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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 26 janvier 2012, n° 2010-23945

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Beauté prestige international (SA), Chanel (SAS), Clarins Fragrance Group (SAS), Comptoirs nouveaux de la parfumerie - Hermès Parfums (SA), Parfums Christian Dior (SA), Elco (SNC), Guerlain (SA), LVMH Fragrance Brands (SA), L'Oréal Produits de luxe France (SNC), Shiseido Europe (SAS), Yves Saint Laurent Beauté (SAS), Marionnaud Parfumerie (SA), Nocibé France (SAS), Séphora (SA)

Défendeur :

Président de l'Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Lachacinski

Conseillers :

Mmes Meslin, Saint Schroeder

Avoués :

Mes Teytaud, Hardouin, Olivier, SCP Mira Bettan, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Bernabe Chardin Cheviller, SCP Grappotte-Benetreau, Grappotte, Pelit-Jumel, SCP Monin d'Auriac de Brons, SCP Fanet Serra

Avocats :

Mes Salzmann, Severe, Le Goff, Saint Esteben, Donnedieu de Vabres-Tranie, Brunet, Picot, Gaffuri, Selinsky, Tran Thiet, Henriot-Bellargent, Henry, Choffel, Calvet, Jalabert-Doury, Pecnard

T. com. Salon-de-Provence, du 28 juill. …

28 juillet 1995

Par leur saisine, les sociétés requérantes demandent à la cour de renvoi de contrôler la légalité externe et interne d'une décision du Conseil de la concurrence (le Conseil) devenu Autorité de la concurrence (l'Autorité) du 13 mars 2006, rectifiée le 24 mai suivant, par laquelle 13 fournisseurs - dont deux sont aujourd'hui regroupés au sein de la société LVMH Fragrance Brands - et 3 distributeurs ont été sanctionnés pour des pratiques d'entente verticale sur les prix, prohibées par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du traité de la Communauté européenne - aujourd'hui 101 § 1 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne ci-après TFUE, mises en œuvre dans le secteur des parfums et cosmétiques de luxe entre 1997 et 1999.

Elles concluent subsidiairement à la réformation de cette décision du chef des sanctions prononcées, estimées excessives au regard de la gravité des pratiques incriminées et du dommage occasionné par celles-ci à l'économie.

Prolégomènes

1. Les parties en cause

La présentation détaillée de certaines parties dont la situation a été modifiée depuis la décision attaquée permet de cerner exactement la portée des arguments développés sur la procédure comme sur le fond.

Il est pour les autres renvoyé aux énonciations de cette même décision, ci-après désignée " Décision " (cf. points 6 à 19), sous réserve de points complémentaires tirés des écritures soumises à l'appréciation de la cour, la situation particulière de chaque société permettant d'analyser et d'interpréter exactement les relations entretenues par chaque fournisseur avec ses revendeurs et de prononcer les éventuelles sanctions en pleine connaissance de cause : il suffit ici de rappeler que les marques des fournisseurs citées se trouvent classées parmi les 20 premières représentant à l'époque des faits (1997-1999) près de 74,9 et 77,8 % du marché de distribution sélective de détail. Ces mêmes marques parviennent à préserver la notoriété que leur assure un très haut niveau de fidélité des consommateurs.

1.1. Les fournisseurs

1.1.1. La société Clarins Fragrance Group

Cette société vient aujourd'hui aux droits de la société Thierry Mugler Parfums.

Créée en 1990, elle n'a à propos des faits de cette espèce, aucun lien avec la société Clarins qui, également mise en cause dans le cadre de cette procédure, a le 24 janvier 2007, fait l'objet d'une décision séparée du Conseil, aujourd'hui définitive.

La société Clarins Fragrance Group a débuté son activité commerciale en octobre 1992 et a commercialisé un parfum dénommé " Angel " intrinsèquement novateur grâce sa fragrance spécifique. De l'aveu de la société Clarins Fragrance Group, ce parfum est de manière inédite dans l'histoire de la parfumerie française, devenu le n° 1 des ventes en cinq ans. Sa commercialisation était liée à un système de distribution spécifique : aux côtés d'une commercialisation en flacon classique, le consommateur pouvait acquérir un flacon " ressourçable " qu'il pouvait remplir auprès du distributeur agréé de son choix.

L'originalité de ce parfum a permis à la société Clarins Fragrance Group de bénéficier de la protection du droit d'auteur et le système du flacon ressourçable a au fil du temps, favorisé une baisse de prix.

Compte tenu de ces spécificités, la société Clarins Fragrance Group n'avait que quelques années d'activité complètes au moment des faits incriminés. Si pendant longtemps, elle n'a commercialisé que le parfum "Angel", à travers les boutiques Thierry Mugler (Couture) qui appartenaient au même groupe, ce produit avait acquis une renommée certaine en 1997.

1.1.2. La société Elco

Cette société, active dans la commercialisation de produits cosmétiques et de parfums de luxe, est la filiale française du groupe américain Estée Lauder. Elle exploite aujourd'hui en France les marques Estée Lauder et Clinique.

1.1.3. La société en nom collectif l'Oréal Produits de luxe France

Cette société, filiale du groupe l'Oréal SA, commercialisait à l'époque des faits les neuf marques de la Division Luxe de l'Oréal SA et par conséquent les trois mises en cause dans la Décision soit, les marques Lancôme, Armani et Helena Rubinstein mais également, de manière identique et dans les mêmes circuits, les marques Cacharel, Guy Laroche, Ralph Lauren, Lanvin, Paloma Picasso et Biotherm.

La marque Helena Rubinstein était à l'époque des faits, exploitée pour la fabrication et la commercialisation de cosmétiques de luxe (soins pour la peau, maquillage) à l'exclusion de tout parfum. Les marques Lancôme et Armani étaient quant à elles exploitées pour la fabrication et la commercialisation des parfums et des cosmétiques de luxe.

1.1.4. La société LVMH Fragrance Brands

Cette société, anciennement société Parfums Givenchy vient aussi aux droits de l'ancienne société Kenzo Parfums.

Ces deux dernières sociétés qui soutiennent dans leurs écritures n'avoir eu aucune stratégie commune, affirment être mises en cause pour des faits distincts relevant de leurs relations avec leur propre réseau.

A l'époque des faits, la société Kenzo Parfums, tardivement entrée sur le marché (1988), ne représentait que 1,5 % des parts de marché de ce secteur. Son chiffre d'affaires a ensuite augmenté : la marque bénéficiant d'une part de marché de 4 % en 2002 est devenue la dixième marque du secteur des parfums. Sur la période de référence, cette société produisait des parfums à l'exclusion de tout produit de soin ou de maquillage. La distribution de ses produits ne s'effectuait que par le canal de la distribution sélective de détail couvrant environ 50 % du secteur des parfums et cosmétiques de luxe. La société Kenzo Parfums expose par ailleurs dans ses écritures, sans être contredite par les distributeurs concernés qu'elle réalisait en 1999 environ 23,7 % de son chiffre d'affaires avec la société Sephora, 6,5 % avec la société Marionnaud et 5,3 % avec les Galeries Lafayette.

De son côté, la société Givenchy soutient dans ses écritures que sa part de marché qui lors des faits était modeste, a connu une décroissance continue au point que dès 1998 cette part a toujours été inférieure à 3 %. Elle indique encore qu'elle réalisait en 1998 près de 20 % de son chiffre d'affaires avec les sociétés Sephora France (14 %) et Marionnaud (5,9 %).

1.2. Les distributeurs

1.2.1. La société Marionnaud Parfumeries

Le groupe Marionnaud Parfumeries est une chaîne de distribution sélective née en 1984. Son fondateur, Marcel Frydman, qui avait racheté plusieurs autres parfumeries, a acquis en 1996 la chaîne Bernard Marionnaud spécialiste du discount et a rebaptisé son groupe sous la dénomination Marionnaud Parfumeries. Cette chaîne a ensuite connu une expansion rapide en raison de sa croissance et de sa politique commerciale.

Les acquisitions effectuées entre 1998 et 2003 constituent les faits les plus marquants de cette croissance : la chaîne Kléber en 1998, Silver Moon, Votre Beauté et Patchouli en 1999, la chaîne Annabelle en 2000, Beauté Actuelle en 2001, la chaîne O'Dylia en 2002 et la société Rayon d'Or en 2003. Son chiffre d'affaires a augmenté de manière significative entre 2000 et 2004, passant de 431 à 754,354 millions en 2004.

La politique commerciale de la société Marionnaud Parfumeries qui disposait à l'époque des faits de 188 points de vente, se caractérise par une stratégie d'offre de prix les plus bas du marché. Son document de référence du 9 juillet 1998 affirme clairement que " le groupe [Marionnaud Parfumeries] veille à ce que les prix de ses concurrents ne soient jamais inférieurs à ceux qu'il pratique dans les zones de chalandise de chacun de ses points de vente." Dans chaque point de vente, le personnel est autorisé à baisser les prix de vente de tous les produits pour s'aligner sur les prix pratiqués par les magasins concurrents situés dans la même zone de chalandise. Cette politique est une politique constante appliquée tant dans les "Espaces Marionnaud" (magasins de grande superficie se caractérisant par le libre-service) que dans les autres points de vente de plus petite taille pratiquant la distribution traditionnelle. Quoiqu'il en soit, à l'époque des faits, la société Marionnaud était leader européen en nombre de points de vente dans la distribution sélective des parfums et cosmétiques de luxe et numéro deux en chiffre d'affaires consolidé.

Cette société a en 2005, connu plusieurs difficultés financières et de gouvernance : gérée par la famille Frydman, elle est devenue la filiale d'un grand groupe international, la société Hutchinson Whampoa Parfumeries. La nouvelle équipe de management a pris ses fonctions à l'automne 2005.

1.2.2. La société Nocibé France

Ce distributeur est une chaîne de parfumerie sélective créée en 1987. Simple chaîne régionale à l'origine (exerçant son activité dans le nord de la France) cette société est progressivement devenue le troisième acteur national derrière les sociétés Marionnaud et Séphora. La société Nocibé n'appartient à aucun grand groupe et elle ne développe aujourd'hui ses activités que sur le territoire national.

Ce distributeur a depuis sa création, toujours axé sa politique commerciale sur une clientèle jeune, à la recherche de prix compétitifs. Il a dès ses débuts exploité l'avantage prix aux côtés de l'aspect services pour assurer son développement et a adopté une stratégie de croissance externe constante en menant une lutte concurrentielle intense sur le terrain.

Il explique dans ses uniques écritures déposées devant la cour de renvoi que le siège au niveau national et chaque point de vente au niveau local, adaptent en permanence leurs prix aux conditions du marché dans le souci de maintenir l'avantage tarifaire de la chaîne.

La cour prend acte de l'importance de conserver l'ensemble de ces données à l'esprit pour l'appréciation de la légalité juridique et économique de la Décision, tant externe qu'interne, en ce compris la question de la détermination de la sanction ; il en va de même pour les caractéristiques du secteur clarifiées ci-dessus.

2. Le secteur concerné

Il est pour l'essentiel, renvoyé aux énonciations liminaires non contestées de la Décision attaquée (points 2 à 19).

Il suffit de rappeler que l'industrie française de la parfumerie et des cosmétiques de luxe constitue depuis de nombreuses années un secteur important de l'économie nationale : en 2002, le secteur a réalisé un chiffre d'affaires de 13,32 milliards d'euros dont 7,014 milliards à l'exportation et a ainsi pris la quatrième place d'exportateur net derrière les secteurs de l'aéronautique, de l'agroalimentaire et de l'automobile.

Ce marché se caractérise par sa constante évolution : l'apparition régulière de nouveaux produits vient satisfaire une demande mouvante et exigeante tandis que l'image et la notoriété de la marque constituent, pour les sociétés qui les exploitent, des actifs immatériels essentiels au maintien d'un niveau élevé de rentabilité. Il a déjà été souligné que les marques concernées par les pratiques examinées appartiennent aux vingt premières grandes marques : celles-ci bénéficient d'une part de marché resserrée et stable (points 7 et 8 de la Décision) du fait de la notoriété que leur assure un haut niveau de fidélité des consommateurs.

Le terme " parfums " désigne, outre les parfums au sens propre du terme, les eaux de parfums, les eaux de toilette, les eaux de Cologne ainsi que les lotions pour le rasage. Le terme " cosmétiques" comprend quant à lui, les produits de soin pour le visage et pour le corps ainsi que les produits de maquillage. Sur chacun de ces segments du marché, les produits sont offerts selon des niveaux de qualité très différents, identifiés par le niveau de leurs prix. Les parfums au sens large constituent le segment le plus populaire de la branche : les enquêtes réalisées auprès des consommateurs en France établissent que plus de 90 % des femmes se parfument quotidiennement.

Le terme de parfums et cosmétiques " de luxe ", correspond à des produits chers, identifiés comme étant de haute qualité : ils sont vendus sur le territoire national par le truchement d'accords de distribution sélective autorisant les fournisseurs à sélectionner leurs distributeurs sur la base de critères qualitatifs, éventuellement quantitatifs et quoi qu'il en soit non-discriminatoires.

Compte tenu de la date des faits, ces accords relevaient au niveau européen (ci-devant communautaire) du règlement d'exemption n° 2790-1999 de la Commission européenne du 22 décembre 1999 auquel toutes les parties se réfèrent ;

Le système de distribution sélective tend à préserver la haute qualité et l'image de marque des produits. Il requiert pour atteindre ce but, un ensemble d'investissements et de charges variables (magasin situé dans un bon quartier et une rue adaptée avec des investissements servant à valoriser le local, la vitrine, les étagères, le comptoir, etc..). Il suppose de privilégier, l'accueil des clients ainsi que la fourniture d'informations et de conseils par un personnel nombreux et qualifié et autorise les fournisseurs à établir un contrôle sur les méthodes et sur les points de vente de leurs distributeurs ainsi qu'à restreindre pour partie, leur liberté commerciale notamment en matière d'opérations promotionnelles. En revanche, le distributeur sélectif conserve impérativement toute liberté pour fixer ses prix de vente au consommateur (cf. point 451 de la Décision).

Ce secteur du luxe présentait à l'époque des faits deux caractéristiques particulières, notamment évoquées par les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain et LVMH Fragrance Brands dans les dernières écritures déposées : d'une part, un écart entre le prix le plus haut observé et le prix le plus bas, plus étroit que dans d'autres circuits de distribution en raison de la nécessaire normalisation des magasins selon des critères de qualité, d'autre part la présence de chaînes nationales de distribution représentant 50 % de ce marché (entre 50 et 55 % selon la Décision) et ayant une politique de prix à l'échelle nationale. Ces mêmes sociétés soulignent que la survivance du secteur est notamment conditionnée par le maintien d'un certain niveau de prix. A défaut certains magasins risquent de fournir les conseils et informations aux clients qui iraient effectuer leurs achats chez le discounter : les investissements de qualité réalisés chez les premiers deviendraient alors non rentables et l'intérêt du système disparaitrait.

Il est enfin indiqué au point 19 de la Décision déférée, sans que cela soit contesté par les parties requérantes, que la répartition des parts de marché du secteur de la distribution sélective a postérieurement aux faits, considérablement évolué, ce qui a favorisé l'accélération du phénomène de concentration de la distribution autour de quelques grandes chaînes nationales.

Plusieurs société requérantes et notamment la société LVMH Fragrance Brands expliquent dans leurs écritures que cette évolution a finalement provoqué un renversement de rapport de force au détriment des fabricants à partir de l'année 2000. Elles appuient leurs affirmations sur les déclarations de représentants de la Fédération des industries de Parfumerie (annexe 09-02 : procès-verbal du 16 février 2005 - audition de Mme Grillaut-Laroche et de M. Bisson ès qualités de représentants de cette fédération par la rapporteure du Conseil : " L'évolution la plus importante du marché est, bien sûr, la forte concentration de la distribution. En 1995, les onze premières enseignes de cette distribution représentaient 20 % du chiffre d'affaires du secteur contre 58 % en 1998. En 2004, les trois premières enseignes réalisent 80 % du chiffre d'affaires total... Il est clair que le phénomène de forte concentration dans la distribution conduit à l'émergence d'une vraie puissance d'achat des principales enseignes qui deviennent des partenaires incontournables et obligés des marques... Les rapports de force se sont donc totalement modifiés dans les 5 dernières années. Cette évolution rapproche le secteur de la situation de la grande distribution il y a une vingtaine d'années").

3. Procédure administrative

Le 10 septembre 1993, le ministre de l'Economie et des Finances (le ministre) a saisi le Conseil (Conseil) devenu Autorité (l'Autorité) de la concurrence de la situation de concurrence dans le " secteur de parfums et des cosmétiques de luxe ". Il a ensuite par lettre du 15 octobre 1998, retiré cette plainte classée sans suite par décision n° 98-D-78 du 21 décembre 1998.

Le 21 octobre 1998 soit 6 jours après ce retrait de plainte, le Conseil s'est saisi d'office de la situation de la concurrence " dans le secteur des parfums de luxe ". Une demande d'enquête " sur la situation de la concurrence dans le secteur de la parfumerie de luxe " visant précisément cette saisine d'office et assortie d'une fiche d'orientation, a été adressée par la présidente du Conseil le 30 décembre suivant. Cette demande d'enquête a été réitérée le 30 mars 1999.

La note d'orientation y annexée précisait que l'enquête devait " s'attacher à : - relever, chez les distributeurs, les prix de plusieurs produits de parfumerie alcoolique et de cosmétiques préalablement déterminés, en intégrant à l'échantillon des produits, objets de fortes ventes ainsi que ceux dernièrement mis sur le marché ; - déterminer les formes de remises utilisées pour promouvoir les produits de marques de parfumerie sélective de prestige et préciser, le cas échéant, l'existence d'un taux maximum imposé par les fabricants ; - rechercher s'il existe des consignes diffusées par les fabricants et, s'agissant de Christian Dior, vérifier les effets de la diffusion de l'avenant sur les pratiques commerciales des distributeurs et l'existence d'éventuelles nouvelles consignes de la part de ce parfumeur ; - se faire communiquer, par les sociétés en cause, le dernier contrat-type de distributeur agréé ainsi que les conditions générales de vente ; - recueillir plus généralement tous éléments susceptibles d'éclairer le Conseil pour l'examen des pratiques dont il est saisi ".

Les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ci-après DGCCRF, ont le 19 septembre 2000, transmis au Conseil le rapport d'enquête administrative établi à la suite de leurs investigations menées de juin 1999 à avril 2000 : ces investigations les avaient conduits à entendre des représentants des fabricants de parfums et des distributeurs et à procéder à des relevés de prix dans 74 points de vente.

