ADLC, 10 janvier 2012, n° 12-D-01
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à une demande de mesures conservatoires concernant des pratiques mises en œuvre par les sociétés Oracle Corporation et Oracle France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Caroline Teyssié, rapporteure, , l'intervention orale de M. Éric Cuziat, rapporteur général adjoint, par Mme Elisabeth Flüry-Hérard, vice-présidente, présidente de séance, Mme Pierrette Pinot, MM. Emmanuel Combe, Noël Diricq, membres.
L'Autorité de la concurrence (section IV) ;
Vu la lettre enregistrée le 1er juillet 2011, sous le numéro 11-0050 F, par laquelle les sociétés Hewlett-Packard Company et Hewlett-Packard France ont saisi l'Autorité de la concurrence d'un dossier relatif à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs des systèmes de gestion de bases de données relationnels et des serveurs pour entreprise, et la lettre enregistrée le 1er juillet 2011, sous le numéro 11-0051 M, par laquelle les sociétés saisissantes ont demandé que soient prononcées sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce l'octroi de mesures conservatoires ; Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment l'article 102 ; Vu le livre IV du Code de commerce ; Vu les décisions de secret des affaires n° 11-DSA-233 du 29 juillet 2011, n° 11-DSA-271 du 7 septembre 2011, n° 11-DSA-272 du 7 septembre 2011, n° 11-DSA-274 du 14 septembre 2011, n° 11-DSA-275 du 14 septembre 2011, n° 11-DSA-282 du 20 septembre 2011, n° 11-DSA-287 du 27 septembre 2011, n° 11-DSA-293 du 28 septembre 2011, n° 11-DSA-301 du 3 octobre 2011, n° 11-DSA-302 du 3 octobre 2011, n° 11-DSA-307 du 12 octobre 2011, n° 11-DSA-310 du 13 octobre 2011, n° 11-DSA-312 du 17 octobre 2011, n° 11-DSA-315 du 20 octobre 2011, n° 11-DSA-319 du 25 octobre 2011, n° 11-DSA-337 du 8 novembre 2011, n° 11-DSA-340 du 9 novembre 2011, n° 11-DSA-341 du 15 novembre 2011, n° 11-DSA-343 du 15 novembre 2011, n° 11-DSA-353 du 22 novembre 2011, n° 11-DSA-354 du 23 novembre 2011, n° 11-DSA-355 du 25 novembre 2011, n° 11-DSA-356 du 25 novembre 2011, n° 11-DSADEC-23 du 8 novembre 2011, n° 11-DSADEC-24 du 28 novembre 2011, n° 11-DSADEC-25 du 28 novembre 2011, n°11-DEC-41 du 30 septembre 2011, n° 11-DEC-45 du 4 novembre 2011, n° 11-DEC-48 du 22 novembre 2011, n° 11-DEC-49 du 22 novembre 2011, n° 11-DEC-50 du 23 novembre 2011, n° 11-DEC-51 du 23 novembre 2011et n° 11-DEC-52 du 24 novembre 2011 ; Vu les observations présentées par les sociétés Hewlett-Packard Company, Hewlett-Packard France, Oracle Corporation et Oracle France ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement, les représentants des sociétés Hewlett-Packard Company et Hewlett-Packard France, et les représentants des sociétés Oracle Corporation et Oracle France entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 30 novembre 2011 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. La saisine
1. Par lettre enregistrée le 1er juillet 2011, l'Autorité de la concurrence a été saisie d'une plainte des sociétés Hewlett-Packard Company et Hewlett-Packard France (ci-après " Hewlett-Packard ") dirigée contre des pratiques mises en œuvre par les sociétés Oracle Corporation et Oracle France (ci-après " Oracle ") sur les secteurs des systèmes de gestion de bases de données relationnels (ci-après " SGBDR ") et des serveurs pour entreprise.
2. Ces pratiques consisteraient principalement en :
- un refus d'Oracle de porter la version future de son SGBDR sur le processeur Itanium d'Intel, lequel serait principalement utilisé dans la conception des serveurs HP Integrity de Hewlett-Packard ;
- une tarification discriminatoire de la licence d'utilisation de son SGBDR appliquée par Oracle en fonction des serveurs utilisés par les entreprises clientes.
3. Accessoirement à la saisine au fond, Hewlett-Packard a sollicité, sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce, le prononcé de mesures conservatoires tendant à faire cesser les pratiques dénoncées.
B. Les secteurs
1. La pile technologique
4. Les pratiques dénoncées en l'espèce portent sur les systèmes de gestion de bases de données relationnels et les serveurs pour entreprise, c'est-à-dire sur des produits constitutifs de l'installation informatique d'une entreprise, laquelle peut être également qualifiée de " pile technologique ".
5. La pile technologique est composée d'un ensemble de couches constituant, ainsi que le note la Commission européenne, les " différents éléments matériels et logiciels nécessaires aux sociétés pour au final utiliser les applications logicielles d'entreprise " (1). Comme développé ci-après, elle comprend la couche matérielle et les couches logicielles.
a) La couche matérielle
6. Les éléments matériels de l'installation informatique d'une entreprise comprennent notamment les serveurs, les unités de stockage des données et les ordinateurs personnels directement utilisés par les employés de l'entreprise (2).
b) Les couches logicielles
7. Au matériel, s'ajoutent les couches logicielles successives suivantes :
- Le système d'exploitation
8. Le système d'exploitation contrôle les fonctions de base du matériel informatique (et notamment du serveur), afin de permettre aux employés de l'entreprise d'utiliser les applications logicielles d'entreprise (3).
9. Il existe de nombreux systèmes d'exploitation, dont par exemple Linux (qui est un système libre), Windows de Microsoft mais également les systèmes d'exploitation basés sur Unix (comme, par exemple, HP-UX de Hewlett-Packard, Solaris d'Oracle et AIX d'IBM) (4).
- La base de données
10. La base de données est conçue pour " stocker, organiser, analyser et récupérer des informations détenues sous format électronique " (5). Il existe plusieurs types de bases de données, dont certains sont développés ci-après.
- Les logiciels médiateurs
11. Les logiciels médiateurs englobent, comme le relève la Commission européenne, une " vaste catégorie de produits logiciels qui fournissent l'infrastructure nécessaire pour que des applications fonctionnent sur un serveur, soient accessibles à toute une série de clients sur un réseau et puissent se connecter à un ensemble de sources d'informations " (6). En d'autres termes, ces logiciels jouent le rôle de médiateurs entre un programme applicatif et un réseau.
- Les applications logicielles d'entreprise
12. Les applications logicielles d'entreprise, ou logiciels applicatifs, sont nécessaires à la gestion efficace de l'entreprise et sont souvent accessibles directement sur les ordinateurs personnels des employés de l'entreprise (7).
13. Les applications logicielles d'entreprise peuvent être développées et adaptées pour tout secteur d'activité. A titre illustratif, une entreprise pourra disposer d'une application spécifique lui permettant de gérer sa comptabilité ou ses ressources humaines.
c) Conclusion sur la pile technologique
14. L'ensemble des couches de la pile technologique constituent des éléments indispensables au fonctionnement d'une installation informatique de toute entreprise. En outre, seule leur interopérabilité permet leur fonctionnement conjoint.
15. La notion d'interopérabilité fait référence à la capacité des différents composants de la pile technologique à " échanger des informations et [à] utiliser mutuellement les informations échangées " (8). Elle s'inscrit dans le système ouvert, c'est-à-dire, comme la Commission européenne l'indique, dans " une approche consistant à assurer l'interopérabilité entre produits de différents vendeurs, de telle façon que le consommateur ait le choix entre les différents produits correspondant, qui peuvent se substituer l'un à l'autre " (9). Le système ouvert est généralisé à l'heure actuelle, contrairement au système fermé dans le cadre duquel l'ensemble des produits matériels et logiciels sont offerts par le même fournisseur, sous la forme de " tout-en-un ".
16. Dès lors, le caractère indispensable de l'interopérabilité entre les différents éléments constitutifs d'une installation informatique atteste de l'existence d'un lien de connexité étroit entre les marchés de produits liés aux différentes couches de la pile technologique.
17. Le tableau suivant récapitule la composition de la pile technologique :
2. Le secteur des serveurs pour entreprise
a) Les notions de serveur et de processeur
18. Le serveur pour entreprise est un ordinateur multiutilisateur puissant mis en réseau et auquel accèdent les utilisateurs par l'intermédiaire de leur ordinateur personnel (10).
19. Le serveur pour entreprise est constitué d'un ensemble de composants dont le processeur, qui est l'unité centrale du serveur effectuant les opérations arithmétiques nécessaires à l'exécution des programmes informatiques ou logiciels (11).
20. Comme développé ci-après, il existe différentes architectures de processeurs, c'est-à-dire de schémas techniques de structure du processeur, et notamment les architectures dites de type RISC, EPIC et x86.
b) La notion de tâches à mission critique
21. Plusieurs critères permettent de distinguer les serveurs pour entreprise, tels les prix, l'architecture du processeur et les fonctionnalités offertes par le serveur. Il ressort toutefois de la pratique décisionnelle de la Commission européenne et des données recueillies dans
Applications logicielles d'entreprise
Logiciels médiateurs
Base de données (dont les SGBDR)
Système d'exploitation
Matériel (dont les serveurs)
le cadre de l'instruction que ces dernières prédominent dans la distinction entre les différents modèles de serveurs (12).
22. Plus précisément, la fonctionnalité recherchée par les entreprises clientes de serveurs de haut de gamme est la capacité du serveur à prendre en charge des tâches dites " à mission critique ", " c'est-à-dire dont la réalisation ininterrompue est essentielle au bon fonctionnement d'une organisation "13. Il s'agit en l'occurrence de serveurs caractérisés par un degré élevé de disponibilité, de fiabilité, de facilité de maintenance et de sécurité (14).
A cet égard, et afin d'assurer une disponibilité optimale des installations, ces serveurs sont souvent installés en réseau (ou " cluster ") (15).
c) Les principaux modèles de serveurs pour entreprise
23. Plusieurs modèles de serveurs pour entreprise permettent la réalisation de tâches à mission critique dont notamment les serveurs " mainframes " et les serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC. Comme développé ci-après, il apparaît également que les serveurs basés sur des processeurs de type x86 permettent, à tout le moins dans une certaine mesure, la réalisation de tâches à mission critique.
Les " mainframes "
24. Les " mainframes " sont des serveurs pour entreprise particulièrement puissants, permettant la réalisation de tâches à mission critique et auxquels sont reliés les ordinateurs personnels des employés de l'entreprise (16). Ils s'inscrivent dans un système ouvert, dans la mesure où des couches logicielles additionnelles, dont le SGBDR, pourront être fournies par d'autres acteurs que le fabricant de " mainframe ".
25. Les serveurs " mainframes " sont notamment conçus et commercialisés par IBM (sous la marque " z "), Bull et Fujitsu (17).
Les serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC
26. Les serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC permettent également la réalisation de tâches à mission critique. Les appellations RISC (" Reduced Instruction Set Computers ", c'est-à-dire ordinateurs à jeux d'instructions réduits) et EPIC (" Explicitely Parallel Instruction Computing ", c'est-à-dire permettant le traitement parallèle de l'instruction) font référence à l'architecture (c'est-à-dire au schéma technique) des processeurs. Cependant, ce sont leurs fonctionnalités qui prévalent pour les entreprises clientes de serveurs, c'est-à-dire en l'occurrence leur capacité à réaliser des tâches à mission critique (18).
27. Hewlett-Packard conçoit des serveurs basés sur des processeurs de type EPIC, avec les serveurs de la gamme HP Integrity (qui font appel au processeur Itanium d'Intel). Les serveurs basés sur des processeurs de type RISC sont principalement conçus par IBM (avec les serveurs de la gamme Power) et Oracle (avec les serveurs de la gamme SPARC).
28. Ces gammes de serveurs fonctionnent principalement avec un système d'exploitation basé sur Unix et développé par chaque constructeur notamment sous les appellations HP-UX pour Hewlett-Packard, AIX pour IBM et Solaris pour Oracle (19). Toutefois, ces serveurs peuvent parfois fonctionner avec d'autres systèmes d'exploitation, comme par exemple Linux (système d'exploitation libre) (20).
Les serveurs basés sur des processeurs de type x86
29. Les développements technologiques récents ont permis aux serveurs pour entreprise basés sur des processeurs de type x86, lorsqu'ils sont mis en réseau, d'égaler dans une certaine mesure les performances et fonctionnalités offertes par les serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC.
