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Décisions

ADLC, 12 janvier 2012, n° 12-D-02

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'ingénierie des loisirs, de la culture et du tourisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Camille Gesnel-Lacour, rapporteure, , l'intervention de M. Sébastien Soriano, rapporteur général adjoint, par M. Patrick Spilliaert, vice-président, président de séance, Mme Pierrette Pinot, M. Emmanuel Combe, membres.

ADLC n° 12-D-02

12 janvier 2012

L'Autorité de la concurrence (section V),

Vu la décision n° 10-SOI-06 du 3 novembre 2010 par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de pratiques concernant le secteur de l'ingénierie des loisirs, de la culture et du tourisme (affaire enregistrée sous le numéro 10/0100 F) ; Vu la décision de la rapporteure générale en date du 10 février 2011 prise en application de l'article L. 463-3 du Code du commerce disposant que l'affaire sera examinée par l'Autorité sans établissement préalable d'un rapport ; Vu le livre IV du Code de commerce et notamment son article L. 420-1 ; Vu les décisions de secrets des affaires n° 11-DSA-24 à 11-DSA-43 du 3 février 2011, n° 11-DSA-209 du 8 juillet 2011, n° 11-DSA-336 du 7 novembre 2011 et n° 11-DSA-339 du 10 novembre 2011 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par le Géfil, les sociétés Arc Essor, Assaï, Astarté, Deloitte conseil, François-Tourisme-Consultants, Hôtels Action conseils, Kanopée, Maîtres du rêve, Médiéval, Mérimée conseils, Philippe Caparros Développement, Promotour consultants, Somival, Tourisme et Qualité, et le commissaire du Gouvernement ; La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement ainsi que les représentants du Géfil et ceux des sociétés Arc Essor, Assaï, Astarté, Deloitte conseil, François-Tourisme-Consultants, Hôtels Action conseils, Kanopée, Maîtres du rêve, Médiéval, Mérimée conseils, Philippe Caparros Développement, Promotour consultants, Somival, Tourisme et Qualité entendus lors de la séance du 21 novembre 2011 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LE SECTEUR ET LES PARTIES EN CAUSE

1. LE SECTEUR EN CAUSE

1. Le secteur de l'ingénierie des loisirs, de la culture et du tourisme (ci-après l'" ingénierie LCT ") réunit l'ensemble des activités de conseil, d'assistance et de formation à la mise en valeur des équipements touristiques, culturels ou de loisirs, ainsi qu'à la gestion des patrimoines culturels, naturels ou industriels et au développement des territoires.

2. Sont traditionnellement distinguées dans ce secteur l'ingénierie publique et l'ingénierie privée. L'ingénierie publique relève de la compétence de l'État et des collectivités territoriales par l'intermédiaire d'entités telles qu'Atout France, les comités régionaux du tourisme (CRT), les comités départementaux du tourisme (CDT) et les offices de tourisme. Elle consiste à fournir, notamment, du " pré-conseil ", c'est-à-dire des activités telles que la sensibilisation, l'information, la documentation, la vulgarisation, la formation ou l'assistance technique. L'ingénierie publique inclut également le " post-conseil ", c'est-à-dire des activités telles que le contrôle de l'offre en ingénierie LCT, la labellisation, la normalisation, le suivi ou l'évaluation.

3. L'ingénierie privée est mise en œuvre par les cabinets-conseils et par les chambres consulaires.

4. Les principaux domaines d'application de l'ingénierie LCT énumérés par Odit France dans son " Guide de l'ingénierie LCT - Comment travailler avec un cabinet conseil " sont : les équipements (hébergements, équipements de loisirs, culturels ou de divertissement, etc.) ; le territoire (ville, littoral, montagne, etc.) ; les secteurs tels que le transport, les voyages ou le développement territorial et d'autres filières telles que le tourisme d'affaires, de santé, de découverte économique ou de ski (cote 693).

5. Les missions confiées aux cabinets-conseils sont d'une grande diversité (études de marché, expertises, diagnostics, enquêtes, stratégies de développement, plans d'action, muséologie, scénographie, signalétique, montages d'opérations, formations, démarches qualité, etc.) et de plus en plus pluridisciplinaires. Il existe trois principaux champs d'intervention : les études d'opportunité ou de vocation, les études de faisabilité, la programmation et l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO).

6. Le secteur n'est pas réglementé, mais le Géfil, syndicat professionnel de l'ingénierie LCT, a mis en place à la fin de l'année 2002 une qualification propre au secteur avec l'Organisme professionnel de qualification de l'ingénierie infrastructure, bâtiment, industrie (OPQIBI). Cette qualification " OPQIBI " atteste de la compétence et du savoir-faire d'une structure active dans le secteur de l'ingénierie LCT.

2. LES PARTIES EN CAUSE

a) Les cabinets-conseils

7. Les cabinets-conseils sont les principaux acteurs privés présents sur le secteur de l'ingénierie LCT en France, qu'ils soient ou non spécialisés dans le tourisme. Leur chiffre d'affaires total est estimé, par le délégué général du Géfil (voir paragraphes 11 à 17 ci-dessous), entre 50 et 70 millions d'euros (cote 682).

8. Les premiers cabinets-conseils spécialisés en ingénierie LCT sont apparus à la fin des années 1970 et sont majoritairement des structures de petite taille (petites et moyennes entreprises, voire très petites entreprises). Ils travaillent souvent en réseau avec d'autres cabinets spécialisés et s'adjoignent, si nécessaire, les services d'avocats, d'architectes ou de scénographes. En l'absence d'une réglementation officielle référençant les professionnels du secteur, il n'est pas possible de déterminer le nombre exact de cabinets-conseils en ingénierie LCT présents en France. Cependant, le délégué général du Géfil estime qu'il existe actuellement entre 150 et 200 structures pérennes (cote 680).

9. Des bureaux d'études et de conseils non spécialisés en ingénierie LCT interviennent également dans le secteur.

10. Les acteurs privés du secteur de l'ingénierie LCT sont structurés autour de deux principales fédérations, le Syntec et la Chambre de l'Ingénierie et du Conseil de France (CICF), ainsi que d'un syndicat professionnel unique, le Géfil.

b) Le Géfil

11. Le Géfil a été créé en mai 1990 sous la forme d'une association loi 1901. Il est devenu un syndicat professionnel en 1994. Ses objectifs sont de faire connaître la compétence, l'expérience et les méthodes de travail de ses membres ; de représenter la profession auprès des pouvoirs publics ; d'accompagner son organisation, de défendre ses intérêts et de réfléchir à son évolution, notamment en soutenant la reconnaissance d'une véritable déontologie professionnelle ; et enfin de faciliter les relations entre les commanditaires et les cabinets-conseils.

12. Depuis sa création en 1990, le nombre d'adhérents du Géfil oscille entre 70 et 80 selon les années. En octobre 2010, il s'élevait à 74 adhérents selon son délégué général. Tous ses adhérents ont signé une charte de déontologie relative à la transparence vis-à-vis des clients quant à leurs compétences, à leurs méthodes et à leurs coûts d'intervention, à l'indépendance des consultants dans leurs missions de conseil, d'étude et d'assistance, et enfin au respect des règles de concurrence et de la réglementation en vigueur.

13. Le Géfil est membre de droit du Conseil national du tourisme (CNT), organisme placé auprès du ministre chargé du tourisme. Il est affilié à la CICF. Il est également membre du comité de pilotage de la Mission d'ingénierie touristique Rhône-Alpes (MITRA) et du collège des prestataires d'ingénierie de l'OPQIBI.

14. Dès sa création, le Géfil a élaboré un annuaire recensant ses adhérents. Celui-ci est mis à jour tous les deux à trois ans environ, imprimé à 4 000 exemplaires et diffusé à plus de 3 600 donneurs d'ordre. L'annuaire est également mis en accès libre sur le site Internet du Géfil et donc consultable par les cabinets-conseils adhérents, les non-adhérents et les commanditaires.

15. Dans cet annuaire, chaque adhérent se voit consacrer une page qui présente en quelques lignes le cabinet, précise ses coordonnées, son statut, sa date de création, ses éventuelles qualifications OPQIBI, le nom de son ou de ses dirigeants, le nombre de consultants qu'il emploie ainsi qu'une indication, sous la forme d'une fourchette, de son chiffre d'affaires hors taxes. Le chiffre d'affaires est présenté sous la forme d'une classe allant de 1 à 4 (la classe 1 équivalent à un chiffre d'affaires inférieur à 150 000 €, la classe 2 à un chiffre d'affaires situé entre 150 001 et 300 000 €, la classe 3 à un chiffre d'affaires situé entre 300 001 et 750 000 €, et enfin la classe 4 à un chiffre d'affaires supérieur à 750 001 €).

16. L'annuaire du Géfil comprend également un éditorial, une présentation du Géfil, du secteur de l'ingénierie LCT ainsi que de sa charte de déontologie, et enfin des fiches intitulées " Du bon recours aux cabinets-conseils ", " Un appel d'offres : combien ça coûte ? ", " Qualification ", " Le Juste prix ". Le Géfil publie également à destination de ses adhérents un journal intitulé " Le Géfilon ", à présent diffusé uniquement sous format électronique.

17. Les membres du Géfil sont 39 % à réaliser un chiffre d'affaires inférieur à 150 000 € (1 à 2 consultants), 25% d'entre eux un chiffre d'affaires compris entre 150 000 € et 300 000 € (2 à 4 consultants), 22 % un chiffre d'affaires compris entre 300 000 € et 750 000 € (5 à 7 consultants) et enfin 14 % un chiffre d'affaires supérieur à 750 000 € (8 à 15 consultants) (cote 17 534). Le chiffre d'affaires total engendré par les adhérents du Géfil en 2010 est estimé à 26 millions d'euros selon son délégué général (cote 682).

B. LES PRATIQUES RELEVÉES

1. LES CONDITIONS D'ADHÉSION AU GÉFIL

18. Pour adhérer au Géfil, les cabinets-conseils doivent respecter certaines conditions énumérées dans la fiche de présentation du syndicat (cotes 23 et 18 811) et notamment " faire rémunérer leurs études dans des conditions normales de concurrence ".

19. Le Géfil a par ailleurs mis en place une charte de déontologie signée par tous ses adhérents. Cette charte affirme notamment les principes suivants (cotes 23, 73 à 74, 105 à 107, 18 790 à 18 792 et 18 902 à 18 903) : " transparence vis-à-vis des clients quant aux compétences, aux méthodes et aux coûts d'intervention, indépendance des consultants dans leurs missions de conseil, d'étude et d'assistance, respect des règles de la concurrence et de la réglementation ".

20. La " Note concernant l'adhésion au Géfil " en date du 24 mai 2007 et téléchargeable à l'époque à partir du site Internet de ce dernier (cotes 18 801 à 18 804) indique à cet égard que les dossiers de demande d'adhésion doivent comprendre certaines informations dont : " Leurs prix de facturation HT par jour pour chaque catégorie de consultants (...). L'absence d'un de ces éléments entraîne la non prise en compte de la demande ".

21. Le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 6 juin 2007 rappelle la procédure d'examen des candidatures d'adhésion en vertu de laquelle le délégué général s'entretient " avec les candidats après examen de leur dossier, puis envoie un mél à tous les adhérents pour avoir un avis, les dossiers sont ensuite transmis aux administrateurs. Enfin, le conseil d'administration vote l'admission des candidats " (cote 13 947).

22. Les cabinets-conseils, qui sont dans le même temps administrateurs du Géfil, ont donc connaissance des tarifs pratiqués par les cabinets-conseils concurrents qui souhaitent adhérer au syndicat, au jour du dépôt de leur dossier, puisque y figurent leurs prix de facturation hors taxes par jour et pour chaque catégorie de consultants. Lors de son audition, le délégué général a confirmé qu'il transmettait " les pièces du dossier d'adhésion aux administrateurs à l'avance avec la convocation. Ensuite c'est voté lors du conseil d'administration " (cote 18 095).

23. Le Géfil a transmis, en annexe de ses courriers du 2 novembre 2010 et du 15 décembre 2010, les demandes d'adhésion des membres du syndicat depuis 2001. L'exemple de tableau ci-dessous montre que, dans leurs demandes d'adhésion, les cabinets-conseils font effectivement état de leurs tarifs journaliers en fonction de l'expérience du consultant concerné (cote 14 607) :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

24. Sur les 51 demandes d'adhésion transmises par le Géfil (cotes 14 596 à 14 953 et 18 530 à 18 573), seules celles présentées à partir de 2001 indiquent ces tarifs, à une exception près (Tam's consultant). Ceux-ci sont récapitulés dans le tableau ci-dessous :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

2. LA FICHE " LE JUSTE PRIX "

25. La fiche " Le Juste prix " (ci-après le " Juste prix ") a été créée par le Géfil et insérée dans son annuaire de 2002. Elle fait état de tarifs par catégorie de consultants qui sont discutés lors des conseils d'administration et des assemblées générales du Géfil ainsi que dans sa publication " Le Géfilon ".

a) Description de la fiche

26. Le " Juste prix " a été élaboré, selon le délégué général du Géfil, avant 2002, à la suite de la constitution d'un groupe de travail par la présidente du Géfil de l'époque.

Questionné à ce sujet, le Géfil a précisé que la fiche a ensuite été publiée dans l'annuaire du Géfil au cours du mois de février 2002 (cote 20 399).