Le 5 avril 2005, 26 sociétés du secteur des parfums et des cosmétiques de luxe dont 4 sociétés distributrices se sont vues notifier par la rapporteure du Conseil 6 griefs différents portant sur des pratiques concernant l'ensemble du territoire national dont le principal, seul maintenu dans le rapport définitif notifié le 20 août 2005, portait sur une entente verticale sur les prix prohibée entre fournisseurs et distributeurs.

4. La Décision attaquée et les recours successifs ultérieurs

Le Conseil par une décision n° 06-D-04 bis du 13 mars 2006, rectifiée le 24 mars 2006, " relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe " (ci-après la Décision), a finalement statué comme suit :

" Article 1 : II est établi que les sociétés Beauté Prestige International (BPI), Chanel, Parfums Christian Dior, Comptoir nouveau de la Parfumerie (Hermès Parfums), Elco (Estée Lauder et Clinique), Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France, Marionnaud, Nocibé, Pacific Création Parfums (Lolita Lempicka), Séphora France, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, et Yves Saint Laurent Parfums ont, en participant à une entente sur les prix, enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE.

Article 2 : II n'est pas établi que les sociétés Parfums Loris Azzaro, Diana de Silva, Douglas, ICI Cosmetics International France, Puig Prestige et beauté, Parfums Rochas et Sisley aient participé à une entente sur les prix et enfreint à ce titre les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du Traité CE.

Article 3 : La société Procter et Gamble France est mise hors de cause.

Article 4 : Il est sursis à statuer s'agissant des pratiques imputables à Clarins France.

Article 5 : II n'est pas établi que les pratiques relatives aux autres griefs notifiés aux sociétés mises en cause sur le fondement des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE soient contraires aux dispositions de ces articles.

Article 6 : Il n'est pas établi que la société Séphora ait enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 82 du traité CE.

Article 7 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

• à la société Beauté Prestige International (BPI) une sanction de 810 000 €,

• à la société Chanel une sanction de 3 000 000 €,

• à la société Parfums Christian Dior une sanction de 2 200 000 €,

• à la société Comptoir nouveau de la parfumerie une sanction de 410 000 €,

• à la société Elco une sanction de 1 600 000 €,

• à la société Parfums Givenchy une sanction de 550 000 €,

• à la société Guerlain une sanction de 1 700 000 €,

• à la société Kenzo Parfums une sanction de 600 000 €,

• à la société L'Oréal Produits de luxe France une sanction de 4 100 000 €,

• à la société Marionnaud une sanction de 12 800 000 €,

• à la société Nocibé une sanction de 5 400 000 €,

• à la société Pacific Création Parfums une sanction de 90 000 €,

• à la société Séphora une sanction de 9 400 000 €,

• à la société Shiseido France une sanction de 340 000 €,

• à la société Thierry Mugler Parfums une sanction de 640 000 €,

• à la société Yves Saint Laurent Parfums une sanction de 1 800 000 €,

Article 8 : Les sociétés mentionnées à l'article premier feront publier le texte figurant au paragraphe 801 de la présente décision et reprenant l'article 7 ci-dessus, en en respectant la mise en forme, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires, dans "Le Figaro". Cette publication interviendra sur une page entière du quotidien dans un encadré, en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égal à 5 mm, sous le titre en caractères gras de même taille : "Décision n° 06-D-04 du 13 mars 2006 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe". Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la Cour d'appel de Paris si de tels recours sont exercés. Les sociétés adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence, copie de cette publication, dès sa parution et au plus tard le 15 mai 2006."

Sur les recours formés par les sociétés Yves Saint Laurent Parfums, Elco SNC et Beauté Prestige International les 4 mai 2006 ainsi que les sociétés Marionnaud Parfumeries, Kenzo Parfums SA, Parfums Christian Dior SA, Guerlain SA, Parfums Givenchy SA, l'Oréal Produits de Luxe France SNC, Thierry Mugler Parfums SAS, Sephora SA et Chanel SAS le 5 mai 2006 et enfin les sociétés Shiseido France SA le 9 mai 2006, Comptoir Nouveau de la Parfumerie SA, Nocibé France SAS et Pacific Création SAS le 10 mai 2006, la Cour d'appel de Paris 1re Chambre Section H a, selon arrêt du 26 juin 2007 (RG n° 2006-07821), rectifié par arrêt du 27 juillet 2007 :

- annulé la Décision n° 06-D-04 bis du Conseil de la concurrence en ce qu'elle concerne le marché des cosmétiques de luxe,

- sur le recours de la société Pacific Création, annulé la Décision en ses dispositions relatives à cette société,

- sur les recours des sociétés Beauté Prestige International, Chanel, Parfums Christian Dior, Comptoir Nouveau de la Parfumerie (Hermès), Elco, Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de Luxe France, Marionnaud Parfumeries, Nocibé France, Séphora, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums et Yves Saint-Laurent Parfums,

- rejeté les moyens tirés d'une insuffisante prise en compte des spécificités du marché des parfums de luxe, de l'absence d'effet anticoncurrentiel réel, de l'excessive longueur de la procédure ayant conduit à calculer les sanctions sur des chiffres d'affaires plus élevés,

- mais réformé la Décision en son article 7 concernant les sanctions pécuniaires infligées aux sociétés requérantes au motif que le Conseil n'avait pas suffisamment individualisé ce montant, c'est-à-dire tenu compte de la durée effective et de l'intensité des pratiques imputables à chacune d'entre elles ; que de même, le dommage à l'économie n'avait pas fait l'objet d'une analyse suffisamment individualisée par le Conseil, qu'enfin, le Conseil, s'il a pris en compte la situation individuelle de chaque société, n'a pas développé suffisamment l'appréciation de ce critère, et statuant à nouveau, réduit le montant des sanctions infligées à :

- 455 625 euros pour la société BPI,

- 2 250 000 euros pour la société Chanel,

- 1 980 000 euros pour la société Christian Dior,

- 205 000 euros pour la société Hermès,

- 800 000 euros pour la société Elco,

- 116 875 euros pour la société Givenchy,

- 1 530 000 euros pour la société Guerlain

- 210 000 euros pour la société Kenzo,

- 2 091 000 euros pour la société L'Oréal,

- 9 600 000 euros pour la société Marionnaud,

- 405 000 euros pour la société Nocibé,

- 7 755 000 euros pour la société Séphora,

- 187 000 euros pour la société Shiseido,

- 272 000 euros pour la société Thierry Mugler,

- 1 215 000 euros pour la société YSL,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil pour les sommes versées donnant lieu à restitution,

- rejeté les autres demandes,

- laissé à chacune des parties les dépens par elle exposés, à l'exception de la société Pacific Création, dont les dépens seront supportés par le Trésor Public.

Sur les pourvois successivement formés par la ministre et les sociétés Sephora, Shiseido, Kenzo Parfums, Parfums Givenchy, Guerlain, Parfums Christian Dior, Chanel, J.P Gaultier / I.Misayake / BPI, YSL Parfums, Estée Lauder, Clinique, Hermès, Marionnaud Parfumerie ainsi que sur le pourvoi incident formé par la société L'Oréal Produits de luxe France, la Cour de cassation (Chambre commerciale, économique et financière) a, selon arrêt n° 899 du 10 juillet 2008, statuant tant sur ces pourvois principaux que sur le pourvoi incident, donné acte au ministre de l'Economie de son désistement partiel à l'égard de la société Pacific Création Parfums, dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause les sociétés Marionnaud, Nocibé et Comptoir Nouveau de la Parfumerie puis a cassé et annulé en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives à la prescription et aux principes d'impartialité et du contradictoire, l'arrêt précité avant de renvoyer la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.

Le motif de cassation était énoncé comme suit : "Attendu que pour accueillir la demande des parties qui soutenaient que le Conseil s'étant saisi d'office de la situation de la concurrence dans le secteur de la parfumerie de luxe ne pouvait, sans nouvelle décision de saisine d'office, étendre ses investigations aux cosmétiques de luxe et par conséquent annuler, en ce qu'elle concerne les cosmétiques de luxe, la décision du Conseil, l'arrêt retient que les parfums et les cosmétiques ne constituent pas des produits substituables entre eux, et que le Conseil ne pouvait pas considérer le secteur des parfums et cosmétiques de luxe comme un seul marché au regard des pratiques dénoncées ;/Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à démontrer en quoi le Conseil, qui avait relevé que les pratiques d'ententes verticales sur les prix, mises en évidence par l'enquête qu'il avait ordonnée après s'être saisi d'office de la situation de la concurrence dans le secteur de la parfumerie de luxe, portaient sur une gamme de produits de luxe faisant l'objet de contrats de distribution sélective, et constaté que lesdits contrats visaient indistinctement les parfums de luxe et les cosmétiques de luxe et définissaient de manière globale les montants d'achat annuels devant être réalisés par chaque distributeur, avait méconnu l'étendue de sa saisine, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision."

Saisie sur renvoi après cassation par les entreprises sanctionnées, la Cour d'appel de Paris (pôle 5, Chambre 5-7) a, selon arrêt du 10 novembre 2009, annulé la décision du Conseil et l'instruction qui l'a précédée pour durée excessive de la procédure et violation subséquente des droits de la défense et évoquant, a rejeté les griefs articulés contre les sociétés requérantes mettant ainsi fin aux poursuites suivies contre elles. Sur le pourvoi formé par la ministre, la Cour de cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 23 novembre 2010, pourvoi n° F 09-72.031) a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt précité, remis en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la Cour d'appel de Paris autrement composée pour être fait droit.

Le moyen unique de cassation est le suivant :

Vu l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; /Attendu que pour dire que le délai de la phase d'instruction non contradictoire devant le Conseil avait dépassé les limites d'un délai raisonnable et pour annuler en conséquence la décision du Conseil ainsi que l'instruction qui l'a précédée, l'arrêt, après avoir qualifié d'excessive la procédure d'enquête et relevé que le délai très court de la deuxième phase de la procédure montrait que la complexité de l'affaire était très relative, retient un certain nombre d'éléments dont il conclut que les fabricants sont restés dans l'ignorance de la saisine et des actes d'enquête ;/Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir en quoi la durée de la première phase non contradictoire de la procédure du Conseil n'était pas raisonnable et ne pouvait être justifiée par la complexité de l'affaire et les diligences menées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;/ Vu l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;/Attendu que pour dire que l'atteinte irrémédiable, effective et concrète aux droits de la défense, par le dépassement d'un délai raisonnable entre la date des comportements reprochés et le jour où les entreprises ont su qu'elles auraient à en répondre, était démontrée et annuler en conséquence la décision du Conseil ainsi que l'instruction qui l'a précédée, l'arrêt relève que les fabricants sont restés dans l'ignorance de la saisine et des actes d'enquête et précise que les premières auditions formelles et offensives, qui auraient éventuellement alerté les entreprises sur les visées du Conseil, n'ont eu lieu qu'en janvier et février 2005 et ont été la seule occasion de communication démontrée des annexes du futur rapport ; que l'arrêt précise encore que pour combattre la preuve des éléments fondant la décision du Conseil, les parties en cause auraient dû apporter certains éléments qu'il énumère, et observe qu'elles se trouvaient en 2005, compte tenu du délai écoulé entre les pratiques supposées et la notification des griefs, dans l'impossibilité de les présenter ; que de l'ensemble de ces observations et constatations, l'arrêt conclut que devant l'accusation d'une entente verticale généralisée, reposant sur la communication ou la connaissance de prix conseillés ou indicatifs, sur acquiescement des distributeurs et sur une police des prix assurée par les fabricants à leur profit, les entreprises mises en cause auraient dû réunir, dès 1999, une masse d'informations que non seulement elles avaient légitimement égarées, mais dont elles ont jusqu'au dernier moment ignoré leur nature exacte ;/Attendu qu'en se déterminant ainsi, par une motivation générale, sans rechercher en quoi le délai écoulé durant la phase d'instruction devant le Conseil avait causé à chacune des entreprises, formulant un grief à cet égard, une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à son droit de se défendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

5. La procédure sur renvoi

Vu les déclarations de saisine sur renvoi après cassation, formées par les sociétés, Clarins Fragrance Group (18 janvier 2011), L'Oréal Produits de luxe France (13 janvier 2011), Comptoir Nouveau de la Parfumerie (13 janvier 2011), Sephora (24 décembre 2010), Nocibé France (13 décembre 2010), Shiseido Europe (3 mars 2011), Elco (3 mars 2011), Chanel (1 mars 2011), Beauté Prestige International (1 février 2011), Marionnaud Parfumerie (20 janvier 2011), LVMH Fragrance Brands (1 avril 2011), Parfums Christian Dior (1 avril 2011) et Guerlain (1 avril 2011) aux fins d'annulation et de réformation ou d'annulation à titre principal et subsidiairement de réformation.

Vu la décision du 15 mars 2011 ordonnant la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de rôle général 2010/23945, 2010/24866, 2011/00673, 2011/00695, 2011/00987, 2011/1210, 2011/1953, 2011/3348, 2011/3891, 2011/4134 et 2011/4163, disant que la procédure se poursuivra sous le numéro le plus ancien et arrêtant le calendrier de procédure.

SUR CE,

Vu le mémoire régulièrement déposé le 11 mai à l'appui du recours, soutenu par le mémoire en réplique régulièrement déposé le 25 juillet 2011 par la société par actions simplifiée Clarins Fragrance Group - ci-après société CFG.

Vu le mémoire régulièrement déposé le 12 mai 2011 par la société par actions simplifiée Nocibé France.

Vu le mémoire déposé le 12 mai 2011 soutenu par le mémoire récapitulatif régulièrement déposé au greffe le 15 juillet suivant, par la société par actions simplifiée Shiseido Europe venant aux droits de la société Shiseido France.

Vu par ordre alphabétique les mémoires régulièrement déposés les 12 mai 2011 et soutenus par ceux déposés le 26 juillet suivant, par :

- la société anonyme Beauté Prestige International, ci-après BPI,

- la société par actions simplifiée Chanel,

Vu par ordre alphabétique les mémoires régulièrement déposées les 12 mai 2011 et soutenus par ceux déposés le 27 juillet suivant par :

- la société anonyme Comptoir nouveau de la Parfumerie-Hermès Parfums,

- la société en nom collectif Elco,

- la société anonyme Guerlain,

- la société LVMH Fragrance Brands, anciennement dénommée SA Parfums Givenchy agissant pour elle-même et venant aux droits de la société Kenzo Parfums,

- la société anonyme Marionnaud Parfumeries,

- la société en nom collectif L'Oréal Produits de luxe France,

- la société anonyme Parfums Christian Dior;

- la société anonyme Sephora,

- la société par actions simplifiée YSL Beauté.

Vu les observations écrites du ministre déposées le 21 juin 2011 et celles de l'Autorité déposées le 23 juin suivant.

Vu les conclusions écrites du Ministère public mises à la disposition des parties avant les plaidoiries.

Vu l'ensemble des pièces et documents du dossier.

Après avoir entendu à l'audience publique du 8 septembre 2011, en leurs observations orales, les conseils des parties, le représentant de l'Autorité de la concurrence ainsi que le Ministère public, chaque partie ayant eu la possibilité de répliquer.

1. Sur les moyens d'illégalité externe

1.1. En ce qui concerne la régularité de la saisine d'office

1.1.1. Quant à la saisine ratione materiae

Considérant que plusieurs sociétés requérantes dont les sociétés Shiseido Europe, L'Oréal Produits de luxe France, Elco et Chanel observent que le Conseil a outrepassé le champ de sa saisine d'office du 21 octobre 1998 en s'estimant, ab initio, saisi ratione materiae de pratiques mises en œuvre sur le marché des cosmétiques de luxe, conjointement à celles pratiquées sur celui des parfums de luxe ;

Qu'elles précisent que la décision d'auto-saisine visait en effet uniquement le secteur des parfums de luxe et non, comme l'ont estimé le Conseil, la cour d'appel puis la Cour de Cassation, celui de " la parfumerie de luxe " qui inclut non seulement les parfums mais également les cosmétiques de luxe.

