CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 4 septembre 2009, n° 07-18324
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Christian Dior Couture (SA)
Défendeur :
Façonnable (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Girardet
Conseillers :
Mmes Regniez, Saint-Schroeder
Avoué :
SCP Hardouin SCP Bommart-Forster Fromantin
Avocats :
Mes Escande, Michel
La société Christian Dior Couture, ci-après dénommée Dior, expose avoir créé au cours de l'année 2001 une ligne de montres dénommée Sparkling se caractérisant par une "jetée de diamants" lesquels sont incrustés de façon désordonnée aux angles opposés du cadran de la montre.
Ayant appris en 2005 que la société Façonnable commercialisait deux modèles de montre sur le cadran desquels était apposée une "jetée de diamants" très proche de celle de sa ligne Sparkling, la société Dior a fait pratiquer des constats dans la boutique La Parfumerie du Palais des Congrès et au siège social de la société Façonnable à Nice puis a fait assigner cette société devant le Tribunal de commerce de Paris par acte du 26 janvier 2006 sur le fondement de la concurrence parasitaire.
Par jugement du 11 octobre 2007, le tribunal a débouté la société Dior de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Façonnable la somme de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles.
Aux termes de ses dernières conclusions du 29 avril 2009, la société Dior, appelante, demande à la cour d'infirmer cette décision, de dire que la commercialisation par la société Façonnable des deux modèles de montre reproduisant la "jetée de diamants" constitue des actes de concurrence parasitaire, d'ordonner des mesures d'interdiction, de confiscation et de publication ainsi que de condamner la société Façonnable à lui verser la somme de 90 000 euro à titre de dommages-intérêts provisionnels et celle de 20 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Façonnable prie la cour, dans ses dernières écritures du 27 mai 2009, de constater l'absence de tout acte de concurrence déloyale et de parasitisme de sa part de même que l'absence de tout préjudice subi par la société Dior, de débouter celle-ci de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 40 000 euro au titre des frais irrépétibles.
Il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties en date des 29 avril et 27 mai 2009 pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions et ce, conformément aux dispositions des articles 455 et 753 du Code de procédure civile.
Sur ce,
Considérant que la société Dior reproche aux premiers juges de ne pas avoir respecté les principes du parasitisme économique en se fondant sur le postulat selon lequel le parasitisme nécessiterait la démonstration d'un risque de confusion et d'avoir axer leur raisonnement sur la démonstration de l'absence de risque de confusion ;
- qu'elle fait valoir que la "jetée de diamants" est le fruit d'un travail créatif et d'investissements massifs et constitue pour elle une valeur économique individualisée lui procurant un avantage concurrentiel ; qu'elle soutient qu'est fautive la reprise de cette "jetée de diamants", non nécessaire, qui a permis à la société Façonnable de profiter du succès de la ligne Dior Sparkling en provoquant chez le client, par l'impact d'un décor évocateur de produits réputés, un réflexe favorable.
Considérant que la société Façonnable réplique, notamment, que la "jetée de diamants" revendiquée par la société Dior n'identifie pas cette société aux yeux du public, qu'elle est dénuée de caractère attractif et conteste tout rattachement indiscret, relevant l'absence de préjudice subi par la société appelante.
Considérant, ceci exposé, que la société Dior qui ne dispose d'aucun droit privatif sur la "jetée de diamants" qui orne sa ligne de montres dénommée Sparkling, a choisi de poursuivre la société Façonnable, dont elle ne dénie pas que celle-ci exerce son activité dans le même domaine économique et se trouve ainsi en situation de concurrence avec elle, sur le seul fondement du parasitisme à l'exclusion de celui du risque de confusion ; qu'elle reconnaît, ce faisant, que la forme générale des deux modèles de montres incriminés dénommés Hydra Lady Diamond et Dome Clover Diamond ne présente pas de ressemblances avec celle de ses montres à l'exception des formes ronde ou rectangulaire du cadran qui sont les formes habituelles des cadrans de montres et du décor de diamants qu'elle désigne comme l'élément distinctif et attractif dominant des montres de la ligne Sparkling.
Considérant, cependant, que le simple fait de copier la prestation d'autrui ne constitue pas comme tel un acte de concurrence fautif, le principe étant qu'une prestation qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduite et ce, en vertu du principe de liberté du commerce et de la concurrence ;
- qu'il appartient à la société Dior qui incrimine un comportement fautif de la part de la société Façonnable de caractériser la faute de cette société, laquelle ne peut consister dans l'avantage économique tirée de la reprise de la "jetée de diamants" ; qu'en effet, l'économie réalisée par celui qui imite un produit du domaine public ne constitue pas une faute dès lors que cette imitation est licite ;
- qu'au demeurant, la société Façonnable justifie des efforts publicitaires qu'elle réalise pour promouvoir ses montres et édite son propre catalogue ; que, de plus, la société intimée ne commercialise que deux modèles de montres comportant une "jetée de diamants" et non pas une gamme de montres au contraire de la société Dior.
Considérant que la société Dior fait grief à la société Façonnable de ne pas avoir respecté les règles élémentaires de loyauté et notamment l'obligation de distinguer ses produits de ses propres produits afin de ne générer avec eux aucun rattachement indiscret.
Mais considérant que les deux montres litigieuses se distinguent des montres de la ligne Sparkling par la présence, sur la montre Dome Clover Diamond au boîtier rectangulaire dont deux côtés sont incurvés, d'une lunette légèrement bombée, de quatre petits diamants à l'emplacement des chiffres 3, 6, 9 et 12 alors que les chiffres 2, 5, 7 et 10, de grande taille, sont comme projetés depuis chaque angle de la lunette pour finir sur le bord du boîtier ; que seuls les quatre diamants et une mouette stylisée ornent le cadran sur lequel est apposée la marque Façonnable ;
- que le modèle Lady Hydra Diamond se compose d'un boîtier de forme ronde comportant deux décrochements à l'emplacement des nombres 12 et 6 lesquels figurent sous la forme des chiffres arabes tandis que le 3 et le 9 sont représentés sous la forme des chiffres romains ; que le seul autre élément ornemental du cadran est une mouette stylisée placée en partie haute, la marque Façonnable étant reproduite en partie basse du cadran.
Considérant que ces formes et éléments décoratifs qui révèlent un effort de création confèrent aux montres Façonnable un aspect qui les distingue de celui des montres Sparkling sur lesquelles les caractéristiques qui viennent d'être décrites ne se retrouvent pas ;
- que la seule reprise d'une jetée de diamants dont il vient d'être dit qu'elle n'était pas en elle-même fautive ne suffit donc pas à caractériser un rattachement indiscret.
Considérant qu'il suit de ces développements que la faute alléguée par la société Dior n'est pas établie ; que le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé.
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Façonnable la somme de 10 000 euro au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Christian Dior Couture de ses demandes. Condamne la société Christian Dior Couture à verser à la société Façonnable la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. La condamne aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par la SCP Bommart Forster & Fromantin, avoué.