27. Cette fiche s'appuie sur les comptes d'un cabinet-conseil fictif composé de quatre personnes dont elle détaille les prix de facturation. A partir de la décomposition des activités du cabinet par consultant en nombre de jours, de la décomposition de la structure de coût de ce cabinet pour une année et du calcul d'une marge bénéficiaire de 6 %, le Géfil présente les prix journaliers respectifs des trois catégories de consultants (cotes 30, 101 à 104, 18 795 à 18 796 et 18 819 à 18 820) qui sont donc " établis de manière cohérente en fonction de leur expérience, de leurs responsabilités et du nombre de journées facturées " :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

b) Les objectifs et le contexte de la fiche

28. Les tarifs du " Juste prix " sont tantôt présentés comme des " prix recommandés ", par exemple dans le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 26 janvier 2005 (cote 13 868), tantôt comme des " prix raisonnables ", par exemple dans celui du 6 juin 2007 (cote 13 949). Lors de l'assemblée générale du 18 mars 2005, les tarifs du " Juste prix " sont encore assimilés à des " prix syndicaux " (cote 14 073). Le Géfilon, dans son numéro 26 de juillet 2008, les qualifie d'" honoraires décents " (cote 14 329).

29. Lors de l'assemblée générale du 18 mars 2005, la volonté de ne pas se concurrencer par les prix a été exprimée par le président du Géfil, qui a suggéré de " travailler davantage en réseau afin d'éviter une situation de concurrence exacerbée (...). Le Président demande à chaque adhérent, bien que cela paraisse rhétorique, d'exercer la concurrence à travers la méthodologie, les compétences, et de respecter la norme de prix à la journée même si celle-ci n'est pas parfaite " (cotes 14 073 et 14 074).

30. De son côté, le Géfilon précise, dans son numéro 20 de juillet 2005, que : " Le "Juste prix" ne peut probablement pas échapper à un ajustement conjoncturel. Mais l'erreur serait de casser les prix pour maintenir artificiellement un niveau de chiffres d'affaires. (...) Le groupe de travail animé par Thierry C. (Grévin développement) réfléchit aux mesures à prendre pour sensibiliser les donneurs d'ordre (...) et les adhérents aux dangers de prix trop bas " (cote 14 287).

31. Les conséquences d'une diminution des tarifs affichés dans le " Juste prix " sont abordées dans le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 13 juin 2006, qui précise : " Revoir à la baisse les prix affichés dans le Juste prix au motif que les prix réellement pratiqués sont inférieurs aura pour seule conséquence de dévaloriser le métier de conseil, ce qui n'apportera rien, même dans la perspective de réaliser ensuite des prestations en aval. Nous devons nous battre en amont pour augmenter les prix. Toute prestation doit être justement rémunérée. Le conseil d'administration est unanime : il est hors de question de revoir les tarifs affichés dans le Juste prix à la baisse. (...) La difficulté réelle est de tirer les prix de toute la profession vers le haut et promouvoir auprès des donneurs d'ordre notre métier. (...) Continuons à communiquer, faisons passer le message de remonter les prix. Ne nous décourageons pas " (cotes 13 925 à 13 927).

32. Dans l'édito du Géfilon numéro 22 de juillet 2006, le président du Géfil a abordé à nouveau ce sujet en précisant : " Le message du syndicat est, plus que jamais de défendre nos prix d'intervention et d'attirer l'attention des maîtres d'ouvrage sur le fait que la pratique des prix bas conduit mécaniquement à la médiocrité de la prestation. C'est du ressort de l'évidence " (cote 14 300).

33. De même, le président a déclaré lors de l'assemblée générale du Géfil du 20 mars 2007 : " J'aimerais également évoquer le problème récurrent des prix. Nous nous sommes battus pour communiquer sur les prix des consultants ("Juste prix", Guide de l'ingénierie LCT - Comment travailler avec un cabinet conseil) en prenant garde à ne pas être attaqué pour entente illicite sur les prix. Mais aujourd'hui, nous sommes très loin des niveaux préconisés " (cote 14 100).

34. Dans le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 11 décembre 2007, le président du conseil d'administration de l'époque se déclare de même défavorable à une diminution des honoraires des consultants au chapitre " Le Juste prix ", car " les coûts ont tendance à augmenter, une baisse des honoraires serait synonyme de régression. Nous devons au contraire nous battre pour valoriser la qualité, renforcer l'image de la profession " (cote 13 976).

35. Le délégué général du Géfil a précisé, au cours de son audition, qu'il avait souhaité, en 2008, baisser les tarifs mais qu'il n'avait pas été suivi compte tenu de la nécessité de " toujours défendre des prestations de bonne qualité. Pour cela, nous devons être payés un minimum " (cote 686).

36. Enfin, il ressort également des comptes-rendus du conseil d'administration du Géfil du 13 juin 2006 et de l'assemblée générale du 20 mars 2007 que le syndicat et ses membres n'ignoraient pas les risques inhérents à la mise en place d'une consigne de prix au regard des règles de concurrence.

37. Le procès verbal du conseil d'administration du 13 juin 2006 indique ainsi :

" Thierry C.: cette stratégie spéculative ne doit pas être très porteuse au vu du fort taux de mortalité des projets LCT. Toute prestation doit être justement rémunérée.

Le Conseil d'Administration est unanime : il est hors de question de revoir les tarifs affichés dans le Juste prix à la baisse.

Le Président: Il est de même regrettable qu'ils n'aient pas augmenté. Il faut les réaffirmer. Mais comment ?

Il rappelle qu'un ancien adhérent avait été blâmé d'avoir remporté un marché à un prix largement inférieur à celui de ses concurrents. Or, toute manœuvre qui a pour but d'empêcher le libre jeu de la concurrence est condamnable (entente illicite). Un prix anormalement bas s'entend juridiquement comme un prix équivalent à un travail à perte " (caractères surlignés dans le document) (cotes 13 925 à 13 927). 12

3. LA SURVEILLANCE EXERCÉE PAR LE GÉFIL SUR LES TARIFS

38. Il ressort du dossier que le Géfil veille de deux manières au respect des tarifs figurant dans le " Juste prix ". D'une part, il envoie des courriers auprès des donneurs d'ordre, voire aux cabinets lauréats, lorsqu'il est informé par un adhérent que des cabinets non-adhérents remportent des appels d'offres à un tarif jugé inférieur aux usages de la profession. D'autre part, il a élaboré une procédure de sanction applicable en cas de non-respect de ces tarifs par un adhérent.

a) La surveillance des tarifs pratiqués dans les appels d'offres

39. Plusieurs cabinets de consultants en ingénierie LCT ont indiqué transmettre au syndicat des informations relatives aux appels d'offres dont les budgets estimés par les commanditaires sont, selon eux, trop bas par rapport au contenu du cahier des charges. Le syndicat est ainsi en mesure d'opérer une veille des budgets estimés par les commanditaires, et donc des tarifs dont il est informé par ses adhérents. Lors de son audition, le délégué général du Géfil a indiqué envoyer à ce sujet, " soit un courrier de demande d'explications, soit un courrier de protestation quand un tarif ne nous parait pas normal, et nous joignons la page 15 du Guide d'Odit France " (cote 684) (voir paragraphe 40 et suivants ci-dessous). Le Géfil publie sur son extranet tous les courriers qu'il envoie aux commanditaires concernant les appels d'offres qui lui ont été signalés.

40. Le dossier contient ainsi un document attestant que le Géfil a adressé un courrier à un commanditaire, dans lequel il a indiqué : " Plusieurs de nos adhérents nous ont alertés sur cette consultation lancée par votre commune (...). Un budget cohérent aurait dû se situer entre 20 000 et 25 000 € H.T., soit 3,5 à 4,5 fois plus. Ces chiffres sont fondés sur les honoraires moyens en vigueur dans la profession. Une telle inadéquation entre le budget et les exigences du cahier des charges n'est pas acceptable et démontre une grande méconnaissance des coûts de l'ingénierie touristique et culturelle. (...) Notre devoir syndical nous impose de veiller à la reconnaissance du professionnalisme - et donc de la juste rémunération - des cabinets conseil " (cotes 113 et 114).

41. Le Géfil a, depuis 2000, envoyé 113 courriers aux donneurs d'ordre concernant des appels d'offres susceptibles de porter préjudice aux cabinets-conseils. Dans 30 d'entre eux, le Géfil a abordé principalement la question de la disproportion entre le budget et les exigences du cahier des charges, en se référant explicitement aux tarifs figurant dans son annuaire, dans le guide ou à ceux habituellement pratiqués dans la profession. Ils sont quasiment tous formulés dans les mêmes termes que le courrier cité, à titre d'exemple, ci-dessous.

42. Il s'agit d'un courrier en date du 3 août 2006 adressé au directeur du Conservatoire de l'espace littoral, dans lequel il est indiqué : " En effet, [la] proposition fait apparaître un coût par jour de 369,25 euros, bien loin des honoraires moyens de la profession, que vous connaissez certainement, et qui sont de plus du double, ce qui était le cas de ceux de notre adhérent. Le chapitre "Le juste prix" de notre Annuaire (téléchargeable sur : www.gefil.org), indique la structure des honoraires moyens des consultants et en aucun cas ceux avancés par M. L. ne peuvent être considérés comme normaux " (cote 14 484).

43. Le Géfil a également, sous couvert de son rôle syndical, envoyé des courriers aux cabinets-conseils non-adhérents lauréats d'appels d'offres afin d'appeler leur attention sur le fait que leurs tarifications étaient anormalement basses et encourageaient la tendance baissière dans le secteur. Dans le dernier courrier en date du 14 octobre 2010, destiné au PDG de MKG Group, le Géfil a précisé : " Nos adhérents avaient fait des offres entre 2 à 3 fois supérieures (...). Le budget ci-dessus, avec les honoraires habituels des consultants, couvrirait 6 à 8 jours maximum d'intervention, ce qui serait notoirement insuffisant pour exécuter correctement cette mission " (cote 14 594).

b) La surveillance interne des tarifs des adhérents

44. Une surveillance des tarifs est également effectuée en interne vis-à-vis des prix pratiqués par les adhérents du syndicat.

45. Lors de son audition, le délégué général du Géfil a indiqué, au sujet des prix pratiqués par les adhérents : " si nous savons qu'ils facturent des prix ridicules, ils ne pourront pas rester au Géfil car ils tirent la profession vers le bas " (cote 685). Il a précisé que la commission de déontologie n'avait pas été réunie pour des questions de tarifs mais en raison de dénigrements (cote 13 781).

46. Si la commission de déontologie n'a pas sanctionné d'adhérent en raison de tarifs jugés trop bas, une procédure de sanction a bien été prévue pour les adhérents qui s'éloigneraient du " Juste prix ". Les comptes-rendus du conseil d'administration du Géfil du 30 avril 2008 indiquent la procédure à suivre pour sanctionner le comportement de deux adhérents qui, aux yeux du délégué général, " vendent à des prix plus bas que ce qui permet à un cabinet de vivre. Le premier avait des raisons valables car il était situé à proximité. Pour le second, nous lui avons dit qu'il ne vendait pas à un prix permettant d'atteindre un prix économique " (cote 18 096). Pour le délégué général du Géfil, le syndicat ne représente que " des cabinets qui font du bon boulot et qui doivent être payés normalement " (cote 687).

47. Cette procédure est décrite dans le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil en date du 13 juin 2006. Il y est précisé la marche à suivre, par le délégué général, lorsque ce dernier est informé qu'un adhérent pratique des prix inférieurs à ceux habituellement pratiqués, à savoir : " 1. Demander au "plaignant" de faire part de sa requête au Géfil par écrit ; 2. Enjoindre au "défendeur" de répondre par écrit au Géfil ; 3. Si la réponse est justifiée, elle est transmise au plaignant et le processus s'arrête là ; 4. Si la réponse n'est pas convaincante, le Délégué Général pourra demander des explications supplémentaires et, si besoin, solliciter l'avis du Conseil d'administration. Il est rappelé que toutes ces démarches doivent cependant s'inscrire dans le strict respect du droit de la concurrence " (cote 13 928).

48. Le délégué général du Géfil nie cependant l'existence de cette procédure en expliquant : " Il n'y a pas de procédure de sanction des adhérents. Nous ne contrôlons rien. Quand nous apprenons qu'un adhérent pratique des prix ridicules, nous lui demandons des explications. Parfois, il y en a. C'est le cas d'une mission faisant suite à une mission préalable, le tarif était donc plus faible. C'est au cas par cas, à la demande d'un adhérent. Cette procédure n'a jamais été mise en œuvre sous cette forme rigide " (cote 18 096).

49. Dans le compte-rendu du conseil d'administration du 26 janvier 2005, le comportement de certains adhérents est évoqué dans les termes suivants : " Plusieurs adhérents ont communiqué au Géfil leur mécontentement face à un dumping croissant des tarifs des prestations de conseil en LCT. Ainsi, P. C. constate que nombre de ses concurrents membres du Géfil ont baissé nettement leurs prix et ne respectent pas les prix recommandés dans "Le juste prix" (...). Le Conseil d'administration décide d'évoquer le problème de dumping lors de l'Assemblée Générale et d'avertir que les cas de dumping avérés pourront être traduits en commission de déontologie. Si un adhérent reçoit deux blâmes en commission de déontologie en raison de dumping, il s'expose à la radiation du Géfil. En attendant, le Président écrira un mél à tous les adhérents pour leur rappeler que le dumping et syndicalisme ne peuvent aller de pair. Afin d'éviter de réunir systématiquement la commission de déontologie, le Président lance l'idée, au cas où un adhérent démontrerait, preuves à l'appui*, avoir perdu un marché en raison du prix anormalement bas d'un autre adhérent, de demander à ce dernier de justifier son prix. En cas de réponse insatisfaisante, cet adhérent pourrait être convoqué devant la commission de déontologie. Le Conseil approuve cette idée.

50. Lors de l'assemblée générale du 18 mars 2005, le président du conseil d'administration propose " de soumettre les cas les plus flagrants de dumping en commission de déontologie afin de faire passer le message que cette tendance baissière des prix est suicidaire ". A cette même occasion, un des adhérents " demande au Géfil de convoquer devant la commission de déontologie les cabinets dont les prix mentionnés sur leur formulaire d'adhésion au Géfil ne sont pas conformes aux prix qu'ils pratiquent effectivement " (cote 14 073).