30. Comme pour ces derniers, l'appellation x86 fait référence à l'architecture (c'est-à-dire au schéma technique) du processeur utilisé dans ce type de serveurs. Dans un premier temps, ces serveurs ne permettaient que l'exécution de tâches simples, comme l'impression de documents. Cependant, grâce aux recherches et développements technologiques des dernières années, ces serveurs peuvent également, à tout le moins dans une certaine mesure et lorsqu'ils sont mis en réseau, réaliser des tâches à mission critique (21).
31. À titre illustratif, Intel commercialise son processeur x86 sous l'appellation Xeon, dont les derniers modèles sont Xeon 7500 et Xeon E7. Intel indique que ces dernières versions de son processeur sont " en mesure d'offrir une fiabilité, une disponibilité et une [facilité de maintenance] comparables à celles des actuels processeurs Itanium d'Intel " (22). Elle ajoute à cet égard que " les familles de processeurs Itanium comme Xeon sont en mesure de satisfaire la demande des utilisateurs finals pour des serveurs de type " mission critique " (23).
32. Par ailleurs, une étude récente réalisée aux États-Unis par IDC (24) illustre que de grandes entreprises utilisant auparavant des serveurs " mainframes " ou des serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC ont migré avec succès leurs installations (dont les tâches à mission critique) vers des serveurs pour entreprise basés sur des processeurs de type x86 (25).
33. En outre, les neuf entreprises consultées dans le cadre de la présente affaire ont toutes, à l'exception d'une seule (26), confirmé que des serveurs basés sur des processeurs de type x86, notamment lorsqu'ils sont mis en réseau (ou " cluster "), permettent la réalisation de tâches à mission critique (27). En outre, sur ces neuf entreprises interrogées, quatre d'entre elles ont indiqué qu'elles utilisent déjà de telles installations pour la réalisation de leurs tâches à mission critique (28). Plus précisément, la Direction générale des Finances publiques a indiqué que sa stratégie actuelle est de s'orienter exclusivement vers les serveurs basés sur des processeurs de type x86, parce qu'elle estime que ces serveurs sont tout autant adaptés à la réalisation de l'ensemble de ses tâches à mission critique (29).
34. Enfin, Oracle a également confirmé dans le cadre de la présente affaire que les serveurs basés sur des processeurs de type x86 permettaient, lorsqu'ils sont mis en réseau, la réalisation de tâches à mission critique. [...].
35. Les principaux fabricants de serveurs basés sur des processeurs de type x86 sont notamment IBM, Hewlett-Packard, Oracle, Dell, Fujitsu, Unisys, SGI, Cisco et Bull (30). Ces serveurs fonctionnent souvent avec tous les systèmes d'exploitation dont Linux, Windows de Microsoft et, pour certains modèles, avec des systèmes d'exploitation basés sur Unix.
Ils se distinguent toutefois de ceux basés sur les processeurs de type RISC ou EPIC par leur prix généralement inférieur.
Les principaux acteurs du secteur des serveurs pour entreprise
36. Selon IDC, les principaux acteurs du secteur des serveurs pour entreprise, tous types confondus, et leurs parts des ventes en valeur sur ce secteur - indiquées ci-après sous la forme de fourchettes afin de préserver le secret des affaires - étaient les suivants en 2010 (31) :
Monde France
- IBM : [30-35]%
- Hewlett-Packard : [30-35]%
- Dell : [10-15]%
- Oracle : [5-10]%
- Fujitsu : [0-5]%
- NEC : [0-5]%
- Cisco : [0-5]%
- Hitachi LTD : [0-5]%
- Unisys : [0-5]%
- SGI : [0-5]%
- Les autres : [5-10]%
- IBM : [30-35]%
- Hewlett-Packard : [25-30]%
- Dell : [15-20]%
- Oracle : [5-10]%
- Groupe Bull : [5-10]%
- Fujitsu : [0-5]%
- Cisco : [0-5]%
- Unisys : [0-5]%
- SGI : [0-5]%
- Acer group : [0-5]%
- Les autres : [0-5]%
37. S'agissant du segment des serveurs " mainframes ", leur principal fournisseur est IBM, avec une part des ventes en valeur estimée en 2010 à [75-80]% au niveau mondial et à [85-90]% en France. Au niveau mondial, IBM était suivie en 2010 par Fujitsu (avec une part des ventes en valeur de [10-15]%) et Hitachi (avec une part des ventes en valeur de [0-5]%). En France, les groupes Bull et Unisys étaient en 2010 les principaux fournisseurs de serveurs " mainframes ", après IBM, avec des parts des ventes en valeur s'élevant respectivement à [5-10]% pour Unisys et à [0-5]% pour Bull (32).
38. S'agissant du segment des serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC, les trois principaux fournisseurs de ces types de serveurs sont IBM, Hewlett-Packard et Oracle au niveau mondial. En 2010, leurs parts des ventes en valeur s'élevaient respectivement à [45-50]% pour IBM, à [25-30]% pour Hewlett-Packard et à [20-25]% pour Oracle. En France, outre ces trois acteurs, le groupe Bull a également une présence significative sur ce segment. A cet égard, les parts des ventes en valeur des principaux acteurs en 2010 s'élevaient, pour la France, à [30-35]% pour IBM, à [25-30]% pour Bull, à [20-25]% pour Oracle et à [15-20]% pour Hewlett-Packard (33).
39. Enfin, s'agissant du segment des serveurs basés sur des processeurs de types x86, celui-ci comprend un plus grand nombre d'acteurs. Ces fournisseurs ainsi que leurs parts des ventes en valeur en 2010 étaient les suivants (34) :
Monde France
- Hewlett-Packard : [35-40]%
- Dell : [20-25]%
- IBM : [15-20]%
- Fujitsu : [0-5]%
- Oracle : [0-5]%
- Cisco : [0-5]%
- NEC : [0-5]%
- SGI : [0-5]%
- Unisys : [0-5]%
- Hitachi : [0-5]%
- Autres : [10-15]%
- Hewlett-Packard : [35-40]%
- Dell : [20-25]%
- IBM : [20-25]%
- Fujitsu : [0-5]%
- Oracle : [0-5]%
- Cisco : [0-5]%
- Groupe Bull : [0-5]%
- SGI : [0-5]%
- Unisys : [0-5]%
- Acer group : [0-5]%
- Autres : [0-5]%
3. Le secteur des systèmes de gestion de bases de données relationnels (SGBDR)
40. Comme mentionné ci-avant, les bases de données constituent la couche logicielle conçue pour " stocker, organiser, analyser et récupérer des informations détenues sous format électronique " (35).
a) La notion de système de gestion de bases de données relationnel (SGBDR)
41. Le système de gestion de bases de données (ci-après " SGBD ") est un logiciel de base de données " servant à gérer l'organisation, le stockage, l'accès, la sécurité et l'intégrité des données " (36), ainsi que la Commission européenne a eu l'occasion de le définir.
42. Le SGBD le plus répandu et considéré comme le plus avancé technologiquement est le système de gestion de bases de données relationnel (ci-après " SGBDR "). Le SGBDR a la particularité de permettre le stockage de données dans des tables séparées et d'effectuer ensuite des liens entre ces différentes tables, contrairement au SGBD, lequel renferme l'ensemble des données dans une seule et même table. Le recours au SGBDR permet dès lors " d'avoir des bases de données plus importantes, plus rapides et plus efficaces " (37).
43. Les principaux fournisseurs de SGBDR sont Oracle, IBM, Microsoft, Teradata et SAP (laquelle a récemment acquis Sybase) (38). Ces SGBDR ont souvent fait l'objet de différentes versions, correspondant aux investissements et développements techniques réalisés par leurs concepteurs. Par exemple, le SGBDR d'Oracle a connu plusieurs versions, dont la version 8, sortie en 2000, la version 9.2, sortie en 2002, la version 10 g, sortie en 2004, et la version 11g qui est la version la plus récente, sortie en 2009 (39). Concernant la prochaine version de son SGBDR, Oracle indiquait en septembre 2011 que celle-ci ne paraîtrait pas avant un an au moins, c'est-à-dire pas avant octobre 2012 (40).
44. Par ailleurs, la plupart des fournisseurs de SGBDR offrent également différentes éditions de leur SGBDR, dont les prix et fonctionnalités varient. A titre illustratif, Oracle présente sur son site internet quatre éditions principales de son SGBDR (41), à savoir :
( " Oracle database 11g Entreprise Edition "
( " Oracle database 11g Standard Edition "
( " Oracle database 11g Standard Edition One "
( " Oracle database 10g Express Edition "
45. Le Code source, c'est-à-dire la structure de base du logiciel, est identique pour Entreprise Edition, Standard Edition et Standard Edition One, ce qui facilite le passage de l'une de ces éditions à une autre (42).
46. Ces éditions se distinguent toutefois par leur prix, leurs caractéristiques techniques et les options qu'elles offrent. A titre illustratif, seules les trois premières éditions mentionnées fonctionnent sur tout type de système d'exploitation et chaque édition fonctionne sur un nombre maximal variable de socles (c'est-à-dire de réceptacles de processeurs). Les options notamment liées à la disponibilité du SGBDR, à la sécurité, au développement applicatif ou au stockage de données varient également en fonction de l'édition utilisée (43).
b) La migration de SGBDR
47. La migration de SGBDR ou de base de données est le transfert des données d'une entreprise d'une base de données vers une autre base de données (44). Comme confirmé par la Commission européenne et par les entreprises consultées dans le cadre de la présente instruction, il s'agit d'un exercice particulièrement coûteux, fastidieux et risqué (45).
48. Étant donné les risques de pertes de données et les coûts importants liés à la migration de SGBDR, la plupart des entreprises tendent à utiliser le même SGBDR d'un même fournisseur pendant plusieurs années, voire plusieurs décennies. Ceci a été confirmé par les entreprises interrogées dans le cadre de la présente affaire (46). Les mêmes utilisateurs passent aux nouvelles versions de ce SGBDR, lorsque les besoins de l'entreprise le nécessitent (47). Certaines entreprises ont en outre tendance à utiliser en parallèle plusieurs SGBDR de fournisseurs différents (48).
49. Si le passage d'une version à une autre d'un même SGBDR est également difficile (49), il demeure toutefois l'option la moins coûteuse et la moins fastidieuse pour les entreprises.
50. Enfin, il convient de noter que le choix d'une entreprise de passer vers une nouvelle version d'un même SGBDR correspond rarement au moment exact de sortie de cette nouvelle version et est souvent guidé par d'autres motifs. En effet, il ressort des réponses apportées par certaines des entreprises consultées dans le cadre de l'instruction que le changement de version de SGBDR se produit " à un rythme variable (de 4 à 6 ans) en fonction des applications et des fins de supports fournisseur " (50). La vente d'un logiciel est en effet accompagnée de celle d'un service de support, lequel est prévu pour une durée déterminée.
c) La tarification d'une licence de SGBDR
51. Chaque fournisseur de SGBDR établit ses propres critères de tarification de la licence d'utilisation de son SGBDR. Par exemple, Oracle offre à ses clients la possibilité de choisir entre deux méthodes principales de calcul de prix intitulées " Per processeur " ou " Named User Plus " (51).
52. S'agissant de la licence " Per processeur ", celle-ci voit son prix déterminé en rapport avec le nombre de processeurs sur lesquels le SGBDR est installé ou fonctionne. Le prix est ensuite calculé en multipliant le nombre total de cœurs (c'est-à-dire d'unités de calcul) de processeur par un coefficient établi par Oracle dans une table intitulée " Oracle processor Core Factor Table " (52). Le montant du coefficient applicable reflète, selon Oracle, le fait que " la faculté d'utiliser la base de données dépend en partie de la puissance du processeur du serveur sur lequel elle est installée, et de ce que la puissance du processeur varie non seulement en fonction de l'architecture du processeur spécifique (x86 ou autre) mais aussi en fonction du nombre de [cœurs] (" processing cores ") supportés par le processeur " (53).
53. Concernant la licence " Named User Plus ", l'entreprise optant pour cette méthode de calcul de prix paye " pour chaque individu (y compris les systèmes fonctionnant sans intervention humaine) utilisant la base de données, peu important si l'individu utilise de manière active ou non la base de données à un instant donné " (54).