Qu'elles remarquent que les contrats des différentes marques et gammes de produits ne visent pas toujours indistinctement les parfums et les cosmétiques de luxe et ne définissent pas systématiquement de manière globale le montant des achats minimum devant être réalisés par les distributeurs ; que les faits en cause découlent de pratiques mises en œuvre au-delà des stipulations contractuelles relatives à la distribution des produits concernés, les griefs fondés sur ces stipulations ayant été, selon leurs dires, précisément écartés par le Conseil aux points 749 et 763 de la Décision ;

Qu'elles ajoutent que par leur nature, leurs caractéristiques, leur finalité et leur présentation, le maquillage, les soins et les parfums sont des produits différents et non substituables du point de vue de la demande et de l'offre ; que d'ailleurs, la recherche et le développement de chacune de ces catégories de produits impliquent de recourir à des techniques totalement différentes ;

Qu'elles expliquent encore, que le principe de la saisine in rem ne peut trouver application en présence de produits différents relevant de marchés distincts et à tout le moins, dans le cadre d'une saisine d'office ; que toute décision d'auto-saisine du Conseil initie nécessairement la procédure pour en circonscrire les limites, sauf à contrevenir aux principes les plus élémentaires de sécurité juridique et de respect des droits de la défense antérieurement à la phase d'instruction soumis au principe de la contradiction ; que l'interprétation stricte de la saisine répond à un principe d'inspiration pénale et que partant, l'extension irrégulière de son champ matériel ne peut qu'avoir vicié en profondeur la procédure d'instruction ; que l'indication erronée de l'objet de l'enquête doit être assimilée à un défaut pur et simple d'indication et par conséquent, à un manquement au principe de loyauté affectant l'ensemble des mesures d'enquête diligentées par les agents de la DGCCRF et les rapporteurs du Conseil ;

Considérant cependant que quel que soit son mode de saisine, le Conseil devenu Autorité est toujours saisi in rem de l'ensemble des faits et pratiques affectant le fonctionnement d'un marché et peut, sans avoir à se saisir d'office, retenir les pratiques révélées par les investigations auxquelles il a procédé qui, quoique non expressément visées dans sa saisine, ont le même objet ou le même effet ;

Qu'en l'espèce, le Conseil s'est d'emblée estimé saisi des pratiques affectant le secteur des parfums et des cosmétiques de luxe ;

Que l'analyse attentive et objective des documents en cause et leur chronologie laissent en effet apparaître que la saisine d'office décidée le 21 octobre 1998 a succédé à un retrait de plainte du ministre classée sans suite concernant " le secteur des parfums et des cosmétiques de luxe " et a donné lieu à une demande d'enquête signée le 30 décembre 1998 par la présidente du Conseil visant " la situation de la concurrence dans le secteur de la parfumerie de luxe " ; que cette demande d'enquête a été réitérée le 30 mars 1999 dans les mêmes termes, la note d'orientation y annexée précisant notamment que l'enquête devait " s'attacher à : - relever, chez les distributeurs, les prix de plusieurs produits de parfumerie alcoolique et de cosmétiques préalablement déterminés, en intégrant à l'échantillon, des produits objets de forte vente ainsi que ceux dernièrement mis sur le marché... " (surlignement ajouté);

Que dans le langage courant, le terme de " parfumerie " désigne le distributeur de parfums et de cosmétiques à telle enseigne que l'INSEE réserve au marché des parfums et des cosmétiques un code commun sous la dénomination de " commerce de détail de parfumerie et de produits de beauté " ; que toutes les désignations des rapporteurs font référence à ce secteur de la " parfumerie " ;

Considérant encore qu'après le retrait de la plainte de la ministre visant le secteur des parfums et des cosmétiques de luxe, le Conseil a estimé souhaitable du point de vue de l'ordre public économique, de faire procéder à un examen approfondi de la concurrence dans " le secteur des parfums de luxe ", l'emploi du terme secteur faisant, en matière économique, nécessairement référence à une famille de produits ;

Qu'il s'infère de l'ensemble de ces constatations que le Conseil s'est ab initio saisi d'office de l'examen de la concurrence dans le secteur des parfums et des cosmétiques de luxe ; qu'il n'y a ainsi pas a priori lieu d'écarter des débats le relevé de prix visé par la société Shiseido Europe au motif qu'il concernerait précisément un marché non visé dans l'acte de saisine ;

Considérant qu'il sera enfin rappelé qu'en se saisissant d'office, le Conseil a simplement décidé d'engager une procédure dans l'intérêt général sans aucun préjugé, cette décision ayant eu pour simple effet d'ouvrir une phase d'examen d'opportunité des poursuites et ne valant donc pas acte d'accusation au sens répressif du terme ;

Que le lien d'instance a été établi à partir de la notification de griefs qui seule, a fixé le cadre du débat contradictoire et ouvert la phase de l'instruction ;

Considérant que sur ces constatations et pour ces raisons, ce premier moyen d'illégalité sera écarté ;

1.1.2. Quant à la saisine ratione temporis

Considérant que les sociétés requérantes et plus particulièrement les sociétés Guerlain, LVMH Fragrance Brands, Parfums Christian Dior et Chanel soutiennent que le Conseil a outrepassé les termes de sa saisine ratione temporis en étendant ses investigations à des faits postérieurs à celle-ci sans décision formelle d'extension et ce, au mépris de l'interprétation stricte applicable à toute matière répressive et des principes institués par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; qu'elles contestent le fait que les pratiques qui leur sont opposées puissent être qualifiées de pratiques continues d'autant que selon leurs dires, ces pratiques, à les supposer avérées, se sont produites en marge des contrats de distribution sélective liant ces opérateurs économiques ; qu'elles ajoutent qu'à supposer même qu'il s'agisse de pratiques continues, cette notion ne pouvait exclure l'exigence d'une décision formelle d'extension du champ temporel de la saisine d'office pour répondre aux critères de la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation et de la Cour européenne des Droits de l'Homme, sauf à porter atteinte à la présomption d'innocence et aux règles du procès équitable ; qu'elles expliquent que le Conseil a au cas présent, réuni des éléments dispersés dans le temps et non probants à eux seuls pour établir non pas la continuité de l'infraction mais l'infraction elle-même ; qu'elles en concluent que artificielle, cette extension temporelle, ne vise qu'à pallier un déficit de preuve pour partie de la période appréhendée ;

Considérant cependant qu'est qualifiée de pratique continue au sens du droit de la concurrence, toute pratique dont l'état répréhensible se prolonge dans le temps par la réitération constante ou la persistance de la volonté de l'auteur après l'acte initial ;

Que le Conseil devenu Autorité était au cas présent, saisi in rem de l'ensemble des faits et pratiques affectant le fonctionnement du marché des parfums et cosmétiques de luxe ; qu'il pouvait parfaitement se référer à des agissements postérieurs à la date de l'acte de saisine en démontrant la persistance de pratiques caractérisant la volonté anticoncurrentielle des opérateurs économiques concernés et partant, la réalité de faits rapprochés dans le temps permettant d'admettre raisonnablement que l'infraction a persisté sans interruption, entre deux dates précises ;

Qu'il ressort à suffisance - ainsi que démontré infra - de ses constatations et investigations que chaque entreprise entendue avait conscience de participer à une orientation globale, à telle enseigne que la police de prix constatée dans chaque entente retenue impliquait chaque fournisseur et ses distributeurs et que l'entente sanctionnée est une entente généralisée ; que la similitude de stratégie tarifaire des fournisseurs était prise en compte par les distributeurs au point que nombre de ceux-ci, lors de leurs auditions respectives, n'ont pas hésité à citer les comportements et exigences similaires des " grandes marques" ; qu'il s'en infère que les indices qualifiés de généraux par le Conseil (cf. points 468 à 518) et les coïncidences relevées par lui ont pu à suffisance de droit, être appréciés sur la durée totale affectée par les pratiques (1997 à 1999) et non, uniquement par année calendaire ; qu'il a ainsi été loisible au Conseil d'établir globalement une pratique prohibée d'entente généralisée sur les prix pour cette dernière période ; que l'Autorité (ci-avant le Conseil) clarifie en effet dans ses dernières observations le fait que l'année 2000 ne saurait faire partie de la période d'infraction finalement retenue ;

Considérant que sur ces constatations et pour ces raisons, le deuxième moyen d'illégalité sera écarté ;

1.2. En ce qui concerne la durée excessive de la procédure

1.2.1. Quant à l'appréciation de la durée de la procédure

Considérant que les parties requérantes mettent en cause la lenteur de l'instruction qualifiée d'excessive, notamment dans la partie administrative ayant précédé la notification de griefs ; qu'elles soutiennent que cette situation a nécessairement obéré leurs capacités de défense et porté une atteinte concrète et effective à l'un de leurs droits fondamentaux ;

Considérant que le respect des droits de la défense revêt une importance capitale dans les procédures suivies devant les autorités de concurrence ; qu'il importe de veiller à ce que ces droits ne puissent être irrémédiablement compromis, notamment en raison d'une durée excessive de la phase d'enquête, et à empêcher que cette durée puisse faire obstacle à l'établissement de preuves visant à réfuter l'existence de comportements pouvant engager la responsabilité des entreprises concernées ; que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie selon les circonstances de la cause, en considération de la complexité et de l'ampleur de l'affaire comme du comportement des autorités compétentes ;

Qu'en l'espèce, 77 mois soit près de 6 ans et demi, se sont écoulés entre la décision de saisine d'office du Conseil et la notification de griefs, principalement établie sur la base du rapport administratif d'enquête déposé le 24 août 2000, aucun acte d'instruction supplémentaire au sens propre du terme n'ayant, à l'exception d'auditions conduites en 2005, été réalisé par la rapporteure finalement désignée pour clore l'instruction du dossier ;

Considérant que ce délai apparaît de prime abord important, notamment au regard du délai de traitement des décisions contemporaines à l'acte de saisine à l'exception de l'affaire dite des " appareils de chauffage " (décision n° 06-D-03 du 9 mars 2006) où la notification de griefs est intervenue 6 ans et 5 mois après la saisine ; qu'il est clair que cette dernière affaire dans laquelle 16 griefs ont été notifiés à 137 entreprises et où près de 80 entreprises ou organisations professionnelles ont été sanctionnées, présentait un degré de complexité d'emblée plus élevé dès lors que l'entente verticale sur les prix se doublait d'une problématique d'entente horizontale entre concurrents et que les pièces du dossier représentaient quelques 37 000 pages ; que dans son communiqué de presse d'alors, le Conseil a pu aisément qualifier ce dernier dossier comme étant de " taille exceptionnelle" ;

Considérant qu'au cas présent, la seule circonstance que la dernière rapporteure désignée ait rédigé la notification de griefs en moins de 6 mois ne peut en elle-même, caractériser une carence des services d'instruction du Conseil, la mise en œuvre de premières recherches de qualification menées antérieurement à cette désignation, à charge et à décharge, au sein des services d'instruction, ne pouvant être exclue ; que le fait que les rapporteurs successifs n'aient par ailleurs procédé à aucun acte d'instruction complémentaire aux investigations menées par les services de la DGCCRF, ne saurait être davantage significatif puisqu'aucun texte ne fait obligation au rapporteur d'effectuer un acte d'instruction s'il estime que cela ne présente aucune utilité ; que l'office du rapporteur est d'instruire à charge et à décharge et s'il conclut à l'existence de présomptions suffisantes de pratiques anticoncurrentielles, d'établir un document de synthèse assimilable, au sens de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, à un acte d'accusation dénommé notification de griefs ;

Considérant que nonobstant les exigences de rapidité de la vie des affaires, l'application des règles de fond du droit de la concurrence exige toujours une lourde mise en œuvre de normes de la légalité économique largement indéterminées, nécessitant pour leur application technique l'élaboration de critères précis passant par une appréciation des effets économiques des pratiques contestées et requérant une analyse économique en profondeur des marchés concernés ;

Considérant que chaque marché est soumis à des conditions particulières justifiant une approche différente ; qu'en l'espèce, le travail de qualification juridique à partir des données factuelles éparses révélées par le rapport d'enquête administrative et ses annexes s'est avéré manifestement difficile compte tenu du nombre d'opérateurs économiques agissant sur le marché très spécifique des produits de luxe et de la nature des pratiques visées mais compte tenu aussi, et ce de façon certaine, de l'enjeu du dossier qui concerne l'un des secteurs les plus importants de la vie économique du pays ainsi que le souligne le point 2 de la Décision ; que cette analyse concernait un ensemble de pratiques plurales analysées comme autant d'ententes verticales conjointement initiées par la moitié des 30 principales marques de parfums et de cosmétiques de luxe françaises ; qu'elle impliquait trois des principales chaînes de distribution sélective du pays ; que le rapport d'enquête comprenait avec les annexes plus de 13 000 pages et visait outre 54 distributeurs, d'autres fabricants que ceux finalement condamnés ; que la notification de griefs n'a finalement été adressée qu'à 25 sociétés et la Décision en a sanctionné 16 (13 fournisseurs et 3 distributeurs) ;

Considérant que sur ces constatations et pour ces raisons, non seulement le principe d'égalité des armes entre les entreprises finalement sanctionnées et les services d'instruction du Conseil a été respecté mais la durée de l'instruction, 4 ans entre le dépôt du rapport administratif et la notification de griefs, est objectivement justifiée ; que le Conseil fait en effet état d'éléments crédibles et vérifiables tenant notamment à l'appréciation économique des pratiques en cause, qui permettent de considérer que la durée nécessaire à la préparation de la notification de griefs est imputable à d'autres facteurs qu'une inaction fautive et prolongée de ses services d'instruction ;

Que la Charte de coopération entre le Conseil et la DGCCRF, invoquée par les parties requérantes à l'appui de leurs réclamations, conclue le 28 janvier 2005 pour remplir l'objectif de célérité nécessaire dans le traitement des affaires soumises à celui-là, ne saurait enfin être retenue, son application, largement postérieure à la date susvisée de la saisine d'office, ne pouvant au cas présent, autoriser une appréciation catégorique du comportement des services d'instruction ;

1.2.2. Quant à la possibilité pour les parties de se défendre

Considérant que la preuve d'une violation concrète, effective et irrémédiable des droits de la défense incombe à chaque société mise en cause, tous modes de preuve étant admis ; qu'il suffit à chaque partie se prévalant d'une telle violation, de prouver une simple possibilité que la déperdition d'une preuve bien définie a pu influencer le contenu de la décision, pour caractériser un chef d'annulation de la Décision ;

Considérant encore que la réalité d'une telle violation s'apprécie nécessairement à l'aune du devoir général de prudence incombant à chaque opérateur économique qui se doit de veiller à la bonne conservation de ses livres et archives comme de tous éléments permettant de retracer la licéité de ses pratiques en cas d'actions judiciaire ou administrative ;

Qu'en l'espèce, chaque entreprise mise en cause devait se prémunir de toute accusation d'infraction au principe de prohibition de prix de vente imposés au distributeur, généralement qualifiée de restriction de la concurrence par objet ; que cette précaution s'imposait d'autant plus que le rapport d'enquête administrative établit que les agents des services de la DGCCRF ont, par procès-verbaux, recueilli les déclarations des distributeurs entre juin et octobre 1999 et celles des fournisseurs entre octobre 1999 et janvier 2000, ces procès-verbaux portant tous une mention dactylographiée ou pré-imprimée précisant que les enquêteurs se sont présentés comme " habilités à mener les enquêtes dans les conditions prévues par l'article 47 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1 décembre 1986, par l'article 45 de l'ordonnance précitée et les arrêtés du 22 janvier 1993 et 11 mars 1993 modifiés " ;

Que la simple connaissance de ce qu'une enquête administrative avait été conduite en application des textes précités, nonobstant le fait que ces actes ne mentionnaient pas spécifiquement que cette enquête était menée sous l'égide du Conseil de la concurrence, devait conduire les entreprises concernées qui se savaient nécessairement soumises à un risque de poursuites à conserver, non seulement les documents comptables et les pièces justificatives prévues par l'article L. 123-22 du Code de commerce, mais également tous éléments de preuve de la légalité de leurs pratiques commerciales au sein du réseau de distribution sélective dont s'agit jusqu'à l'expiration du délai de prescription ou le prononcé d'une éventuelle décision de non-lieu, généralement publiée à l'époque des faits au Bulletin officiel de la consommation de la concurrence et de la répression des fraudes - BOCCRF ; qu'il leur appartenait notamment de pouvoir justifier du respect de l'entière liberté tarifaire de leurs distributeurs, l'expérience ayant démontré que la concurrence par les prix ne pouvait jamais être éliminée et que tout raidissement de la structure des prix devait être banni de toute pratique commerciale ;

Considérant qu'il importe au regard de ces principes, de vérifier la situation de chaque société mise en cause ;

Qu'aucune d'entre elles ne sera déclarée fondée dans son moyen d'annulation pour les raisons précises et concrètes ci-après développées, d'autant que la mise en œuvre correcte du principe de loyauté suivie par l'Administration ayant recueilli nombre d'éléments de preuve cités à charge n'est nullement remise en cause et qu'aucune entreprise n'allègue que les personnes physiques dont les propos ont été recueillis ont agi en dehors du cadre des fonctions qu'elles occupaient dans l'entreprise ou contre l'intérêt de l'entreprise à laquelle ils appartenaient ; que les relevés de prix dont s'est servi le Conseil pour qualifier les pratiques soumises à son appréciation n'apparaissent pas être, pour les raisons ci-après développées (paragraphes 2.1.5 et 1.3.4 de cet arrêt), des éléments de preuve en eux-mêmes décisifs ; que finalement, aucune des parties n'établit que si elle avait produit les preuves qu'elle soutient ne pas avoir été en mesure de produire, le contenu de la Décision en aurait été modifié ;

1.2.2.1. Les fournisseurs

- La société BPI

Considérant que cette société explique que les déclarations retenues à charge par le Conseil, à titre d'indice spécifique ou général, se rapportent toutes à la relation commerciale qu'elle entretient usuellement avec ses distributeurs et notamment, aux négociations commerciales nouées avec ces derniers et aux visites régulières de leurs points de vente ; que les éléments de preuve qu'elle aurait été susceptible de produire à décharge, auraient nécessairement pris la forme de correspondances, de notes internes, de relevés de visites ou encore de témoignages de membres du personnel, tous éléments ne faisant pas partie de ceux qu'une société commerciale est dans l'obligation de conserver pendant 10 ans en application des dispositions de l'article L. 123-22 du Code de commerce; que cet article concerne les seuls documents comptables et pièces justificatives de comptabilité ; que par ailleurs, le seul délai de prescription à prendre en considération est celui qui était en vigueur pendant le cours de la procédure d'enquête soit 3 ans, ce qui explique qu'elle ait pu considérer que l'enquête avait été clôturée et qu'elle n'avait pas à conserver les éléments de preuve à décharge ; que quoi qu'il en soit, les documents utiles se rapportant à la période concernée par l'incrimination et ne relevant pas de cette obligation légale de conservation ont été détruits lors du déménagement de sa Direction France du 16 septembre 2002 car, contrairement aux méthodes actuelles de classement électronique, l'archivage de ce type de documents n'existait quasiment pas à l'époque des faits incriminés ;

Qu'elle ajoute, que 12 distributeurs sur les 19 dont les déclarations ont été retenues à charge avaient disparu à la date de la notification de griefs (Parfumerie Broglio à Annecy et Bordeaux, Parfumerie Sephora à Boigny sur Yonne, Parfumerie Douglas au Havre, Parfumerie Colombine à Charleville-Mézières, Parfumerie VO à Orléans, Parfumerie La Rose des Vents à Lyon, Parfumerie Rayon d'Or, Parfumerie Ylang à Nice, Parfumerie Process Blue à Abbeville, Parfumerie O'Dylia, Parfumerie Freddy, Parfumerie Poulie) ; que leurs comptes avaient été fermés et l'audition de leurs dirigeants alors devenue impossible ; que plusieurs membres de son personnel chargés des relations avec ces distributeurs (M. Franck Robinet représentant sur les secteurs de Paris, Rouen et Abbeville, Eric Andrillon, directeur régional des ventes, Emmanuel Blanpain, représentant sur le secteur de la parfumerie Ophélie les Terianes, Thierry Masseron, directeur commercial France, Mme Béatrice Guimart son assistante, Thierry Mangin et Mme Hélène Le Priellec) avaient également quitté la société (entre janvier 1999 et novembre 2003) de sorte que les dossiers commerciaux qu'ils avaient traités et qui auraient pu permettre d'éclairer et de contredire les déclarations et pièces à charge avaient disparu ;

Considérant cependant que ces causes de déperdition des preuves n'apparaissent pas être en lien avec la durée longue de la procédure d'instruction mais relever plus exactement d'un manquement de l'entreprise au devoir de prudence pesant sur elle quant à l'une de ses obligations essentielles, le respect de la liberté tarifaire de ses distributeurs ; qu'un nombre significatif de distributeurs dont les déclarations ont été prises en compte par le Conseil était par ailleurs toujours en activité à la date de la notification de griefs ; qu'au demeurant, cette société ne justifie d'aucune circonstance concrète et précise ayant, à cette même date, rendu impossible l'audition des personnes ayant quitté son entreprise ;