51. Par ailleurs, le procès-verbal du conseil d'administration du 12 avril 2005 du Géfil évoque la formation d'un groupe de travail pour " lutter contre le dumping des adhérents. Ce groupe de travail fera un état des lieux et rédigera une sorte de Livre Blanc qui fournira au Géfil des mesures visant à faire respecter les bonnes pratiques auprès des adhérents. Adopté " (cote 13 874). Ce groupe de travail s'est réuni à deux reprises mais le délégué général du Géfil a indiqué que le livre blanc n'a pas abouti et que le Géfil n'a pas gardé trace des comptes-rendus de ces réunions. Le groupe de travail a, en définitive, rédigé une fiche intitulée " Du bon recours aux cabinets conseils " (cote 18 096).

52. Le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 30 avril 2008 évoque deux cas de litiges de prix entre adhérents ayant proposé des prix beaucoup plus bas que ceux reflétant ceux recommandés par le Géfil. Les positions du conseil d'administration sont : " Pour le premier litige : de ne pas donner suite, aux motifs que le lauréat habite à proximité du lieu du marché, qu'il avait compris la nature de la mission : "aide à la décision" et non pas étude complète, qu'il n'y avait que 2 projets à expertiser (info obtenue par téléphone). Cependant, le conseil d'administration remarque que le lauréat aurait pu remporter le marché avec des honoraires un peu plus élevés, même s'ils restent raisonnables compte tenu de la conjoncture. Pour le second : d'écrire au lauréat de ne pas continuer à casser les prix ; c'est une stratégie profitable seulement à court terme et qui nuit à la fois à l'image du cabinet, du Géfil et menace la profession " (cote 13 788). Dans son courrier du 15 décembre 2010, le délégué général a indiqué ne pas avoir retrouvé la trace du courrier en question, que, en tout état de cause, aucune suite n'avait été donnée à ce litige et que la commission de déontologie ne s'était donc pas réunie (cote 18 528).

53. De la même façon, le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 9 juillet 2008 précise, au sujet du comportement d'un adhérent, que le Géfil va tenter de " le sensibiliser aux problèmes du dumping et s'attachera à faire de la pédagogie, avant d'éventuellement entamer une action plus coercitive " (cote 13 992).

4. LES AUTRES ÉTUDES DE COÛTS CONCERNANT L'INGÉNIERIE LCT

a) Le guide publié par Odit France

54. Dans de nombreux courriers ainsi que sur son site Internet, le Géfil renvoie le lecteur au guide publié par Odit France (devenu Atout France) en 2005, intitulé " Guide de l'ingénierie loisirs-culture-tourisme Comment travailler avec un cabinet conseil ".

55. Lors de son audition, le directeur de l'ingénierie et du développement d'Atout France a précisé qu'un premier guide avait été élaboré avec le Géfil pour aider les collectivités à faire de bons cahiers des charges. Ce premier guide ne contenait pas de chapitre consacré au coût de l'ingénierie LCT. Epuisé, le guide a ensuite été réactualisé et une partie consacrée au coût de l'ingénierie y a été insérée (cote 893).

56. Le guide propose son propre calcul de fourchettes de prix, à savoir 1 000 à 1 500 € hors taxes pour un manager, 700 à 1 000 € hors taxes pour un consultant senior et 500 à 700 € hors taxes pour un chargé d'études (cote 695). Par la suite, Odit France a repris le contenu du " Juste prix " du Géfil et les tarifs de ce dernier. Malgré des différences de montants en frais fixes et variables dans le calcul des tarifs, ceux-ci restent identiques pour les consultants manager (1 100 € hors taxes la journée), senior (850 € hors taxes la journée) ou junior (650 € hors taxes la journée) dans le " Juste prix " et dans le guide.

57. Le guide reprend ainsi majoritairement les tarifs présentés par le Géfil dans le " Juste prix ". Le directeur de l'ingénierie et du développement d'Atout France a indiqué qu'Odit France s'était bornée à reproduire les travaux du Géfil. Le délégué général du Géfil a précisé, quant à lui, qu'il n'avait pas rédigé la partie du guide consacrée au coût de l'ingénierie LCT.

b) La table ronde " Osons parler prix " de la MITRA

58. Le 15 juin 2006, la MITRA a organisé un atelier-rencontre de l'ingénierie touristique consacré aux relations entre les commanditaires et les cabinets-conseils. Lors de cet atelier, une table ronde intitulée " Osons parler prix " a fait intervenir deux cabinets-conseils, l'un pour expliciter le coût des études et l'autre pour expliquer ses tarifs. Le délégué général du Géfil était présent et a rappelé l'existence du " Juste prix " dans les termes qui suivent :

" En ce qui nous concerne, nous avons voulu que la transparence existe et que les commanditaires disposent d'éléments clairs pour comprendre les tarifs appliqués.16

Nous avons donc fait dans notre annuaire, qui est consultable sur le site Internet du Géfil, un paragraphe qui s'appelle "Le juste prix" et qui décompose, comme vient de le faire P. G., les coûts fixes et les coûts variables, le nombre de jours utiles en production, etc., et nous arrivons bien sûr, aux mêmes conclusions, avec simplement une différenciation entre les seniors, les juniors " (cote 811).

5. LES TARIFS APPLIQUÉS PAR LES ADHÉRENTS DU GÉFIL

59. Les cabinets-conseils membres du Géfil ayant répondu à un questionnaire adressé par les services de l'Autorité ont tous indiqué, dans leurs réponses, avoir eu connaissance des tarifs figurant dans l'annuaire du Géfil. Certains consultants ont précisé s'y être déjà référés pour élaborer leurs prix proposés en réponse aux appels d'offres, tout en expliquant que c'était " il y a quelques années " (cote 1 138), " initialement " (cote 4 255) ou qu'ils ne s'y référent plus " par expérience " (cote 6 287).

60. Dans sa réponse au questionnaire, un dirigeant d'un cabinet-conseil a indiqué se référer aux tarifs du Géfil (cote 4 203). Le cabinet Sécheresse consultants a répondu tenter de s'en approcher " le plus possible dans la mesure des budgets d'étude " (cote 5 088). Un cabinet-conseil non membre du Géfil, Destination Culture, y fait référence, tout en indiquant qu'il ne pouvait pas appliquer le " prix recommandé ", jugé trop élevé (cote 2 205).

61. Un cabinet a déclaré avoir augmenté ses prix, comme le relate le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 9 juillet 2008 dans lequel " G. G. souligne que son adhésion au Géfil lui a permis d'élever ses prix. Si le Géfil cesse de promouvoir Le "juste prix", il n'a plus d'intérêt " (cotes 13 991 et 13 992).

62. Le cabinet François-Tourisme-Consultants a indiqué dans ses réponses au questionnaire ne pas se référer au " Juste prix ". Or il a été établi que cet adhérent a effectivement fait une référence directe au " Juste prix " au cours d'un appel d'offres. En effet, celui-ci précise, dans cinq de ses réponses aux appels d'offres, qu'il " reste vigilant à pratiquer des tarifs conformes aux indications du syndicat national " (cotes 3 273, 3 556, 3 769, 3 925 et 3 967).

63. S'il a aussi été constaté que plusieurs cabinets-conseils d'ingénierie LCT appliquaient des tarifs similaires à ceux de la fiche, des tarifs inférieurs ont cependant été constatés dans d'autres cas.

C. LE GRIEF NOTIFIÉ

64. Eu égard aux constatations qui précèdent, par lettre en date du 10 février 2011, le grief suivant a été notifié par les services d'instruction de l'Autorité :

" Au vu des éléments analysés ci-dessus, il est fait grief au Syndicat national de l'ingénierie Loisirs Culture Tourisme, le GEFIL ainsi qu'aux sociétés Assaï, Mérimée conseil, Promotour consultants, Kanopée, Arc essor, Philippe Caparros développement, Maîtres du rêve, Somival, Astarté, Deloitte conseil, François-Tourisme-Consultants, Médiéval, HA conseils et Tourisme et Qualité, d'avoir, 17

depuis 2002, mis en œuvre des pratiques de consignes de prix accompagnées d'actions visant à en assurer le respect.

Cela avait pour objet et a pu avoir pour effet de limiter la liberté tarifaire des cabinets conseils LCT et de réduire la concurrence sur le marché de l'ingénierie LCT au détriment des commanditaires publics, majoritairement des collectivités publiques, ou privés. Cette pratique relève d'une entente anticoncurrentielle prohibée en application de l'article L. 420-1 du Code de commerce ".

II. Discussion

A. SUR LE MARCHÉ PERTINENT

65. La pratique décisionnelle de l'Autorité rappelle que, lorsque les pratiques qui ont fait l'objet de la notification des griefs sont recherchées au titre de la prohibition des ententes, " il n'est (...) pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d'abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre " (décisions n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28, et n° 09-D-17 du 22 avril 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par le conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie, paragraphe 40).

66. Dans ses observations, Deloitte conseil estime qu'une distinction doit être faite, aux fins de la détermination du marché concerné en l'espèce, entre, d'une part, le marché de l'ingénierie privée à destination des donneurs d'ordre publics et, d'autre part, le marché de l'ingénierie privée à destination des donneurs d'ordre privés. Il existerait des différences essentielles entre les prestations d'ingénierie LCT réalisées pour le compte des donneurs d'ordre publics et celles réalisées pour le compte des donneurs d'ordre privés. Ces différences porteraient sur le contexte, le déroulement (appels d'offres ou procédures de gré à gré) et la nature des missions en cause, ainsi que sur les propositions tarifaires formulées en réponse aux demandes des donneurs d'ordre.

67. En l'espèce, la notification des griefs indique notamment que les pratiques poursuivies ont eu pour objet " de limiter la liberté tarifaire des cabinets conseils LCT et de réduire la concurrence sur le marché de l'ingénierie LCT au détriment des commanditaires publics, majoritairement des collectivités publiques, ou privés ".

68. Le grief notifié porte donc sur une pratique d'entente entre concurrents de nature à limiter la concurrence par les prix, eu égard à son objet même, sur tout ou partie du secteur de l'ingénierie LCT privée. Il n'est pas nécessaire, pour apprécier la légalité d'une telle pratique au regard des dispositions prohibant les ententes, de rechercher plus précisément s'il existe, au sein de ce secteur, des marchés plus étroits tels que ceux présentés par Deloitte conseil. En effet, s'il est avéré que les parties en cause se sont effectivement entendues pour fixer les prix ou pour limiter la marge de manœuvre dont elles auraient individuellement bénéficié à cet égard en l'absence de l'entente, la concurrence s'en trouve nécessairement altérée, que ce soit sur le secteur de l'ingénierie LCT privée dans son ensemble ou sur une partie - donneurs d'ordre privés ou donneurs d'ordre publics - de celui-ci.

69. L'Autorité estime au demeurant, au vu des éléments apportés par Deloitte conseil, qu'il n'apparaît pas que la commande publique présente des spécificités telles qu'une distinction devrait être faite, aux fins de la délimitation du marché dans la présente affaire, entre les prestations d'ingénierie LCT pour le compte des donneurs d'ordre publics, d'une part, et celles réalisées pour le compte des donneurs d'ordre privés, d'autre part.

70. Il convient donc d'apprécier l'incidence de la pratique en cause dans le cadre du secteur de l'ingénierie LCT privée dans son ensemble.

B. SUR LA QUALIFICATION DES PRATIQUES

71. Il convient de rappeler que les syndicats et les organisations professionnelles ne sont pas soustraits à l'application des règles de concurrence. Il ressort tant de la pratique décisionnelle de l'Autorité que d'une jurisprudence constante de la Cour d'appel de Paris qu'une pratique anticoncurrentielle peut résulter de différents actes émanant des organes d'un groupement professionnel, tel qu'un règlement professionnel, un règlement intérieur, un barème ou une circulaire. L'élaboration et la diffusion, à l'initiative d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle, d'un document destiné à l'ensemble de ses adhérents peuvent en effet constituer une entente, une action concertée ou une décision d'association d'entreprises contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce si ceux-ci ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

72. Ainsi, la Cour d'appel de Paris a jugé, dans un arrêt du 17 octobre 2000, Syndicat des ambulanciers de montagne, que, " si les organisations professionnelles ou syndicales ont notamment pour mission la défense des intérêts collectifs de leurs membres ou adhérents, elles sortent du cadre de leur mission en diffusant à ceux-ci des tarifs ou des méthodes de calcul de prix qui ne prennent pas en considération les coûts effectifs de chaque entreprise ".

73. Elle a aussi rappelé, dans un arrêt du 29 janvier 2008, Union française des orthoprothésistes, rendu sur recours formé contre la décision n° 07-D-05 relative à des pratiques mises en œuvre par l'Union française des orthoprothésistes (UFOP) sur le marché de la fourniture d'orthoprothèses, que, " si un organisme professionnel peut diffuser des informations destinées à aider ses membres dans l'exercice de leur activité, l'aide qu'il leur apporte ainsi ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de les détourner d'une appréhension directe de leur stratégie commerciale qui leur permette d'établir leurs prix de manière indépendante ".

74. Pour sa part, le Conseil de la concurrence, dans sa décision n° 92-D-33 du 6 mai 1992 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la marbrerie funéraire de la région toulousaine, a souligné que, " s'il est loisible à un syndicat professionnel ou à un groupement quelconque de professionnels de diffuser des informations destinées à aider ses membres dans la gestion de leur entreprise, l'aide ainsi apportée ne doit pas exercer d'influence directe ou indirecte sur le libre jeu de la concurrence à l'intérieur de la profession, de quelque manière que ce soit : qu'en particulier les indications données ne doivent pas avoir pour objet ou pouvoir avoir pour effet de détourner les entreprises d'une appréhension directe de leurs propres coûts qui leur permette de déterminer individuellement leur prix de vente ".

