CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 19 février 2009, n° 08-01713
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Garage Reybert (SARL)
Défendeur :
Cap Janet Automobiles (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Jacques
Conseillers :
Mmes Elleouet-Giudicelli, Aimar
Avoués :
SCP de Saint Ferreol-Touboul, SCP Boissonnet-Rousseau
Avocats :
Mes Bellais, Lopinto
Faits, procédure, prétentions des parties:
Le 24 novembre 1997. la SA Cerruti, concessionnaire de la marque automobile Nissan a signé avec la SARL Garage Reybert, un acte sous seing privé par lequel elle accordait à cette société " qui l'accepte un contrat conférant à celui-ci la qualité de sous-concessionnaire... Le présent contrat étant conclu rigoureusement à titre personnel, il ne peut en aucun cas être cédé à un tiers sans l'accord préalable du concessionnaire et de la société Nissan France "
Il était également prévu dans cet acte que la résiliation du contrat, à durée indéterminée, pouvait intervenir à tout moment par lettre recommandée AR moyennant un préavis de deux ans.
Le 11 février 1999, par lettre recommandée AR la SA Cerruti Automobiles a avisé la SARL Garage Reybert de ce qu'elle entendait mettre fin à leur relation et ce à compter du 11 février 2001.
Le 3 février 2000, la SA Cerruti a cédé son fonds de commerce à la SA Cap Sicie Automobile et le 5 février 2001, la SA Cap Janet Automobiles, déclarant être le concessionnaire Nissan et avoir pour établissement secondaire la SA Cap Sicie Automobile a rappelé, par courrier, à la SA Garage Reybert " les termes de notre courrier du 11 février 1999 et vous confirmons la résiliation de notre contrat de sous-concessionnaire en date du 11 février 2001. A cette date, nous vous demandons de bien vouloir procéder à l'enlèvement des panneaux Nissan ".
La SARL Garage Reybert et Me Douhaire, son administrateur judiciaire désigné par un jugement du 18 février 1999, ont fait assigner devant le Tribunal de commerce de Marseille la SA Cap Sicie Automobiles pour voir constater que celle-ci, par son établissement Cap Janet avait mis fin dans des conditions fautives à un contrat les liant et obtenir de ce fait 4 573 470,52 euro de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 22 octobre 2001 le tribunal de commerce les a déboutés de leur demande et condamnés à payer à la défenderesse 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ils ont relevé appel de cette décision que, par un arrêt du 13 janvier 2004, la cour d'appel de ce siège autrement composée a confirmé.
Le 3 octobre 2006, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en retenant que sa motivation était impropre à caractériser la cession du contrat de sous-concession et l'accord du cédé à cette cession.
La SARL Garage Reybert a saisi la cour d'appel de ce siège désignée comme juridiction de renvoi pour demander la remise au rôle de l'affaire mais n'a pas conclu dans les délais que lui avait imparti le conseiller de la mise en état, lequel a ordonné la radiation de la procédure.
Le 30 janvier 2008, la SARL Garage Reybert a conclu et sollicité la remise au rôle de la procédure.
Dans des écritures du 23 décembre 2008, elle demande à la cour de constater que la résiliation du contrat était abusive et de lui allouer 4 573 470,32 euro de dommages et intérêts et 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient en effet que le contrat initial de sous-concession, qui la liait à la société Cerruti, concessionnaire de la marque Nissan, n'avait pas pu être transféré à la société Cap Janet lors de la cession du fonds de commerce de la société Cerruti à cette société, que dès lors puisque les relations commerciales s'étaient poursuivies avec cette société, un nouveau contrat était né, contrat qui avait été rompu abusivement et sans préavis ce qui lui avait occasionné un préjudice particulièrement important.