Considérant que la société BPI souligne in fine que la durée longue de la procédure d'instruction l'a mise dans l'impossibilité de contester les relevés de prix pratiqués au cours de l'été 1999 par les services de la DGCCRF ; qu'elle déclare avoir dû limiter sa critique à la méthode dont l'Administration avait usé pour procéder à ces relevés, et se trouver aujourd'hui, dans l'impossibilité de produire d'autres relevés de prix de la même époque pour contredire ceux établis dans le cadre de la phase non contradictoire de la procédure concernant le taux de remise prétendument conseillé et l'alignement des prix pratiqués par les distributeurs ;

Considérant cependant que ce dernier argument nullement étayé de circonstances précises laissant penser que la société requérante a disposé de tels relevés pour les années considérées, est en soi insuffisant pour établir une violation irrémédiable et concrète des droits de la défense de cette société ; qu'à supposer par ailleurs que celle-ci ait pu produire ces relevés postérieurement à la notification de griefs, il n'est nullement établi que ces éléments auraient pu influencer le sens de la Décision pour ce qui concerne la qualification des pratiques sanctionnées en raison de la valeur probante très relative que la cour accorde pour les raisons ci-après développées aux relevés de prix de l'Administration (cf. paragraphes 2.1.5 et 1.3.4 de cet arrêt) à l'occasion de son appréciation de la légalité interne de la Décision ;

- La société Chanel

Considérant que cette société se prévaut de causes internes de déperdition de preuves tenant notamment à la politique d'archivage de ses données commerciales et aux nombreux changements qui, à la date de la notification de griefs, étaient intervenus dans ses effectifs ;

Considérant cependant qu'elle n'établit et n'allègue aucune circonstance ayant alors rendu impossible le témoignage de personnes clefs qui avaient quitté l'entreprise à savoir, M. Amaury Hébert de Beauvoir (juriste d'entreprise du 1er janvier 1990 au 8 juin 2001) qui s'était vu dès l'origine confier la gestion et le suivi du dossier d'enquête ou encore M. Jean Aubéry (directeur des ventes régionales pour la région Centre) qui en raison de sa bonne connaissance des rapports commerciaux entretenus avec les revendeurs, aurait selon ses dires pu donner un éclairage utile sur certains éléments retenus à charge ;

Qu'elle affirme encore sans en justifier sérieusement, qu'elle aurait été en mesure en 2001 ou 2002 mais non en 2005, de répondre par des documents appropriés tels des documents publicitaires ou de lancement commercial ou encore les notes comprenant les appréciations faites sur ses différents points de vente, aux arguments à charge du Conseil ; qu'elle n'établit pas, ne serait-ce que par des témoignages de son personnel, la réalité de circonstances précises en ce sens ; Considérant en outre que, la destruction systématique des ordinateurs fixes et portables de tout membre du personnel quittant l'entreprise sauf signalement particulier de son supérieur hiérarchique, la décision prise en 2004 de modifier le système "hardware" qui a entraîné la disparition des données de messageries électroniques archivées entre 1997 et 2000 et enfin, le déménagement en mai 2004 du siège social de l'entreprise dans des locaux d'une superficie moindre ayant concerné 740 personnes appartenant notamment aux directions, financière, juridique et commerciale et ayant été précédé d'une politique préalable d'archivage massif systématique et de destruction de documents, sont sans lien avec la durée de l'instruction ; que la perte d'éléments probatoires résultant de ces événements procèdent par conséquent du seul manquement de la société Chanel au devoir général de prudence auquel elle était tenue ;

Considérant que la société Chanel observe encore que plusieurs détaillants, auteurs de déclarations incriminantes (la Parfumerie des Yvelines à Versailles qui a fait connaître sa cessation d'activité en septembre 2005, la Parfumerie Ylang à Nice radiée le 19 décembre 2001), avaient disparu à la date de la notification de griefs ou ont disparu peu après celle-ci, certains (la Parfumerie O'Dylia rachetée par Marionnaud en 2002 et la société Broglio qui a intégré le réseau de Nocibé en 2001) ayant été rachetés par l'une des enseignes de la grande distribution spécialisée, condamnée dans la présente affaire au même titre que les fabricants ;

Que cependant, cette circonstance ne saurait suffire à fonder l'illégalité de la décision du Conseil prise à l'encontre de cette société, celle-ci ne justifiant pas de circonstances précises immédiatement postérieures à la notification des griefs, ayant pu empêcher le témoignage des cadres de son entreprise ou des distributeurs ayant fait l'objet d'un rachat ;

Considérant que la société Chanel n'explicite pas davantage la raison concrète pour laquelle elle n'a pu, lors de la délivrance de la notification de griefs, être en mesure de contredire les relevés de prix réalisés par les services de la DGCCRF ; qu'elle se contente d'affirmer que la production de ces éléments, 6 ans après les faits incriminés, n'est pas de nature à garantir l'effectivité des droits de la défense ;

Considérant que cette argumentation ne peut suffire à convaincre la cour de l'illégalité de la Décision d'autant que lors de son audition par les services de la DGCCRF le 6 janvier 2000, la directrice de la société Chanel pour la France a précisé " nous faisons appel trois fois par an et notamment lors de nos lancements à une société extérieure pour faire procéder à des relevés de prix. " (cf. p.5 de ce procès-verbal) ; qu'il peut en être raisonnablement déduit que la société Chanel disposait de tous éléments nécessaires à sa défense lorsqu'elle a reçu la notification de griefs et que s'ils avaient été probants, elle s'en serait prévalue devant le Conseil ;

- La société Clarins Fragrance Group

Considérant que cette société explique que les faits finalement retenus à griefs contre elle, dataient de 6 voire de 10 ans lorsqu'elle a su qu'elle devrait y répondre ; qu'elle souligne que le délai de deux mois imparti en suite de la délivrance de la notification de griefs était beaucoup trop bref pour lui permettre de rassembler à suffisance des éléments de preuve à décharge sous forme de relevés de prix établis dans le cadre d'une contre-enquête ; qu'elle précise qu'au demeurant, les détaillants entendus par les services de la DGCCRF et dont les déclarations ont fondé la décision du Conseil (Parfumerie Ylang à Nice, Parfumerie VO à Orléans et Chaîne O'Dylia) avaient disparu lors de la délivrance de la notification de griefs ;

Considérant cependant, qu'il ressort du dossier que M. Christian Laurent, directeur général France de cette société, a été entendu le 16 décembre 1999 par les inspecteurs de l'Administration sur les conditions de concurrence existant dans le secteur dont s'agit ; que la société Clarins Fragrance Group ne justifie pas de circonstances concrètes et précises rendant impossible l'audition des membres de son personnel susceptible de donner un éclairage différent aux conclusions tirées par le Conseil des éléments à charge recueillis au cours des investigations administratives ; que l'ineffectivité des droits de la défense de cette société, nullement établie, relève dans ces conditions, du seul manquement de la société à son devoir général de prudence dans la conservation d'éléments de preuve justifiant la licéité de ses pratiques ; qu'au demeurant, à supposer qu'elle ait pu produire les relevés de prix dont elle se prévaut, rien ne permet de soutenir que ces éléments pouvaient influencer le contenu de la Décision compte tenu de la valeur probatoire relative pouvant être réservée dans le cadre de cette affaire à ces documents, ainsi qu'il sera vu ultérieurement (cf. paragraphes 2.1.5 et 1.3.4. de cet arrêt) ;

- La société Comptoir Nouveau de la Parfumerie - Hermès Parfums

Considérant que cette société déclare n'avoir pu, avant de recevoir la notification de griefs, soupçonner en quoi que ce soit la réalité et la nature des infractions qui lui sont reprochées principalement fondées sur des relevés de prix réalisés auprès de quelques distributeurs au cours de l'été 1999 ainsi que sur des traces supposées d'évocation des prix entre fournisseurs et distributeurs, des comptes rendus de propos tenus par des représentants des distributeurs et encore la reconstitution artificielle d'un prix public imposé en application d'un coefficient multiplicateur de 1,97 au prix de vente ; qu'elle explique ne pas avoir pu pour cette raison se pré-constituer la preuve du respect de la politique tarifaire des distributeurs et notamment, n'avoir pu obtenir auprès des responsables commerciaux et des distributeurs entendus au cours de la phase non contradictoire de l'Administration, aucune précision sur la nature et la teneur de leurs relations qui la plupart du temps, restaient strictement orales ; qu'elle ajoute, ne pas avoir pu consulter le directeur commercial qui était en place à l'époque des faits pour connaître la politique commerciale alors appliquée et enfin, ne pas avoir pu entendre les auteurs de notes internes qui lui sont opposées pour en comprendre le contexte et la parfaite signification ;

Qu'elle relève que le Conseil n'a pas tenu compte des éléments de preuve épars qu'elle a pu rassembler sur les prix pratiqués par ses distributeurs allant jusqu'à ne pas les mentionner dans la Décision ; qu'elle soutient que ce défaut d'analyse conjugué à un standard de preuve très contestable, l'a privée de la possibilité de défendre ses droits ; qu'elle souligne que ses archives ne lui permettent pas de retracer l'historique de ses relations avec ses points de vente et explique que son directeur France - M. Jean-Marie Guirriec -, entendu le 14 décembre 1999 par les services de la DGCCRF est parti à la retraite en 2003 soit, antérieurement à la notification de griefs du 5 avril 2005 et qu'il ne peut donc plus être entendu ;

Considérant cependant que la société précitée admet elle-même que la politique suivie en interne au cours des périodes incriminées ne lui aurait pas permis de recueillir les éléments à décharge nécessaires en cas d'instruction d'une durée plus brève puisque la communication entre elle et ses distributeurs empruntait la forme orale et que les éventuelles preuves documentaires (courriers, notes internes... ) n'étaient ni classées ni archivées ; qu'elle ne conteste en rien le respect par l'Administration lors de l'enquête administrative, du principe de loyauté régissant tout recueil de preuves ;

Que partant, la déperdition des preuves dont elle se prévaut apparaît être sans lien aucun avec la durée de la procédure et relever plus exactement d'un manquement de l'entreprise à son devoir général de prudence dans la conservation des données susceptibles de lui permettre de justifier a posteriori de la licéité de ses pratiques, en particulier de celle essentielle concernant le respect de la liberté tarifaire du distributeur ; que cette société ne justifie d'aucune impossibilité concrète d'obtenir, après la délivrance de la notification de griefs, le témoignage de son Directeur France qui a pris sa retraite en 2003 ; qu'elle ne se prévaut pas davantage de raisons permettant de conclure que l'audition d'autres responsables commerciaux ayant appartenu ou appartenant lors de la délivrance de la notification de griefs à son personnel, aurait pu influer le contenu de la Décision ni même que de tels témoignages étaient devenus impossibles ; qu'elle admet enfin avoir été en mesure de fournir des éléments de preuve épars pour ce qui concerne des relevés de prix effectués par ses soins courant 1999 ;

- La société Parfums Christian Dior

Considérant que cette société soutient que nombre de personnes en charge du réseau de distribution de ses produits, en fonction au moment des faits reprochés (M. Bernard Pottier, directeur général international, Mmes Sabina Belli et Anna Bardet, responsables marketing, MM. Laurent Perret, Laurent Coupe, Jean-Philippe Marie, Alain Mastengue, Jean-Claude Gandour, Mmes Nathalie Sentenac, Sylvie Leroy, Sylviane Lesieur et Françoise Matrion, responsables commerciaux) avaient, à la date de la notification de griefs, quitté l'entreprise ; que plus d'un tiers des distributeurs dont les documents ou déclarations lui sont opposés, ont été rachetés par des chaînes ou radiés du registre du commerce ; qu'elle est dans l'impossibilité de solliciter auprès d'eux toutes précisions sur les prix pratiqués à l'époque des faits, d'autant qu'aucun d'entre eux ne procédait à des relevés de prix ; que les éléments utiles à sa défense n'ont jamais été en sa possession, les distributeurs qui détenaient dans leur comptabilité les éléments de preuve des prix effectivement pratiqués, éprouvant eux-mêmes des difficultés à établir la preuve de leurs pratiques, en raison notamment de la longueur de la durée d'instruction du dossier ;

Considérant cependant que la société Parfums Christian Dior ne justifie d'aucune circonstance concrète postérieure à la délivrance de la notification de griefs, ayant alors rendu le témoignage des cadres ayant quitté l'entreprise impossible et expliquant, en quoi ce témoignage aurait pu clarifier les éléments à charge retenus par le Conseil ; qu'en outre, près des deux tiers des distributeurs pouvaient encore être sollicités par ce fournisseur lorsque la notification de griefs a été délivrée ;

Qu'il s'infère de ces constatations que la déperdition des preuves alléguée n'est pas en lien avec la durée longue de l'instruction de l'affaire mais procède d'un manquement manifeste de la société Parfums Christian Dior à son obligation de prudence dans la conservation des éléments de preuve justifiant la licéité de ses pratiques commerciales, notamment le respect de la liberté tarifaire du distributeur tant que la prescription n'était pas acquise ;

- La société Elco

Considérant que cette société explique que du fait des cinq années écoulées entre les pratiques incriminées et la notification de griefs, elle a été dans l'impossibilité de produire certaines pièces à décharge décisives à sa défense telles, des lettres ou encore, des notes internes, des comptes rendus téléphoniques ou tous autres documents reflétant concrétement l'état de ses relations avec les distributeurs, tous éléments qui, non compris dans ceux soumis à l'obligation de conservation instituée par l'article L. 123-22 du Code de commerce, n'avaient aucune raison d'être conservés ; que par suite d'un changement du personnel, elle s'est trouvée dans l'impossibilité d'obtenir des précisions susceptibles de mettre en perspective ou d'éclairer les éléments à charge invoqués à son encontre et de disposer d'arguments pertinents pour contester les déclarations de ses distributeurs ; que ces derniers ont eux-mêmes rencontré des difficultés pour l'assemblage des preuves, leurs systèmes informatiques et ceux de leurs prestataires ayant pour la plupart rencontré des changements techniques majeurs s'opposant à toute reconstitution des données pour la période considérée (1997-2000) ; qu'en 2005, elle ne pouvait plus interroger les responsables de 4 des 9 distributeurs dont les déclarations ou les courriers lui sont opposés à charge, l'un (la Parfumerie Ylang à Nice) ayant cessé son activité et les trois autres (la Parfumerie O'Dylia, la Parfumerie Kleber et la Parfumerie Marie-Jeanne Godard), rachetés, ayant connu un changement de management et de direction ;

Qu'elle ajoute ne pouvoir être tenue responsable d'une quelconque déperdition de preuves dès lors qu'il ne s'agit pas de preuves dont elle se serait accidentellement débarrassée mais de preuves qui n'ont pu être constituées et qui n'ont ainsi jamais existé du seul fait de la durée excessive de la phase non contradictoire de la procédure ; que pour combattre la pertinence des relevés de prix qui lui sont opposés et établir l'absence de respect effectif des prix de vente conseillés, elle aurait logiquement dû être à même de réaliser à la même période, pour ses produits, des relevés de prix pratiqués sur une base statistique plus représentative que celle choisie par les services de la DGCCRF ; que n'ayant pas été informée, au moment de leur réalisation, des relevés de prix pratiqués par l'Administration chez ses distributeurs, elle s'est elle-même, ipso facto trouvée dans l'impossibilité d'effectuer des relevés significatifs de ses pratiques, ses commerciaux n'ayant jamais eu pour mission de relever les prix affichés dans les points de vente dont ils étaient responsables et aucun dispositif de suivi des prix pratiqués par ses distributeurs n'ayant selon ses dires, jamais été mis en place ;

Considérant cependant que outre le fait que ce n'est qu'au début de la phase contradictoire ouverte par la notification de griefs que l'entreprise pouvait être informée des éléments à charge invoqués contre elle et partant, avoir accès au dossier, l'argumentation de cette société revêt un caractère abstrait et imprécis en ce qu'elle omet, à une exception près visée au point 136 de la Décision, de préciser le nom des personnes ayant travaillé en son sein, dont le départ l'aurait empêchée d'obtenir des éclaircissements sur le contexte des relations entretenues avec ses distributeurs visées par le Conseil ; qu'elle n'indique ni la date de départ de ces personnes ni la nature et la portée des renseignements ou des précisions nécessaires à sa défense ni même, les circonstances concrètes rendant le témoignage de ces personnes a posteriori impossible ; que par ailleurs, un nombre significatif de distributeurs pouvait encore être entendu lors de la délivrance de la notification de griefs ; que la société Elco ne justifie d'aucune circonstance précise l'ayant empêchée d'y procéder ;

Considérant qu'il s'infère de ces constatations, que la durée de la procédure n'a pas eu d'impact sur les droits de la défense de cette société ; que l'impossibilité de produire des preuves à décharge, relève d'un manquement au devoir général de prudence de cette société dans la conservation des données susceptibles de justifier a posteriori, de la licéité de ses pratiques dans le domaine essentiel du respect de la liberté tarifaire du distributeur ;

- La société Guerlain

Considérant que cette société expose qu'ayant jusqu'à la notification de griefs, ignoré quels éléments de preuve pouvaient lui servir d'éléments de défense, elle s'est trouvée dans l'impossibilité juridique et matérielle de contredire et de contester, par une étude rassemblant le détail des prix de revente effectivement pratiqués par ses distributeurs, par points de vente et par produits, l'application significative de prix conseillés qui lui était reprochée ; qu'elle ajoute que les documents commerciaux essentiels à la reconstitution de sa politique tarifaire ne font pas partie des documents soumis à une obligation de conservation, et que quoi qu'il en soit, au moment de la notification de griefs, elle ne pouvait plus retrouver les éléments relatifs à la période des faits incriminés (1997- 2000), partie de ses archives ayant été détruite dans un incendie en août 1997 ; Qu'elle souligne encore que plusieurs personnes qui avaient été en charge de sa politique commerciale (M. Philippe Lentz, directeur général France, M. Gérard Pichon Varin, directeur France, M. Jean-Louis Scholler, directeur commercial France, Mme Joëlle Tayot, directeur Grands Comptes, Mme Virginie Chone, directrice Marketing opérationnel France, Mme A. Richomme, directrice boutiques et instituts, M. Jean-Claude Rouzaud, M. Jean-Claude Diot, M. Bertrand Lamouroux, M. Philippe Jaubert, Mme Juliette Lustrin, M. Jacques Leveque) n'étaient plus en fonction au moment de la notification des griefs et ne pouvaient donc plus être interrogées par elle pour lui permettre d'obtenir des éclaircissements ; qu'elle indique encore que sur les 22 distributeurs dont les déclarations lui sont opposées, près d'un tiers (6) avaient été radiés du registre du commerce (société Broglio à Annecy, Parfumerie Rouge et Noir à Juvisy sur Orge, la Rose des Vents à Lyon, la société Ylang à Nice, la société Rayon d'Or à Paris, la société Baiser Sauvage à Lyon) ;