75. Plus précisément, dans sa décision n° 07-D-21 du 26 juin 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la location-entretien du linge, le Conseil a rappelé " que les pratiques d'organisations professionnelles qui diffusent à leurs membres, parfois sous couvert d'une aide à la gestion, des consignes, directives ou recommandations en matière de prix ou de hausses de prix sont prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce. En effet, la diffusion de tels documents, même lorsqu'ils ne revêtent pas un caractère impératif, dans la mesure où ils fournissent à chaque entreprise une indication sur les prix ou les taux de hausse considérés comme "normaux" dans la profession, peuvent avoir pour effet d'inciter les concurrents à aligner les comportements sur celui des autres, entravant ainsi la liberté de chaque entreprise de fixer ses prix en fonction de ses propres données ".

76. De même, dans sa décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007 relative à des pratiques s'opposant à la liberté des prix des services proposés aux établissements de santé à l'occasion d'appels d'offres en matière d'examens anatomo-cyto-pathologiques, le Conseil a rappelé qu' " une entente peut résulter de tout acte émanant des organes d'un groupement professionnel, tel qu'un règlement professionnel, un règlement intérieur, un barème ou une circulaire. Ainsi, l'élaboration et la diffusion, à l'initiative d'une organisation professionnelle, d'un document destiné à l'ensemble de ses adhérents constitue une action concertée " (paragraphe 111).

77. Ainsi, une organisation syndicale ou un ordre professionnel tel que le Géfil, lorsqu'il sort de la mission d'information, de conseil et de défense des intérêts professionnels que la loi lui confie, en adoptant un comportement de nature à influer directement ou indirectement sur la concurrence que se livrent ses membres, enfreint l'article L. 420-1 du Code de commerce.

78. Dans leurs observations, les organismes et entreprises en cause font valoir que, en l'occurrence, le " Juste prix " n'est pas de nature à affecter la concurrence en ce qu'il ne constitue pas une consigne de prix, mais un outil élaboré dans un but pédagogique à destination des donneurs d'ordre publics pour les aider à lutter contre les offres anormalement basses. Ils soutiennent encore que le Géfil n'a jamais mis en place de procédure de surveillance et de sanction. Ils avancent aussi que le Géfil n'avait aucunement l'intention de mettre en place une entente et s'est inspiré d'autres initiatives pour élaborer son " Juste prix ". Enfin, ils prétendent que les pratiques n'ont pas été suivies d'effets.

1. SUR LA NATURE DU " JUSTE PRIX "

79. Selon Deloitte conseil, le " Juste prix " n'est qu'" une indication de prix moyens cohérents avec la réalité économique d'un cabinet-type fondés sur un rapport coûts totaux/nombre de journées facturées à l'année ", qui n'a pas été diffusée aux adhérents. D'après d'autres cabinets-conseils, il ne s'agissait que d'une indication de tarifs, voire d'un outil de communication destiné aux donneurs d'ordre publics, dans un but pédagogique, afin de les aider à détecter les offres anormalement basses au cours des procédures d'appels d'offres.

80. Il ressort tant de la jurisprudence interne que de celle de l'Union européenne, qui n'est pas directement applicable en l'espèce mais peut constituer une référence utile, que la mise en œuvre de pratiques contraires aux règles de concurrence ne peut être légitimée par un but tel que ceux invoqués au paragraphe précédent (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 3 mai 1990, Confédération nationale des syndicats dentaires ; voir aussi, par analogie, l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 10 mars 1992, Hüls / Commission, T-9/89, Rec. 1989, p. II-499, point 365). Le Conseil a lui-même rappelé ce principe au paragraphe 77 de son avis n° 07-A-04 du 15 juin 2007 relatif à la possibilité de réserver aux producteurs d'une filière de qualité agricole ou alimentaire certains produits intermédiaires : " (...) lorsque des entreprises s'estiment victimes d'agissements anticoncurrentiels ou déloyaux, elles n'ont pas le droit de mettre en œuvre elles-mêmes des pratiques restrictives de concurrence pour y répondre, mais doivent utiliser les voies de droit qui sont à leur disposition. Outre que les perturbations pour la concurrence seraient aggravées, autoriser une telle forme de recours à la "légitime défense concurrentielle" reviendrait à reconnaître aux entreprises le droit de juger du caractère anticoncurrentiel ou déloyal de la conduite d'autres entreprises et d'une certaine façon de faire justice elles-mêmes ".

81. En toute hypothèse, en envoyant des courriers tels que ceux décrits aux paragraphes 40 et 42 ci-dessus et en entreprenant les autres démarches décrites aux paragraphes 47 et 50 ci-dessus, le Géfil ne s'est pas borné à une action pédagogique, mais a mené une action de nature à influer négativement sur la concurrence entre ses adhérents ainsi qu'entre ceux-ci et leurs concurrents non-adhérents (voir, par analogie, décision n° 05-D-43 relative à des pratiques mises en œuvre par le Conseil départemental de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme et le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes, paragraphe 66).

82. En particulier, le " Juste prix " et les courriers adressés aux commanditaires ont renforcé la portée de la consigne de prix diffusée par le Géfil en dissuadant les commanditaires d'attribuer des marchés à des cabinets-conseils pratiquant des tarifs inférieurs au " Juste prix ", contre l'intérêt même des commanditaires. Il ressort, du reste, du dossier qu'un commanditaire a effectivement revu son cahier des charges suite au courrier reçu de la part du Géfil (cote 80). Plus largement, les adhérents ont pu être incités à pratiquer le " Juste prix " au lieu de calculer leurs tarifs en fonction de leurs propres coûts, suite à la publication de la fiche relative au " Juste prix " et aux références à l'existence d'une procédure de sanction prévue en cas de non-respect des tarifs recommandés.

83. Contrairement à ce que soutiennent les parties, ces indications ne s'apparentent, en pratique, pas simplement à des prix recommandés, mais bien à une consigne de prix. S'il ne fait pas de doute que le " Juste prix " s'adressait aux donneurs d'ordre, les éléments rassemblés au cours de l'instruction révèlent qu'il était aussi destiné aux adhérents, même s'il n'a pas fait l'objet d'une diffusion spéciale auprès d'eux. Il apparaît que la consigne a bien été perçue comme telle, puisque ces tarifs ont été utilisés comme une référence afin d'élaborer des propositions financières. C'est notamment le cas du cabinet François-Tourisme-Consultants qui mentionne, dans cinq réponses aux appels d'offres, qu'il est " d'autant plus vigilant à pratiquer des tarifs conformes aux indications du syndicat national " (voir le paragraphe 62 ci-dessus).

84. Le comportement du Géfil tendait donc bien à créer une référence de prix pour les consultants. L'argument du Géfil selon lequel la grille tarifaire était considérée comme décrivant des honoraires " décents ", " syndicaux ", " raisonnables " ou encore " moyens " de la profession n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation, indépendamment du fait que ces prix n'étaient pas respectés (voir le paragraphe 63 ci-dessus). La question du " dumping " des adhérents, abordée lors des réunions du conseil d'administration du Géfil (26 janvier et 12 avril 2005, 13 juin 2006, 30 avril et 9 juillet 2008) montre que les adhérents ont été incités à ne pas se faire concurrence par les prix et à appliquer le " Juste prix ". Il a été prévu que, s'" ils ne respectent pas les prix recommandés dans "Le juste prix" ", le " Président écrira un mél à tous les adhérents pour leur rappeler que le dumping et syndicalisme ne peuvent aller de pair ". Dans le même sens, le livre blanc visant à " faire respecter les bonnes pratiques auprès des adhérents " souligne l'idée que le " Juste prix " était bien une consigne de prix pour les consultants en ingénierie LCT qui adhèrent au Géfil (voir les paragraphes 49 et 51 ci-dessus).

85. Les arguments tirés par Deloitte conseil d'autres affaires ne sont pas davantage fondés. Tout d'abord, la décision n° 99-D-84 du 21 décembre 1999 relative à certaines pratiques relevées dans le secteur de la vente au détail du charbon et du fioul domestique dans la région Nord-Pas-de-Calais, dans laquelle un syndicat avait été sanctionné pour avoir élaboré et diffusé des grilles de marges ou de charges minimales pour le fioul, ainsi que des tarifs de zone pour le charbon, en surveillant le respect de ces tarifs par les détaillants, n'est pas pertinente. En effet, même si les modalités respectives de ces deux pratiques sont différentes, la pratique en cause en l'espèce n'en demeure pas moins anticoncurrentielle par son objet même ainsi qu'il a été relevé plus haut aux paragraphes 81 à 83.

86. Deloitte conseil évoque également la décision n° 02-D-59 du 25 septembre 2002 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des transports routiers de voyageurs dans le département de l'Ain dans laquelle le Conseil a précisé, dans le contexte spécifique de l'affaire en cause, que l'élaboration et la diffusion auprès des adhérents d'une méthodologie du coût de calcul d'une prestation ne constituait pas en soi une pratique anticoncurrentielle.

87. Toutefois, les conclusions du Conseil dans la décision n° 02-D-59 précitée ne sont pas transposables au cas d'espèce et n'infirment pas le constat relatif à l'existence d'une action concertée en l'espèce. En particulier, dans cette décision, le Conseil a tenu compte du fait que la diffusion de la méthodologie portait sur l'évaluation des coûts et non sur la fixation des prix et qu'elle était postérieure au dépôt des offres, alors que le " Juste prix " était susceptible de concerner tous les appels d'offres en ingénierie LCT depuis février 2002.

88. Deloitte conseil évoque enfin la décision n° 03-D-31 du 2 juillet 2003 relative au secteur de l'assurance ski dans laquelle le Conseil a indiqué que " cette fixation de prix pour un produit commun, par les organismes qui lançaient le produit en cause sur le marché, n'est pas, en elle-même, constitutive d'une entente anticoncurrentielle pourvu qu'elle ne conduise pas à imposer aux diffuseurs d'appliquer le prix ainsi déterminé ".

89. Dans cette décision, le Conseil avait par ailleurs constaté que les bulletins d'adhésion comportaient un encart afin que l'adhérent indique son prix, ce qui tendait à démontrer que celui-ci déterminait son prix librement, d'une part, et, qu'il n'était pas établi que les organismes mis en cause avaient mis en place une police des prix à l'encontre des exploitants de remontées mécaniques, d'autre part.

90. Or, l'Autorité a pu établir que, en l'espèce, outre la diffusion d'une consigne de prix constitutive d'une pratique anticoncurrentielle par son objet même, le Géfil a mis en place une police des prix consistant en des contrôles sur les tarifs pratiqués par ses adhérents lors des procédures d'appels d'offres, ainsi qu'en exerçant des pressions et en faisant des menaces de sanctions à l'égard de ceux qui refusaient de s'aligner sur la consigne de prix.

91. Il résulte de ce qui précède que le Géfil est sorti de son rôle de défense de ses membres et s'est livré à une pratique dont l'objet était de faire obstacle à la fixation des prix de journée par le jeu du marché, pratique qui doit être considérée comme anticoncurrentielle par son objet même.

2. SUR LA SURVEILLANCE DES TARIFS EXERCÉE PAR LE GÉFIL

92. L'organisme et les entreprises en cause font observer qu'il n'y a eu aucun mécanisme de contrôle des prix en tant que tel. Ils font également valoir que la remontée des informations par les candidats fût à l'initiative des adhérents et du Géfil, et qu'il n'existait pas au sein du Géfil de système de surveillance autre qu'une procédure d'alerte.

93. Cependant, l'instruction a montré que le Géfil demandait aux cabinets-conseils candidats à l'adhésion leurs prix de facturation hors taxes par jour pour chaque catégorie de consultants. Ainsi, sur 51 demandes d'adhésion antérieures à 2011, 50 dossiers font mention de ces tarifs (voir le paragraphe 23 ci-dessus).

94. Même si, comme le constate Deloitte conseil, le Géfil a autorisé l'adhésion de cabinets-conseils proposant des tarifs inférieurs au " Juste prix ", il n'en demeure pas moins que le syndicat a, au regard de la jurisprudence citée aux paragraphes 72 à 73 ci-dessus, enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en adoptant une démarche tendant à influer directement sur les prix pratiqués sur le marché.

95. L'organisme et les entreprises en cause invoquent encore le faible nombre de courriers envoyés aux donneurs d'ordre.

96. Cependant, les services de l'Autorité ont montré que ces courriers étaient envoyés régulièrement et en nombre non négligeable.

97. Au demeurant, même s'ils l'avaient été en moindre quantité, il faut relever que ce n'est pas leur nombre en tant que tel, mais le fait que ces envois répétés, combinés avec les autres éléments figurant au dossier, constituent un faisceau d'indices attestant de l'existence d'une action concertée prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce, qui est déterminant (voir, par exemple, décision n° 97-D-26 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du portage de médicaments à domicile et décision n° 10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, paragraphe 93). Dans cette dernière décision, l'Autorité a ainsi relevé que, " quant au nombre de courriers manifestant la pratique en cause, qui serait insuffisant, il ressort de ce qui précède que ces courriers n'ont été que l'une des formes de cette pratique initiée dès la diffusion du communiqué de presse du 10.12.2003, et que c'est l'ensemble des actions mentionnées aux § 74 à 83 de la présente décision qui démontre la réalité de celle-ci ".

98. En l'espèce, la procédure laissait croire aux adhérents qu'ils devaient respecter le " Juste prix " et contribuait donc à les dissuader de pratiquer des prix moins élevés. C'est bien dans l'esprit de lutter contre le " dumping des adhérents " ou " la guerre des prix " que cette procédure a été élaborée et qu'un groupe de travail a été mis en place pour " faire respecter les bonnes pratiques auprès des adhérents " et " la norme de prix à la journée même si celle-ci n'est pas parfaite ".

