici du côté droit - en bas dans la marque déposée par l'intimée - et mord sur un carré blanc - absent dans le logo de l'intimée - sur lequel viennent se fixer les pétales stylisés ; même si l'on peut retenir une certaine proximité dans les couleurs utilisées pour les pétales, encore que ces couleurs ne soient pas rigoureusement identiques dans leur éclat, le fond du support est entièrement vert chez l'intimée et entièrement marron chez les appelantes avec un carré blanc au centre,
* intellectuellement, les noms "Le Jardin des Fleurs" et "Carrément Fleurs" et la disposition des pétales renvoient à des concepts distincts : organisation et rigueur dans le premier cas, irrégularité et disposition éparse dans le second,
* le consommateur d'attention moyenne, même n'ayant pas les deux marques simultanément sous les yeux, ne saurait confondre les deux marques en présence, nettement séparées demeurant les différences phonétiques, visuelles et intellectuelles importantes qu'elles dégagent dans leur impression globale ; on ne peut donc retenir qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;
D'où il suit que le jugement appelé doit être réformer sur ce point et que la demande de l'intimée tendant à obtenir la condamnation des appelantes à changer de nom commercial doit être rejetée.
III - Le préjudice :
L'intimée ne produit aucun document particulier pour justifier de sa demande d'allocation de la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour la contrefaçon par utilisation de sa dénomination "Le Jardin des Fleurs" dans les prospectus distribués en guise de publicité par les appelantes ; elle prétend que ces documents ont été distribués à un million d'exemplaires, ce qui est démenti par les appelantes ; celles-ci font état d'un tirage publicitaire global de 280 000 exemples, comportant notamment mais pas exclusivement les prospectus litigieux, ce dont elles justifient par les pièces produites émanées de leur imprimeur ; étant donnée la clientèle à toucher dans la zone de chalandise des trois sociétés appelantes, le chiffre de diffusion de ces prospectus ne peut qu'être relativement limité, au mieux à 50 000 ou 60 000 exemplaires, à condition de vouloir atteindre tous les habitants du bassin de population ;
La mention "Le Jardin des Fleurs" y apparaît à deux reprises : la première de la manière suivante : "l'équipe du Jardin des Fleurs est devenue depuis début avril Carrément Fleurs" ; la seconde de la manière ci-après : "votre fidélité est récompensée : au 5e achat (au lieu du 6e avec Le Jardin des Fleurs) Carrément Fleurs vous offre un bouquet de cinq roses" ;
Il n'est pas superflu de souligner que la première de ces mentions a essentiellement un caractère informatif et qu'elle est objectivement exacte ;
Il convient aussi de remarquer que, sans être démenties par l'intimée, les appelantes soutiennent qu'ayant remplacé "Le Jardin des Fleurs", il n'existait à l'époque plus aucune enseigne de ce franchiseur dans un rayon de 60 km à la ronde ;
Le préjudice subi par ce dernier, en l'occurrence l'atteinte à la valeur de sa marque, ne peut être que très relatif ;
Le jugement doit ici aussi être réformé ; les appelantes doivent être in solidum condamnées à payer à l'intimée la somme de 2 500 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de ce chef de préjudice.
Sur les agissements parasitaires
Le premier juge a procédé à une analyse minutieuse et complète :
- de la photo du bouquet figurant au verso des prospectus précités et du texte et de sa présentation comparées à celles figurant dans les documents publicitaires et les plans de communication de l'intimée ; il en a, à bon droit, déduit qu'il en ressortait un impression visuelle similaire et la volonté pour les appelantes de s'inscrire dans le sillage et la continuité de l'intimée,
- du trouble commercial et du préjudice en résultant, limité dans le temps et la diffusion réalisée lors d'une seule et unique campagne publicitaire,
- l'absence, de près ou de loin, de toute similitude entre les cartes de fidélité distribuées par les parties ;
Ce qui a déjà été dit à propos des frais des opérations de communication mais aussi de la disparition dans le secteur de chalandise de toute enseigne ressortissant du réseau de franchise de l'intimée vaut, ici encore ;
Cette analyse n'est nullement contestée utilement en cause d'appel par l'une ou l'autre des parties, lesquelles invoquent les mêmes arguments à l'appui des mêmes demandes qu'en première instance ;
Il convient en conséquence d'adopter les motifs du premier juge, qui s'est expliqué sur l'évaluation du préjudice souffert de manière cohérente, et de confirmer sur ce chef de prétention la décision déférée.
Sur la publicité comparative illicite
A juste raison, le premier juge a partiellement admis, sur deux points particuliers, la réalité de la publicité comparative invoquée et son illicéité ; il est inexact de soutenir, comme le font les appelantes, qu'aucune mention ne met l'enseigne "Le Jardin des Fleurs" en comparaison avec elles ; le "plus" utilisé à trois reprises dans le pétales de son logo fait référence à l'introduction générale : "pour vous, Carrément Fleurs" c'est encore .... "plus de choix, plus de qualité, plus de prix" par rapport, nécessairement, à que ce qui était proposé par l'équipe du "Jardin des Fleurs" ;
A juste raison a-t-il écarté l'infraction sur les deux autres points litigieux ;
Pas plus en cause d'appel qu'en première instance, l'intimée ne parvient à caractériser et à faire la démonstration d'un préjudice d'autant qu'au moment de la diffusion des prospectus litigieux, elle n'avait plus aucun franchisé dans la zone de chandalandise des appelantes ;
La confirmation sur ce point doit être prononcée.