54. Comme confirmé par Oracle, la licence " Per Processeur " est la plus largement utilisée par ses clients (55).
4. Conclusion sur les secteurs couverts en l'espèce
55. Il ressort des développements précédents qu'il existe différents modèles de serveurs permettant la réalisation, à tout le moins dans une certaine mesure, de tâches à mission critique. Ces serveurs s'inscrivent tous dans le cadre du système ouvert et sont dès lors souvent compatibles avec différents logiciels de système d'exploitation et de SGBDR. A titre illustratif, le tableau ci-dessous reprend certaines des combinaisons possibles entre ces différentes couches de la pile technologique (56).
" Mainframes " Serveurs RISC/EPIC Serveurs x86
Architecture de processeur
CISC RISC (Power (IBM)
(SPARC
(Oracle)
x86 Xeon
(Intel)
EPIC Itanium (Intel)
Serveur (z (IBM)
(etc
RISC ( Power (IBM)
(SPARC
(Oracle)
(Proliant
(Hewlett-Packard)
(System x
(IBM)
(Sun Fire
(Oracle)
(Exadata
(Oracle)
(etc
EPIC HP Integrity (Hewlett-Packard)
Système d'exploitation
(z/OS (IBM)
(etc
UNIX (HP-UX
(Hewlett-Packard)
(Solaris
(Oracle)
(AIX (IBM)
(Linux,
(UNIX,
(Windows
(Microsoft)
(etc
Linux (57) Système libre
SGBDR ( DB2 (IBM)
(Oracle database
(Oracle)
(etc
(DB2 (IBM)
(Oracle database
(Oracle)
(SAP
(etc
(DB2 (IBM)
(Oracle database
(Oracle)
( SQL Server
(Microsoft)
(SAP
(etc
C. Les entreprises
1. Hewlett-Packard
56. Hewlett-Packard est un fournisseur mondial d'équipements informatiques dont la société mère a établi son siège social en Californie, aux Etats-Unis. Hewlett-Packard produit principalement du matériel informatique (ordinateurs personnels, périphériques portables, postes de travail, serveurs d'entreprise, solutions de stockage). Elle offre également des activités de services accessoires, telles que l'après-vente ou les logiciels associés (58).
57. Hewlett-Packard réalise régulièrement des acquisitions d'entreprises. Déjà très présente dans le monde de l'impression et celui du serveur, l'entreprise a développé son activité dans le domaine des ordinateurs personnels à la suite de sa fusion avec Compaq, en mai 2002 (59), puis vers le logiciel, les systèmes de sécurité, de réseau et de stockage. (60) Hewlett-Packard ne produit toutefois pas de SGBDR.
58. Le chiffre d'affaires mondial de Hewlett-Packard s'élevait en 2010 à environ 95 milliards d'euros (61).
59. Enfin, s'agissant en particulier des ventes de serveurs HP Integrity, celles-ci représentaient, en 2010, [0-5]% du chiffre d'affaires mondial de Hewlett-Packard (62). En France, ces ventes représentaient [0-5]% de la part du chiffre d'affaires réalisée sur le territoire français (63).
2. Oracle
60. Oracle Corporation est un éditeur de logiciels dont la société mère a également établi son siège social en Californie, aux États-Unis. Oracle développe et distribue des solutions logicielles pour entreprises, notamment Oracle Database (SGBDR) dont la version la plus récente est la version 11g, ainsi que des logiciels médiateurs et des applications logicielles d'entreprise (ressources humaines, comptabilité, facturation, etc.). Oracle offre également des services (notamment de maintenance et de mise à jour) associés à ses produits (64).
61. Au cours des années, Oracle a réalisé l'acquisition de plusieurs sociétés d'édition de logiciels et a développé son activité dans les secteurs des logiciels médiateurs et des applications logicielles d'entreprise. (65) En janvier 2010, Oracle a pris pour la première fois position sur la couche matérielle informatique en réalisant l'acquisition de Sun Microsystems, entreprise présente sur le marché du matériel informatique et fabricant de serveurs. (66) Depuis cette date, Oracle est présente sur l'ensemble des couches de la pile technologique. En effet, elle développe, conçoit, commercialise et distribue des SGBDR, des logiciels médiateurs et des applications logicielles d'entreprise, mais également des services et du matériel informatique (serveurs et dispositifs de stockage principalement) (67).
62. À l'exercice clos de 2011 (du 1er juin 2010 au 31 mai 2011), le chiffre d'affaires mondial d'Oracle s'élevait à 26,87 milliards d'euros (68).
D. Les pratiques dénoncées
63. Hewlett-Packard dénonce une stratégie d'éviction généralisée de la part d'Oracle, dont l'objectif serait d'entraîner sa sortie du marché qu'elle qualifie de marché des serveurs critiques. Cette stratégie comprendrait principalement deux pratiques qui seraient, selon Hewlett-Packard, contraires aux articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après " TFUE ").
1. Le refus de fourniture
64. Le 22 mars 2011, Oracle a publié sur son site internet un communiqué de presse par lequel elle a annoncé l'arrêt de tout développement logiciel sur le processeur Itanium d'Intel, ce qui signifie notamment qu'elle ne portera pas sur ce processeur les versions futures de son SGBDR (69). Oracle y justifie cette décision notamment par le fait que la technologie Itanium serait en fin de vie. Enfin, elle indique dans le même communiqué qu'elle continuera à fournir un support pour les versions existantes de ses produits logiciels fonctionnant déjà sur Itanium (70).
65. Hewlett-Packard fait valoir que cette déclaration constitue un refus de fourniture abusif de la part d'Oracle, destiné à l'évincer du marché qu'elle qualifie de marché des serveurs critiques.
66. A l'appui de sa thèse, Hewlett-Packard explique que sa gamme de serveurs HP Integrity est basée sur le processeur Itanium d'Intel. Ce processeur aurait fait l'objet d'investissements technologiques importants de la part de Hewlett-Packard et serait utilisé quasi exclusivement par celle-ci.
67. Hewlett-Packard ajoute qu'elle aurait développé avec Oracle un partenariat de longue date visant à permettre la portabilité des versions successives de la base de données d'Oracle sur ses serveurs HP Integrity.
68. Hewlett-Packard fait également valoir qu'Oracle continuera à porter les versions à venir de son SGBDR sur ses propres serveurs SPARC, qui s'appuient sur une technologie RISCEPIC équivalente à celle utilisée pour les serveurs HP Integrity. Elle précise enfin qu'assurer la portabilité de la version à venir de son SGBDR sur le processeur Itanium représenterait un coût particulièrement faible pour Oracle.
69. S'agissant par ailleurs des effets de la déclaration d'Oracle, Hewlett-Packard explique que toute entreprise cliente de serveurs HP Integrity et du SGBDR d'Oracle et souhaitant renouveler son matériel devra choisir de conserver soit ses serveurs, soit son SGBDR. Or, étant donné le coût substantiellement plus important que représente la migration de SGBDR par rapport à celle de serveur (71), Hewlett-Packard soutient qu'elle devrait perdre [35-45 %] de ses clients en France dans les deux à cinq ans à venir. En outre, sans donner de délai précis, elle estime qu'à terme, cette perte de clients en France devrait s'élever à [80-90 %].
70. A cet égard, Hewlett-Packard indique que les coûts de développement de serveurs tels que les serveurs HP Integrity sont élevés. Une perte de près de [80-90 %] de clients entraînerait donc, selon elle, son éviction du marché qu'elle qualifie de marché des serveurs critiques.
71. C'est pourquoi elle soutient que le refus d'Oracle de porter la version à paraître de son SGBDR sur le processeur Itanium serait constitutif d'un abus de la position dominante que l'entreprise détiendrait sur les marchés qu'elle qualifie de marchés des SGBDR et des SGDBR haut de gamme. Faisant valoir que, depuis sa fusion avec Sun Microsystems (72),
Oracle est également active sur le secteur des serveurs, et notamment sur celui des serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC avec son modèle SPARC, l'entreprise saisissante soutient que cette stratégie abusive aurait pour but de chercher à imposer davantage le recours à ces derniers serveurs, en évinçant du marché la gamme de serveurs HP Integrity.
2. La discrimination par les prix
72. Hewlett-Packard soutient qu'Oracle aurait modifié ses tarifs en doublant le prix de la licence applicable aux versions actuelles de son SGBDR pour la nouvelle gamme de serveurs HP Integrity basés sur les puces Itanium 9300 d'Intel et achetés après le 1er décembre 2010. Cette augmentation serait due à une augmentation du coefficient de licence par cœur de multiprocesseur correspondant de 0,5 à 1. D'après Hewlett-Packard, Oracle viserait par cette pratique la nouvelle génération de serveurs HP Integrity sortie au printemps de la même année, pour laquelle le prix applicable à la licence sur le SGBDR d'Oracle au cours des premiers mois était inférieur de moitié. Cette modification des tarifs aurait contraint Hewlett-Packard à accorder des remises à ses nouveaux clients utilisant le SGBDR d'Oracle et à réduire ses marges. Selon Hewlett-Packard, aucun préavis ni aucune justification objective n'ont accompagné cette augmentation de tarifs décidée unilatéralement par Oracle.
73. Hewlett-Packard estime que ce changement aurait été spécifiquement destiné à l'évincer du marché qu'elle qualifie de marché des serveurs critiques, en ce que les clients de serveurs HP Integrity seraient de la sorte poussés à changer leurs installations matérielles afin de bénéficier de tarifs plus avantageux sur les licences attachées au SGBDR d'Oracle.
A l'appui de cette thèse, elle fait valoir qu'au cours du deuxième semestre 2010, Oracle aurait abaissé les droits de licence de son SGBDR applicables à ses propres nouveaux serveurs. Par ailleurs, Oracle n'aurait pas changé le prix de sa licence en ce qui concerne les serveurs Power d'IBM, alors même que ces derniers auraient une fréquence de près du double de celle des serveurs HP Integrity de dernière génération.
3. Effets de la stratégie d'éviction
74. Hewlett-Packard décrit à travers ces pratiques une stratégie d'éviction généralisée de la part d'Oracle, renforcée, selon elle, par une campagne de publicité mensongère vis-à-vis de ses serveurs HP Integrity. Par cette stratégie, Oracle chercherait à faire sortir Hewlett- Packard du marché qu'elle qualifie de marché des serveurs critiques.
75. Outre Hewlett-Packard, les autres acteurs présents sur ce marché seraient Oracle (avec sa gamme SPARC) et IBM (avec sa gamme Power). Contrairement à Hewlett-Packard, absente du secteur des SGBDR, Oracle et IBM seraient totalement intégrées dans la pile technologique. Dès lors, Hewlett-Packard estime que son éviction du marché qu'elle qualifie de marché des serveurs critiques entraînerait la création d'un duopole entre Oracle et IBM, intégrées en silos, qui inciterait ces deux entreprises à offrir des solutions matérielles et logicielles groupées.
II. Discussion
76. L'article L. 464-1 du Code de commerce indique que " l'Autorité de la concurrence peut, à la demande du ministre chargé de l'économie, des personnes mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 462-1 ou des entreprises et après avoir entendu les parties en cause et le commissaire du Gouvernement, prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires ".
77. Le même article précise également que " ces mesures ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante ".
A. Sur l'applicabilité du droit de l'union européenne
78. L'article 102 du TFUE prévoit qu'" est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci ".
79. La notion de pratique " susceptible d'affecter " le commerce entre États membres suppose que la pratique en cause permette, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres.
80. Les lignes directrices de la Commission européenne relatives à la notion d'affectation du commerce entre États membres rappellent que des pratiques " couvrant ou mises en œuvre dans plusieurs États membres sont par leur nature même susceptibles d'affecter le commerce entre États membres " (73).
81. En l'espèce, les pratiques dénoncées par Hewlett-Packard ont été initiées aux États-Unis et sont susceptibles d'affecter des produits commercialisés dans l'ensemble des États membres de l'Union européenne. En outre, tant les serveurs que les SGBDR sont caractérisés par de faibles coûts de transport, ce qui tend à faciliter les flux d'échanges entre États membres.
82. Par ailleurs, Oracle est une entreprise multinationale ayant des filiales établies dans de nombreux États membres de l'Union européenne, dont le chiffre d'affaires rappelé au paragraphe 62 est extrêmement important.
83. L'applicabilité potentielle de l'article 102 du TFUE au cas d'espèce n'est d'ailleurs pas contestée par les parties.
84. Il s'ensuit que les pratiques dénoncées par Hewlett-Packard apparaissent, en l'état de l'instruction, de nature à affecter le commerce entre États membres de manière sensible.