99. Enfin, si l'instruction n'a pas permis de constater la sanction effective d'adhérents en cas de " dumping ", il n'en demeure pas moins que cette procédure de sanction a été élaborée au sein du Géfil lors de plusieurs réunions du conseil d'administration dont les comptes-rendus ont été envoyés aux adhérents. En outre, cette procédure a été relayée dans le Géfilon destiné aux membres du syndicat. Il n'est pas nécessaire qu'elle ait été effectivement mise en œuvre pour conclure à l'existence d'une infraction dans le chef du Géfil.

100. Il résulte de ce qui précède que la consigne de prix s'est accompagnée d'actions de suivi visant à en assurer le respect.

3. SUR LA VOLONTÉ DU GÉFIL DE METTRE EN PLACE UNE ENTENTE

101. Le Géfil et Deloitte conseil soulignent que le syndicat est une petite structure dénuée de service juridique et qu'il n'est qu'un petit acteur parmi d'autres dans le secteur de l'ingénierie et du conseil qui ne tend qu'à défendre les intérêts de ses adhérents et du secteur. Les objectifs qu'il aurait poursuivis n'auraient consisté qu'à sensibiliser les donneurs d'ordre publics au danger des offres anormalement basses.

102. Cependant, dans sa décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007 précitée, le Conseil de la concurrence a rappelé, au paragraphe 14, que, " l'absence d'intention anticoncurrentielle des entreprises parties à l'entente est sans portée sur la qualification même d'entente ".

103. Du reste, l'enquête a mis en exergue la volonté du Géfil de maintenir les tarifs du " Juste prix ", voire de les augmenter, et plus globalement de faire converger les prix pratiqués sur le marché.

104. Deloitte conseil souligne enfin que la pratique " n'a, à l'évidence, jamais été le fait exclusivement d'un syndicat mais de multiples organismes professionnels ". Il considère que c'est en toute bonne foi que le Géfil s'est inspiré d'autres initiatives visant à calculer les coûts de l'ingénierie, que ce soit par d'autres structures professionnelles ou par les services de l'État.

105. Toutefois, à le supposer avéré, cet argument n'autorisait nullement le Géfil à commettre l'infraction en cause en l'espèce.

4. SUR LES EFFETS DES PRATIQUES

106. L'organisme et les entreprises en cause arguent que les pratiques n'ont eu aucun effet sur les acteurs du marché. Deloitte conseil souligne à cet égard que les prix de certains adhérents ont baissé depuis leur adhésion au syndicat et que la proportion de tarifs en-dessous du " Juste prix " est importante. De plus, aucune sanction n'a été prise à l'encontre des adhérents n'appliquant pas le " Juste prix " et aucun adhérent ne s'est vu refuser l'affiliation au Géfil.

107. Cependant, il résulte des termes mêmes de l'article L. 420-1 du Code de commerce que l'objet et l'effet anticoncurrentiels d'une pratique sont des conditions alternatives pour apprécier si celle-ci peut être sanctionnée en application de cette disposition (Cour d'appel de Paris, 26 janvier 2010, société Adecco France). En l'espèce, ayant démontré l'existence de pratiques dont l'objet est anticoncurrentiel, l'Autorité n'est pas tenue de caractériser par surcroît leurs effets.

108. Il résulte de ce qui précède que les pratiques de consignes de prix accompagnées d'actions visant à en assurer le respect sont établies et contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce.

C. SUR LA PARTICIPATION ET L'IMPUTABILITÉ

109. Dans la décision n° 04-D-07 du 11 mars 2004 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la boulangerie dans le département de la Marne, confirmée sur ce point par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 26 octobre 2004, M. Yann X et autres, le Conseil a condamné pour entente non seulement le syndicat professionnel mais aussi un certain nombre de boulangers dont il avait la preuve de leur participation à cette entente.

110. Au cas d'espèce, les éléments du dossier font apparaître, non seulement, le rôle joué par le Géfil mais aussi celui de certains cabinets-conseils membres du conseil d'administration dans l'organisation, la mise en œuvre et le suivi de la consigne de prix depuis au moins 2005.

1. SUR LA PARTICIPATION DES CABINETS-CONSEILS MEMBRES DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DU GÉFIL

111. Dans la décision n° 07-D-48 du 18 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du déménagement national et international, le Conseil a rappelé le standard de preuve concernant une concertation anticoncurrentielle se déroulant au cours de réunions tenues dans le cadre statutaire d'une organisation professionnelle : " Le seul fait d'avoir participé à une réunion tenue dans le cadre statutaire d'une organisation professionnelle - assemblée générale ordinaire d'une fédération départementale professionnelle dans le cas de la boulangerie (voir la décision n° 04-D-07 du 11 mars 2004 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la boulangerie dans le département de la Marne), assises nationales, conseil d'administration, commission économique ou bureau d'une fédération nationale dans le cas du négoce d'appareils sanitaires ou de chauffage (voir la décision n° 06-D-03 déjà citée) - dont l'ordre du jour aurait dans les faits évolué vers un objet anticoncurrentiel - ne suffit pas à caractériser l'adhésion des entreprises à l'entente. En effet, dans un tel cas, l'entreprise régulièrement convoquée n'est pas en mesure de connaître l'objet anticoncurrentiel de cette réunion. Dans ce contexte, le Conseil a considéré, dans ces deux affaires, que le concours de volonté était démontré lorsque l'entreprise, ayant participé ou non à cette réunion, a adhéré à l'entente par la preuve de son accord à l'entente de prix, la diffusion des consignes arrêtées lors de cette réunion ou par l'application des mesures concrètes décidées par cette réunion ou encore lorsque l'entreprise a participé à une réunion ultérieure ayant le même objet anticoncurrentiel ".

112. La participation à une seule réunion tenue dans le cadre statutaire d'une organisation professionnelle est donc insuffisante pour démontrer l'adhésion d'une entreprise à une entente. Cette adhésion est en revanche démontrée, notamment, si l'entreprise en cause donne son accord exprès à l'entente de prix, si elle diffuse des consignes arrêtées lors de la réunion, si elle applique les mesures concrètes décidées lors de la réunion ou encore si elle participe à une autre réunion ayant le même objet anticoncurrentiel.

113. En l'espèce, il est établi que certains administrateurs du Géfil ont participé, postérieurement à la première réunion au cours de laquelle ils ont eu connaissance du comportement reproché au Géfil, à au moins une autre réunion ayant le même objet anticoncurrentiel. Ces réunions ont eu lieu les 26 janvier 2005, 18 mars 2005, 12 avril 2005, 13 juin 2006, 20 mars 2007, 6 juin 2007, 11 décembre 2007, 30 avril 2008 et 9 juillet 2008.

114. Le tableau suivant récapitule le nombre de réunions au cours desquelles le Géfil a évoqué avec ses administrateurs les mesures poursuivant l'objet anticoncurrentiel en cause dans la présente affaire :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

115. A l'exception de Kanopée et de François-Tourisme-Consultants, toutes les sociétés citées ci-dessus ont donc participé, à l'issue de la première réunion à objet anticoncurrentiel au cours de laquelle leur bonne foi a pu être surprise, compte tenu du cadre statutaire dans lequel elle se déroulait, à au moins une autre réunion poursuivant le même objet, durant la période pendant laquelle ils faisaient partie du conseil d'administration du Géfil. Aucun de leurs arguments n'est susceptible de remettre en cause cette conclusion, comme il sera démontré ci-après.

a) Sur la prétendue absence de volonté des administrateurs du Géfil de maintenir le " Juste prix "

116. Les entreprises en cause soulignent, au sujet de la réunion du 13 juin 2006 au cours de laquelle tous les membres du conseil d'administration étaient d'accord pour ne pas baisser le " Juste prix ", qu'il s'agissait d'une simple " décision d'opportunité conçue comme une action de communication de la profession et non comme la volonté de perpétuer une consigne de prix " (cote 19 528).

117. Cependant, conformément à la jurisprudence évoquée au paragraphe 111, l'accord de volontés des parties sur la mise en place d'une action concertée est démontré par la participation des administrateurs à au moins deux réunions à caractère anticoncurrentiel.

118. Par ailleurs, comme indiqué au paragraphe 102 ci-dessus, il est de jurisprudence constante que la notion d'accord anticoncurrentiel par objet s'applique indépendamment de la circonstance éventuelle que les parties à l'accord n'ont pas eu l'intention, voire seulement la conscience, de violer les règles de concurrence (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 24 mai 2005, SARL Imagin). En tout état de cause, la lecture des procès-verbaux de réunion du conseil d'administration montre que la volonté des administrateurs coïncidait avec celle du Géfil.

b) Sur la non-approbation du contenu des comptes-rendus par les administrateurs

119. Les entreprises en cause contestent la portée de l'approbation des comptes-rendus en tant que telle. Cette approbation ne porterait pas sur le contenu même des comptes-rendus mais sur la fidélité des comptes-rendus par rapport aux propos tenus.

120. Il n'y a cependant pas lieu d'examiner la portée de cette approbation ou l'intention subjective des entreprises en cause à cet égard. La preuve de la participation objective à plusieurs réunions à objet anticoncurrentiel suffit en effet pour établir l'adhésion de ces entreprises à l'entente que ces réunions révèlent. Cette preuve ne peut être renversée par les entreprises qu'en apportant la preuve d'une distanciation publique de leur part, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Sur ce point, la Cour d'appel de Paris a jugé, dans un arrêt du 25 février 2009, Société Transeuro Desbordes Worldwide Relocations, " qu'une entreprise doit s'abstenir de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d'échanger sur les politiques commerciales et notamment les prix des biens ou des services qu'elle offre sur le marché et que, lorsqu'elle y est conviée, elle doit refuser d'y participer, ou, si sa bonne foi est surprise, se distancier sans délai et publiquement du mécanisme anticoncurrentiel dont la réunion est le support ". Dans des termes analogues, la Cour de justice a retenu dans un arrêt du 16 novembre 2000, Sarrio (C-291/98P, Rec. 2000, p. I-9991, point 118), " que la participation d'une entreprise à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel a objectivement pour effet de créer ou de renforcer une entente et que la circonstance qu'une entreprise ne donne pas suite aux résultats de ces réunions n'est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à l'entente, à moins qu'elle se soit distanciée publiquement de leur contenu ".

121. En l'espèce, force est de constater qu'en approuvant les comptes-rendus des réunions du conseil d'administration du Géfil, les entreprises en cause ne se sont pas distanciées publiquement de l'objet de l'action concertée.

c) Sur l'absence d'effet sur les prix pratiqués par les administrateurs et les cabinets-conseils

122. Les entreprises en cause contestent leur implication dans la mise en œuvre de la pratique. Tout d'abord, il ne serait pas établi que les administrateurs ont appliqué le " Juste prix ". Ensuite, les administrateurs n'auraient ni diffusé le " Juste prix " ou suivi son application, ni pris de mesure de sanction à l'égard d'un adhérent ne respectant pas le " Juste prix ".

123. Cependant, ainsi qu'il a été exposé au paragraphe 107 ci-dessus, l'Autorité n'est pas tenue de caractériser, par surcroît, les effets des pratiques en cause dès lors qu'il a été démontré que ces pratiques poursuivaient un objet anticoncurrentiel.

124. Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, les pratiques de consignes de prix, accompagnées d'actions visant à en assurer le respect, reprochées aux membres du conseil d'administration du Géfil, sont établies et contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce.

2. SUR LA PARTICIPATION INDIVIDUELLE AUX PRATIQUES

125. Il résulte des éléments qui précèdent que certains membres du conseil d'administration du Géfil ont participé individuellement à la mise en œuvre des pratiques qui ont fait l'objet du grief notifié.

126. En l'espèce, outre le Géfil, les sociétés suivantes ont été les destinataires de la notification des griefs : Arc essor, Assaï, Astarté, Deloitte conseil, François-Tourisme-Consultants, Hôtels Action conseils, Kanopée, Maîtres du rêve, Médiéval, Mérimée conseils, Philippe Caparros Développement, Promotour consultants, Somival, Tourisme et Qualité.

a) Le Géfil

127. Il ressort des constatations de l'Autorité que le " Juste prix " a été publié dans l'annuaire du Géfil au cours du mois de février 2002 sans qu'il soit possible pour les représentants du Géfil de donner une date exacte à cet égard. Dès lors, l'Autorité retiendra la participation du Géfil à l'infraction à compter du 1er mars 2002.

128. Dans ses observations, le Géfil indique qu'il a supprimé le " Juste prix " de son annuaire électronique en décembre 2010 et qu'aucune initiative directe ou indirecte susceptible de se rapporter au processus de fixation du prix n'a plus été prise par la suite. Le président du Géfil a adressé un courrier à l'Autorité en ce sens en date du 20 décembre 2010 (cote 18644). Le dossier d'instruction tend à corroborer la version du Géfil puisqu'il n'existe aucune preuve confirmant la poursuite de l'infraction au-delà de décembre 2010. Dès lors, l'Autorité retiendra que le Géfil a participé à l'infraction du 1er mars 2002 au 20 décembre 2010, date d'envoi du courrier du Géfil.

b) Arc essor

129. Il ressort des faits exposés aux paragraphes 114 et 115 que la société Arc essor a été impliquée dans l'infraction décrite dans la présente décision depuis le 26 janvier 2005.

130. Arc essor ayant cessé toute activité de conseil sur le marché de l'ingénierie LCT à partir de 2007, l'Autorité retiendra qu'elle a participé à l'infraction du 26 janvier 2005 au 31 décembre 2006.

c) Assaï

131. Il ressort des faits exposés aux paragraphes 114 et 115 que la société Assaï a été impliquée dans l'infraction décrite dans la présente décision depuis le 26 janvier 2005.

132. Dans ses observations, cette société fait valoir qu'elle n'était pas concernée par le grief au motif que son salarié non cadre, présent au conseil d'administration du Géfil, avait agi en son nom propre et non en qualité de représentant de la société.