Considérant que la société Guerlain ajoute que les informations concernant les prix effectivement pratiqués sont dans la comptabilité des distributeurs et non dans celle des fournisseurs et que les distributeurs eux-mêmes ont éprouvé des difficultés à retrouver les traces de cette comptabilité ; qu'elle se trouve pour cette raison dans une quasi-impossibilité de rapporter la preuve qu'elle n'a pas commis l'infraction administrative qui lui est reprochée puisqu'il lui est interdit de s'immiscer dans la politique commerciale de ses revendeurs et qu'elle ne faisait procéder à aucun relevé de prix ;

Considérant cependant que contrairement à ses dires, la société Guerlain ne peut être déclarée fondée à estimer que la procédure d'enquête dont elle avait fait l'objet en novembre 1999 sur la base du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986, avait pu être clôturée sans qu'elle soit informée ; que toute décision de non-lieu est en effet, à l'instar des autres, publiée au BOCCRF ; que la société Guerlain ne justifie pas avoir veillé à vérifier cet aspect du dossier alors qu'elle ne pouvait ignorer se trouver exposée à un risque de poursuites ; que partant, les difficultés éprouvées par elle dans l'administration de la preuve de la licéité de ses pratiques commerciales (notamment pour ce qui concerne l'aspect essentiel du respect de la liberté tarifaire des distributeurs) ne sauraient être liées à la durée de la procédure ; qu'elles procèdent plus exactement d'un manquement à son devoir général de prudence dans la conservation de ses archives tant que le délai de prescription n'est pas expiré ;

Considérant que les propres allégations de cette société revêtent un caractère abstrait et imprécis ; qu'elle ne justifie d'aucune circonstance particulière rendant concrètement impossible l'audition des personnes ayant quitté l'entreprise, notamment de celles dont le départ ne remonte qu'à 2003 (MM. Jean-Louis Scholler et Philippe Lentz); qu'elle ne précise pas davantage la teneur et la portée des déclarations que ces personnes auraient été susceptibles d'exprimer pour lui permettre d'exercer utilement ses droits de défense ; qu'il en va de même du nombre significatif de ses distributeurs subsistant en 2005, soit au moment où la question de la preuve des dites pratiques s'est posée ; qu'au demeurant, la société Guerlain ne fournit aucune précision sur le nombre et le nom des commerciaux qui, en fonction dans l'entreprise au moment des faits, étaient encore présents lors de la délivrance de la notification de griefs ; qu'enfin, l'incendie des entrepôts du Havre ayant entraîné la perte des archives de la société est majoritairement antérieure à la période des faits litigieux ; que c'est donc à tort que cette société soutient principalement qu'elle se trouve, pour ce qui concerne les prix réellement pratiqués, placée dans l'hypothèse d'une preuve impossible à rapporter, cette preuve n'étant au demeurant pour les raisons ci-après développées qu'un fragment d'indice de valeur relative (cf. paragraphes 2.1.5 et 1.3.4. de cet arrêt) ;

- La société LVMH Fragrance Brands, anciennement société Parfums Givenchy et la société Kenzo Parfums

Considérant que cette société expose que tous les documents susceptibles de justifier la licéité de ses pratiques pour la période des faits incriminés, autres que ceux relevant de l'obligation légale de conservation, n'étaient conservés par elle qu'un ou deux ans avant d'être archivés par un prestataire extérieur pendant 5 ans puis détruits ; qu'elle précise qu'entre 1997 et 2005, la Direction France de la société a connu quatre déménagements, ces événements ayant nécessairement entraîné la destruction de nombreux documents ;

Que la société LVMH Fragrance Brands souligne encore que nombre du personnel de la société Parfums Givenchy en charge de la politique commerciale de celle-ci n'était plus en fonction à la date de la délivrance de la notification de griefs (MM. Charles Denut, directeur France, Laurent Besse, directeur des Ventes, Hervé Basquin, directeur des ventes, Mmes Karine Desnoues et C. Tanguy des Deserts respectivement responsable comptes clés et directrice marketing opérationnel, tous partis entre le 31 août 2000 et le 20 avril 2004 outre plusieurs commerciaux : Mme Pascale Namia-Cohen, M. François Cousin, Mme Vanessa Plessy et M. Paul Kozlow partis entre le 7 février 2001 et le 1er janvier 2004) ; que près de la moitié des distributeurs dont les documents et déclarations lui sont opposés (Parfumerie Marick à Angers, société Etablissements Broglio, la société La Rose des Vents à Lyon, la société Le Parfumoir-Ylang à Nice, la société Le Rayon d'Or à Paris, la société Parfums VO Cosmétiques à Orléans, la Parfumerie à Saint Brieuc et entreprise individuelle Verdes Jean-Paul) avaient été radiés du registre du commerce lorsqu'elle a reçu la notification de griefs ; qu'aucune explication ou renseignement complémentaire ne pouvait plus alors être obtenu auprès de ces agents économiques pour lui permettre d'assurer la défense de ses intérêts ;

Que les mêmes arguments sont avancés en ce qui concerne la société Kenzo Parfums qui, entre février 2000 et le 5 juin 2003, a connu les départs de MM. Olivier Faucher, chef des ventes France, Matias De Alzua, responsable grands comptes, Thierry Piedagnel, Directeur France, Norbert Monteil et Mme Christine Breuil, attachés commerciaux et dont près d'un tiers des distributeurs (sociétés Etablissements Broglio et Baiser Sauvage à Annecy, Ylang à Nice, Rayon d'Or à Paris) étaient radiés du registre du commerce à la date de la notification de griefs ;

Considérant que la société LVMH Fragrance Brands conclut encore que le seul élément de preuve pertinent ne pouvait être qu'un relevé des prix effectivement pratiqués au cours des périodes considérées ; qu'elle ajoute que ces éléments relèvent de la comptabilité des seuls distributeurs et qu'ils n'ont par conséquent jamais été en sa possession ;

Considérant cependant qu'outre le fait qu'une grande partie des distributeurs des deux sociétés demeurait en place lorsque la notification de griefs leur a été délivrée, la société LVMH Fragrance Brands ne justifie d'aucune circonstance concrète rendant alors impossible l'audition du personnel ayant quitté l'entreprise ; qu'elle ne donne aucune précision sur la teneur et la portée des propos que ces personnes étaient susceptibles de tenir pour lui permettre d'exercer utilement ses droits de défense ;

Que les relevés de prix réellement pratiqués par les distributeurs à l'époque des faits invoqués par la société requérante ne sauraient être les seules preuves permettant de combattre les infractions reprochées ; qu'au demeurant, dans les circonstances de cette espèce, la crédibilité de ces éléments reste faible ainsi qu'il sera démontré infra (cf. paragraphes 2.1.5 et 1.3.4 de cet arrêt) ;

Que dans ces conditions, l'affaiblissement des moyens de la défense allégués au moment des poursuites ne pourrait résulter que du manquement des sociétés Parfums Givenchy et Kenzo Parfums à leur devoir de prudence dans la conservation des éléments de preuve leur permettant de justifier la licéité de leurs pratiques, tout particulièrement de celle fondamentale, se rapportant au respect de la liberté du distributeur dans la fixation des prix des produits vendus au consommateur d'autant qu'entendues par les services d'enquête de la DGCCRF en 1999, ces sociétés se savaient nécessairement soumises à un risque de poursuites tant que le délai de prescription n'était pas expiré ; qu'il leur appartenait à tout le moins de se renseigner sur l'issue de ces investigations afin de satisfaire pleinement au devoir de prudence pesant sur elle ;

- La société L'Oréal Produits de luxe France

Considérant que cette société expose que la durée excessive de la procédure et plus particulièrement, la longue période d'inaction des services d'instruction du Conseil l'ont placée dans l'impossibilité de retrouver les éléments lui permettant de contredire utilement les pièces retenues à charge comprenant une série de procès-verbaux de déclarations de distributeurs établis en 1999 par les services de la DGCCRF outre, les échanges de correspondance entre les employés de L'Oréal et certains distributeurs et encore les relevés de prix réalisés par les mêmes services administratifs au cours de l'été 1999 ;

Qu'elle soutient avoir ab initio disposé d'éléments de preuve à décharge (correspondances, notes internes, relevés de visites de points de vente, éléments statistiques concernant les distributeurs) mais ne plus pouvoir, après 5 ans écoulés, reconstituer ces éléments probatoires d'autant que ceux-ci n'étaient pas couverts par l'obligation légale de conservation instituée par l'article L. 123-22 du Code de commerce et qu'elle n'avait donc aucune raison particulière de prendre des précautions pour les conserver ; que cette déperdition de preuve a notamment pour causes, le déménagement de son siège à Levallois et le regroupement des systèmes informatiques de ses activités concernant les marques Lancôme, Armani, Helena Rubinstein et ses autres marques ; qu'elle reconnaît qu'il n'existe au sein de la société, aucun archivage automatique central quant aux données commerciales stockées sur les ordinateurs personnels, supprimées au fil des années à l'initiative de chaque détenteur d'ordinateur et détruites au plus tard, dans l'année du départ de chaque collaborateur de l'entreprise ; qu'à cette situation s'ajoute encore, le fait qu'en 2005 plusieurs membres du personnel, présents à l'époque des faits reprochés, avaient quitté la société (MM. Christophe Cuvillier, Directeur, Joël Ponte, directeur général adjoint en charge du développement commercial, Dominique Dubald, directeur général Helena Rubinstein, Hervé Grimeaux, directeur commercial outre ses adjoints, MM. Claude Chretien, directeur de clientèle chaines nationales, Thierry Lemaire et Jacques Guillerm, les départs de ces personnes s'étant échelonnés entre 2000 et 2003) ; que du fait de la nature de leurs fonctions, ces personnes, en charge de la stratégie des marques et de la définition et de l'application de la politique commerciale et tarifaire de l'entreprise étaient au courant des négociations menées avec les clients et des éventuelles interruptions des contrats de distribution et partant, en mesure d'apporter utilement devant le Conseil, un témoignage à décharge assorti de preuves documentaires ; qu'en 2005, rien ne pouvait leur être demandé d'autant que, conformément à l'usage, aucune de ces personnes n'avait emporté ses anciens dossiers de travail ; que de manière générale, les informations qui auraient été utiles à sa défense telles, les correspondances commerciales, les notes internes, les comptes rendus écrits de réunion ou de conversations téléphoniques, les éléments statistiques concernant les points de vente et les courriels, ne font l'objet, sur les serveurs informatiques de la société, d'aucune conservation systématique et pérenne ;

Considérant que les éléments constituant la politique de conservation des archives au cours de l'époque considérée sont exposés dans les termes suivants par M. Daniel Veyrat, directeur des systèmes d'information de L'Oréal Luxe France entre 1999 et 2002 et actuellement Directeur des systèmes d'information zone Europe du Groupe L'Oréal : " Les données à caractère marketing et commerciales, y compris mails, correspondances, notes internes, relevés chiffrés (dites données non structurées) ne font pas l'objet d'une sauvegarde sur le serveur central. Elles ne sont éventuellement conservées que sur les ordinateurs individuels de leurs utilisateurs, à leur discrétion, et pour autant que les disques durs des ordinateurs individuels en aient la capacité./ Lorsqu'un collaborateur de l'entreprise part ou change de poste, son ordinateur a vocation à être affecté à un autre utilisateur. Les données restant sur le disque dur de son ordinateur sont rapatriées vers un disque dur central où elles sont conservées pendant un an maximum et son ordinateur est formaté et recyclé (disque dur effacé) pour une utilisation par un autre utilisateur./Cette procédure était d'autant plus respectée dans les années 1995-2005 eu égard aux faibles capacités de stockage de l'époque et au coût prohibitif de celui-ci." (soulignement ajouté) ;

Considérant que la société L'Oréal Produits de luxe France soutient que cet aspect de la situation s'est trouvé renforcé par le fait qu'à la date de la notification de griefs, un nombre significatif (10 sur 16) de ses distributeurs avait disparu (Parfumerie Ylang à Nice, Parfumerie Au Pauvre Diable à Dijon, Freddy Parfums à Paris, Parfumerie VO à Orléans, Valroissienne de Parfumerie à L'Isle Adam, Parfumerie Préférene Vidis Au Havre, Parfumerie Rayon d'Or à Paris, Parfumerie O'Dylia à Paris et Etablissements Broglio à Annecy) ; que ces disparitions ont ipso facto entraîné la fermeture automatique du compte de ces distributeurs ; qu'elle s'est ainsi trouvée dans l'impossibilité de contester les déclarations et pièces concernant ces derniers distributeurs, en produisant tous éléments de nature à préciser le sens et la portée exacte des pièces qui lui sont opposées ; qu'elle n'a pu produire des relevés de prix suffisamment représentatifs pour étayer sa défense au fond et contester la thèse d'une application effective des prix prétendument préconisés, les relevés de prix commandés auprès des prestataires externes concernant les marques dont elle assurait la diffusion à l'époque des faits incriminés (1997-2000) n'étant plus disponibles à la date de la notification de griefs ainsi qu'en atteste la personne responsable d'EPL International, Marie-José Farina ; que compte tenu de la procédure ouverte à son encontre et de la teneur des griefs notifiés en 2005, il ne saurait lui être de quelle que manière que ce soit, reproché de ne pas s'être rapprochée de ses distributeurs pour savoir si ces derniers avaient conservé trace des prix qu'ils pratiquaient à l'époque des faits poursuivis ;

Considérant que l'attestation de Mme Marie-José Farina, ci-avant citée retient que: " Depuis 20 ans, nous avons été amenés à effectuer dans le cadre de notre activité statistique, des relevés de prix portant sur de nombreuses marques dont, Lancôme, Giorgio Armani, Helena Rubinstein et Yves Saint Laurent auprès de nombreux distributeurs./Compte tenu des supports utilisés et des capacités de stockage à l'époque, la conservation par notre société de ce type de données relevées antérieurement à 2000 n'excédait pas 2 ou 3 ans./En conséquence de quoi, notre société ne disposait plus en 2005 des relevés de prix effectués, notamment au titre des années 1997 à 2000 concernant les marques précitées. " (soulignement ajouté) ;

Considérant cependant que le devoir général de prudence incombant à ces entreprises aurait dû, nonobstant le fait qu'aucune indication précise ne leur avait été donnée sur le fait que cette enquête était effectuée sous l'égide d'une saisine d'office du Conseil de la concurrence, conduire la société L'Oréal Produits de France luxe à s'assurer de l'issue de l'enquête portée à sa connaissance et à conserver tous les éléments de preuve à décharge utiles à la défense de ses intérêts (notamment les relevés de prix qu'elle reconnaît avoir effectués à l'époque) pendant la durée de la prescription ; que nombre de distributeurs était encore en activité lors de la notification de griefs et pouvait fournir des précisions utiles sur leur politique tarifaire ; qu'il restait alors possible d'interroger les personnes responsables de l'entreprise qui étaient en fonction entre 2000 et 2003 sur la politique commerciale de l'entreprise au cours de la période considérée ; qu'enfin, les relevés de prix réellement pratiqués par les distributeurs à l'époque des faits invoqués par les sociétés requérantes ne sauraient être les seules preuves permettant de combattre les faits reprochés ; qu'au demeurant, dans les circonstances de cette espèce, la crédibilité de ces éléments reste faible, ainsi qu'il sera démontré infra (paragraphe 2.1.5 de cet arrêt) ;

- La société Shiseido Europe

Considérant que cette société explique ne plus avoir été à même, au moment de la notification de griefs, de retracer les lignes de sa politique commerciale à l'époque des faits et n'avoir ainsi pu "re-contextualiser" ou expliquer avec une totale certitude les documents très divers sur lesquels le Conseil s'est fondé pour l'élaboration des griefs notifiés et pour notamment, retenir l'existence d'une police de prix ; qu'elle relève l'ambiguïté de nombreux documents utilisés à charge tels les comptes rendus (comptes rendus Nocibé, Groupement Passion Beauté et Préférence) visés par la Décision que le Conseil et la première chambre de la Cour d'appel de Paris dans l'arrêt du 26 juin 2007 rectifié par arrêt du 27 juillet 2007 ont interprété différemment ;

Qu'elle explique qu'il est par définition difficile pour les salariés d'une entreprise d'apporter rétrospectivement un éclairage sur le fonctionnement quotidien de celle-ci à une époque donnée, mais qu'en ce qui la concerne, cette première difficulté a été aggravée par les changements fréquents intervenus dans son personnel aux niveaux stratégique et opérationnel (le PDG de la société M. Pillot a ainsi été licencié le 8 septembre 2003, le directeur administratif et financier M. Cuicci est parti le 15 septembre 2000 et le directeur commercial M. Laravoire le 10 décembre suivant ; à ces premiers départs, s'ajoutent, entre 1997 et février 2004, ceux de 9 délégués commerciaux en charge des négociations commerciales et des prises de commande sur les points de vente tels Mme Pivat, Mme Petit Aubron, Mme Peltier, M. Verger, Mme Dalsie, Mme Delcourt, M. Du Pays) ; que compte tenu des circonstances (licenciement) ou de l'ancienneté du départ de ces personnes, il n'était plus concevable ou matériellement possible à la date de la notification de griefs, de les contacter pour obtenir des précisions utiles sur les comptes rendus de réunions auxquelles elles ont assistées (réunion du 13 janvier 1999) et sur lesquels le Conseil a fondé son constat d'infraction ;

Considérant que la société Shiseido Europe conteste enfin la valeur probante des relevés de prix servant d'assise aux griefs du Conseil, expliquant que ces relevés n'étaient ni représentatifs ni exhaustifs ; que dans la mesure où elle ne faisait pas procéder à ces relevés de prix, elle n'a pu, en raison de la longue durée de la procédure d'instruction, en fournir d'autres afin de rapporter la preuve de l'absence d'application significative des prix conseillés par les distributeurs ;

Qu'elle conteste que les entreprises puissent par principe être rendues responsables d'une déperdition de preuve par manquement à l'obligation de prudence pesant sur elles et se trouver de ce fait dans l'impossibilité d'invoquer la violation d'un délai raisonnable car dans ces conditions, il ne serait selon elles, jamais possible de se prévaloir d'une violation des droits de la défense ;