L'article 102 du TFUE est donc susceptible d'être appliqué en l'espèce.
B. Sur les pratiques dénoncées
1. Sur les marchés pertinents
85. Les pratiques dénoncées par Hewlett-Packard auraient été exercées par Oracle dans le secteur des SGBDR, avec des effets sur celui des serveurs pour entreprise. Les développements ci-après portent sur les marchés pertinents en l'espèce.
a) Le marché des serveurs pour entreprise de haut de gamme
86. Dans le cadre de la présente procédure, Hewlett-Packard fait valoir que le marché pertinent est celui du marché des serveurs critiques, c'est-à-dire des serveurs exécutant des tâches à mission critique, telles que définies ci-avant (74).
87. A l'appui de sa thèse, Hewlett-Packard fait valoir des aspects liés à l'architecture du processeur, au système d'exploitation, aux prix et aux fonctionnalités de ces serveurs. En effet, selon Hewlett-Packard, seuls des processeurs de type RISC ou EPIC permettent la réalisation de tâches à mission critique. Sans en définir les contours précis, Hewlett-Packard avance également que seuls certains systèmes d'exploitation permettent la réalisation de tâches à mission critique. Elle donne pour unique exemple les systèmes d'exploitation basés sur Unix. Enfin, Hewlett-Packard indique qu'une segmentation du secteur des serveurs établie sur la base des prix uniquement serait moins pertinente, étant donné que c'est la fonctionnalité qui prévaut dans ce secteur (et en l'espèce la réalisation de tâches à mission critique) et que la corrélation entre prix et fonctionnalités serait devenue plus fluctuante.
88. Oracle conteste pour sa part cette définition de marché. Elle estime que les serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC ne sont pas les seuls serveurs pour entreprise permettant la réalisation de tâches à mission critique. En effet, Oracle indique que les serveurs " mainframes " et les serveurs basés sur des processeurs de type x86 permettent également la réalisation de ce type de tâches.
89. S'agissant du prix comme critère de distinction entre les différents marchés de serveurs, la Commission européenne a indiqué dans plusieurs décisions qu'une distinction fondée sur des fourchettes de prix permet de refléter les différences de fonctionnalités existant entre les serveurs de bas de gamme, d'une part, et les serveurs de moyen et de haut de gamme, 21 d'autre part. Toutefois, elle a également précisé que les serveurs de haut de gamme sont des serveurs prenant en charge des tâches à mission critique (75).
90. La fonctionnalité, en l'occurrence la réalisation de tâches à mission critique, est donc un critère important permettant de distinguer entre les serveurs de haut de gamme et les serveurs de bas de gamme, ces derniers ne permettant pas la réalisation de ces tâches spécifiques. En 2004, la Commission européenne précisait que ces tâches à mission critique étaient alors " réalisées par des machines coûteuses appelées " serveurs d'entreprise ", ou par des mainframes " (76). Les serveurs basés sur des processeurs RISC ou EPIC ainsi que les " mainframes " pouvaient vraisemblablement déjà être inclus dans cette gamme.
91. S'agissant du système d'exploitation, la Commission européenne a indiqué, dans sa décision HP/Compaq, que celui-ci ne permet pas de segmenter le secteur des serveurs pour entreprise, étant donné qu'un même système d'exploitation peut être utilisé tant sur des serveurs d'entrée de gamme que sur des serveurs de haut de gamme (77). À cet égard, presque la moitié des entreprises consultées au cours de la présente procédure de mesures conservatoires ont indiqué que les systèmes d'exploitation basés sur Unix ne sont pas les seuls systèmes d'exploitation permettant d'effectuer des tâches à mission critique, d'autres systèmes d'exploitation tels que Linux ou Windows permettant également de remplir ces fonctionnalités (78).
92. Par ailleurs, les développements technologiques récents effectués sur les serveurs basés sur des processeurs de type x86 ont permis à ceux-ci d'égaler les performances et fonctionnalités (dont la réalisation de tâches à mission critique) de ceux basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC, à tout le moins dans une certaine mesure (79).
93. En effet, la majorité des entreprises consultées a déclaré que les serveurs basés sur des processeurs de type x86, notamment lorsqu'ils sont mis en réseau (ou " cluster "), permettent la réalisation de tâches à mission critique. En outre, sur les neuf entreprises interrogées, quatre d'entre elles ont précisé qu'elles utilisent déjà de telles installations pour la réalisation de leurs tâches à mission critique (80).
94. Il convient toutefois de noter que l'une des entreprises interrogées dans le cadre de la présente procédure, laquelle est active dans le secteur bancaire, a fait valoir qu'elle n'estime pas que les serveurs basés sur des processeurs de type x86 permettent de réaliser les missions remplies par les serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC, notamment parce qu'elle considère que la haute disponibilité des serveurs basés sur des processeurs de type x86, même mis en réseau, n'atteint pas celle obtenue avec des serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC (81).
95. Cette dernière position soulève la question du degré de substituabilité entre ces différents types de serveurs, et celle de l'existence d'une demande plus spécifique issue d'un groupe plus restreint de clients et portant sur les serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC exclusivement.
96. Par conséquent, il ne peut être exclu à ce stade que le marché des serveurs pour entreprise de haut de gamme comprenne, en termes de produits, les " mainframes ", les serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC et les serveurs basés sur des processeurs de type x86. Cependant, seule une instruction plus approfondie permettrait de déterminer le degré de substituabilité entre ces différents types de serveurs et l'existence éventuelle d'une demande plus ciblée notamment en termes de fonctionnalités, qui proviendrait d'un groupe plus restreint de clients, aux besoins plus spécifiques.
97. Conformément à la pratique décisionnelle européenne, il y a lieu de considérer que le marché géographique en l'espèce concerne pour le moins l'espace économique européen, sans que l'on puisse exclure sa dimension mondiale (82).
98. En conséquence, sans exclure qu'il puisse être segmenté de façon plus étroite, le marché pertinent susceptible d'être retenu à ce stade est le marché des serveurs pour entreprise de haut de gamme s'étendant à l'espace économique européen.
b) Le marché des systèmes de gestion de bases de données relationnels
99. Hewlett-Packard avance que le marché pertinent en l'espèce est le marché des SGBDR de haut de gamme. Oracle, au contraire, réfute l'existence d'un tel marché et estime que le marché pertinent en l'espèce est le marché global des SGBDR.
100. À l'appui de sa thèse, Hewlett-Packard fait valoir que les entreprises ayant des besoins en termes de tâches à mission critique recherchent des SGBDR qui, tout comme leurs serveurs, soient disponibles de façon ininterrompue. Selon elle, ces SGBDR doivent présenter de hauts niveaux de performance, sécurité, fiabilité, disponibilité et facilité de maintenance.
101. Cependant, la Commission européenne a, dans le cadre de sa décision de concentration Oracle / Sun Microsystems, conclu à l'existence d'un marché global des SGBDR. Elle a précisé, dans le cadre de cette affaire, que ce marché comprend différents sous-segments mais que " l'enquête de marché n'a pas fourni suffisamment de preuves indiquant que ces sous-segments devraient être considérés comme représentant des marché de produits distincts " (83). En particulier, elle a indiqué qu'il n'existait pas de définition exacte du segment de haut de gamme des SGBDR. En effet, selon la Commission européenne, " plusieurs critères différents pourraient être utilisés pour définir le segment haut de gamme. Ces critères pourraient inclure la complexité technique des tâches à exécuter par la base de données ou la sophistication de la base de données en termes de fonctionnalités technologiques " (84). Une autre approche pourrait également consister à prendre en considération la capacité à réaliser des tâches à mission critique (85).
102. Par ailleurs, bien que la plupart des fabricants offrent différentes éditions de leur SGBDR, ce seul élément ne permet pas, à ce stade, de conclure à l'existence d'un marché distinct des SGBDR de haut de gamme, notamment parce que ces différentes éditions reposent souvent sur une base de Codes commune (86).
103. Hewlett-Packard avance également que les SGBDR de haut de gamme tendraient à correspondre aux SGBDR utilisés sur les systèmes d'exploitation basés sur Unix.
Cependant, la Commission européenne a précisé dans sa décision de concentration Oracle / Sun Microsystems que le système d'exploitation ne permet pas de distinguer entre différents segments sur le marché des SGBDR (87). À cet égard, la plupart des fournisseurs de bases de données tendent à l'heure actuelle à assurer la compatibilité de leur SGBDR avec plusieurs systèmes d'exploitation. Dès lors, ce critère serait en tout état de cause inopérant.
104. Enfin, si la plupart des entreprises interrogées dans le cadre de la présente affaire ont estimé qu'il existe des SGBDR de haut de gamme, les critères proposés afin de définir ceux-ci varient d'une entreprise à une autre, tout comme les SGBDR relevant de cette catégorie (88).
105. Dès lors, il ressort des développements précédents que rien ne permet à ce stade de conclure à l'existence d'un marché des SGBDR de haut de gamme. Une instruction plus approfondie est donc nécessaire afin de déterminer si le segment des SGBDR de haut de gamme identifié par Hewlett-Packard peut constituer un marché de produits distinct. Dans l'affirmative, cette instruction devra également identifier les critères permettant de délimiter un tel marché.
106. Conformément à la pratique décisionnelle de la Commission européenne, il y a lieu de considérer que le marché géographique en l'espèce est de dimension mondiale (89).
107. En conséquence, sans exclure qu'il puisse être segmenté de façon plus étroite, le marché pertinent susceptible d'être retenu à ce stade est le marché mondial des SGBDR.
2. Sur la position d'oracle sur le marché des SGBDR
108. Oracle conteste être en position dominante sur le marché des SGBDR. Elle avance que le marché des SGBDR est un marché dynamique et fluctuant, notamment en raison de l'évolution rapide des produits et des développements technologiques. Selon elle, sa part de marché ne permet pas non plus de conclure à l'existence d'une position dominante.
109. S'agissant de la détermination de la position dominante d'une entreprise sur un marché donné, il est de jurisprudence constante que " la position dominante (...) concerne une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs " (90).
110. L'appréciation de la position dominante repose sur l'appréciation d'un ensemble de critères, dont notamment la position de l'entreprise en cause et celle de ses concurrents sur le marché pertinent, la notoriété dont jouit cette entreprise, l'existence de barrières à l'entrée sur le marché pertinent, l'absence d'une menace crédible d'expansion des concurrents sur ce marché et l'absence de puissance d'achat compensatrice des clients (91).
111. En l'espèce, le rapport Gartner (92) révèle que le marché mondial des SGBDR comprenait en 2010 cinq acteurs principaux, à savoir :
(Oracle (avec une part de marché de [45-50]%) ;
(IBM (avec une part de marché de [20-25]%) ;
(Microsoft (avec une part de marché de [15-20]%) ;
(Teradata (avec une part de marché de [0-5]%) ;
(SAP, incluant maintenant Sybase (avec une part de marché cumulée de [0-5]%) (93).
112. Ces données ne sont pas contestées par les parties. Oracle détenait près de 50 % des parts de marché en 2010, ce qui correspond au plus du double des parts de marché détenues par son principal concurrent, c'est-à-dire IBM.
113. Par ailleurs, concernant l'année 2010, Oracle indique sur son site internet que, d'après Gartner, elle est le numéro 1 mondial en termes de parts de marché, qu'elle détient plus de parts de marché que ses cinq concurrents les plus proches réunis, que son activité a crû (par rapport à 2009) de 10,9 %, excédant à la fois la moyenne de l'industrie (de 9,9 %) et le taux de croissance de ses concurrents les plus proches (94).
114. En outre, dans un communiqué de presse en date du 23 juin 2011, le président d'Oracle a annoncé que durant l'année fiscale 2011, l'activité de base de données d'Oracle a connu sa croissance la plus rapide sur une décennie (95).
115. Par conséquent, et comme relevé par la Commission européenne dans sa décision de concentration Oracle / Sun Microsystems, adoptée le 21 janvier 2010, il y a lieu de considérer qu'Oracle est, à tout le moins, le " leader " sur le marché des SGBDR (96).
116. Or, ce marché est caractérisé par l'existence de barrières à l'entrée au nombre desquelles figurent notamment la technologie (" le développement des bases de données nécessite des investissements massifs à long terme " (97)), la réputation (laquelle contribue au maintien des principaux acteurs du marché (98)) et les coûts de transfert (c'est-à-dire les coûts de migration d'un SGBDR vers un autre SGBDR (99)).