133. Cependant, selon la pratique décisionnelle de l'Autorité, un cadre dirigeant est réputé représenter ou engager l'entreprise qui l'emploie lorsqu'il agit dans le cadre de ses activités professionnelles (voir, en ce sens, décision n° 06-D-30 du 18 octobre 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des taxis à Marseille, paragraphe 90 ; décision n° 10-D-13 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 392). L'argument avancé doit dès lors être écarté.

134. Assaï ayant cessé toute activité de conseil sur le marché de l'ingénierie LCT à partir de 2006, l'Autorité retiendra qu'elle a participé à l'infraction du 26 janvier 2005 au 31 décembre 2005.

d) Astarté

135. La participation d'Atelier bleu à l'action concertée a été imputée au cabinet-conseil Astarté. Toutefois, Astarté ne peut être tenue pour responsable des pratiques mises en œuvre par un de ses dirigeants à son compte sous l'enseigne Atelier bleu. Dès lors, la société Astarté doit être mise hors de cause.

e) Deloitte conseil

136. Le département Tourisme, Hôtels et Loisirs (THL) de Deloitte conseil a été, de 1997 à 2004, une filiale de la société PKF, puis, de 2004 à 2007, une filiale de la société BDO Marque et Gendrot (BDO MG Hôtels & Tourisme), avant de devenir un département autonome de Deloitte conseil suite à la fusion-absorption entre BDO MG Hôtels & Tourisme et Deloitte.

137. Dans la décision n° 07-D-11 du 28 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre à l'occasion de marchés publics de travaux routiers passé par le Conseil général de la Marne, la ville de Reims et le district de Reims, le Conseil a déduit du principe de continuité juridique qu'en cas de fusion-absorption d'une personne morale, les pratiques devaient être imputées à la société succédant, sur le plan juridique, à la société auteur des pratiques, c'est-à-dire la société absorbante (voir, également en ce sens, l'arrêt du 13 octobre 2009 de la Cour de cassation, Colas Ile de France Normandie).

138. Il ressort des faits exposés aux paragraphes 114 et 115 que la société BDO MG Hôtels & Tourisme a été impliquée, par l'intermédiaire de sa filiale THL, dans l'infraction décrite dans la présente décision depuis le 26 janvier 2005, avant d'être absorbée par Deloitte Conseil, à laquelle doit donc être imputée la responsabilité de cette infraction.

139. Il ressort également des faits exposés aux paragraphes 114 et 115 que Deloitte conseil a été directement impliquée dans l'infraction par sa présence à deux réunions du conseil d'administration du Géfil portant sur le même objet anticoncurrentiel au cours de l'année 2008. Deloitte conseil ne s'est pas distanciée publiquement de l'action concertée avant que le Géfil ne retire le " Juste prix " de son annuaire électronique. Dès lors, l'Autorité retiendra que Deloitte conseil a directement participé à l'infraction du 26 janvier 2005 au 20 décembre 2010, date d'envoi du courrier du Géfil à l'Autorité.

f) Francois-Tourisme-Consultants

140. Le grief a été notifié à la société François-Tourisme-Consultants alors que cette société n'a participé qu'à une seule réunion à objet anticoncurrentiel. Celle-ci doit, dès lors, être mise hors de cause.

g) Hôtels Action conseils

141. Il ressort des faits exposés aux paragraphes 114 et 115 que la société Hôtels Action conseils a été impliquée dans l'infraction décrite dans la présente décision depuis le 6 juin 2007.

142. Hôtels Action conseils ne s'est pas distanciée publiquement de l'action concertée avant que le Géfil ne retire le " Juste prix " de son annuaire électronique. Dès lors, l'Autorité retiendra que la société Hôtels Actions conseils a participé à l'infraction du 6 juin 2007 au 20 décembre 2010, date d'envoi du courrier du Géfil à l'Autorité.

h) Kanopée

143. Dans ses observations, la société Kanopée a fait valoir qu'elle n'était pas concernée par le grief. Cette société ne peut, en effet, pas être tenue pour responsable des pratiques de la société SCER, exerçant sous l'enseigne Grevin Développement, car cette dernière existe toujours. Par ailleurs, l'Autorité a établi que Kanopée n'avait participé qu'à une seule réunion à objet anticoncurrentiel au cours de la période considérée. Dès lors, la société Kanopée doit être mise hors de cause.

i) Maîtres du rêve

144. Il ressort des faits exposés aux paragraphes 114 et 115 que la société Maîtres du rêve a été impliquée dans l'infraction décrite dans la présente décision depuis le 12 mai 2005.

145. La société Maîtres du rêve ne s'est pas distanciée publiquement de l'action concertée avant que le Géfil ne retire le " Juste prix " de son annuaire électronique. Dès lors, l'Autorité retiendra que la société Maîtres du rêve a participé à l'infraction du 12 mai 2005 au 20 décembre 2010, date d'envoi du courrier du Géfil à l'Autorité.

j) Médiéval

146. Il ressort des faits exposés aux paragraphes 114 et 115 que la société Médiéval a été impliquée dans l'infraction décrite dans la présente décision depuis le 6 juin 2007.

147. La société Médiéval ne s'est pas distanciée publiquement de l'action concertée avant que le Géfil ne retire le " Juste prix " de son annuaire électronique. Dès lors, l'Autorité retiendra que la société Médiéval a participé à l'infraction du 6 juin 2007 au 20 décembre 2010, date d'envoi du courrier du Géfil à l'Autorité.

k) Mérimée conseils

148. Il ressort des faits exposés aux paragraphes 114 et 115 que la société Mérimée conseil a été impliquée dans l'infraction décrite dans la présente décision depuis le 26 janvier 2005.

149. Mérimée conseils ne s'est pas distanciée publiquement de l'action concertée avant que le Géfil ne retire le " Juste prix " de son annuaire électronique. Dès lors, l'Autorité retiendra que la société Mérimée conseils a participé à l'infraction du 26 janvier 2005 au 20 décembre 2010, date d'envoi du courrier du Géfil à l'Autorité.

l) Philippe Caparros Développement

150. Il ressort des faits exposés aux paragraphes 114 et 115 que la société Philippe Caparros Développement a été impliquée dans l'infraction décrite dans la présente décision depuis le 26 janvier 2005.

151. Philippe Caparros Développement ne s'est pas distanciée publiquement de l'action concertée avant que le Géfil ne retire le " Juste prix " de son annuaire électronique. Dès lors, l'Autorité retiendra que la société Philippe Caparros Développement a participé à l'infraction du 26 janvier 2005 au 20 décembre 2010, date d'envoi du courrier du Géfil à l'Autorité.

m) Promotour consultants

152. Il ressort des faits exposés aux paragraphes 114 et 115 que la société Promotour consultants a été impliquée dans l'infraction décrite dans la présente décision depuis le 26 janvier 2005.

153. Promotour consultants ayant cessé toute activité de conseil sur le marché de l'ingénierie LCT à partir de 2010, l'Autorité retiendra qu'elle a participé à l'infraction du 26 janvier 2005 au 31 décembre 2009.

n) Somival

154. Il ressort des faits exposés aux paragraphes 114 et 115 que la société Somival a été impliquée dans l'infraction décrite dans la présente décision depuis le 18 mars 2005.

155. Dans ses observations, Somival fait valoir qu'elle n'était pas concernée par le grief au motif que son cadre salarié présent au conseil d'administration du Géfil avait agi en son nom propre et non en qualité de représentant de la société.

156. Cependant, selon la pratique décisionnelle de l'Autorité évoquée au paragraphe 133 ci-dessus, un cadre dirigeant est réputé représenter ou engager l'entreprise qui l'emploie lorsqu'il agit dans le cadre de ses activités professionnelles.

157. La société Somival ne s'est pas distanciée publiquement de l'action concertée avant que le Géfil ne retire le " Juste prix " de son annuaire électronique. Dès lors, l'Autorité retiendra que la société Somival a participé à l'infraction du 18 mars 2005 au 20 décembre 2010, date d'envoi du courrier du Géfil à l'Autorité.

o) Tourisme & Qualité

158. Le grief a été notifié à la société Tourisme & Qualité, tenue responsable des pratiques reprochées à la société Hôtels Action conseils alors que cette dernière est indépendante. Dès lors, la société Tourisme & Qualité doit être mise hors de cause.

3. CONCLUSION SUR LA PARTICIPATION AUX PRATIQUES

159. Compte tenu de ce qui précède, le Géfil et les sociétés Arc essor, Assaï, Deloitte conseil, Hôtels Action conseils, Maîtres du rêve, Médiéval, Mérimée conseils, Philippe Caparros Développement, Promotour consultants et Somival ont chacun participé, pour les périodes retracées plus haut, à l'action concertée en cause en l'espèce.

D. SUR LES SANCTIONS

160. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce habilite l'Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

161. Aux termes du quatrième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce " [s]i le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".

162. Le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le [titre VI du livre IV du Code de commerce]. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ".

163. Par ailleurs, l'article L. 464-5 du Code de commerce dispose que l'Autorité peut, lorsqu'elle met en œuvre la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3 du Code de commerce, prononcer les sanctions prévues au I de l'article L. 464-2 de ce code. Toutefois, la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs des pratiques prohibées.

164. En l'espèce, l'Autorité appréciera ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après le " communiqué ").

165. Chacune des entreprises en cause dans la présente affaire, ainsi que le Géfil, ont été mis en mesure de formuler des observations sur les principaux éléments de droit et de fait du dossier susceptibles, d'influer sur la détermination de la sanction pouvant leur être imposée, à la suite de la réception de la notification des griefs et d'une note complémentaire à la notification des griefs datée du 21 octobre 2011. La présentation de ces différents éléments par les services de l'Autorité ne préjuge pas de l'appréciation du Collège sur les déterminants de la sanction, qui relève de sa seule délibération.

1. SUR LA SANCTION IMPOSÉE AU GÉFIL

166. L'Autorité peut imposer une sanction pécuniaire de principe dans certains cas particuliers comme celui d'une association régie par la loi de 1901 n'ayant la capacité de mobiliser que des ressources limitées.

167. Il y a lieu de noter à cet égard que le Géfil a invoqué des difficultés financières particulières, qui sont de nature à limiter sa capacité contributive. Afin de permettre à l'Autorité d'apprécier ces difficultés, il a versé au dossier un certain nombre d'éléments de nature fiscale et comptable.

168. Ces éléments attestent de difficultés financières réelles et actuelles, qui affectent la capacité du Géfil à s'acquitter de la sanction que l'Autorité pourrait lui imposer, au jour où celle-ci prend sa décision.

169. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, sa sanction sera fixée à 15 000 euros.

2. SUR LA SANCTION IMPOSÉE AUX AUTRES PARTIES EN CAUSE

a) Sur la valeur des ventes

170. La valeur des ventes de l'ensemble des catégories de produits ou services en relation avec l'infraction effectuées en France par chacune des entreprises en cause, durant leur dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction (ou une autre période si celui-ci n'est manifestement pas représentatif) pourra être utilement retenue comme assiette de leur sanction respective.

171. Certes, le Code de commerce, en ne se référant pas au chiffre d'affaires lié au marché en cause, mais uniquement au chiffre d'affaires mondial consolidé ou combiné, n'impose pas à l'Autorité de procéder de la sorte (arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1997, Société française de transports Gondrand frères). Pour autant, ce paramètre peut être considéré comme une référence appropriée et objective pour proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction individuelle à l'ampleur économique de l'infraction en cause, d'une part, et au poids relatif sur le secteur concerné de chaque entreprise qui y a participé, d'autre part, à la lumière d'une jurisprudence constante des juridictions de l'Union (arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100-80, Rec. p. 1825, points 119 à 121, et du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C-322-07 P, C-327-07 P et C-338-07 P, Rec. p. I-7191, point 314). Cette jurisprudence, même si elle n'est pas directement applicable, n'en constitue pas moins un point de référence utile pour l'exercice concret du pouvoir d'appréciation dont dispose l'Autorité en matière de détermination des sanctions, à l'intérieur du cadre prévu par le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

172. L'Autorité s'est donc engagée à déterminer le montant de base des sanctions qu'elle prononce en cas de violation des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce en se référant à cette notion comme assiette.

173. En l'espèce, la catégorie de produits à prendre en considération à cet effet est celle faisant l'objet de la pratique, telle que décrite dans la partie de la présente décision consacrée à la qualification de l'infraction (paragraphe 91 ci-dessus). L'assiette de la sanction reflète ainsi le fait que l'action concertée mise en place par le Géfil et les cabinets-conseils en cause visait indifféremment les prix des prestations en ingénierie LCT, que ces prestations soient à destination des donneurs d'ordre publics ou des donneurs d'ordre privés.

174. Aucun des arguments avancés par Deloitte conseil visant à remettre en cause cette définition des catégories de services à prendre en considération afin de déterminer la valeur des ventes en l'espèce n'emporte la conviction. En particulier, l'argument tiré de ce que Deloitte conseil occupe une position singulière au sein du Géfil dans la mesure où, contrairement aux autres adhérents, l'activité de THL s'effectue quasi-exclusivement auprès de clients privés, ne saurait être accueilli. Deloitte conseil ne conteste pas avoir fourni des services en ingénierie LCT à destination de donneurs d'ordre publics. En toute hypothèse, ainsi que l'Autorité l'a souligné aux paragraphes 67 et 90 ci-dessus, l'infraction, par son objet même, a altéré la concurrence dans le secteur de l'ingénierie LCT, que les services en cause soient destinés aux donneurs d'ordre publics ou orientés vers les entreprises privées.

175. Eu égard à la durée de participation individuelle de chaque entreprise en cause à l'infraction, telle que constatée ci-dessus aux paragraphes 114 et 115, le dernier exercice comptable complet retenu pour déterminer cette valeur des ventes sera l'exercice 2006 pour Arc essor, l'exercice 2005 pour Assaï, et l'exercice 2009 pour Deloitte conseil, Maîtres du rêve, Médiéval et Mérimée conseils.