Considérant cependant que cette société ne peut dans les circonstances de la présente espèce, contester avoir reçu la visite des agents de la DGCCRF et avoir été entendue par ces agents le 8 septembre 1999 ; qu'il lui appartenait de s'assurer de l'issue de cette procédure en vertu de son devoir général de prudence puisqu'elle se savait soumise à un risque de poursuite mais également, de conserver les éléments de preuve lui permettant de justifier de la liceité de ses pratiques, notamment de celle tendant au respect de la liberté tarifaire de ses distributeurs ; qu'elle soutient elle-même qu'elle ne faisait pas procéder à des relevés de prix ; qu'elle n'explique pas davantage les circonstances concrètes rendant précisément impossible l'audition des personnes ayant quitté l'entreprise ainsi que surtout la portée des déclarations que ces personnes seraient susceptibles d'exprimer et qui auraient pu lui être utiles pour l'exercice de ses droits de défense ;

- La société YSL Beauté

Considérant que cette société explique être du fait de la longue durée de l'instruction, aujourd'hui lésée dans sa capacité de défense aux griefs qui lui ont été notifiés ; qu'elle précise que les éléments à décharge qu'elle aurait pu vouloir rechercher (correspondances, notes internes, relevés de visite d'un point de vente contenant les éléments factuels de la relation avec les détaillants et également la teneur des relations commerciales passées avec ces derniers) ne relevaient pas de la catégorie des documents soumis à l'obligation légale de conservation instituée par l'article L. 123-22 du Code de commerce qui ne visent que les documents comptables et les pièces de comptabilité et non de simples correspondances commerciales et encore moins des notes et memo internes ; que 6 ans après les faits, il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir gardé ces éléments par devers elle pour contester la valeur probatoire des documents et déclarations à charge compris dans les procès-verbaux de déclarations de plusieurs distributeurs et les pièces y annexées ainsi que dans les relevés de prix pratiqués par les services de l'Administration entre juin et septembre 1999 ; qu'il n'existait à l'époque, aucun archivage informatique central et pérenne de ces documents alors que les données commerciales stockées sur les ordinateurs personnels étaient supprimés annuellement à l'initiative de chaque détenteur et en tous cas, de manière définitive, un an après leur départ de l'entreprise ;

Considérant que la société YSL Beauté expose que cette déperdition de preuves est pour elle d'autant plus grave qu'à la date de la notification de griefs, un nombre significatif de distributeurs (12 sur 16) dont les déclarations ont été retenues à charge avaient, entre 2000 et 2004, cessé leur activité ou quitté son réseau de distribution (Parfumerie Ylang, Parfumerie La Rose des Vents, Parfumerie Luxe Parfums, Parfumerie 316 Honoré, Parfumerie Broglio, Parfumerie VO à Orléans, Parfumerie Rayon d'Or, Parfumerie O'Dylia, Parfumerie Freddy, Parfumerie Poulie, Parfumerie Royal Opéra et Parfumerie des Yvelines) ; que ce phénomène de pertes s'est trouvé renforcé par les changements intervenus dans le personnel, au niveau de la direction générale France et de la direction commerciale (MM. Gilles Droit et Thierry Lemoine, Mme Anne Raphaëlle) et du personnel commercial chargé, sur un secteur géographique donné, du suivi régulier des relations commerciales avec les distributeurs (Mmes Sylvie Sigaud, Sophie Arnu et Francine Cousin et M. Didier David qui ont quitté l'entreprise entre le 6 juin 2001 et le 19 mars 2005) ;

Considérant qu'YSL Beauté explique enfin ne plus avoir été en 2005, en mesure de contester utilement les relevés de prix réalisés par les services de la DGCCRF au cours de l'été 1999, sauf à en critiquer la méthode et à en souligner l'absence de représentativité ; qu'elle aurait dû être à même de critiquer ces relevés par d'autres, contemporains de ceux de la période d'infraction retenue par le Conseil (1997-2000) et qu'elle n'a en 2005, pu obtenir aucun document auprès de l'un des instituts spécialisés dans les études, relevés et statistiques intéressant le marché considéré ;

Considérant cependant qu'il ressort du dossier que cette société a fait l'objet en 1999 d'une enquête réalisée par les services de la DGCCRF dont elle connaissait la teneur ainsi que le révèle les procès-verbaux d'audition ; que dans ces conditions, il lui appartenait en vertu du devoir général de prudence pesant sur elle, de s'assurer de l'issue donnée à cette enquête et de conserver tous éléments de preuve susceptibles de lui permettre de justifier de la licéité de ses pratiques, notamment pour ce qui a trait au respect de la liberté tarifaire des distributeurs ; que par ailleurs, outre le fait qu'elle ne pouvait avoir accès au dossier que postérieurement à la notification de griefs pour les raisons ciavant exposées, elle ne justifie d'aucune circonstance concrète précise rendant impossible à la date de la notification des griefs, l'audition des cadres et personnels ayant quitté l'entreprise ni de la teneur et de la portée des propos que ceux-ci auraient été en mesure de tenir ; qu'autrement dit, elle n'établit pas en quoi ces propos auraient pu influencer le contenu de la Décision pour aboutir à un résultat différent de celui retenu par celle-ci ;

1.2.2.2. Les distributeurs

- La société Marionnaud

Considérant que cette dernière société indique que faute d'avoir été informée à temps de la nature des griefs opposés, elle n'a pas été en mesure de retrouver voire de reconstituer les preuves permettant de réfuter la réalité des comportements qui lui sont imputés, grâce notamment à un résumé des prix affichés dans ses points de vente au cours de la période incriminée (1999/2000) ; que la probabilité de pouvoir réunir de tels documents qui ne relèvent pas de l'obligation légale de conservation des données commerciales, est inversement proportionnelle à la durée de l'instruction qui, dans les circonstances de la présente espèce, a selon ses dires, été à l'évidence trop longue ; que pour contester utilement les griefs qui lui ont été opposés, elle aurait dû pouvoir réaliser un relevé de prix sur la base d'un échantillon plus représentatif en termes de points de vente et de références de produits au titre de la même période ; qu'elle ne conserve encore aucune donnée permettant de reconstituer les prix affichés dans ses points de vente, lesquels ne gardent pas leurs tickets de caisse ;

Considérant cependant qu'il ressort du dossier ouvert au greffe de la cour que cette société a fait l'objet d'une enquête concurrentielle pratiquée par les services de la DGCCRF sous le régime du titre VI de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, le PDG de cette société, M. Marcel Frydman, ayant été entendu ; que ce dernier a déclaré le 2 septembre 1999 ce qui suit : " la SA Marionnaud détient actuellement 188 points de vente. Sur le marché de la distribution sélective nous sommes second en valeur avec 12 % du marché. Nos premiers fournisseurs en valeur sont Dior, Lancome, Guerlain, YSL, Chanel. Nous sommes en réseau informatique avec tous nos magasins par les sièges (il existe plusieurs sites régionaux). Nos magasins n'ont aucune marge de manœuvre dans la détermination des prix de vente de leurs produits puisqu'ils exécutent les consignes. Par contre, ils peuvent s'aligner si un concurrent de leur zone de chalandise vendait moins cher. Pour déterminer le prix de vente que nous communiquons aux magasins, nous appliquons le coefficient se situant entre 1,90 et 1,60. Sur nos tickets de caisse la mention suivante apparaît : " par rapport aux prix conseillés et aux prix résultant d'un coefficient multiplicateur de 1,99 sur les tarifs de soins de nos fournisseurs, vous venez d'économiser... ". Il s'agit des prix conseillés des marques, du coefficient multiplicateur conseillé par les marques. En effet, toutes les marques nous communiquent des prix conseillés soit par écrit (par exemple Guerlain avec ses prix boutiques parisiennes) soit par oral. " (soulignement ajouté) ;

Que la société Marionnaud ne pouvait et se devait de savoir que dans le cadre d'un réseau de distribution sélective de produits de luxe, le maintien de la liberté des prix de vente au consommateur final revêtait un aspect essentiel ; qu'elle n'ignorait pas avoir fait l'objet d'une enquête concurrentielle ; qu'elle devait donc, en vertu du devoir général de prudence qui pesait sur elle, se renseigner sur l'issue de cette procédure ; qu'elle se devait aussi d'être vigilante dans la conservation de tous les éléments lui permettant de justifier de la licéité de ses pratiques pour toute la durée de prescription applicable, notamment en ce qui concerne l'effectivité de sa liberté tarifaire ; que la déperdition de preuves dont elle se prévaut n'apparaît pas être en lien avec la durée prétendument excessive de la période d'instruction ; qu'outre qu'il ne lui était pas légalement possible d'avoir accès au dossier antérieurement à la notification de griefs, ce distributeur reconnaît dans ses écritures ne pas conserver habituellement les données dont il évoque la perte irrémédiable en expliquant que quoi qu'il en soit, ces données ne sont pas régies par l'obligation légale de conservation des documents commerciaux ; qu'aucune violation concrète et irrémédiable de ces droits de défense n'est établie ;

Considérant que pour les mêmes raisons, il n'y a pas lieu de dire qu'il existe un lien entre les difficultés de management constatées au plus haut niveau de la société en 2005 à la suite des deux tentatives d'OPA et une prétendue violation des droits de la défense de ce distributeur ;

- La société Nocibé France

Considérant que cette société soutient n'avoir eu aucune raison de soupçonner la nécessité de conserver ses archives au titre de la période 1995-2000, nonobstant l'enquête réalisée en 1999 par les services de la DGCCRF sur l'état de la concurrence existant dans le secteur incriminé ; qu'elle ajoute qu'une série d'événements tels, la modification de son système informatique en 1999, le déménagement de son siège social en octobre 2000 et le départ de la famille fondatrice en 2002, a provoqué la dissémination ou la perte de ses archives ;

Qu'elle indique n'avoir conservé au sein de son service achat, nul élément portant sur les prix indicatifs proposés par les marques puisque ces données, qui n'avaient aucune raison d'être conservées ont été systématiquement jetées ainsi qu'en témoigne, par une attestation du 9 mai 2011, son directeur informatique M. Jean-Claude Bouchery ; que les tickets de caisse correspondant aux ventes journalières de chacun de ses points de vente, auraient pu représenter une masse d'informations utiles mais n'ont pu être exploités au cours des deux mois impartis lors de la notification de griefs à chaque entreprise pour l'élaboration de sa ligne de défense ; que ces tickets sont aujourd'hui inutilisables car illisibles puisqu'imprimés avec de l'encre thermique ;

Considérant que la société Nocibé explique encore n'avoir conservé que les seuls documents promotionnels des offres réalisées au cours des années considérées, estimées dignes d'intérêt par le service marketing pour servir de modèle dans le cadre d'opérations futures ; qu'elle n'a pu retrouver les notes internes des agents qui entretenaient les contacts entre la société et les représentants des marques ou encore, tout document relatif à l'élaboration des prix de revente ainsi qu'au positionnement du prix de chaque marque ; qu'elle a ainsi subi une atteinte concrète, effective et irrémédiable dans ses capacités de défense ;

Considérant cependant qu'il ressort du dossier que la société Nocibé a en 1999, fait l'objet d'une enquête des services de la DGCCRF ; qu'il lui appartenait donc, en vertu de son devoir général de prudence, de s'assurer de l'issue de ces investigations et de conserver tous éléments de preuve susceptibles de justifier de la licéité de ses pratiques et notamment, de l'effectivité de sa liberté tarifaire ; qu'elle admet dans ses écritures, avoir pu extraire de son système informatique des données portant sur l'année 1999 provenant de ses points de vente, concernant l'ensemble des 38 produits retenus par le Conseil ;

Considérant qu'elle n'explique pas comment, dans l'hypothèse où la notification de griefs était intervenue plus tôt, elle aurait pu disposer des prix publics indicatifs de ses fournisseurs, l'attestation du 9 mai 2011 établie par M. Jean-Claude Bouchery dont elle se prévaut, retenant en effet que : " dernièrement, Nocibé a fait évoluer sa solution de logiciel et parmi les éléments d'évolution attendue, tels que identifiés en collaboration avec notre prestataire, la société IBM, figurait la faculté de pouvoir archiver les prix publics indicatifs, aux fins de répondre à toute demande de l'Administration" (soulignement ajouté) ;

Qu'il s'infère de ce témoignage qu'à l'époque des faits, ce distributeur ne disposait a priori d'aucun moyen informatique d'archivage des données lui permettant de démontrer qu'il fixait librement le prix de vente des marques qui l'avaient agréé ;

Que sur ces diverses constatations et pour ces raisons, la déperdition des éléments à décharge n'apparaît pas en lien avec une violation des droits de la défense qu'aurait commis le Conseil mais relève plus exactement, d'un manquement de la société Nocibé au devoir de prudence pesant sur elle pour justifier de la licéité de ses pratiques au regard des exigences de la concurrence ;

- La société Sephora

Considérant que cette société explique n'avoir eu connaissance des pratiques qui lui étaient reprochées qu'en 2005, les enquêteurs intervenus en 1999 n'ayant pas indiqué précisément l'objet de leur enquête ; qu'aucun lien ne pouvait être raisonnablement fait entre le résultat de cette enquête et la demande de renseignements du Conseil, à caractère général reçue en 2003 portant sur le chiffre d'affaires réalisé avec les principaux fournisseurs et points de vente ; que s'agissant d'une auto-saisine du Conseil, aucune décision de classement ne pouvait intervenir ; que si des représentants de Sephora ont été informés de l'enquête et entendus lors de celle-ci, ces auditions ont été espacées par de longs intervalles et dans l'hypothèse d'une décision de classement, celle-ci ne lui aurait de toute manière pas été notifiée puisqu'elle n'avait pas alors la qualité de partie ;

Qu'elle objecte encore qu'on ne saurait lui reprocher le moindre manquement à un devoir de prudence pour ne pas avoir conservé trace des prix pratiqués dans ses magasins entre 1997 et 1999 pour chacun des produits référencés ainsi que pour les documents échangés avec ses fournisseurs pendant cette période ;

Qu'elle ajoute que parmi les nombreuses personnes visées dans les documents à charge que lui oppose le Conseil, seules deux d'entre elles (Mme Véronique Dupont et M. Pierre Fagard, directeur des achats) comptaient encore parmi ses salariés au jour de la notification de griefs ; qu'elle indique se trouver dans l'impossibilité de retrouver les archives de l'époque pouvant suppléer à l'impossibilité d'interroger les personnes ayant quitté la société et partant, de conforter ou éclairer certaines déclarations ; qu'elle indique que le Conseil fonde au demeurant sa démonstration sur 15 documents dont 3 concernent des sociétés mises hors de cause (Azzaro et Calvin Klein), un document étant mentionné deux fois, si bien que seuls 11 documents sont produits à charge ;

Qu'elle explique que compte tenu de la nature des pratiques qui lui sont reprochées, la reconstitution des prix effectivement pratiqués à l'époque des faits considérés est d'une grande importance ; qu'elle ne dispose aujourd'hui d'aucun élément pour en établir la réalité, n'ayant pas conservé, faute d'avoir eu conscience de cette nécessité, les éléments permettant de contredire l'interprétation des relevés de prix retenue par le Conseil ni les documents échangés avec les fournisseurs permettant de réfuter ou à tout le moins, d'expliciter, les pièces qui lui sont opposées ; que sa politique d'archivage était jusqu'en 2005, restreinte au seul respect de ses obligations fiscales ;

Considérant enfin que la société Sephora souligne avoir déménagé à 3 reprises depuis l'époque des faits et affirme qu'en 2005, près de 80 % des cadres présents lors des pratiques incriminées ne comptaient plus parmi ses salariés ; que seuls 11 documents retenus à charge viennent au soutien efficace de l'analyse du Conseil et qu'aucun, n'a pu être utilement et loyalement combattu par elle pour des raisons liées à la durée de l'instruction ;

Considérant cependant que contrairement à ses dires et pour les raisons déjà exposées au paragraphe 1.1 du présent arrêt, toute procédure ouverte par le Conseil par voie de saisine d'office peut s'achever pour les cas justifiés par une décision de non-lieu;

Que la société Sephora apparaît se défendre de manière abstraite, en ne justifiant et en n'alléguant aucune circonstance concrète et précise établissant les raisons de l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée lors de la délivrance de la notification de griefs, d'entendre les anciens salariés ayant quitté la société ;

Qu'ayant reçu la visite des services de l'Administration et ayant été entendue à cette occasion les 9 septembre et 12 octobre 1999 au visa du titre III de l'ordonnance de 1986, il incombait à cette société tenue à un devoir général de prudence, de veiller à la conservation de toutes données susceptibles de justifier de la licéité de ses pratiques commerciales, notamment en matière de prix ; que les causes de la déperdition des preuves dont elle se prévaut, ne sont ainsi pas en lien avec la durée longue de la procédure d'instruction mais sont imputables à son manquement à l'une de ses responsabilités essentielles ; que la société Sephora explique d'ailleurs dans ses écritures (cf. p.23 in fine) que "dans les années 1990/2000 la plupart des entreprises n'avaient pas encore pris le parti d'une politique d'archivage systématique des documents que la loi n'imposait pas de conserver" que cette affirmation qui s'analyse en un aveu pour ce qui la concerne, éclaire la cour sur les pratiques habituellement suivies dans le secteur en cause ;

Qu'aucune violation du principe d'égalité des armes n'apparaît pouvoir être raisonnablement caractérisé du chef de ce distributeur ;

- Conclusion générale du 1.2.