117. Concernant la réputation d'Oracle, il n'a pas été possible, à ce stade, d'isoler d'arguments la distinguant d'IBM ou de Microsoft, par exemple. La décision Oracle/Sun Microsystems, précitée, en particulier met l'accent sur la réputation de ces grands acteurs installés, sans formuler de distinction entre eux. Il reste qu'en tant que " leader " du marché, Oracle bénéficie d'une forte notoriété (100).
118. S'agissant de la migration de SGBDR ou de base de données, il s'agit d'une opération coûteuse et longue pour les entreprises, qui ont dès lors tendance à conserver leur SGBDR sur plusieurs années, voire même sur plusieurs décennies. En effet, " les clients de bases de données s'engagent rarement dans un processus de migration de leur base de données existante " (101). Cette tendance à se maintenir chez le même fournisseur de SGBDR, tout en passant d'une version à une autre au fil des années, notamment lorsque les développements logiciels le requièrent, est observée chez la quasi-totalité des entreprises interrogées dans le cadre de l'instruction (102).
119. Dès lors, bien que l'informatique soit un secteur dynamique, il apparaît que le marché des SGBDR pourrait être caractérisé par un certain effet captif sur les clients de bases installées.
120. Enfin, il convient de relever une absence d'entrée ou de sortie majeure sur le marché dans les dernières années (103).
121. Compte tenu de la part de marché estimée d'Oracle sur le marché des SGBDR, de l'écart important entre sa position sur le marché et celle de son principal concurrent, des barrières significatives à l'entrée sur le marché des SGBDR et de l'existence d'un effet captif sur les clients des bases installées, Oracle est, à ce stade de l'instruction, susceptible de détenir une position dominante sur le marché des SGBDR.
122. Il convient en outre de relever que sa situation ne serait pas différente dans l'hypothèse d'un marché plus étroit limité aux SGBDR de haut de gamme, étant donné que sa part de marché y serait d'au moins [60-65%], selon la saisissante (104).
3. Sur les pratiques susceptibles de constituer un abus de position dominante
123. En l'espèce, Hewlett-Packard reproche à Oracle un ensemble de pratiques sur le marché des SGBDR, destinées à l'évincer du marché des serveurs pour entreprise de haut de gamme. À cet égard, il convient de rappeler qu'Oracle est présente sur l'ensemble des couches de la pile technologique, et notamment sur le marché des serveurs pour entreprise de haut de gamme.
124. Or, comme développé plus haut, il existe un degré de connexité particulièrement fort entre les différents marchés de produits constitutifs des couches matérielles et logicielles de la pile technologique, notamment en raison du besoin d'interopérabilité entre ces produits afin d'assurer le bon fonctionnement d'une installation informatique (105). Etant donnée cette connexité entre le marché des serveurs de haut de gamme et celui des SGBDR, une entreprise détentrice d'une position dominante sur l'un d'entre eux pourrait adopter un comportement tel sur le marché dominé qu'il pourrait en résulter l'éviction de l'un de ses concurrents présent sur l'autre marché (effet de levier), éviction qui pourrait être préjudiciable in fine pour les consommateurs.
a) Les pratiques dénoncées
125. Comme indiqué précédemment, Hewlett-Packard dénonce une stratégie généralisée d'éviction de la part d'Oracle. Cette stratégie serait principalement constituée de deux pratiques, à savoir :
(la déclaration d'Oracle du 22 mars 2011, par laquelle elle refuse de porter la version future de son SGBDR sur le processeur Itanium d'Intel, et partant sur les serveurs de la gamme HP Integrity,
(une tarification discriminatoire de la licence applicable à la version actuelle du SGBDR d'Oracle au détriment des serveurs HP Integrity de nouvelle génération, sortis au printemps 2010.
126. Les développements ci-après portent sur les pratiques en cause. Les effets d'éviction allégués en l'espèce par Hewlett-Packard étant communs à ces deux pratiques, ceux-ci sont exposés dans un premier temps.
Sur les effets d'éviction
127. Selon Hewlett-Packard, le refus d'Oracle de porter la nouvelle version de son SGBDR sur les serveurs HP Integrity, ainsi que la discrimination tarifaire alléguée, entraîneront à terme son éviction du marché des serveurs pour entreprise de haut de gamme. À l'appui de sa thèse, Hewlett-Packard explique que ces deux pratiques sont destinées à pousser les clients qui, aujourd'hui, combinent les serveurs HP Integrity et le SGBDR d'Oracle, à effectuer un choix entre ces deux produits. Or, selon elle, la migration de SGBDR est beaucoup plus onéreuse et plus risquée que celle de serveur. Par conséquent, Hewlett-Packard estime que ses clients choisiront plutôt de conserver le SGBDR d'Oracle et de se détourner des serveurs HP Integrity, en faveur des serveurs SPARC d'Oracle et Power d'IBM, ce qui à terme pourrait conduire à l'émergence d'un duopole entre Oracle et IBM sur l'entièreté de la pile technologique.
128. [...]
129. Or, s'agissant des clients de SGBDR et de serveurs pour entreprise de haut de gamme, il convient de rappeler l'effet captif possible des SGBDR sur ceux-ci. En effet, comme indiqué précédemment, migrer de SGBDR est un exercice coûteux et fastidieux qui peut notamment entraîner des pertes de données et affecter l'activité des entreprises (106). C'est pourquoi " les clients de bases de données s'engagent rarement dans un processus de migration de leur base de données existante " (107). Cet effet captif serait par ailleurs vérifié en l'espèce par le fait que, selon Hewlett-Packard, certaines entreprises exigeraient déjà, notamment dans le cadre d'appels d'offres relatifs à des serveurs pour entreprises, que ces serveurs soient compatibles avec les futures versions du SGBDR d'Oracle (108).
130. En revanche, il apparaît, à ce stade, que la migration de serveur serait substantiellement moins coûteuse et moins risquée pour les utilisateurs, ainsi que l'ont indiqué les deux tiers des entreprises consultées dans le cadre de la présente affaire. L'une d'entre elles a notamment précisé : " il est plus aisé de changer de plateforme matérielle et de système d'exploitation que de changer de SGBDR. Ce changement est beaucoup plus coûteux car il nécessite la requalification complète de l'intégralité de notre Code applicatif " (109).
131. Or, le SGBDR d'Oracle fonctionne sur d'autres serveurs que les serveurs HP Integrity. Il s'agit notamment des serveurs " mainframes " et Power d'IBM et des serveurs SPARC d'Oracle, mais également des serveurs basés sur des processeurs de type x86, y compris ceux commercialisés par Hewlett-Packard, Oracle, IBM ou Dell (110).
132. Dès lors, le comportement d'Oracle pourrait être susceptible d'entraîner l'éviction de Hewlett-Packard du marché des serveurs pour entreprise de haut de gamme et, partant, de permettre à Oracle, grâce à son serveur SPARC, d'asseoir sa position sur ce marché.
Toutefois, Hewlett-Packard pourrait partiellement compenser l'effet de cette éviction dans la mesure où elle offre également des serveurs basés sur des processeurs de type x86.
133. Enfin, une instruction plus approfondie permettra de déterminer s'il existe une demande spécifique émanant de certaines entreprises qui considèreraient que les serveurs basés sur des processeurs de type x86 ne sont pas substituables aux serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC pour la réalisation de leurs tâches à mission critique (111).
Dans un tel cas, l'effet d'éviction potentiel serait plus prononcé.
134. En tout état de cause, dans l'hypothèse où le scénario présenté par Hewlett-Packard conduisant à l'émergence d'un duopole entre Oracle et IBM, instaurant une concurrence en silos sur le marché, était vérifié, il conviendrait d'examiner de façon approfondie les effets d'une telle structure de marché (112).
Sur l'annonce d'Oracle
135. Hewlett-Packard fait valoir que l'annonce d'Oracle du 22 mars 2011 par laquelle elle a décidé de suspendre tout développement logiciel sur les processeurs Itanium d'Intel affecte directement les serveurs HP Integrity, étant donné que ces processeurs seraient presque exclusivement utilisés pour la conception de cette gamme de serveurs. Hewlett-Packard qualifie cette pratique de refus de fourniture, qui lui serait préjudiciable et entraînerait à terme son éviction du marché. Oracle conteste l'applicabilité de la jurisprudence relative au refus de fourniture, les conditions de cette jurisprudence n'étant pas, selon elle, remplies en l'espèce.
Sur la jurisprudence en matière de refus d'accès ou de fourniture
136. S'agissant du refus d'accès ou de fourniture, le Conseil de la concurrence, et ensuite l'Autorité, ont rappelé à plusieurs reprises les conditions exigées pour considérer qu'un tel refus constitue un abus de position dominante :
" En premier lieu l'infrastructure est possédée par une entreprise qui détient un monopole (ou une position dominante) ;
En deuxième lieu, l'accès à l'infrastructure est strictement nécessaire (ou indispensable) pour exercer une activité concurrente sur un marché amont, aval ou complémentaire de celui sur lequel le détenteur de l'infrastructure détient un monopole (ou une position dominante) ;
En troisième lieu, l'infrastructure ne peut être reproduite dans des conditions économiques raisonnables par les concurrents de l'entreprise qui la gère ;
En quatrième lieu, l'accès à cette infrastructure est refusé ou autorisé dans des conditions restrictives injustifiées ;
En cinquième lieu, l'accès à l'infrastructure est possible " (113).
137. En outre, s'agissant d'un intrant protégé par un droit de propriété intellectuelle, le Conseil de la concurrence a également précisé que l'exploitation d'un droit de propriété intellectuelle par une entreprise en position dominante peut être considérée, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, comme restreignant " le droit des concurrents d'exploiter leur propre capacité d'innovation " et peut, partant, constituer un abus (114).
138. Par ailleurs, la Commission européenne a précisé, concernant également le refus de fourniture exercé par une entreprise en position dominante, " qu'il y a lieu de traiter ces pratiques en priorité si toutes les conditions suivantes sont réunies :
- Le refus porte sur un produit ou un service qui est objectivement nécessaire pour pouvoir exercer une concurrence sur un marché en aval,
- Le refus est susceptible de conduire à l'élimination d'une concurrence effective sur le marché en aval, et
- Le refus est susceptible de léser le consommateur " (115).
139. S'agissant de cette dernière condition, il y a lieu d'ajouter que " la Commission considère que les consommateurs peuvent être lésés par exemple lorsque les concurrents évincés par l'entreprise dominante sont, du fait de ce refus, dans l'impossibilité de mettre sur le marché des produits ou des services innovants et/ou lorsque l'innovation subséquente est susceptible d'être freinée ".
140. Dès lors, les critères exigés tant par la pratique décisionnelle nationale que par la pratique européenne apparaissent tout à fait convergents. En effet, chacune d'entre elles exige que trois conditions liminaires soient remplies afin d'examiner si un refus d'accès ou de fourniture est constitutif d'un abus de position dominante, à savoir (i) le caractère indispensable (ou objectivement nécessaire) du produit ou service auquel l'accès est refusé,
(ii) l'affectation de la concurrence résultant du refus d'accès ou de fourniture et (iii) le caractère novateur du produit offert par le demandeur d'accès. Enfin, il ressort des pratiques décisionnelles nationale et européenne que le marché secondaire sur lequel se trouve le demandeur d'accès peut être tant aval que connexe au marché primaire (116).
141. En l'espèce, Oracle a confirmé au cours de l'instruction " qu'elle a déjà mis en œuvre sa décision de ne pas développer la future version de son logiciel de base de données pour le processeur Itanium " (117). Par ailleurs, si la déclaration d'Oracle fait référence au processeur Itanium d'Intel, il résulte également de l'instruction que celle-ci est susceptible d'affecter directement les serveurs de la gamme HP Integrity. En effet, les processeurs Itanium produits par Intel sont quasi exclusivement utilisés par Hewlett-Packard pour la confection des serveurs relevant de sa gamme HP Integrity (118).
142. S'agissant par ailleurs des conditions énoncées plus haut et relatives au refus d'accès ou de fourniture, et plus précisément du caractère " objectivement nécessaire " ou " strictement nécessaire " du SGBDR d'Oracle, on rappellera qu'" un intrant est indispensable s'il n'existe aucun produit de substitution réel ou potentiel auquel les concurrents du marché en aval [ou connexe] pourraient recourir afin de contrer - à tout le moins à long terme - les conséquences négatives du refus " (119).