176. En revanche, les données chiffrées à la disposition de l'Autorité révèlent que l'exercice 2009 ne peut manifestement pas être tenu pour représentatif en ce qui concerne Hôtels Action conseils, Philippe Caparros Développement, Promotour consultants et Somival, eu égard aux variations annuelles très significatives qu'a connues le chiffre d'affaires réalisé par ces quatre sociétés de très petite taille. Dans ce contexte, l'Autorité estime qu'il convient en l'espèce de retenir, pour ces sociétés, une moyenne des exercices comptables complets couverts par l'infraction.

177. Le tableau ci-dessous récapitule les valeurs des ventes servant d'assiette à la sanction individuelle de chacune des entreprises en cause.

<EMPLACEMENT TABLEAU>

b) Sur la détermination du montant de base

178. En application du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le montant de base de la sanction de chaque entreprise est déterminé en fonction de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, critères qui se rapportent tous deux à l'infraction en cause. Les appréciations de l'Autorité à cet égard trouvent une traduction chiffrée dans le choix d'une proportion, déterminée au cas par cas, de la valeur des ventes retenue pour chaque entreprise en cause, critère qui, comme indiqué plus haut, permet de proportionner l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction commise, d'une part, et au poids relatif sur le secteur concerné de chaque entreprise qui y a participé, d'autre part. Les autres éléments d'individualisation pertinents relatifs à la situation et au comportement de chaque entreprise en cause seront pris en considération dans un second temps.

179. La durée des pratiques est un élément qui a une incidence significative tant sur la gravité des faits (voir, en ce sens, arrêts de la Cour de cassation du 28 juin 2003, Domoservices maintenance, et du 28 juin 2005, Novartis Pharma) que sur l'importance du dommage causé à l'économie (arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011, Lafarge ciments e.a.). Elle fait donc l'objet d'une prise en compte sous ce double angle, selon les modalités pratiques décrites dans le communiqué.

i. Sur la proportion de la valeur des ventes

Sur la gravité des faits

180. Les actions concertées visant à influer sur les prix pratiqués par des concurrents sont considérées par l'Autorité comme étant des pratiques d'une indéniable gravité, en particulier lorsqu'elles sont le fait d'une organisation professionnelle qui, du fait de ses missions d'information et de conseil, dispose d'une responsabilité particulière dans le respect de la loi par ses mandants. Cette gravité n'égale cependant pas celle des ententes secrètes entre concurrents, qui sont considérées comme les ententes anticoncurrentielles les plus graves (voir, en ce sens, paragraphes 586 et 589 de la décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives). L'appréciation concrète de la gravité que de telles pratiques concertées revêtent au cas par cas conduit également à tenir compte de leurs caractéristiques et de leurs modalités pratiques de mise en œuvre, comme lorsqu'elles ont été accompagnées de moyens de pression ou de sanctions.

181. En l'espèce, l'Autorité relève que, si des moyens de pression et une procédure de sanction existaient, il n'apparaît cependant pas que ceux-ci aient effectivement été mis en œuvre, ni qu'ils aient revêtu une sophistication particulière.

182. Dans ce contexte, il convient de considérer que, si la pratique mise en œuvre par le Géfil et les cabinets-conseils en cause dans la présente affaire peut être regardée comme étant d'une gravité indéniable en raison de sa nature même, ses modalités concrètes ne conduisent pas à les ranger parmi les plus graves des actions concertées en matière de prix.

Sur l'importance du dommage causé à l'économie

183. Il est de jurisprudence constante que l'importance du dommage à l'économie s'apprécie de façon globale pour l'infraction en cause, c'est-à-dire au regard de l'action cumulée de tous les participants à la pratique sans qu'il soit besoin d'identifier la part imputable à chaque entreprise prise séparément (arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP, et de la Cour d'appel de Paris du 17 septembre 2008, Coopérative agricole l'ardéchoise).

184. Ce critère légal ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée par ces pratiques à l'économie (voir, par exemple, arrêt de la Cour d'appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF).

185. L'Autorité, qui n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France). L'existence du dommage à l'économie ne saurait donc être présumée, y compris en cas d'entente (arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France).

186. En se fondant sur une jurisprudence établie, l'Autorité tient notamment compte, pour apprécier l'incidence économique de la pratique en cause, de l'ampleur de l'infraction, telle que caractérisée entre autres par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des parties sur le secteur concerné, de sa durée, de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur concerné (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, précité). Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, précité).

187. En l'espèce, plusieurs indices attestent du caractère extrêmement limité du dommage causé à l'économie. En premier lieu, l'action concertée mise en œuvre par le Géfil et certains de ses administrateurs est d'une ampleur assez modeste, même s'il a été démontré aux paragraphes 14 et 43 ci-dessus que, au-delà du nombre relativement limité d'adhérents du Géfil, des cabinets-conseils non-adhérents ont pu être influencés par les recommandations diffusées par celui-ci.

188. En deuxième lieu, et surtout, l'Autorité relève que la consigne de prix a, en définitive, été peu suivie et qu'à quelques exceptions près, les entreprises en cause sont de petites, voire de très petites entreprises (moins de 10 salariés), ne dégageant que de faibles chiffres d'affaires.

189. Par ailleurs le montant des appels d'offres dont les services d'instruction ont pu prendre connaissance sont très peu élevés et hétérogènes, un certain nombre de marchés n'atteignant pas ou à peine le seuil rendant obligatoire l'organisation d'une procédure d'appel d'offres.

190. Il ne saurait cependant être conclu à l'absence de tout dommage causé à l'économie, la pratique d'action concertée ayant faussé le jeu de la concurrence au cours d'au moins un appel d'offres et ayant eu cet effet potentiel pour d'autres appels d'offres. En outre, la diffusion du " Juste prix " auprès des adhérents du Géfil, également consultable par l'ensemble des acteurs du secteur concerné sur le site Internet du syndicat, a eu pour effet de réduire l'incertitude qui doit en principe prévaloir entre concurrents en les incitant à ne pas s'éloigner des tarifs recommandés dans le " Juste prix ".

191. Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la pratique mise en œuvre par le Géfil et les entreprises en cause dans la présente affaire a causé un dommage à l'économie d'une très faible importance.

Conclusion sur la proportion de la valeur des ventes

192. Compte tenu de l'appréciation qu'elle a faite ci-dessus de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction imposée à chacune des entreprises en cause, une proportion de 9 % de la valeur des ventes de prestations de service en ingénierie LCT fournies par chacune d'entre elles lors de l'exercice ou de la période de référence figurant dans le tableau du paragraphe 177 ci-dessus.

ii. Sur la durée

193. Comme indiqué au paragraphe 179 ci-dessus, la durée de l'infraction est un facteur qu'il convient de prendre en compte dans le cadre de l'appréciation tant de la gravité des faits que de l'importance du dommage à l'économie. En effet, plus une infraction est longue, plus l'atteinte qu'elle porte au jeu de la concurrence et la perturbation qu'elle entraîne pour le fonctionnement du secteur en cause, et plus généralement pour l'économie, sont susceptibles d'être substantielles.

194. Dans le cas d'infractions qui se sont prolongées plus d'une année, comme en l'espèce, l'Autorité s'est engagée à prendre en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes. La proportion retenue pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l'importance du dommage à l'économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète d'infraction, à la valeur des ventes réalisées pendant l'exercice comptable ou de la période de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes suivantes. Au-delà de la dernière année complète de participation à l'infraction, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.

195. Dans chaque cas d'espèce, cette méthode se traduit donc par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation des entreprises en cause à l'infraction et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par celles-ci pendant l'exercice comptable, ou le cas échéant la moyenne des exercices comptables, retenu comme référence.

196. L'Autorité a pu établir, aux paragraphes 114 et 115, que la durée de participation des cabinets-conseils en cause à l'action concertée visée par la présente affaire pouvait être différente. Le tableau ci-dessous récapitule la durée individuelle de participation à l'infraction de chacune de ces entreprises, ainsi que le coefficient multiplicateur correspondant :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

iii. Conclusion sur le montant de base

197. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, eu égard à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie par la pratique en cause, le montant de base de la sanction pécuniaire déterminé en proportion des ventes de services en relation avec l'infraction effectuées par chacune des entreprises en cause, d'une part, et de la durée individuelle de participation à l'action concertée, d'autre part, est le suivant :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

c) Sur la prise en compte des circonstances propres à chaque entreprise

198. L'Autorité s'est ensuite engagée, comme le prévoit le Code de commerce, à adapter le montant de base au regard du critère tenant à la situation individuelle de chaque entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient.

199. A cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, l'Autorité peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l'infraction, ainsi que tout autre élément objectif pertinent relatif à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut, selon les cas, conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse.

200. En l'absence de réitération dans le chef des différentes entreprises en cause en l'espèce, le montant ainsi ajusté pour chaque entreprise sera ensuite comparé au maximum légal applicable, en application de l'article L. 464-5 du Code de commerce.

201. En l'occurrence, il convient de constater qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer qu'un des cabinets-conseils en cause aurait joué un rôle particulier dans la conception ou la mise en œuvre de l'action concertée, que ce soit dans un sens aggravant ou atténuant.

202. En revanche il convient de relever d'autres éléments propres à la situation individuelle de chaque entreprise en cause, qui sont, dans le respect du principe de proportionnalité, appréciés ci-dessous.

i. Sur la situation individuelle d'Arc essor

Sur la vérification du maximum légal applicable

203. En l'espèce, le maximum légal prévu pour les cas de mise en œuvre de l'article L. 463-3 du Code de commerce est de 750 000 euros conformément à l'article L. 464-5 de ce code. Il n'a pas vocation à jouer si le plafond prévu par le I de l'article L. 464-2 de ce code est lui-même inférieur à ce montant.

204. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Arc essor est de 849 260 euros pour l'exercice comptable 2005. Il constitue, au sens du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Le montant maximal de la sanction s'élève donc à 84 926 euros.

205. Le montant de la sanction pécuniaire envisagée à l'encontre d'Arc essor n'excède pas ce chiffre.

Sur la capacité contributive

206. Arc essor a invoqué des difficultés financières particulières qui seraient de nature à limiter sa capacité contributive.

207. Les éléments transmis par l'entreprise conduisent l'Autorité à constater qu'ils constituent des preuves fiables et objectives attestant de l'existence de difficultés financières réelles et actuelles affectant la capacité d'Arc essor à s'acquitter de la sanction qui pourrait lui être infligée. Il convient donc de tenir compte de cette situation propre à l'entreprise pour le calcul de la sanction.

208. Compte tenu de la capacité contributive d'Arc essor, sa sanction sera fixée à 8 500 euros.

ii. Sur la situation individuelle d'Assaï

209. L'examen de la situation individuelle de l'intéressée ne conduit pas à modifier, à la hausse ou à la baisse, le montant de base de la sanction figurant au paragraphe 197 ci-dessus. La sanction pécuniaire devant être infligée à Assaï sera donc fixée à 800 euros.

Sur la vérification du maximum légal applicable

210. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Assaï est de 190 003 euros pour l'exercice comptable 2004. Il constitue, au sens du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Le montant maximal de la sanction s'élève donc à 19 000 euros.

211. Le montant de la sanction pécuniaire infligée à Assaï n'excède pas ce chiffre.

iii. Sur la situation individuelle de Deloitte conseil

Sur la taille, la puissance économique et les ressources globales de Deloitte conseil

212. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce impose à l'Autorité de proportionner les sanctions qu'elle inflige, notamment, à la situation individuelle de l'entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient.

213. Cette appréciation peut conduire à prendre en considération l'envergure de l'entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour de cassation du 28 avril 2004, Sociétés Colas Rail et Jean Lefebvre).

214. De fait, la circonstance qu'une entreprise ait, au-delà des seuls produits ou services en relation avec l'infraction, un périmètre d'activités significatif ou qu'elle dispose d'une puissance financière importante peut justifier que la sanction qui lui est infligée, en considération d'une infraction donnée, soit plus élevée que si tel n'était pas le cas. A défaut, une telle sanction ne serait en effet pas proportionnée, toutes choses égales par ailleurs, à la situation individuelle de l'intéressée (voir, en ce sens, la décision n° 11-D-02 de l'Autorité du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 700).

215. Il peut y avoir lieu de tenir compte également du fait que cette entreprise - ou le groupe auquel elle appartient - est d'une taille ou dispose de ressources globales considérablement supérieures, en termes relatifs, à celles des autres participants à la pratique, afin d'assurer un caractère suffisamment dissuasif à la sanction (voir, également en ce sens, la décision n° 11-D-02 précitée, paragraphe 700).

216. L'Autorité prendra en l'occurrence en considération le fait que Deloitte conseil appartient à un groupe d'envergure mondiale, au sein duquel elle consolide ses comptes. Ce groupe dispose de ressources financières très importantes et déploie des activités qui s'étendent bien au-delà des seuls services en cause dans la présente affaire. Son chiffre d'affaires consolidé réalisé au niveau mondial en 2009 est en effet de 512,41 millions d'euros.

217. En outre, sa taille et ses ressources financières, ainsi, du reste, que ses capacités d'expertise juridique, sont sans commune mesure avec celles des autres cabinets-conseils auteurs de l'infraction. Il convient de tenir compte de cette disproportion considérable au stade de l'individualisation de la sanction de Deloitte conseil. La jurisprudence de l'Union européenne, qui n'est pas directement applicable en l'espèce mais peut constituer une référence utile, est dans le même sens (voir, arrêt de la Cour de justice du 26 juin 2006, Showa Denko/Commission, C-289/04 P, Rec. p. I-5859, point 18).

218. Eu égard à ce qui précède, le montant de base de la sanction pécuniaire de Deloitte conseil doit, pour tenir compte des différents éléments récapitulés ci-avant, nécessaires au respect du principe de proportionnalité, être augmenté de 50 % et porté à 510 000 euros.