Considérant que la durée longue de la phase d'instruction non contradictoire apparaît n'avoir eu, pour les raisons ci-avant énumérées, aucune influence concrète sur les possibilités futures de défense des entreprises concernées (fournisseur ou distributeur) ;

1.3. En ce qui concerne le respect du principe de la contradiction et des droits de la défense

1.3.1. Quant à la précision des griefs

Considérant que la société Clarins Fragrance Group note que les conditions dans lesquelles le grief n° 2 a été sanctionné n'ont jamais été clarifiées alors que les faits soutenant la décision de la rapporteure de notifier ce grief et ceux venant à l'appui du grief n° 3 ont été conservés au soutien du grief n° 1 ; qu'elle ajoute que cet aspect du dossier lui est d'autant plus préjudiciable que le grief n° 2 se divisait en deux branches - griefs 2 A (instauration d'une politique de ristournes à l'égard des distributeurs agréés dont l'objet était de s'assurer du respect de leur politique de prix imposés de vente aux consommateurs ayant eu pour effet de faire obstacle à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence) et 2 B (instauration d'une politique de ristournes à l'égard des distributeurs agréés dont l'effet cumulatif a eu pour effet de restreindre le jeu de la concurrence en évinçant certains distributeurs en particulier ceux ayant une dimension modeste n'appartenant pas à une chaîne nationale et en figeant les parts de marché détenues par les marques les plus puissantes) et que l'un - le grief 2 A -, non notifié, ne la concernait pas ; qu'elle souligne ne pas connaître l'incidence de ces circonstances sur les sanctions prononcées ;

Considérant que les griefs imputés doivent être précis pour permettre aux parties mises en cause de présenter utilement leur défense ; qu'en l'espèce, le plein exercice de ces droits de défense n'a pas été entravé, la société Clarins Fragrance Group ne pouvant se plaindre d'un quelconque préjudice résultant de l'abandon de griefs estimés non établis (n° 5 et 2B) et ayant pu normalement débattre des faits retenus dans le grief n° 3 portant sur des pratiques de contrôle de publicité venant étayer le grief n° 1 concernant la pratique générale de prix de vente imposés ;

Qu'un même fait peut être pris en compte pour l'examen du bien-fondé de griefs différents ; qu'il était donc loisible au Conseil de regrouper les trois griefs dont s'agit relevant de la pratique générale d'entente sur les prix sous condition de prononcer des sanctions proportionnelles à la réalité des faits commis par chaque entreprise, selon que ces derniers englobent ou non les pratiques définies aux griefs 2A et 3 ;

Considérant que ce moyen n'a donc pas à être retenu au stade du contrôle de la procédure ; que quoi qu'il en soit, la société Clarins Fragrance Group ne démontre pas concrètement, en quoi et comment, elle a pu être trompée sur le champ de l'accusation qui la concerne puisque ce dernier est repris aux points 251 à 259 de la Décision ;

1.3.2. Quant à l'extension prétendue des griefs au stade de la décision

Considérant que la société Guerlain fait reproche au Conseil d'avoir utilisé pour la première fois au stade de la Décision, la notion de " prix inférieur au prétendu prix minimum mais insuffisamment significatif " à propos de deux produits (l'eau de toilette Habit Rouge et la poudre Terracotta), sans donner de critère objectif permettant de comprendre en quoi, un prix inférieur au prix de vente conseillé revêt ou non un caractère suffisamment significatif ; qu'elle souligne que cette approche lui est d'autant plus préjudiciable qu'une très légère variation du prétendu prix public indicatif ou PPI - peut faire la différence entre une condamnation et une mise hors de cause ; qu'elle a ainsi conduit à sa condamnation alors que pour certains produits, le taux de respect du prix de vente n'était à l'évidence pas significatif ;

Considérant cependant qu'exposé sous l'angle d'une violation des droits de la défense, ce grief tend à remettre en cause la pertinence du raisonnement économique adopté par le Conseil par une critique de son postulat de départ qui, selon les dires de la requérante, n'aurait fait l'objet d'aucun débat véritable ; que ce grief ne présente à l'évidence pas de caractère autonome par rapport au grief se rapportant à l'infraction constatée de pratiques de prix imposés puisqu'il s'agit simplement d'une manière d'apprécier la portée probante de relevés de prix établis par la DGCCRF dont le contenu était nécessairement connu de la société mise en cause ; qu'il convient essentiellement de l'examiner dans le cadre du moyen tiré de la violation des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du TCE devenu 101 § 1 du TFUE que ce soit au niveau de la qualification de cette pratique ou de la sanction ; qu'au demeurant la cour a déjà annoncé le caractère probant très relatif des relevés de prix dans ce dossier pour les raisons ci-avant et ci-après développées (paragraphes 2.1.5 et 1.3.4 du présent arrêt) ;

Considérant encore que les critiques avancées par les autres sociétés requérantes, et notamment par la société Elco sur le niveau des prix prétendument imposés par elle retenu par le Conseil, sont de même nature et appellent la même réponse ; que la société Elco explique ainsi avoir, dans ses observations devant le Conseil, mis en avant une dizaine de déclarations de distributeurs expliquant utiliser un coefficient différent de celui retenu par la DGCCRF et par le Conseil ; qu'elle souligne avoir démontré qu'aucun document du dossier la concernant ne comprenait la mention d'un coefficient multiplicateur s'élevant à 1,97 et que quoi qu'il en soit, les prix publics indicatifs effectivement communiqués à ses distributeurs dans ses bons de commande ne correspondaient en rien à ceux reconstitués par les services de l'Administration à partir du coefficient multiplicateur précité ;

Considérant enfin que les fournisseurs requérants et notamment la société Elco reprochent encore au Conseil d'avoir procédé à une extension du grief portant sur les prix imposés, en ce que la rapporteure a notifié un grief d'entente avec "la grande majorité" de leurs distributeurs " agréés de parfums et cosmétiques de luxe au premier rang desquels les sociétés Douglas, Marionnaud, Nocibé et Séphora France" alors que la Décision retient une entente avec tous les distributeurs" sans limitation (à l'exclusion de Douglas) "; qu'elles affirment se trouver nécessairement condamnées pour un grief plus large que celui qui lui avait été initialement notifié, sans avoir pu comprendre quel était le nombre et l'identité des distributeurs pris en compte et sans avoir donc pu prendre la véritable mesure de ce grief d'entente verticale, non doublée d'une entente horizontale ;

Considérant cependant que la démonstration d'une entente verticale anticoncurrentielle reprochée à un fournisseur n'exige jamais l'identification de tous les distributeurs ; que l'ensemble des distributeurs tel qu'envisagé et retenu dans la Décision ne s'analyse pas autrement que comme l'ensemble de ceux désignés dans le corps du rapport final, postérieur à la notification de griefs, autrement dit "avec la grande majorité de leurs distributeurs agréés de parfums et de cosmétiques de luxe au premier rang desquels les sociétés Marionnaud, Nocibé et Séphora" ; qu'il peut quoi qu'il en soit être rappelé que le champ de l'incrimination a été restreint par la Décision puisque le distributeur Douglas, initialement poursuivi, a été finalement mis hors de cause et que ce qui importe est que le nombre de distributeurs concernés soit analysé comme étant suffisamment significatif pour pouvoir altérer le fonctionnement du marché ;

Qu'aucune atteinte aux droits de la défense ou au principe de la contradiction n'est donc caractérisée ;

1.3.3. Quant à la mise en cause des distributeurs visés par la Décision

Considérant que la société Elco remarque que l'infraction alléguée est établie sur les résultats d'une enquête réalisée auprès de 58 de ses distributeurs et partant, sur des relevés de prix pratiqués chez 52 d'entre eux ; qu'elle souligne qu'alors qu'elle se voit reprocher une entente avec l'ensemble de ses distributeurs (au nombre de 343 clients à l'époque des faits), seuls 4 (les sociétés Nocibé, Marionnaud, Sephora et Douglas) ont été attraits à cette procédure ; qu'elle précise ne pas avoir ainsi pu connaître le point de vue des 54 distributeurs concernés par l'enquête administrative non attraits à la présente cause, sur les éléments à charge retenus par le Conseil (relevés de prix et déclarations consignées par les enquêteurs de la DGCCRF) et estime pour ces raisons, avoir été privée d'un examen équitable de sa cause ; qu'elle explique que cette situation porte nécessairement atteinte à la réputation de ses clients et conclut que la violation du principe de la contradiction envers ces distributeurs comme envers elle, doit conduire à écarter toutes pièces, documents, relevés de prix et autres contestations les concernant ; qu'elle relève encore ne pas avoir pu exactement prendre la mesure du grief qu'on lui opposait faute de pouvoir identifier les co-auteurs du grief de pratique verticale de prix imposés alors que plus le nombre de distributeurs incriminés est élevé, plus l'infraction reprochée et partant, la sanction appliquée, est potentiellement lourde ;

Considérant cependant que la société Elco n'est pas recevable à se prévaloir d'une prétendue atteinte que la présente procédure occasionnerait à la réputation de distributeurs non attraits à la cause ;

Que le Conseil était par ailleurs en droit en vertu de son pouvoir d'opportunité des poursuites, de ne pas mettre en cause dans la procédure au fond suivie devant lui les distributeurs qui, compte tenu des constatations de l'enquête et de l'instruction, ne lui apparaissaient pas avoir eu une part significative dans la constitution des pratiques dénoncées ; que cette autorité a rappelé à bon droit au paragraphe 411 de sa Décision que la démonstration d'une entente verticale sur les prix entre un fournisseur et ses distributeurs exige d'établir la commission d'une pratique illicite par le fournisseur (... ) mais non de mettre en cause chacun des distributeurs ; qu'il est en effet acquis que pour établir le caractère anti-concurrentiel d'une pratique, les autorités administratives et judiciaires de la concurrence suivent un raisonnement hypothético-déductif spécifique à la matière, imprégnée par l'analyse économique ; qu'il ne peut donc être sérieusement soutenu qu'en l'espèce, la société Elco n'a pas été à même d'avoir connaissance de tous les éléments recueillis dans le cadre de l'enquête administrative non contradictoire et partant, à même d'en contredire la crédibilité au cours de la phase contradictoire postérieure, selon tous moyens de preuve à sa disposition ;

Qu'aucune disposition légale ni aucun principe général n'interdit au demeurant aux autorités de concurrence de se prévaloir à l'encontre d'une entreprise, sous certaines réserves liées à la vérification de leur crédibilité, des déclarations d'autres entreprises auxquelles est imputée une participation à l'entente sous peine de rendre la charge de la preuve de comportements anticoncurrentiels incompatible avec la mission incombant aux autorités de concurrence, de surveillance de la bonne application de la légalité économique ;

Que sur ces constatations et pour ces raisons, le grief de violation du principe de la contradiction soulevé par la société Elco comme tout grief strictement identique directement ou indirectement avancé par les sociétés requérantes, sera écarté ;

1.3.4. Quant au standard de preuve exigé des parties mises en cause

Considérant que les sociétés requérantes et notamment, les sociétés BPI, Comptoir nouveau de la Parfumerie-Hermès Parfums, Elco, Guerlain... critiquent le standard de preuve adopté par le Conseil ; qu'elles expliquent en substance qu'elles ne pouvaient contredire la pertinence des relevés de prix et partant, l'absence d'application effective des prix conseillés sans réaliser elles-mêmes, à la même période, des relevés de prix pour leurs produits sur une base statistique plus représentative que ceux réalisés par les services de la DGCCRF ; que certaines (Elco... ) précisent que cette preuve est pour elles impossible à rapporter dans la mesure où, contrairement à d'autres fournisseurs, elles n'ont jamais mis en place de dispositif de suivi des prix pratiqués par leurs distributeurs et où, n'ayant pas été tenues informées des relevés réalisés par les services de l'Administration, elles n'ont pu faire constater en parallèle, par huissier de justice et à la même période, les prix pratiqués dans l'ensemble de leurs points de vente ; qu'ayant ainsi été privées de la possibilité de se constituer une preuve à décharge essentielle pour leur défense, elles ont subi une atteinte à leurs droits disproportionnée par rapport à l'impératif de secret de l'enquête ; que le fait pour le Conseil d'avoir appuyé sa démonstration sur le troisième élément du faisceau d'indices caractérise ainsi une violation manifeste des droits de défense des entreprises mises en cause et justifie l'annulation de la Décision de ce chef ;

Considérant cependant, que sous couvert d'un pur grief de violation des droits de la défense, les parties requérantes cherchent en réalité à faire admettre leur droit corollaire d'accès aux indices relevés par l'Administration et au dossier constitué par celle-ci, antérieurement à la notification des griefs ;

Qu'il y a de nouveau lieu de rappeler que ce n'est qu'au début de la phase contradictoire administrative que l'entreprise concernée est informée par la communication des griefs des éléments essentiels sur lesquels le Conseil, aujourd'hui Autorité, se fonde pour justifier la procédure ; que ce n'est donc qu'à partir de la notification des griefs que l'entreprise dispose d'un droit d'accès au dossier pour garantir l'exercice effectif des droits de la défense, faute de quoi l'efficacité des investigations menées par les enquêteurs soumis au principe de loyauté dans le recueil des éléments de preuve pourrait se trouver compromise ; que quoi qu'il en soit, il a déjà été dit que le devoir général de prudence pesant sur les entreprises devait les conduire à conserver les éléments leur permettant de justifier de la licéité de leurs pratiques ; que les relevés de prix ne sont que l'un des indices retenus par le Conseil pour démontrer l'acquiescement des distributeurs à l'invitation des fournisseurs de pratiquer les prix de détail conseillés ; qu'ils ne se voient par ailleurs reconnaître qu'une valeur relative dans ce dossier ; que le principe prévalant en la matière est enfin celui de la liberté de tout mode de preuve ;

Que sur ces constatations et pour ces raisons, le moyen d'annulation tiré d'une telle atteinte au principe de la contradiction sera écarté ;

1.3.5. Quant aux conditions d'examen des observations des sociétés Elco et Comptoir Nouveau de la Parfumerie - Hermès Parfums, YSL Beauté, L'Oréal Produits de luxe France, Marionnaud

Considérant que la société Elco fait grief à la Décision attaquée de n'avoir pris en compte ni ses observations écrites ni les pièces par lesquelles elle contestait le caractère probant de l'étude de prix réalisée par les services de la DGCCRF ; que selon ses dires, contrairement aux énonciations du paragraphe 514 de la Décision, chacune des pièces sur lesquelles elle fondait ses observations comprenait un élément chiffré et précis de sorte qu'à l'évidence, les pièces à décharge produites à l'appui de ses écritures n'ont pas été sérieusement examinées ;

Que la société Comptoir Nouveau de la Parfumerie-Hermès Parfums soutient également avoir fourni au Conseil des éléments de preuve épars qu'elle a pu retrouver dans ses archives (prix de vente moyens de six références de parfums Hermès du dernier trimestre 1999 issue de l'étude d'un panel de parfumeries sélectives réalisée par la société TNS Secodif, relevés de prix d'Hermès Parfums des 3 et 4 juin et 13 juillet 1999 sur quelques références dans les villes de Poitiers, Puilboreau, La Rochelle, Saintes et Pau, relevés de prix relatifs à quelques références de parfums Hermès réalisés en juin 1999 par la société Marie-José Farina dans les villes d'Aix-en-Provence et d'Angers retrouvés par Hermès Parfums dans ses archives, une étude TNS Worldpanel faisant état des prix de revente moyens pratiqués en juin et juillet 1999 par 532 points de vente pour les parfums 24 Faubourg, Calèche et Hiris) et lui fait grief de ne pas avoir pris la peine de les examiner au point d'omettre de les mentionner dans sa Décision ;

Que la société YSL Beauté estime au vu des particularités procédurales de cette affaire, que le refus du Conseil de prendre en considération les prix en caisse des produits de plusieurs marques de parfumerie vendues dans ses points de vente constitue une violation des droits de la défense ; qu'elle souligne que la durée déraisonnable de la procédure l'a empêchée de se procurer d'autres relevés de prix affichés, contemporains de ceux effectués par l'Administration ; que l'un des distributeurs ayant retrouvé les données de prix de l'époque portant sur les prix pratiqués à la caisse, toutes les entreprises concernées par l'enquête auraient dû être autorisées à le faire dans le cadre de leur défense ; que ne pas admettre cette possibilité revient à priver les parties et notamment elle-même, de toute possibilité d'apporter une contradiction à la thèse d'un alignement de prix ;

Que la société L'Oréal Produits de luxe France soutient que, en ce qui la concerne, la Décision opère des sélections arbitraires dans les éléments de preuve réunis lors de l'enquête administrative ; que la Décision a retiré de son champ d'analyse 4 des 6 marques qu'elle distribue et 6 produits sur les 13 concernés par l'enquête administrative et partant les relevés concernant les produits Cacharel, Ralph Lauren, Guy Laroche et Lanvin ; que cette manière de procéder ne peut que discréditer les conclusions tirées à son encontre puisque par hypothèse, le calcul et les conclusions auraient été différents si l'analyse avait couvert l'ensemble de ses produits ; qu'elle fait encore reproche à la Décision d'avoir concentré son analyse sur 3 de ses marques (Helena Rubinstein, Lancôme et Armani) dont une (Helena Rubinstein) n'a fait l'objet d'aucun relevé de prix ; qu'elle affirme que la Décision est marquée du sceau de partialité et de l'inexactitude manifeste pour ce qui la concerne dès lors que pour la marque Armani, les relevés de 2 produits sur 3 présentant un taux de respect inférieur à 80 % ont été délibérément écartés ; que, par la double sélection ci-dessus rappelée, 62 % des relevés de prix réalisés sur des produits de ses marques sont écartés de l'analyse ; que le taux moyen de respect des relevés de prix réalisés par l'Administration équivaut en réalité à 65 % avec par surcroît, une importante dispersion de prix ; que tous les éléments de preuve allégués par elle n'ont donc pas été pris en considération en tant que données pertinentes ; que le Conseil a manqué à l'obligation de motivation lui incombant au point d'entacher la Décision d'un vice de forme justifiant son annulation ;

Considérant que la société Marionnaud explique pour sa part que le fait pour le Conseil d'avoir refusé de prendre en compte les prix réellement pratiqués, revenait de facto à lui interdire de faire la preuve d'un élément de fait essentiel au succès de ses prétentions, ce qui est en soi une atteinte au principe de l'égalité des armes découlant du droit au procès équitable garanti par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Considérant cependant que ces différentes sociétés et toute autre société requérante ayant adopté la même ligne de défense contestent en réalité par ce moyen, la pertinence de l'analyse économique et juridique du Conseil ; que ce grief ne présente à l'évidence pas de caractère autonome par rapport au grief se rapportant à l'infraction constatée de pratiques de prix imposés ; qu'il y a donc essentiellement lieu de l'examiner dans le cadre du moyen tiré de la violation des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du TCE devenu 101 § 1 du TFUE ; que quoi qu'il en soit, le principe de liberté des preuves régissant la matière permet au Conseil de rapporter la preuve de l'entente dont s'agit par tout moyen tel, tout document interne, lettre, télécopie, bon de commande ou autre élément, démontrant clairement sa réalité ; qu'ainsi qu'il a été précisé (§ 1.3.4. du présent arrêt) et sera jugé pour les motifs ci-après développés (cf. § 2.1.5 du présent arrêt), la cour estime que c'est à suffisance de droit que le Conseil n'a pas accordé aux relevés de prix et aux prix pratiqués à la caisse une importance décisive dans la démonstration de faits d'entente verticale généralisée sur les prix au sens des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du TCE (aujourd'hui article 101 § 1 du TFUE) de sorte qu'aucune violation des droits de la défense ne saurait être de ce chef établie ; que ce moyen d'annulation sera écarté ;

Considérant finalement qu'il appartient à la cour de vérifier, société par société, si l'accord de volonté illicite a ou non, au vu des pièces du dossier, été prouvé sans erreur de droit par le Conseil ;

2. Sur les moyens d'illégalité substantielle ou interne

Considérant qu'en ce qui concerne la cause de cette légalité, la cour doit statuer sur l'exactitude de qualification des pratiques sanctionnées par le Conseil, au regard de la norme juridique applicable et de l'analyse économique qui sous-tend cette qualification ;