143. A cet égard, l'instruction menée jusqu'ici révèle que d'autres SGBDR sont compatibles avec les serveurs HP Integrity. Il s'agit notamment du SGBDR intitulé DB2 d'IBM et de celui de SAP (120). En outre, Hewlett-Packard a indiqué dans le cadre de la présente instruction avoir commencé à développer une collaboration plus approfondie avec certains fabricants de SGBDR (121).
144. Cependant, Oracle demeure le " leader " sur le marché des SGBDR. Etant donné le rôle important que joue la réputation dans ce secteur (122), une instruction plus approfondie permettra de déterminer dans quelle mesure les clients potentiels de serveurs HP Integrity considèrent que ces autres fabricants de SGBDR, avec lesquels Hewlett-Packard a développé une collaboration plus étroite, offrent une alternative satisfaisante au SGBDR d'Oracle et le temps nécessaire à leur affirmation en tant qu'alternative crédible.
145. Par ailleurs, comme indiqué précédemment, l'existence d'un marché plus étroit des SGBDR de haut de gamme ne peut être exclue à ce stade. Or, dans l'hypothèse où celle-ci serait confirmée dans le cadre d'une instruction plus approfondie, il conviendra d'identifier les SGBDR relevant d'un tel marché et de rechercher s'il existe ou non des alternatives au SGBDR de haut de gamme d'Oracle.
146. S'agissant de la condition tenant à " l'élimination d'une concurrence effective ", la communication précitée de la Commission rappelle que, lorsque la nécessité objective de l'intrant est démontrée, " le refus d'une entreprise dominante de fournir un intrant indispensable est, en règle générale, susceptible d'éliminer, immédiatement ou à terme, toute concurrence effective sur le marché en aval " (123) ou sur le " marché amont " ou " complémentaire " (124).
147. En l'espèce, il a été établi qu'il existe un certain degré de substituabilité entre les serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC et les serveurs basés sur des processeurs de type x86.
148. Cependant, les entreprises utilisant à la fois des serveurs HP Integrity et le SGBDR d'Oracle qui ont été consultées dans le cadre de la présente affaire ont fait valoir qu'en cas d'incompatibilité, elles devraient choisir entre ces serveurs et ce SGBDR. Etant donné le coût et le temps qu'exige la migration de SGBDR, ces entreprises ont majoritairement indiqué que le choix le plus rationnel pour elles serait de cesser d'acheter des serveurs HP Integrity (125).
149. Or, ce changement d'installations matérielles pourrait avoir des effets préjudiciables, tant pour Hewlett-Packard que pour certains consommateurs. En effet, Hewlett-Packard demeure l'un des plus importants fournisseurs mondiaux de serveurs pour entreprise (126).
150. Toutefois, le SGBDR d'Oracle fonctionne sur différents types de serveurs et notamment les serveurs " mainframes ", les serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC et les serveurs basés sur des processeurs de type x86 (127), lesquels sont notamment commercialisés par Hewlett-Packard.
151. Dès lors, une instruction plus approfondie est nécessaire afin de rechercher quel est le degré de substituabilité entre ces différents types de serveurs. Plus précisément, il s'agira de déterminer si l'existence d'un marché plus étroit n'incluant que les serveurs basés sur des processeurs de type RISC ou EPIC peut être démontrée, notamment dans l'hypothèse où une partie de la demande émanant d'une catégorie déterminée d'entreprises estimerait que seuls ces serveurs sont capables de réaliser leurs tâches à mission critique.
152. Dans l'affirmative, une incompatibilité entre les serveurs HP Integrity et la nouvelle version du SGBDR d'Oracle pourrait être particulièrement préjudiciable à cette gamme de serveurs et à leurs utilisateurs et, partant, entraîner l'éviction de Hewlett-Packard de cet éventuel marché plus étroit.
153. S'agissant du préjudice subi par les consommateurs, la Commission européenne a rappelé que " les consommateurs peuvent être lésés par exemple lorsque les concurrents évincés par l'entreprise dominante sont, du fait de ce refus, dans l'impossibilité de mettre sur le marché des produits ou des services innovants et/ou lorsque l'innovation subséquente est susceptible d'être freinée " (128).
154. En l'espèce, Oracle refuse de porter les versions futures de son SGBDR sur les serveurs HP Integrity, ce qui entraînera, selon Hewlett-Packard, la fin de cette gamme de serveurs et, partant, l'absence de création des produits innovants que pourraient représenter les versions à venir des serveurs HP Integrity. Les consommateurs risquent dès lors d'être lésés par ce comportement, d'autant plus qu'il ne peut être exclu en l'état de l'instruction que celui-ci entraîne la création d'un duopole entre Oracle et IBM, lesquelles sont entièrement intégrées dans la pile technologique.
Sur le caractère discriminatoire du comportement d'Oracle
155. Le refus d'Oracle de porter la version future de son SGBDR sur les serveurs HP Integrity peut être interprété plus largement comme une forme de discrimination entre les différents fabricants de serveurs, notamment au bénéfice de ses propres serveurs SPARC. Or, au-delà de la jurisprudence relative au refus d'accès ou de fourniture, il ne peut être exclu qu'un tel comportement soit constitutif d'un abus de position dominante.
156. En effet, la Cour de Justice de l'Union européenne a récemment indiqué qu'" il ne saurait être déduit des points 48 et 49 [de l'arrêt Bronner (129), relatif au refus de fourniture,] que les conditions nécessaires afin d'établir l'existence d'un refus abusif de fourniture doivent nécessairement s'appliquer également dans le cadre de l'appréciation du caractère abusif d'un comportement consistant à soumettre la fourniture de services ou la vente de produits à des conditions désavantageuses ou auxquelles l'acheteur pourrait ne pas être intéressé " (130).
157. Il ne peut être exclu que le comportement d'Oracle affecte la vente de serveurs HP Integrity, en ce qu'elle la soumet à des conditions auxquelles l'acheteur potentiel de serveurs HP Integrity pourrait ne pas être intéressé. En effet, les acheteurs potentiels déjà équipés du SGBDR d'Oracle, c'est-à-dire presque la moitié du marché, pourraient ne plus être intéressés par l'achat d'un serveur HP Integrity qui ne permettrait pas de migrer vers les versions futures du SGBDR, dont la prochaine pourrait être disponible dès octobre 2012, et vers les futurs logiciels applicatifs qui seront basés sur ces versions à venir. Dans ces conditions, et comme précédemment indiqué, les clients déjà existants du SGBDR d'Oracle privilégieront la migration de serveur, étant donné que celle-ci est moins coûteuse et moins risquée que la migration de SGBDR.
158. En outre, il y a lieu de rappeler que, si Oracle a interrompu ses développements logiciels sur le processeur Itanium, l'entreprise a confirmé sa volonté de porter les versions futures de son SGBDR sur ses propres serveurs SPARC, aux fonctionnalités équivalentes à celles des serveurs HP Integrity, alors même qu'assurer la portabilité de son SGBDR sur les serveurs HP Integrity représenterait un faible coût pour l'entreprise.
Conclusion
159. En conséquence, la pratique d'Oracle consistant à refuser de porter la version future de son SGBDR sur les processeurs Itanium d'Intel, et partant sur les serveurs de la gamme HP
Integrity de Hewlett-Packard, pourrait être, dans les conditions exposées ci-dessus, susceptible de constituer un abus de position dominante. Seule une instruction approfondie permettra de caractériser l'existence ou non d'un tel abus.
Sur les tarifs pratiqués par Oracle sur la licence d'utilisation de son SGBDR
160. Hewlett-Packard fait valoir qu'Oracle aurait doublé les prix applicables à la licence de son SGBDR lorsque celui-ci est utilisé avec les serveurs HP Integrity de nouvelle génération (c'est-à-dire basés sur le processeur Itanium 9300 d'Intel). Hewlett-Packard ajoute que les serveurs de la gamme Power d'IBM n'auraient pas fait l'objet d'une telle augmentation et qu'Oracle aurait même diminué les tarifs applicables à ses propres serveurs SPARC.
Hewlett-Packard conclut qu'il n'existe aucune justification objective à cette différence de prix.
161. La Cour de justice des Communautés européennes a précisé que la discrimination de partenaires commerciaux qui se trouvent dans un rapport de concurrence peut être considérée comme abusive " dès l'instant où le comportement de l'entreprise en position dominante tend, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, à conduire à une distorsion de concurrence entre [lesdits] partenaires commerciaux " (131).
162. S'agissant des pratiques tarifaires, l'Autorité a également rappelé que " la différenciation tarifaire peut constituer un élément stratégique pour fausser le jeu concurrentiel " (132). En outre, la cour d'appel de Paris a précisé en 2009, qu'en matière de prix, " une pratique discriminatoire devient abusive dès lors que (i) le traitement différencié des opérateurs ne repose sur aucune justification économique objective, (ii) les acheteurs sont dans une situation équivalente et (iii) elle crée un désavantage dans la concurrence " (133).
163. En l'espèce, la différenciation tarifaire résulte de la modification par Oracle du coefficient applicable par cœur de processeur, qui aurait doublé pour les serveurs HP Integrity de dernière génération. Or, à ce stade de l'instruction, Oracle a confirmé qu'elle fixe le coefficient de sa licence en fonction de la performance du serveur, qui repose selon Oracle notamment sur le nombre de coeurs par processeur (134).
164. Oracle a également confirmé avoir aligné le coefficient de sa licence à 1 par cœur, que ce soit pour les serveurs HP Integrity ou pour les serveurs Power d'IBM (135). Cependant, Hewlett-Packard avance que la fréquence des serveurs Power d'IBM est de près du double de celle des serveurs HP Integrity. Or, la fréquence d'un serveur se rapportant notamment à la rapidité à laquelle les instructions sont traitées, une telle différence signifierait que, à puissance double, les serveurs Power d'IBM bénéficieraient d'un tarif de licence identique à celui applicable aux serveurs HP Integrity (136).
165. Enfin, bien qu'Oracle ait avancé avoir augmenté la licence applicable à ses derniers serveurs SPARC T-4137, rien n'indique qu'elle n'aurait pas favorisé ses serveurs SPARC VII+, comme allégué par Hewlett-Packard, étant donné qu'elle n'a pas répondu à cet argument dans le cadre de la présente instruction (138).
166. Dès lors, une analyse détaillée des coefficients appliqués par Oracle apparaît nécessaire dans le cadre d'une instruction plus approfondie, afin de déterminer si ces critères et modifications sont de nature discriminatoire notamment en ce qu'ils permettraient à Oracle de favoriser ses propres serveurs par rapport à ceux de Hewlett-Packard, d'une part, et d'IBM, d'autre part. Dans l'affirmative, il conviendra de déterminer si ce comportement peut être objectivement justifié ou non.
167. Par conséquent, au vu de la possible position dominante détenue par Oracle, il ne peut être exclu que la pratique consistant à appliquer des tarifs de licence différents en fonction de la gamme de serveurs utilisée, si elle est confirmée dans le cadre d'une instruction au fond, soit de nature discriminatoire et puisse dès lors être susceptible de constituer une pratique abusive.
C. Sur la demande de mesures conservatoires
168. L'article L. 464-1 du Code de commerce précise que les mesures conservatoires " ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante ".
169. En l'espèce, Hewlett-Packard fait valoir que la décision d'Oracle de ne pas porter la version à venir de son SGBDR sur les processeurs Itanium d'Intel et, partant, sur les serveurs de la gamme HP Integrity, aura pour conséquence qu'environ [35-45 %] des clients de serveurs HP Integrity devront choisir entre conserver leurs serveurs HP Integrity ou le SGBDR et/ou les autres logiciels d'Oracle au cours des deux à cinq prochaines années.
170. Sans fournir de délais précis, Hewlett-Packard estime qu'à terme, [80-90 %] de ses clients se détourneront des serveurs HP Integrity. Elle ajoute qu'aucun nouveau client ne voudra désormais investir dans des serveurs HP Integrity, étant donné l'incompatibilité annoncée avec le futur SGBDR d'Oracle, à paraître dès la fin de 2012.
171. Hewlett-Packard indique qu'elle sera par conséquent contrainte de sortir du marché des serveurs pour entreprise de haut de gamme, ce qui entraînera selon elle la création d'un duopole entre Oracle (avec sa gamme de serveurs SPARC) et IBM (avec sa gamme de serveurs Power). Elle conclut que cet effet serait préjudiciable pour l'économie générale, le secteur intéressé et les consommateurs, en particulier parce qu'Oracle et IBM sont entièrement intégrées dans la pile technologique.