Sur la tentative de débauchage du personnel des appelantes par l'intimée
Sans qu'il soit nécessaire d'ajouter aux motifs du premier juge, sinon signaler qu'on ne peut guère accorder foi à l'attestation de Karine Laumet en faveur de son employeur alors qu'elle est totalement contraire à sa lettre de candidature adressée des mois plus tôt à l'intimée, il y a lieu d'adopter ses attendus, justes et bien fondés.
Sur la vente avec primes illicite
L'article L. 121-35 du Code de la consommation dispose qu'"est interdite toute vente ou offre de vente de produits (...) faite aux consommateurs et donnant droit à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime consistant en produits (...) sauf s'ils sont identiques à ceux qui font l'objet de la vente. Cette disposition ne s'applique pas aux menus objets ni aux échantillons" ;
L'alinéa 1er de ce texte pose un principe mais aussi une exception en excluant de son champ d'application les primes consistant en produits identiques à ceux vendus ; l'alinéa 2 pose une nouvelle exclusion concernant les menus objets de faible valeur et les échantillons offerts aux clients ;
Il n'existe aucune identité de nature entre la chose vendue - au sujet de laquelle il n'est rien précisé et qui peut parfaitement consister en fleurs non coupées, vases, pots, engrais, produits divers, etc... et la prime proposée ; il suffit simplement que la somme fixée soit atteinte puisqu'il était offert par le "Jardin des Fleurs" de Marmande, "5 roses pour tout achat de 2,90 euro ou plus" ;
Il a donc été contrevenu aux règles de l'alinéa 1er précité, mais aussi à celles de l'alinéa 2 de l'article L. 121-35 ;
En effet, en appliquant le mode de calcul de l'article R. 121-8 du Code auquel renvoie l'alinéa 2 de l'article L. 121-35, il apparaît que la prime est supérieure au plafond réglementaire de 7 % du prix net de vente du bien vendu si celui-ci est inférieur ou égal à 80 euro, étant précisé que le prix unitaire minimal d'une rose était à l'époque de 0,13 euro ;
Le procédé commercial employé par l'intimée est constitutif d'un acte de concurrence déloyale ; la SARL Clément et Elodie, seule victime possible de ces agissements compte tenu de sa localisation géographique, se garde de produire les éléments permettant d'évaluer avec précision son préjudice, lequel ne peut dès lors être tenu que pour symbolique et ne donner lieu qu'à l'allocation de la somme de 500 euro de dommages et intérêts, d'autant qu'il ne doit pas être perdu de vue que l'offre adverse était limitée dans le temps à seulement trois jours ;
Il y a lieu à réformation de ce chef.
Sur les plus amples prétentions de parties
La demande de mise en œuvre d'une mesure d'expertise formée par les appelantes pour réaliser une comparaison entre les marques des parties est superflue et ne sera donc pas ordonnée ;
La condamnation à publier la décision doit être rapportée puisqu'aussi bien, à des degrés même divers, les deux parties succombent pour une part ;
Les plus amples prétentions des parties doivent être écartées ;
La somme allouée en première instance à la SA Flora Partner au titre de l'article 700 du Code de procédure civile doit être réformée et portée à hauteur de 800 euro ;
En cause d'appel, l'équité commande d'allouer à la société précitée le remboursement des sommes exposées par elle pour la défense de ses intérêts ;
Il convient de lui accorder la somme de 1 200 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés pour 4/5e par les appelantes et pour 1/5e pour l'intimée.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort, Réforme la décision déférée, Dit que la SARL Acadie, la SARL Clément et Elodie et la SARL IDA Fleurs ont contrefait la marque semi-figurative n° 02 31 62 823 déposée par la SA Flora Partner, dans leurs prospectus publicitaires, par l'utilisation de la dénomination "Le Jardin des Fleurs", Condamne in solidum la SARL Acadie, la SARL Clément et Elodie et la SARL IDA Fleurs à payer à la SA Flora Partner la somme de 2 500 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de ce chef de préjudice, Dit que la SA Flora Partner a commis un acte de concurrence déloyale envers la SARL Clément et Elodie en procédant à une publicité comparative illicite, Condamne la SA Flora Partner à payer à la SARL IDA Fleurs la somme de 500 euro de dommages et intérêts, Rapporte la décision d'ordonner la publication du jugement prononcé, Condamne in solidum la SARL Acadie, la SARL Clément et Elodie et la SARL IDA Fleurs à payer à la SA Flora Partner la somme de 800 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par cette dernière en première instance, Déboute les parties de l'ensemble de leurs autres prétentions, Confirme les plus amples dispositions du jugement entrepris, Condamne in solidum la SARL Acadie, la SARL Clément et Elodie et la SARL IDA Fleurs à payer à la SA Flora Partner la somme de 1 200 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en cause d'appel, Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés pour 4/5e par les appelantes in solidum et pour 1/5e pour l'intimée, Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.