Par des écritures du 28 mars 2008, la SAS Cap Janet Automobiles conclut au débouté de la société Garage Reybert et demande sa condamnation à lui payer 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose que le contrat de sous-concession, élément essentiel du fonds de commerce qu'elle avait acquis de la SA Cerruti, lui avait été cédé avec le fonds et que cette cession avait été acceptée par la SARL Garage Reybert qui avait poursuivi les relations commerciales, que dès lors la demande est sans fondement, qu'elle l'est d'autant plus que l'appelante mélange les fondements contractuel et quasi-délictuel, qu'elle est aussi particulièrement fantaisiste quant au montant du préjudice allégué.
Motifs de l'arrêt:
Attendu que si la cession d'un fonds de commerce n'implique pas nécessairement la cession de tous les contrats liés au dit fonds, il est certain que la SA Cerruti ne pouvait plus, à compter de la cession de ce fonds, honorer le contrat de sous-concession qui la liait au Garage Reybert puisqu'elle perdait sa qualité de concessionnaire Nissan mais que la seule perte de cette qualité ne peut suffire à caractériser la cession du contrat et l'acceptation de cette cession par son co-contractant,
que cependant il ne peut être sérieusement contesté que le contrat de sous-concessionnaire est un élément essentiel du fonds de commerce et qu'il a donc été cédé à l'intimée lors de la cession du fonds de commerce et que cette cession a été tacitement acceptée par elle puisqu'elle a continué à honorer ce contrat et en revendique aujourd'hui encore le bénéfice.
que par contre il n'est nullement justifié que le cédé, c'est-à-dire le sous-concessionnaire, ait été avisé de la cession de ce contrat et l'ait acceptée,
que l'acceptation du cédé, obligatoire en application des dispositions de l'article 1134 du Code civil ne peut résulter, contrairement à celle du cessionnaire, de la poursuite de la relation commerciale qui ne constitue pas une acceptation non équivoque d'une cession non dénoncée,
que dès lors, et en l'absence de cession acceptée par le sous-concessionnaire, la cession n'était pas opposable à ce dernier et la SA Cap Janet ne pouvait prétendre reprendre à son compte l'acte de résiliation du 11 février 1999,
qu'en conséquence la résiliation des relations commerciales qu'elle avait liées avec la SARL Garage Reybert a présenté un caractère brusque et non motivé qui justifie l'indemnisation du préjudice subi par cette société en application de l'article 1147 du Code civil, l'intimée n'ayant pas expressément demandé à la cour de déclarer sa demande irrecevable et ayant répliqué sur ce fondement contractuel,
Attendu que ces éléments comptables produits par la SA Garage Reybert sont insuffisants pour justifier intégralement du préjudice qu'elle prétend avoir subi,
qu'en effet elle produit un prévisionnel établi en 1999 qui prévoit un chiffre d'affaire de 3 562 000 F pour cette année et de 4 234 813 F pour 2001,
que si elle produit également une attestation de son expert comptable qui prévoit pour 2001 compte tenu des ventes réalisées sur les 4 premiers mois, un chiffre d'affaires de 10 000 000 F et donc supérieur de 5 000 000 à ce qui avait été réalisé en 2000, dans une autre attestation l'expert-comptable précise que ce chiffre est dû à une vente importante du stock probablement liée à la perte du contrat de sous-concession, que donc le chiffre d'affaires perdu n'a été en aucun cas supérieur à 5 000 000 F, soit 762 245 euro,
qu'en outre l'indemnisation allouée ne peut l'être en fonction du chiffre d'affaires mais seulement en fonction d'une marge brute que le garage pouvait prétendre réaliser, et qui peut être évaluée pour tenir compte d'une moyenne entre la marge réalisée sur les véhicules neufs et celle réalisée sur les prestations de mécaniques à un maximum de 20 % du chiffre d'affaire.
qu'il lui sera donc alloué une somme de 150 000 euro à titre de dommages et intérêts
Attendu que l'équité justifie en la cause l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, réforme le jugement entrepris, Condamne la SAS Cap Janet Automobiles à payer à la SARL Garage Reybert une somme de 150 000 euro à titre de dommages et intérêts et 5 000 euro au titre des dispostions de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux dépens et autorise la SCP Boisonnet Rousseau titulaire d'un office d'avoué à procéder à leur recourvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.