Sur la vérification du maximum légal applicable

219. En application du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le maximum légal devrait être de 10 % du chiffre d'affaires total mondial hors taxes de la société Deloitte SA, avec laquelle Deloitte conseil consolide ses comptes, au cours de l'exercice 2009, qui est le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, soit 51,24 millions d'euros. Mais ce plafond doit être, conformément à l'article L. 464-5 du même code, ramené en l'espèce à 750 000 euros du fait du recours à la procédure simplifiée.

220. Le montant de la sanction pécuniaire infligée à Deloitte conseil n'excède pas ce dernier chiffre.

iv. Sur la situation individuelle d'Hôtels Action conseils

221. En l'espèce, il convient de tenir compte du fait qu'Hôtels Action conseils est une micro-entreprise au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique. Hôtels Action conseils a, par ailleurs, réalisé pendant la durée des pratiques plus de 90 % de son chiffre d'affaires sur les prestations de service en ingénierie LCT. Elle menait donc la quasi-totalité de son activité sur le marché en relation avec l'infraction.

222. L'Autorité estime qu'il est nécessaire de tenir compte de cette circonstance tout à fait particulière pour adapter à la baisse le montant de base de la sanction pécuniaire figurant au paragraphe 197, à hauteur de 70 %.

223. Eu égard à ce qui précède, la sanction pécuniaire d'Hôtels Action conseils sera fixée à 24 700 euros.

Sur la vérification du maximum légal applicable

224. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Hôtels Action conseils est de 554 683 euros pour l'exercice comptable 2010. Il constitue, au sens du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Le montant maximal de la sanction s'élève donc à 55 468 euros.

225. Le montant de la sanction pécuniaire infligée à Hôtels Action conseils n'excède pas ce chiffre.

v. Sur la situation individuelle de Maîtres du rêve

226. En l'espèce, il convient de tenir compte du fait que Maîtres du rêve est une micro-entreprise, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 précité, qui a par ailleurs réalisé pendant la durée des pratiques plus de 90 % de son chiffre d'affaires sur les prestations de service en ingénierie LCT. Elle menait donc la quasi-totalité de son activité sur le marché en relation avec l'infraction.

227. L'Autorité estime qu'il est nécessaire de tenir compte de cette circonstance tout à fait particulière pour adapter à la baisse le montant de base de la sanction pécuniaire figurant au paragraphe 197, à hauteur de 70 %.

228. Eu égard à ce qui précède, la sanction pécuniaire de Maîtres du rêve sera fixée à 28 400 euros.

Sur la vérification du maximum légal applicable

229. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Maîtres du rêve est de 599 527 euros pour l'exercice comptable 2004. Il constitue, au sens du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Le montant maximal de la sanction s'élève donc à 59 953 euros.

230. Le montant de la sanction pécuniaire infligée à Maîtres du rêve n'excède pas ce chiffre.

vi. Sur la situation individuelle de Médiéval

Sur la vérification du maximum légal applicable

231. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Médiéval est de 633 122 euros pour l'exercice comptable 2008. Il constitue, au sens du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Le montant maximal de la sanction s'élève donc à 63 312 euros.

232. Il convient donc de réduire la sanction pécuniaire envisagée à l'encontre de Médiéval, dont le montant de base s'élève à 63 620 euros, pour la ramener à 63 312 euros, sous réserve des paragraphes suivants.

Sur la capacité contributive

233. Médiéval a invoqué des difficultés financières particulières qui seraient de nature à limiter sa capacité contributive. Afin de permettre à l'Autorité d'apprécier ces difficultés, la société a versé au dossier un certain nombre d'éléments de nature fiscale et comptable.

234. Les éléments transmis par l'entreprise conduisent l'Autorité à constater qu'ils constituent des preuves fiables et objectives attestant de l'existence de difficultés financières réelles et actuelles affectant la capacité de Médiéval à s'acquitter de la sanction qui pourrait lui être infligée. Il convient donc de tenir compte de cette situation propre à l'entreprise pour le calcul de la sanction.

235. Compte tenu de la capacité contributive de Médiéval, sa sanction sera fixée à 12 000 euros.

vii. Sur la situation individuelle de Mérimée conseils

236. En l'espèce, il convient de tenir compte du fait que Mérimée conseils est une micro-entreprise, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 précité, qui a réalisé par ailleurs, pendant la durée des pratiques, plus de 90 % de son chiffre d'affaires sur les prestations de service en ingénierie LCT. Mérimée conseils menait donc la quasi-totalité de son activité sur le marché en relation avec l'infraction.

237. L'Autorité estime qu'il est nécessaire de tenir compte de cette circonstance tout à fait particulière pour adapter à la baisse le montant de base de la sanction pécuniaire figurant au paragraphe 197, à hauteur de 70 %.

238. Eu égard à ce qui précède, la sanction pécuniaire envisagée à l'encontre de Mérimée conseils s'élève à 18 196 euros, sous réserve des paragraphes suivants.

Sur la vérification du maximum légal applicable

239. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Mérimée conseils est de 265 688 euros pour l'exercice comptable 2004. Il constitue, au sens du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Le montant maximal de la sanction s'élève donc à 26 569 euros.

240. Le montant de la sanction pécuniaire envisagée à l'encontre de Mérimée conseils n'excède pas ce chiffre.

Sur la capacité contributive

241. Mérimée conseils a invoqué des difficultés financières particulières qui seraient de nature à limiter sa capacité contributive. Afin de permettre à l'Autorité d'apprécier ces difficultés, la société a versé au dossier un certain nombre d'éléments de nature fiscale et comptable.

242. Les éléments transmis par l'entreprise conduisent l'Autorité à constater qu'ils constituent des preuves fiables et objectives attestant de l'existence de difficultés financières réelles et actuelles affectant la capacité de Mérimée conseils à s'acquitter de la sanction qui pourrait lui être infligée. Il convient donc de tenir compte de cette situation propre à l'entreprise pour le calcul de la sanction.

243. Compte tenu de la capacité contributive de Mérimée conseils, sa sanction sera fixée à 2 600 euros.

viii. Sur la situation individuelle de Philippe Caparros Développement

244. En l'espèce, il convient de tenir compte du fait que Philippe Caparros Développement est une micro-entreprise au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 précité, qui a par ailleurs réalisé pendant la durée des pratiques plus de 90 % de son chiffre d'affaires sur les prestations de service en ingénierie LCT. Philippe Caparros Développement menait donc la quasi-totalité de son activité sur le marché en relation avec l'infraction.

245. L'Autorité estime qu'il est nécessaire de tenir compte de cette circonstance tout à fait particulière pour adapter à la baisse le montant de base déterminé de la sanction pécuniaire figurant au paragraphe 197, à hauteur de 70 %.

246. Eu égard à ce qui précède, la sanction pécuniaire de Philippe Caparros Développement sera fixée à 8 000 euros.

Sur la vérification du maximum légal applicable

247. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Philippe Caparros Développement est de 181 651 euros pour l'exercice comptable 2004. Il constitue, au sens du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Le montant maximal de la sanction s'élève donc à 18 165 euros.

248. Le montant de la sanction pécuniaire infligée à Philippe Caparros Développement n'excède pas ce chiffre.

ix. Sur la situation individuelle de Promotour consultants

249. En l'espèce, il a été relevé que Promotour consultants réalisait, pendant la durée des pratiques, plus de 90 % de son chiffre d'affaires sur les prestations de service en ingénierie LCT. Promotour consultants menait donc la quasi-totalité de son activité sur le marché en relation avec l'infraction. En outre, Promotour consultants est une micro-entreprise, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 précité.

250. L'Autorité estime qu'il est nécessaire de tenir compte de cette circonstance tout à fait particulière, pour adapter à la baisse le montant de base de la sanction pécuniaire figurant au paragraphe 197, à hauteur de 70 %.

251. Eu égard à ce qui précède, la sanction pécuniaire de Promotour consultants devrait être fixée à 2 488 euros, sous réserve des paragraphes suivants.

Sur la vérification du maximum légal applicable

252. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Promotour consultants est de 84 462 euros pour l'exercice comptable 2004. Il constitue, au sens du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Le montant maximal de la sanction s'élève donc à 8 446 euros.

253. Le montant de la sanction pécuniaire envisagée à l'encontre de Promotour Consultants n'excède pas ce chiffre.

Sur la capacité contributive

254. Promotour consultants a invoqué des difficultés financières particulières qui seraient de nature à limiter sa capacité contributive. Afin de permettre à l'Autorité d'apprécier ces difficultés, la société a versé au dossier un certain nombre d'éléments de nature fiscale et comptable.

255. Les éléments transmis par l'entreprise conduisent l'Autorité à constater qu'ils constituent des preuves fiables et objectives attestant de l'existence de difficultés financières réelles et actuelles affectant la capacité de Promotour consultants à s'acquitter de la sanction qui pourrait lui être infligée. Il convient donc de tenir compte de cette situation propre à l'entreprise pour le calcul de la sanction.

256. Compte tenu de la capacité contributive de Promotour consultants, sa sanction sera fixée à 800 euros.

x. Sur la situation individuelle de Somival

257. L'examen de la situation individuelle de l'intéressée ne conduit pas à modifier, à la hausse ou à la baisse, le montant de la sanction de base figurant au paragraphe 197 ci-dessus. La sanction pécuniaire devant être infligée à Somival sera fixée à 49 900 euros.

Sur la vérification du maximum légal applicable

258. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Somival est de 3 247 715 euros pour l'exercice comptable 2005. Il constitue, au sens du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Le montant maximal de la sanction s'élève donc à 324 772 euros.

259. Le montant de la sanction pécuniaire infligée à Somival n'excède pas ce chiffre.

d) Sur le montant final des sanctions

260. Eu égard à l'ensemble des éléments décrits plus haut, il y a lieu d'imposer les sanctions pécuniaires suivantes à chacune des entreprises en cause :

Entreprise / SANCTION FISCALE

Arc Essor / 8 500 euro

Assaï / 800 euro

Deloitte Conseil / 510 000 euro

Hôtels Action Conseils / 24 700 euro

Maîtres du rêve / 28 400 euro

Médiéval / 12 000 euro

Mérimée Conseils / 2 600 euro

Philippe Caparros Développement / 8 000 euro

Promotour Consultants / 800 euro

Somival / 49 900 euro

3. SUR L'OBLIGATION DE PUBLICATION

261. Par ailleurs, afin d'informer de la présente décision les acteurs du secteur de l'ingénierie LCT, en premier lieu les donneurs d'ordre publics et privés, et de les inciter à la vigilance à l'égard des pratiques condamnées, il y a lieu d'ordonner au Géfil de faire publier, à ses frais, dans le journal " la Gazette des communes, des départements et des régions ", dans les deux mois qui suivront la notification de cette décision, ainsi que dans le prochain numéro du Géfilon, le résumé de la présente décision figurant ci-après :

" Par décision du 12 janvier 2012, l'Autorité de la concurrence a infligé une sanction de 15 000 euros au Géfil, syndicat national de l'ingénierie Loisirs, Culture, Tourisme, ainsi que des sanctions pécuniaires à dix cabinets-conseils membres ou anciens membres du conseil d'administration du Géfil (8 500 euros à Arc essor, 800 euros à Assaï, 510 000 euros à Deloitte conseil, 24 700 euros à Hôtels Action conseils, 28 400 euros à Maîtres du rêve, 12 000 euros à Médiéval, 2 600 euros à Mérimée conseils, 8 000 euros à Philippe Caparros Développement, 800 euros à Promotour consultants et 49 900 euros à Somival) pour avoir enfreint les dispositions prohibant les ententes figurant à l'article L. 420-1 du Code de commerce en incitant, à des périodes comprises entre mars 2002 et décembre 2010, les cabinets-conseils adhérents du Géfil à respecter une consigne de prix, " le Juste prix ", relative aux tarifs par journée facturés par leurs consultants. Le texte intégral de la décision de l'Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr ".47

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que le syndicat professionnel Géfil et les sociétés Arc essor, Assaï, Deloitte conseil, Hôtel Action conseils, Maîtres du rêve, Médiéval, Mérimée conseils, Philippe Caparros Développement, Promotour consultants et Somival ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en menant une action concertée consistant à diffuser une consigne de prix.

Article 2 : Les sociétés Astarté, François-Tourisme-Consultants, Kanopée et Tourisme & Qualité sont mises hors de cause.

Article 3 : Pour l'infraction visée à l'article 1er, sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

• au syndicat professionnel le Géfil une sanction de 15 000 euros ;

• à la société Arc essor une sanction de 8 500 euros ;

• à la SARL Assaï une sanction de 800 euros ;

• à la SAS Deloitte conseil une sanction de 510 000 euros ;

• à la SARL Hôtels Action conseils une sanction de 24 700 euros ;

• à la SARL Maîtres du rêve une sanction de 28 400 euros ;

• à la SAS Médiéval une sanction de 12 000 euros ;

• à la SARL Mérimée conseils une sanction de 2 600 euros ;

• à la SARL Philippe Caparros Développement une sanction de 8 000 euros ;

• à la SARL Promotour consultants une sanction de 800 euros ;

• à la SAS Somival une sanction de 49 900 euros.

Article 4 : Il est enjoint au Géfil de procéder à la publication du texte figurant au paragraphe 261 de la décision dans la " Gazette des communes, des départements et des régions " dans les deux mois qui suivront la notification de la présente décision, ainsi que dans le prochain numéro du Géfilon. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " Décision n° 12-D-01 du 12 janvier 2012 de l'Autorité de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'ingénierie des Loisirs, de la Culture et du Tourisme". Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Paris si un tel recours est exercé. Le Géfil adressera, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de ces publications, dès leur parution.

*cahier des charges, lettre du donneur d'ordre désignant le titulaire, le montant, la raison de l'attribution du contrat,... " (cote 13 868).