172. Hewlett-Packard demande dès lors qu'un ensemble de mesures conservatoires soit ordonné et principalement :
(qu'Oracle rende disponible les prochaines versions et mises à jour de son SGBDR sur les serveurs basés sur Itanium (c'est-à-dire principalement les serveurs HP Integrity) et sur tout autre serveur fonctionnant principalement avec les systèmes d'exploitation basés sur Unix ;
(qu'Oracle fixe le prix de son SGBDR pour les serveurs basés sur Itanium d'une manière qui soit cohérente avec ses obligations au titre des injonctions qui seront ordonnées, et en particulier de manière non discriminatoire par rapport aux autres serveurs.
1. Sur l'existence d'une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, au secteur intéressé ou à l'intérêt des consommateurs
173. La gravité d'une telle atteinte dépend du point de savoir si des alternatives sont susceptibles d'être offertes sur le marché, c'est-à-dire, en l'espèce, des alternatives au SGBDR d'Oracle. Par ailleurs, cette atteinte doit revêtir un caractère d'immédiateté suffisant pour justifier l'urgence à prononcer des mesures conservatoires. Ces deux conditions sont analysées ci-dessous.
174. S'agissant de l'existence d'alternatives offertes aux clients finals, il a été précisé qu'en cas d'incompatibilité entre le SGBDR d'Oracle et les serveurs HP Integrity, les clients communs à ces deux fournisseurs devront effectuer un choix entre les serveurs HP Integrity et le SGBDR d'Oracle. Il en est a fortiori de même en cas de discrimination tarifaire effectuée par Oracle vis-à-vis des serveurs HP Integrity. Dans une telle hypothèse, une entreprise pourrait, par exemple, être désireuse de changer ses installations matérielles afin de pouvoir profiter de tarifs de licence plus avantageux.
175. Or, comme exposé plus haut, il existe des alternatives aux SGBDR d'Oracle. S'agissant de clients nouveaux, par hypothèse non encore équipés d'un SGBDR, comme exposé plus haut, les SGBDR d'autres fournisseurs (tels le SGBDR d'IBM ou celui de SAP) peuvent être portés sur les serveurs HP Integrity.
176. En ce qui concerne les entreprises déjà clientes du SGBDR d'Oracle et souhaitant le conserver, il a été établi que les serveurs " mainframes " et les serveurs basés sur des processeurs de type x86 permettent, à tout le moins dans une certaine mesure pour ces derniers, la réalisation de tâches à mission critique et constituent donc une alternative pour ces clients. Le segment des serveurs basés sur des processeurs de type x86 comprend d'ailleurs un grand nombre d'acteurs, en ce compris Hewlett-Packard qui réalisait en 2010 [35-40]% de part des ventes de ces serveurs en France et au niveau mondial.
177. S'agissant en second lieu du caractère immédiat de l'atteinte alléguée en l'espèce, il a été précisé que la nouvelle version du SGBDR d'Oracle ne sortira pas avant l'automne 2012 (139). Or, comme indiqué précédemment, la version actuelle du SGBDR d'Oracle peut toujours être portée sur les serveurs HP Integrity et fera l'objet, selon les déclarations d'Oracle, d'un support jusqu'en 2018 au moins (140).
178. Par ailleurs, le choix d'une entreprise de passer vers une nouvelle version d'un même SGBDR est rarement effectué dès la sortie de cette nouvelle version. En effet, les motifs guidant le choix de passer à une nouvelle version sont plutôt liés à des circonstances propres à l'entreprise et, par exemple, à une décision de sa part de changer ses applications.
En effet, dans l'hypothèse d'un tel changement, le passage à une nouvelle version du SGBDR peut se révéler nécessaire (141). Les entreprises clientes d'Oracle n'auront donc pas tendance dans leur grande majorité à passer à la nouvelle version de son SGBDR dès sa sortie.
179. En outre, Hewlett-Packard affirme que sur les deux à cinq ans à venir, [35-45 %] de ses clients devront choisir entre conserver leurs serveurs HP Integrity ou le SGBDR d'Oracle (142). Dès lors, un effet d'éviction de Hewlett-Packard du marché des serveurs pour entreprise de haut de gamme, même s'il était avéré, ne pourrait être considéré comme un risque à court terme, étant donné que Hewlett-Packard elle-même estime ses pertes d'une frange (seulement) de ses clients sur une durée allant de deux à cinq ans.
180. Enfin, et comme développé ci-après, les estimations de pertes de clients formulées par la saisissante ne sont pas fondées sur des éléments suffisamment probants. En effet, ces estimations de pertes de clients reposent sur l'affirmation de Hewlett-Packard selon laquelle les clients de serveurs pour entreprise de haut de gamme tendent à renouveler leurs serveurs tous les quatre à cinq ans. Or, il ressort des réponses apportées par les entreprises consultées dans le cadre de l'instruction que le terme de quatre à cinq ans constitue plutôt un minimum pour le renouvellement de serveurs. En effet, certaines d'entre elles ont déclaré remplacer leurs serveurs dans des termes plus longs, allant jusqu'à dix, voire quinze ans (143).
181. Dès lors, la création à court terme d'un duopole entre Oracle et IBM sur l'ensemble de la pile technologique est peu vraisemblable. IBM a d'ailleurs déclaré dans le cadre de l'instruction qu'elle " publie des informations sur ses bases de données afin de faciliter une compatibilité de ses produits tant avec les bases de données qu'avec les plateformes d'autres opérateurs " (144), ce qui induit qu'elle ne s'inscrit pas actuellement dans une stratégie de fermeture vis-à-vis de ses concurrents actifs sur les autres couches de la pile technologique.
182. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que le caractère grave et immédiat de l'atteinte aux intérêts de l'économie générale, du secteur intéressé et des consommateurs n'est pas démontré.
2. Sur l'existence d'une atteinte grave et immédiate à la situation de l'entreprise plaignante
183. S'agissant de l'éviction alléguée de Hewlett-Packard du marché des serveurs pour entreprise de haut de gamme, les développements aux paragraphes ci-avant démontrent qu'une éviction à court terme de la saisissante du marché des serveurs pour entreprise de haut de gamme n'est pas vraisemblable.
184. En outre, concernant les estimations de pertes de clients de serveurs HP Integrity soumises par Hewlett-Packard, la saisissante n'a pas été à même de les étayer à l'aide d'éléments suffisamment probants. En effet, sur la quantité de clients que Hewlett-Packard affirme détenir en France, elle n'a été capable d'en identifier précisément que les trois quarts environ145. En outre, sur ces clients identifiés, elle n'a pu déterminer le SGBDR utilisé que pour un cinquième d'entre eux (146).
185. Ceci permet de mettre en doute la fiabilité même de toute estimation de pertes de clients formulée par Hewlett-Packard. En effet, il lui a également été demandé de fournir tout document étayant ses estimations de pertes (147). Or, si Hewlett-Packard a expliqué que ces estimations reposaient sur des informations internes, elle n'a jamais soumis aucun document, interne ou non, fournissant les données précises lui ayant permis d'aboutir à de telles estimations (148).
186. Hewlett-Packard a également soumis un tableau portant sur quelques clients qu'elle qualifie de particulièrement importants. Dans ce tableau, elle indique les pertes présentes et à venir portant sur ces clients et résultant du comportement d'Oracle (149). Toutefois, ces clients représentent en nombre moins du dixième de l'ensemble des clients de serveurs HP Integrity en France. Or, Hewlett-Packard n'explique pas pourquoi elle perçoit ces clients comme étant particulièrement importants (notamment en exprimant la proportion des ventes de serveurs HP Integrity réalisées en France qu'ils représentent par exemple). En outre, pour certains d'entre eux, elle se contente de les mentionner, sans même estimer la perte chiffrée qu'ils pourraient représenter (150).
187. Plus spécifiquement, Hewlett-Packard indique a titre d'illustration que la direction générale des finances publiques ne cherchera pas à acquérir de serveurs HP Integrity, et ce en raison du comportement d'Oracle. Cependant, la direction générale des finances publiques - interrogée par les services d'instruction - a indiqué que sa stratégie actuelle est de remplacer l'intégralité de son parc informatique par des serveurs basés sur des processeurs de type x86, qui sont également produits par Hewlett-Packard. Ce choix repose sur le fait qu'elle estime que les serveurs basés sur des processeurs de type x86 sont capables de remplir l'ensemble de ses tâches à mission critique, et non sur le comportement d'Oracle (151).
188. Enfin, Hewlett-Packard n'a pas non plus été à même de démontrer l'existence d'un lien causal direct et certain entre le comportement d'Oracle, d'une part, et les diminutions de ventes de serveurs HP Integrity, d'autre part. En effet, il ressort de l'évolution des ventes de ces serveurs en France que celles-ci diminuent chaque année depuis 2008 (152), c'est-à-dire depuis une période antérieure à celle des pratiques dénoncées par Hewlett-Packard (décembre 2010 pour la discrimination tarifaire, mars 2011 pour la déclaration d'Oracle).
189. Par ailleurs, si Hewlett-Packard a tenté de justifier ces baisses de ventes antérieures aux pratiques alléguées par d'autres événements conjoncturels, elle n'a pas apporté d'argument suffisamment convaincant sur ce point. A titre illustratif, elle indique que la baisse des ventes en 2008 et 2009 serait due à la crise économique. Or, Hewlett-Packard et Oracle ont toutes deux connu une croissance annuelle de leurs chiffres d'affaires mondiaux respectifs depuis 2008 (153). Il est dès lors peu vraisemblable que la crise ait touché un produit en particulier. En tout état de cause, Hewlett-Packard n'apporte aucun élément permettant d'aller dans ce sens. Enfin, il convient de noter que tant les ventes des serveurs SPARC d'Oracle que celles des serveurs HP Integrity diminuent chaque année, et ce depuis 2008 au moins (154).
190. Enfin, même si la société Hewlett-Packard peut faire valoir une perte de chiffre d'affaires assimilable à " un manque à gagner ", elle ne peut justifier l'existence d'un péril imminent pour elle-même, compte tenu de sa taille et de l'incidence limitée des pratiques dénoncées sur son activité globale. En effet, la part de son chiffre d'affaires éventuellement concernée par l'annonce d'Oracle s'établirait en-dessous de 5% (155). En outre, le chiffre d'affaires de l'entreprise est en progression constante au niveau mondial, malgré une conjoncture économique plutôt défavorable ces dernières années.
191. En conséquence, il y a lieu de conclure que le caractère grave et immédiat de l'atteinte aux intérêts de l'entreprise plaignante n'est pas démontré.
3. Conclusion sur la demande de mesures conservatoires
192. Faute d'une atteinte grave et immédiate à l'un des intérêts protégés par l'article L. 464-1 du Code de commerce, il n'y a pas lieu de prononcer les mesures d'urgence demandées par Hewlett-Packard. Il convient en revanche de poursuivre l'instruction de l'affaire au fond.
Décision
Article 1er : La demande de mesures conservatoires présentée par les sociétés Hewlett-Packard Company et Hewlett-Packard France, enregistrée sous le numéro 11-0051 M, est rejetée.
Article 2 : Il y a lieu de poursuivre l'instruction au fond de la saisine enregistrée sous le numéro 11-0050 F.
Notes:
1. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, paragraphe 24.
2. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, paragraphe 24.
3. Affaire COMP/C-3/37.792 Microsoft, paragraphe 37.
4. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, paragraphe 24.
5. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, paragraphe 29.
6. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, paragraphe 24.
7. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, paragraphe 24.
8. Directive 91/250/CEE, du Conseil, du 14 mai 2001, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, JO L 122 du 17 mai 1991, p. 42, considérant 12.
9. Affaire COMP/C-3/37.792 Microsoft, paragraphe 30.
10. Affaire COMP/C-3/37.792 Microsoft, paragraphe 47.
11. Cote 4119.
12. Ceci ressort notamment de la pratique décisionnelle de la Commission (voir affaire N° COMP/M.2609 - HP / Compaq, paragraphe 21, et affaire COMP/C-3/37.792 Microsoft, paragraphe 57). En outre, toutes les entreprises consultées dans le cadre de l'instruction ont, concernant la notion de serveur pour entreprise de haut de gamme, décrit celui-ci comme devant remplir un certain nombre de fonctionnalités qu'elles citent spécifiquement (voir en ce sens cotes 1773, 1876, 1827, 3433, 1766, 1787, 1847 et 1896).
