CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 4 janvier 2012, n° 08-18123
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Nuance (SARL), Saint Martin (ès qual.)
Défendeur :
Lancôme Parfums et Beauté et Compagnie (SNC), L'Oréal (SA), Parfums Guy Laroche (SAS), Delvallée, Giorgio Armani SPA (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pimoulle
Conseillers :
Mmes Gaber, Chokron
Avoués :
SCP Narrat Peytavi, SCP Monin-d'Auriac
Avocats :
Mes Yaeche, Guerlain
Vu l'arrêt du 10 mars 2010 rendu par cette chambre de la cour, sur l'appel interjeté le 17 juillet 2007 par la SARL Nuance du jugement contradictoire du 22 juin 2007 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris,
Vu les dénonciations de Maître Mireille Saint Martin, intervenante volontaire ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL Nuance appelante, à Marie Pascale Ledu épouse Delvallée (ci-après dite Marie Delvallée), intimée défaillante :
- du 13 mai 2010 transformée en procès-verbal de perquisition,
- des 1er et 25 juin 2010, cette dernière incluant assignation à comparaître, signifiées à tiers présent au domicile ;
Vu la dénonciation du 15 octobre 2010, remise à personne, délivrée à la requête de la SNC Lancôme Parfums et Beauté & Cie (ci-après dite Lancôme), de la SA l'Oréal, de la SA GA Modefine (ci-après dite Modefine) et de la SAS Parfums Guy Laroche (ci-après dite Laroche) à Marie Delvallée, et les conclusions de donner acte du 21 juin 2011 de dénonciation des uniques conclusions, du 11 mars 2009, de ces sociétés, intimées et incidemment appelantes,
Vu les conclusions de procédure du 29 juin 2011 de la société de droit italien Giorgio Armani SPA (ci-après dite Armani) venant aux droits de la société Modefine, intimée, ensuite d'un acte de fusion du 25 septembre 2009,
Vu les dernières conclusions du 13 septembre 2011, reprenant celles du 23 septembre 2008, signifiées à la société Armani, de Maître Mireille Saint Martin ès qualité, appelante,
Vu la non-comparution de Marie Delvallée,
Vu l'ordonnance de clôture du 20 septembre 2011,
Sur ce, LA COUR,
Considérant que la procédure a été régularisée à l'égard de Marie Delvallée, intimée défaillante, ensuite de l'arrêt de réouverture des débats de cette chambre ; qu'il sera pris acte de l'intervention de la société Armani comme venant aux droits de la société Modefine, étant relevé que si aucune condamnation n'a été prononcée à l'encontre de la société Modefine celle-ci pouvait être intimée en tant que demanderesse en première instance ;
Considérant, au fond, que les sociétés intimées, titulaires de différentes marques telles qu'énoncées dans le jugement entrepris, ont fait assigner à jour fixe Marie Delvallée et la société Nuance devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon et concurrence déloyale, la société Lancôme ayant découvert que Marie Delvallée porterait atteinte à ces marques en vendant sur Internet des parfums pour le compte de la société Nuance, notamment par le biais du site eBay sous le pseudonyme "marie pascale21280" ;
Que, suivant décision dont appel, le tribunal a essentiellement :
- dit "qu'en commercialisant des parfums et des produits cosmétiques sous les dénominations Trésor, Amor Amor, O de Lancôme, Drakkar Noir, Hypnose et Noa, Madame Marie Pascale Delvallée et la société Nuance se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon des marques Trésor n° 1 369 732 , Amor Amor n° 02 3 197 314, O de Lancôme n° 1 396 098, Drakkar Noir n° 1 369 413, Hypnose n° 04 3 328 579, Hypnose n° 00 41 73 6 21 et Noa n° 00 2 652 170",
- prononcé une mesure d'interdiction sous astreinte et autorisé une mesure de publication,
- condamné in solidum la société Nuance et Marie Delvallée à payer respectivement aux sociétés Lancôme, l'Oréal et Laroche, 40 000 euro, 20 000 euro et 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon commis à leur encontre et dit "que dans les rapports entre elles, la société Nuance et Madame Marie Pascale Delvallée supporteront la charge définitive des condamnations prononcées à leur encontre à concurrence de 70 % pour la première et de 30 % pour la seconde" ;
Considérant que Maître Saint Martin ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Nuance, intervenante volontaire et comme telle appelante, conteste toute responsabilité quant aux méthodes de commercialisation, subsidiairement l'évaluation du préjudice subi, demandant à être totalement garantie par Marie Delvallée ; que les sociétés intimées critiquent le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas retenu la contrefaçon de la marque Lancôme n° 1 557 084, ni d'actes de concurrence déloyale, et en ce qu'il a limité les mesures réparatrices ;
Considérant que la matérialité des actes de contrefaçon telle que retenue par les premiers juges n'est pas sérieusement contestée ; que ces derniers ont exactement estimé que la contrefaçon de marques par reproduction et l'usage illicite des marques Trésor, Hypnose (marque française dénominative et marque verbale communautaire), O de Lancôme de la société Lancôme, Amor Amor, Noa de la société l'Oréal et Drakkar Noir de la société Laroche, désignant notamment des produits de parfumerie ou parfums, eaux de toilette, de la classe 3, est établie par le procès-verbal de constat du 24 janvier 2007 (sur le site Internet " eBay.fr ") et les opérations de saisie-contrefaçon du 1er mars 2007 (réalisées au domicile de Marie Delvallée et sur le disque dur de son ordinateur) ;