13. Affaire COMP/C-3/37.792 Microsoft, paragraphe 57. En effet, toutes les entreprises consultées dans le cadre de l'instruction ont exprimé la nécessité d'avoir des serveurs capables de prendre en charge des tâches à mission critique (voir cotes 1773, 1876, 1827, 3433, 1766, 1787, 1847 et 1896).
14. Ces caractéristiques sont résumées sous le logo " RAMS " en anglais (" Reliability, Availability, Maintenability and Safety "). Voir également l'affaire COMP/C-3/37.792 Microsoft, paragraphe 57.
15. Voir notamment le PV d'audition de M. Pascal X..., consultant de la société Digora, cote 1670.
16. Voir le PV d'audition de M. Didier Y..., directeur chez IBM France.
17. Cotes 5809 et 5810.
18. Voir en ce sens l'affaire COMP/C-3/37.792 Microsoft, paragraphe 57. Cette conclusion ressort également des réponses apportées par l'ensemble des entreprises consultées dans le cadre de la présente instruction
(cotes 1787, 1847, 1876, 1773, 1827, 3433, 1766, 1685 et 1896).
19. Cotes 1685, 1957 et 1961.
20. Par exemple, les serveurs Power d'IBM fonctionnent également avec Linux (cote 1957).
21. Ceci ressort des réponses formulées par les entreprises interrogées au cours de l'instruction (cotes 1769, 1773, 1774, 1788, 1828, 1829, 1877 et 3433) ainsi que d'études réalisées dans le secteur.
22. Cote 3512. Comme indiqué précédemment, le processeur Itanium d'Intel est le processeur de type EPIC utilisé pour la conception des serveurs de la gamme HP Integrity.
23. Cote 3512.
24. IDC (ou " International Data Corporation ") se présente elle-même comme " un acteur majeur de la Recherche, du Conseil et de l'Évènementiel sur les marchés des Technologies de l'Information, des Télécommunications et des Technologies Grand Public. IDC est une filiale de la société IDG, leader mondial du marché de l'information dédiée aux technologies de l'information " (traduction libre). Voir http://www.idc.fr/about/about.jsp.
25. Cotes 1856 à 1872.
26. Cote 1849.
27. Cotes 1788, 1877, 1774, 1829, 3434, 1769, 1686 et 1898.
28. Cotes 1773 à 1777, 1829, 7250 et 3433.
29. Elle a toutefois également exprimé la crainte que ses serveurs Integrity doivent être remplacés plus tôt que prévu, c'est-à-dire quand la nécessité d'un passage vers la nouvelle version du SGBDR d'Oracle se fera sentir. Cotes 1773 à 1777.
30. Cote 5808.
31. Cotes 5803 et 5805.
32. Cotes 5809 et 5811.
33. Cotes 4120 et 4121.
34. Cotes 5806 et 5808.
35. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, paragraphe 29.
36. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, paragraphes 27 et 28.
37. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, paragraphes 27 et 28.
38. Cote 2761.
39. Cote 2769.
40. Cote 2787.
41. Cote 4689.
42. Cote 4689.
43. Cotes 4689 et 4669 à 4706.
44. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, paragraphe 128.
45. L'ensemble des entreprises consultées dans le cadre de la présente instruction ont été unanimes sur ce point : migrer de SGBDR est un exercice coûteux, long et complexe. C'est pourquoi elles tendent toutes à privilégier la migration de serveur, lorsque cette alternative est possible. Voir en ce sens les cotes 1789, 1852, 1878, 1775, 1776, 1832, 3435, 1770, 1688 et 1901. Voir également Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, paragraphe 136.
46. Voir notamment cotes 1769, 1775, 1789 et 1877.
47. Cote 1789.
48. Cote 1850.
49. PV d'audition de Mme Anne-Marie A..., présidente d'Oracle France. Cote 1698.
50. Cotes 1789 et 1850.
51. Cote 4692.
52. Cote 4693.
53. Cote 4694.
54. Cote 4694.
55. Cote 4692.
56. Il convient de noter que ce tableau n'est pas exhaustif et que certaines des combinaisons indiquées ne sont possibles qu'entre certains des produits mentionnés uniquement.
57. Certains des serveurs mentionnés ci-avant ne fonctionnent toutefois pas avec Linux. C'est notamment le cas des serveurs HP Integrity.
58. Cotes 4115 et 4116.
59. Affaire N° COMP/M.2609 - HP / Compaq.
60. Cote 2031.
61. Cote 4116.
62. Cote 7385.
63. Cote 7385.
64. Cote 1696.
65. Cote 414.
66. Commission, affaire N° COMP/M.5529 - Oracle / Sun Microsystems.
67. Cote 2740.
68. Cote 4688.
69. Oracle a confirmé dans le cadre de l'instruction " qu'elle a déjà mis en œuvre sa décision de ne pas développer la future version de son logiciel de base de données pour le processeur Itanium ". Cote 5752.
70. Cote 495. Oracle a déclaré qu'elle compte assurer le support de son SGBDR jusqu'à 2018 au moins. Cote 5710.
71. Cet effet captif sur les clients d'Oracle serait renforcé, selon Hewlett-Packard, par le fait que certains clients du SGBDR d'Oracle sont également clients d'autres logiciels d'Oracle, comme les applications logicielles d'entreprises, ce qui les inciterait d'autant plus à demeurer clients chez cette entreprise. Cependant, étant donné que les développements ci-après démontrent l'effet captif important du SGBDR d'Oracle, il n'est pas nécessaire, à ce stade de l'instruction, d'évaluer si les autres activités logicielles de l'entreprise sont de nature à renforcer cet effet captif.
72. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems.
73. Lignes directrices de la Commission Européenne relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, maintenant articles 101 et 102 TFUE (Journal officiel n° C 101 du 27/04/2004 p. 0081 - 0096), para. 61.
74. Il convient de préciser à cet égard que la définition de la notion de tâches à mission critique telle que formulée par Hewlett-Packard dans le cadre de la saisine est équivalente à celle fournie ci-avant au paragraphe 22.
75. Affaire N° COMP/M.2609 - HP / Compaq, para. 20 et 21, et affaire COMP/C-3/37.792 Microsoft, para. 57.
76. Affaire COMP/C-3/37.792 - Microsoft, para. 57.
77. Affaire N° COMP/M.2609 - HP / Compaq, paragraphe 20.
78. Cotes 1876, 1773, 1787 et 1828.
79. Voir les développements ci-avant, aux paragraphes 29 à 35.
80. Cotes 1773 à 1777, 1829, 7250 et 3433.
81. Cote 1849.
82. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 950. Affaire N° COMP/M.2609 - HP/Compaq, para. 23.
83. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 107.
84. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 532.
85. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 532.
86. Voir à cet égard les développements ci-avant relatifs au secteur des SGBDR.
87. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 108.
88. Cotes 1788, 1849 et 3434.
89. Affaire No COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 113 et 114.
90. Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 février 1978, United Brands/Commission, C-27-76, Rec. P. 207, point 65.
91. Voir dans ce sens la Communication de la Commission - Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes, 2009/C 45/02, JOCE n° C 045 p. 7, points 9 à 18 ; la Décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-32 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Royal Canin et son réseau de distribution, points 169 à 176, confirmée sur ces points par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 4 avril 2006.
92. Gartner est une société américaine spécialisée dans la recherche et le conseil dans le secteur des technologies de l'information.
93. Observations d'Oracle du 29 septembre 2011. Cote 2761.
94. Cotes 663 et 664.
95. Cotes 706 et 707.
96. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 196.
97. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 130.
98. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 133 à 135.
99. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 128 à 138.
100. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 133 à 135.
101. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 138.
102. Voir en ce sens les paragraphes 47 à 50 relatifs à la migration de SGBDR.
103. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 132.
104. Cote 436.
105. Voir en ce sens les développements aux paragraphes 14 à 16 ci-avant.
106. Voir en ce sens les développements ci-avant relatifs à la migration de SGBDR, paragraphes 47 à 50.
107. Affaire N° COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 138.
108. Cotes 4489 à 4493.
109. Cotes 1688, 1770, 1776, 1790, 1832, 1878 et 3435.
110. Cote 2757.
111. Voir en ce sens les développements aux paragraphes 93 à 96 ci-avant.
112. Il convient notamment de relever que la doctrine économique considère que lorsque deux " bienssystèmes " à deux composantes sont produits par deux entreprises A et B, la situation concurrentielle est différente suivant que les deux composantes sont interopérables ou non. Dans le premier cas, quatre systèmes sont accessibles aux acheteurs : AA, BB AB, BA. Lorsqu'ils ne le sont pas, les acheteurs disposent d'un moins grand nombre de variétés possibles puisque seules les combinaisons AA et BB sont offertes. Mais cette réduction de l'offre, à l'origine des effets négatifs généralement associés à la concurrence en silos, peut toutefois s'accompagner d'une intensification de la concurrence en prix, si bien que ces différents effets doivent être mis en balance. Voir Matutes C., et P. Regibeau, (1988), "Mix and Match: Product Compatibility Without Network Externalities," Rand Journal of Economics, vol. 19 (2), pp. 219-234.
113. Décision n° 09-D-06 du 5 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la SNCF et Expedia Inc. dans le secteur de la vente de voyages en ligne. Avis n° 02-A-08 du 22 mai 2002 relatif à la saisine de l'Association pour la promotion de la distribution de la presse.
114. Décision n°04-D-09 du 31 mars 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Codes Rousseau dans le secteur des supports pédagogiques pour auto-écoles.
115. Communication de la Commission - Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes, 2009/C 45/02, JOCE n° C 045 p. 7, point 81. Voir aussi dans ce sens l'Affaire T-201-04,
Microsoft/Commission, Rec. 2007, p. II-3601.
116. Ceci ressort notamment de l'affaire T-201-04, Microsoft/Commission, Rec. 2007, p. II-3601, en droit européen, et du libellé même des conditions exposées par le Conseil dans la décision n° 09-D-06 du 5 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la SNCF et Expedia Inc. dans le secteur de la vente de voyages en ligne, en droit national.
117. Cote 5752.
118. Cote 7247.
119. Communication de la Commission - Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes, 2009/C 45/02, JOCE n° C 045 p. 7, point 83.
120. Voir en ce sens le PV d'audition de M. Alain Z..., directeur chez Hewlett-Packard France.
Cote 7218.
121. Voir en ce sens le PV d'audition de M. Alain Z..., directeur chez Hewlett-Packard France. Cote 7219.
122. Affaire No COMP/M.5529 - Oracle/Sun Microsystems, para. 133 à 135.
123. Communication de la Commission - Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes, 2009/C 45/02, JOCE n° C 045 p. 7, point 85.
124. Décision n° 09-D-06 du 5 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la SNCF et Expedia Inc. Dans le secteur de la vente de voyages en ligne. Avis n° 02-A-08 du 22 mai 2002 relatif à la saisine de l'Association pour la promotion de la distribution de la presse.
125. Voir en ce sens les développements aux paragraphes 129 et 130.
126. Voir en ce sens les développements aux paragraphes 36 et suivants.
127. Voir en ce sens le paragraphe 129.
128. Communication de la Commission - Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes, 2009/C 45/02, JOCE n° C 045 p. 7, point 87. Voir aussi dans ce sens l'Affaire T-201-04,
Microsoft/Commission, Rec. 2007, p. II-3601.
129. Affaire C-7/97, Bronner, Rec. p. I-7791.
130. Affaire C-52/09, Konkurrensverket/TeliaSonera Sverige AB, para. 55.
131. Arrêt du 15 mars 2007 de la Cour de justice des Communautés européennes, affaire C-95-04 P, British
Airways plc v Commission, Rec. I, p. 2331.
132. Décision n° 10-D-31 du 12 novembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché des services de capacité, point 144.
133. Arrêt du 23 septembre 2010 de la Cour d'appel de Paris.
134. Cotes 4692 à 4695.
135. Cote 5693.
136. Cotes 449 et 450.
137. Cote 5693.
138. Cote 450.
139. Cote 2787.
140. Cote 5710.
141. Cotes 1789 et 1850.
142. Cote 7199.
143. Cotes 1686, 1768 et 1774.
144. Cote 1574.
145. Cote 161.
146. Voir cotes 1302 à 1517 et cotes 1096 à 1299.
147. Cotes 1301 et 1716.
148. Cotes 1718 à 1726 (cotes 7224 à 7227).
149. Cotes 1722 à 1724.
150. Cotes 1722 à 1724.
151. Cotes 1773 à 1777.
152. Cote 1720.
153. Cote 5711.
154. Cotes 7226 et 7098.
155. Cote 7385.