Que la société Lancôme, même si elle ne poursuit plus en cause d'appel Marie Delvallée de ce chef, soutient à bon droit que sa marque française Lancôme n° 1 557 084, a également été contrefaite; qu'en effet la commercialisation d'un parfum présenté comme ressemblant à un parfum Lancôme " par exemple O " caractérise suffisamment une atteinte aux droits de la marque Lancôme ; que, sous cette réserve, il convient de confirmer la décision déférée quant aux actes de contrefaçon ;
Considérant que les intimées prétendent qu'indépendamment de la concordance entre leurs marques et les références de la société Nuance une confusion aurait été recherchée, leurs parfums étant présentés dans l'esprit du public comme une fragrance générique ; que cependant la présentation d'une correspondance des produits offerts en vente avec des parfums commercialisés sous les marques en cause ne constitue pas un acte distinct de la contrefaçon des dites marques, alors que les premiers juges ont justement relevé qu'il n'était " pas en soi fautif de commercialiser" les fragrances incriminées, dont il n'était pas démontré qu'elles étaient identiques aux produits revendiqués ; que les demandes au titre de la concurrence déloyale ne sauraient donc prospérer, et la décision entreprise doit être approuvée en ce qu'elle a rejeté les prétentions formulées à ce titre ;
Considérant, de même, que c'est par une exacte appréciation des faits de la cause et une juste application des règles de droit s'y rapportant, que le tribunal a retenu que si Marie Delvallée était responsable, tant de la reproduction illicite des marques en cause sans autorisation de leurs titulaires que de l'usage de ces dernières, la société Nuance en sa qualité de fournisseur des parfums en cause ne pouvait ignorer l'utilisation illicite opérée par Marie Delvallée de tableaux de concordance entre les parfums commercialisées et des produits connus sous les marques en cause et devait être condamnée in solidum avec celle-ci, n'admettant que partiellement son action récursoire ;
Qu'il sera ajouté que la société Nuance, professionnelle de la commercialisation de parfums, ne saurait dénier sa responsabilité, ni être relevée de toute condamnation, au motif que Marie Delvallée n'était pas salariée, mais vendeur à domicile indépendant, alors que celle-ci disposait de données précises sur les fragrances à commercialiser et d'un kit de démonstration fournis par la société Nuance, et offrait publiquement les produits de cette dernière sur des sites Internet (tels eBay.fr ou destockplus.com) en reproduisant leurs conditionnements, et utilisant sur sa page personnelle (e-monsite) une image extraite du site Internet de la société Nuance (parfum-nuance.com) ; que le simple fait que Marie Delvallée ait pu procéder sur Internet à d'autres assimilations en matière de parfums pour le compte de tiers, ou ait annoté manuscritement certains documents de la société Nuance, ne saurait, par ailleurs, suffire à démontrer qu'elle est seule à l'origine des rapprochements illicites litigieux et, en particulier, l'auteur d'une feuille entièrement dactylographiée remise à l'huissier lors des opérations de saisie-contrefaçon qui associé incontestablement les références des produits de la société Nuance à des dénominations protégées à titre de marques, pour des produits similaires, par " familles olfactives ", d'autant que la société Nuance revendique une compétence en la matière, précisant que ses parfums sont élaborés selon ses directives et qu'elle sélectionne les senteurs ;
Considérant que si seules quatre ventes illicites, représentant un chiffre d'affaires total très modique, ne sont pas discutées, le tribunal a exactement retenu que le système d'association des parfums de la société Nuance à des fragrances commercialisées sous les marques des sociétés Lancôme, l'Oréal et Laroche banalise manifestement celles-ci ; qu'eu égard aux atteintes ainsi admises, en ce compris celles portées à la marque française Lancôme, non relevées par la décision entreprise, les préjudices subis ont été justement réparés par les dommages et intérêts accordés par les premiers juges et la mesure de publication par eux autorisée ; que la mesure d'interdiction telle que prononcée en première instance s'avère également pertinente, et le jugement déféré sera, en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions, sauf à tenir compte de la liquidation judiciaire, depuis intervenue, de la société Nuance, étant observé qu'il n'est pas contesté que les intimées ont régulièrement produits leurs créances au passif de ladite société ;
Par ces motifs, Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle n'a pas dit que la société Nuance s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de la marque Lancôme n° 1 557 084 et à tenir compte de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Nuance ; Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant, Prend acte de ce que la société de droit italien Giorgio Armani SPA vient aux droits de la SA GA Modefine ; Dit que la société Nuance a commis des actes de contrefaçon de la marque Lancôme n° 1 557 084 au préjudice de la société Lancôme Parfums et Beauté et Compagnie ; Reçoit Maître Mireille Saint Martin ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL Nuance en son intervention volontaire; Fixe au passif de la liquidation de la société Nuance le montant des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière par les premiers juges ; Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ; Condamne Maître Mireille Saint Martin ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL Nuance aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et dit n'y avoir lieu à nouvelle application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.