Que pour ce faire, la cour répondra d'abord aux griefs convergents des sociétés requérantes puis statuera sur les griefs d'illégalité spécifiques avancés par chaque entreprise ;

2.1. En ce qui concerne les données de base

2.1.1. Quant à l'affectation du commerce intracommunautaire

Considérant que les sociétés Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Parfums Christian Dior s'opposent à l'application au présent litige du droit de l'Union européenne, observant que la condition nécessaire de l'affectation sensible du commerce entre Etats Membres n'est pas établie ;

Qu'elles font reproche au Conseil d'avoir estimé qu'un système de distribution sélective était par nature susceptible d'affecter le commerce intra-communautaire et d'avoir ainsi centré son analyse sur les contrats de distribution qui les lient alors que les pratiques reprochées ne concernent ni les clauses de ces contrats ni leur application ;

Qu'elles ajoutent que les contrats de distribution les concernant ne prévoyaient aucune obligation d'achat exclusif à la charge du distributeur et que si les lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales du 13 octobre 2000 et surtout celles relatives à la notion d'affectation du commerce du 27 avril 2004 n'exigent qu'une simple éventualité d'affectation des échanges, le dossier ne contient strictement aucune énonciation sur les prix pratiqués dans d'autres Etats Membres ; qu'aucune affectation sensible au sens des règles européennes n'est quoi qu'il en soit établie, le Conseil s'étant borné dans sa Décision à évoquer trois documents ne concernant pas les pratiques qui leur sont individuellement reprochées (une note interne de la société Hermès France du 23 novembre 1998, un document relatif à des remises de la société Chanel intitulées "conditions France transnationales" et la déclaration du 3 février 2005 du directeur France de la société Calvin Klein relative à un conflit avec la société Sephora) ;

Qu'elles déclarent encore que la pratique poursuivie qui ne se conjugue pas avec une entente horizontale entre fournisseurs, concerne les seules relations nouées entre chaque fournisseur et son réseau ; que pour caractériser du chef de l'entente verticale reprochée, une présomption d'affectation sensible du commerce intracommunautaire au sens des lignes directrices de la Commission européenne du 27 avril 2004, il n'y a donc pas lieu de considérer globalement les chiffres d'affaires et les parts de marché des autres fournisseurs ; que sur ce point la Décision encourt, selon leurs dires, un grief de grave défaut de motivation justifiant son annulation ;

Considérant cependant, que toute entente de prix imposé qui s'étend à l'ensemble du territoire ou à une vaste majorité du territoire d'un Etat membre est par sa nature même, fortement présumée comme étant susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres dans la mesure où, par un effet direct de cloisonnement naturel, cette sorte d'entente assure une protection à la production et à la distribution nationales et entrave l'interpénétration économique voulue par le traité européen (cf. point 88 des lignes directrices de la Commission européenne du 27 avril 2004 : 2004-C 101-07) ;

Qu'en l'espèce il ne peut être qu'admis que les pratiques en cause s'étendent à l'ensemble du territoire national, les distributeurs sanctionnés étant des chaînes de dimension nationale disposant de magasins de vente sur l'ensemble du territoire, dans un secteur occupant, ainsi que vu supra (paragraphe 2 de la partie intitulée " Prolégomènes"), une place essentielle dans l'économie du pays puisqu'il a en 2002, été classé quatrième exportateur net derrière les secteurs de l'aéronautique, de l'agro-alimentaire et de l'automobile ; qu'il est par ailleurs établi et non contesté que tous les fournisseurs appartiennent à des groupes de dimension mondiale ;

Considérant qu'il ressort en outre du point 45 des lignes directrices du 27 avril 2004, auxquelles les parties requérantes se réfèrent dans leurs argumentaires, que " l'appréciation du caractère sensible dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l'accord ou de la pratique, de la nature des produits concernés et de la position des marchés des entreprises en cause (... ). Plus la position de marché des entreprises en cause est forte, plus il est probable qu'un accord ou une pratique susceptible d'affecter le commerce entre Etats Membres pourra être considéré comme le faisant de façon sensible "; que le point 47 ajoute: " le caractère sensible peut être mesuré à la fois en termes absolus (chiffre d'affaires) et en termes relatifs en comparant la position de la ou des entreprises en cause avec celle d'autres acteurs du marché (part de marché) ; que les points 52 et 53 des mêmes lignes directrices établissent une présomption positive réfragable d'affectation sensible se rapportant notamment aux accords verticaux, appelée à jouer dès lors que le chiffre d'affaires réalisé par le fournisseur avec les produits concernés par l'accord excède 40 millions d'euros ou que la part de marché totale des parties sur le marché affecté par l'accord est supérieure à 5 % précision étant faite que, dans le cas d'accords conclus entre un acheteur et plusieurs fournisseurs, le chiffre d'affaires pris en considération correspond à celui d'achats combinés de l'acheteur de produits couverts par les accords ;

Considérant qu'au cas présent, le Conseil était saisi d'un grief d'ententes verticales entre chaque fournisseur et la majorité de ses distributeurs et entre les trois distributeurs représentant l'essentiel de la distribution des parfums de luxe en France et leurs fournisseurs, avec cette précision que ces ententes répondaient à une orientation similaire décrite au début du paragraphe 2.2 du présent arrêt ; que c'est à tort que les sociétés requérantes reprochent à la Décision d'avoir retenu au soutien de son analyse, des éléments propres aux sociétés Hermès, Chanel, Calvin Klein et Sephora qui leur étaient étrangers; qu'il ressort en effet des énonciations du point 14 des lignes directrices précitées que "en ce qui concerne l'article 81 du traité, c'est l'accord qui doit être susceptible d'affecter le commerce entre Etats Membres. Il est indifférent que, considérée isolément, chaque partie de l'accord, y compris les restrictions du jeu de la concurrence pouvant découler de l'accord soient susceptibles de le faire. En revanche, si l'accord pris dans son ensemble peut affecter le commerce entre Etats Membres, le droit communautaire s'applique à l'intégralité de l'accord, y compris à ses parties qui, prises isolément, n'affectent pas le commerce entre Etats Membres";

Qu'au regard des instruments de mesure de l'effet sensible sus-énoncés, c'est à juste titre que le Conseil a considéré que les règles de droit communautaire devaient être appliquées puisque notamment, ainsi que précisé aux §§ 9, 16 et 17 de la Décision, les fournisseurs représentaient en 1999 un chiffre d'affaires de 1,23 milliards d'euros et plus de 80 % de parts de marché et que les trois distributeurs sanctionnés (Sephora, Marionnaud et Nocibe) représentaient pour la période comprise entre 1998 et 2000, avec la société Douglas finalement mise hors de cause par le Conseil, une part de marché de l'ordre de 50 à 55 % (inférieur à 15 % pour la société Marionnaud, entre 17 et 25 % pour la société Sephora et près de 5 % pour la société Nocibé) ;

Considérant qu'aucune indication ni élément de preuve n'étant fournis par les parties requérantes pour renverser ces présomptions, le moyen d'annulation sera écarté et le principe d'application des articles 81 § 1 du TCE (aujourd'hui 101 et suivants du TFUE) retenu, au triple visa de la nature et de l'économie des pratiques poursuivies ainsi que des contextes juridique et économique dans lesquels ces dernières ont, dans les circonstances de cette espèce, été mises en œuvre ; que les parties requérantes n'allèguent et ne justifient pas en quoi et pourquoi elles seraient aujourd'hui, dans l'impossibilité de fournir le moindre élément de preuve contraire ;

Qu'aucune autre partie requérante ne s'oppose à l'application de ces normes européennes ;

2.1.2. Quant aux exigences de preuve d'une entente verticale généralisée

Considérant que la société YSL Beauté interroge la cour sur le bien-fondé pour ce qui la concerne, des exigences de preuve adoptées par le Conseil ; qu'elle estime que sa participation en tant que fournisseur à une entente verticale généralisée sur les prix avec ses distributeurs ne peut être présumée du seul fait de l'appartenance de ces derniers à son réseau de distribution sélective sans que soit rapportée, pour chaque distributeur mis en cause, notamment pour les trois chaînes nationales (Marionnaud, Nocibé et Sephora), la preuve spécifique de son acquiescement aux pratiques constatées ; qu'elle explique qu'à défaut, aucune participation à une entente généralisée sur les prix ne peut lui être imputée, ce qui selon elle, serait le cas dans les circonstances de la présente espèce, en l'absence de tout élément de preuve se rapportant aux relations commerciales spécifiquement entretenues avec les sociétés Marionnaud, Sephora et Nocibé ;

Qu'elle demande à la cour, de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle quant à l'interprétation à retenir sur cette question de preuve, proposant de la poser dans les termes suivants : " La jurisprudence des juridictions communautaires relative à la preuve d'une entente verticale et plus particulièrement les arrêts rendus dans les affaires T-368-00 Général Motors Netherlands BV et Opel/Commission (arrêt du TPICE du 21 octobre 2003) et sur pourvoi n° C-551-03 P (arrêt de la CJCE 6 avril 2006) et T-208-01 "Volkswagen AG/Commission (arrêt du TPICE du 3 décembre 2003) et sur pourvoi n° C-74-04-P (arrêt de la CJCE 13 juillet 2006), doit-elle être interprétée en ce sens que, dans un réseau de distribution, quand le contrat ne contient pas de clauses anticoncurrentielles, la constatation d'une entente généralisée sur les prix dans l'ensemble du réseau, nécessite que soit rapportée la preuve pour chaque distributeur de son acquiescement effectif à l'invitation illégale qui lui a été faite, ou l'existence de cette entente généralisée peut-elle être établie, à l'encontre du fournisseur, sans que les distributeurs soient identifiés et sans que leur participation individuelle ne soit établie / Lorsque certains distributeurs seulement sont poursuivis et sanctionnés avec le fournisseur, l'autorité de concurrence compétente peut-elle s'exonérer d'établir la preuve de la participation individuelle à l'infraction des distributeurs mis en cause ? "

Considérant encore que les autres sociétés requérantes et notamment, les sociétés BPI, Parfums Christian Dior, Guerlain, LVMH Fragrance Brands, L'Oréal Produits de luxe France et Shiseido Europe font grief à la Décision déférée de caractériser une entente, entre elles et tous leurs distributeurs ou, entre elles et la grande majorité ou un nombre significatif, voire simplement les distributeurs des trois chaînes nationales sanctionnées (Marionnaud, Nocibé et Séphora), sans établir individuellement, pour chaque participant à cette infraction administrative et pour chacune des marques commercialisées par elles, la preuve d'un accord au sens du droit de la concurrence (l'invitation ou l'évocation par le fournisseur de prix imposés, d'une part et l'acquiescement du distributeur pour chaque couple fournisseur/distributeur préalablement identifié, d'autre part), sur la base d'éléments suffisamment précis, au besoin par la méthode du faisceau d'indices adoptée par le Conseil ; qu'elles soutiennent que cette circonstance a conduit le Conseil à raisonner par amalgame alors qu'il devait lever ou expliquer les contradictions révélées par l'examen du dossier soumis à son appréciation et procéder notamment à l'analyse du fonctionnement de la concurrence au niveau local ; qu'elles en concluent que la Décision est affectée d'un vice de forme justifiant son annulation pour manquement à l'obligation de motivation ;

Considérant spécialement, que les sociétés requérantes et notamment la société Shiseido Europe précisent encore que les éléments constitutifs d'une infraction de nature pénale doivent être simultanément réunis, de manière individualisée puis répétée, pour que se pose la question de son caractère continu ; qu'estimer que la preuve d'une infraction peut reposer sur des preuves dispersées dans le temps serait contraire aux principes les plus élémentaires du droit et en particulier, contraire au principe de sécurité juridique valant principe général de droit de l'Union européenne devant bénéficier à l'ensemble des opérateurs économiques ;

Que la société L'Oréal Produits de luxe France fait, pour ce qui la concerne, grief à la Décision, de modifier substantiellement deux des premières conditions posées par la jurisprudence (évocation des prix de détail et application effective des prix) au point de faire perdre de vue la nécessité d'établir l'existence d'un accord de volontés en accordant une importance excessive à l'indice tiré de la police des prix et de réduire celle-ci à un simple contre-test ;

Considérant cependant que la preuve d'une entente verticale sur les prix conclue entre un fabricant et un ou plusieurs distributeurs exige celle d'un accord de leurs volontés en vue de faire échec aux règles du marché ; qu'il est exact que ce concours de volontés doit être établi de part et d'autre, en ce sens qu'il doit être constaté que les entreprises sanctionnées ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée ; qu'en l'espèce cette démonstration, faute de clauses contractuelles claires signées entre les parties au contrat de distribution sélective noué entre elles, résulte de la réunion d'un faisceau d'indices précis, graves et concordants comprenant 1) l'évocation entre le fournisseur et ses distributeurs des prix de revente des produits au public, 2) la mise en œuvre d'une police ou au moins d'une surveillance de ces prix et enfin 3) le constat que les prix évoqués ont été effectivement appliqués ; que la conjonction de ces indices est une condition suffisante pour établir l'entente du fournisseur en général et celle d'un distributeur particulier avec son fournisseur, précision étant faite que la preuve de chacun de ces indices est en elle-même libre et peut être établie par tout moyen ;

Considérant que l'existence de prix évoqués entre fournisseurs et distributeurs est ainsi une condition nécessaire à la matérialisation de l'entente puisque les distributeurs ne sauraient appliquer significativement des prix qu'ils ne connaissent pas ; que la conjonction de prix évoqués connus du fournisseur et de mesures mises en œuvre par ce dernier pour assurer le respect de ces prix (mesure de police) constitue la preuve évidente de l'adhésion volontaire de ce fournisseur à l'entente ; que le fait que les prix évoqués connus des distributeurs soient par ailleurs appliqués de manière significative par ces derniers, confirme l'effectivité de l'entente ; que, des prix évoqués, des mesures mises en œuvre par le fournisseur visant à les faire appliquer conjugués à une application significative de ces prix établissent donc la réalité d'une pratique d'entente imputable au fournisseur sans qu'il soit besoin de rechercher quels distributeurs particuliers ont participé à l'entente ; que par ailleurs la conjonction, de l'existence de prix évoqués, de leur application significative et de la participation aux mesures de police par un distributeur particulier établit l'acceptation expresse de ce distributeur particulier pour adhérer à l'entente ;

Que partant, si chacune des trois branches du faisceau est une condition nécessaire à la démonstration de l'entente, la conjonction des trois branches est la condition suffisante de la caractérisation d'une entente généralisée du fournisseur avec ses distributeurs en général et de celle d'un distributeur particulier avec son fournisseur ; qu'il importe d'apprécier globalement la fiabilité du faisceau d'indices, chaque élément de ce faisceau n'ayant pas à répondre au critère de preuve précis, graves et concordants dès lors que le faisceau répond à cette exigence ;

Considérant enfin que ces exigences de preuve applicables à la démonstration d'une entente verticale généralisée, ont été clairement et abondamment confirmées par les textes communautaires et par la jurisprudence des juridictions européennes visée par les termes mêmes de la question préjudicielle que la société YSL Beauté suggère de poser ;

Que les demandes de question préjudicielle et/ou d'annulation doivent être subséquemment écartées ;

2.1.3. Quant à la prohibition des clauses par lesquelles un producteur impose à ses distributeurs un prix de revente et aux conditions de mise en œuvre du mécanisme d'exemption par catégorie du règlement n° 2790-1999 du 22 décembre 1999

Considérant que la société Nocibé expose que la Décision encourt l'annulation en ce que le Conseil a, au mépris des dispositions de l'article 101 du TFUE (ex-article 81 TCE), relevé qu'une clause par laquelle un producteur impose à ses distributeurs un prix de revente est une clause illicite faisant per se échapper l'accord à la possibilité d'être exempté au titre de l'article 101 § 3 du traité (ex-81 § 3) ; qu'elle explique qu'il est en effet admis que ce type de pratique peut dans certaines hypothèses, relever du champ d'application de ce dernier article et partant, se trouver soumis à une exemption individuelle ;

Que les sociétés Guerlain, LVMH Fragrance Brands et Parfums Christian Dior expliquent quant à elles que faire présumer les effets d'une entente verticale sur les prix à partir de son objet méconnaît gravement le mécanisme fondamental d'exemption par catégorie prévu par le Règlement de la Commission européenne n° 2790-1999 du 22 décembre 1999 applicable aux faits de la présente espèce ; qu'elles soutiennent que ce règlement prévoyait que les accords verticaux satisfaisant à certaines conditions tenant notamment, à leurs clauses et à la part de marché des parties, peuvent engendrer des effets bénéfiques pouvant l'emporter sur les effets anticoncurrentiels en découlant et relever ainsi du champ d'application de l'article 101 § 3 du TFUE ; qu'elles arguent du fait que le dit règlement n'instituait aucune infraction per se attachée à telle ou telle pratique et que le Conseil en a donc à tort, décidé ainsi ; que ce dernier aurait au demeurant dû se livrer à un bilan concurrentiel prenant en compte les effets des pratiques sur la concurrence intramarques (entre distributeurs d'une même marque) et intermarque (entre fournisseurs de marques concurrentes) ;

Considérant cependant que s'il est exact que le règlement n° 2790-1999 permet de tenir compte des effets économiques d'un accord sur le marché, ce règlement contient aussi une liste de "clauses noires" notoirement restrictives de concurrence dont celle de prix de vente imposés qui ne peuvent jamais bénéficier d'une exemption automatique, quelles que soient les parts de marché du fournisseur [article 4 a) du dit Règlement au demeurant non remis en cause par le Règlement ultérieur UE n° 330-2010 de la Commission européenne du 20 avril 2010 entré en vigueur depuis la cessation des pratiques] ; qu'en l'espèce, aucun examen supplémentaire à celui concernant un éventuel objet anticoncurrentiel ne s'imposait ainsi au Conseil pour qualifier les pratiques dont il était saisi ; que le moyen d'annulation avancé par les parties précitées sera écarté, ce rejet laissant néanmoins ouverte la question d'une exemption individuelle dont la mise en application éventuelle fera l'objet d'un examen ci-après (paragraphe 2.3. de cet arrêt) ;

2.1.4. Quant à la méthode de preuve : l'intensité du niveau de preuve, l'objet de cette preuve et les principes inspirant l'analyse du faisceau d'indices propres à établir l'infraction poursuivie

2.1.4.1. L'objet de la preuve : un accord de volontés au sens du droit de la concurrence

Considérant que les sociétés requérantes et notamment, les sociétés BPI, Chanel, Guerlain, Comptoir Nouveau de la Parfumerie - Hermès, Parfums Christian Dior, Parfums Givenchy et Kenzo Parfums reprochent au Conseil de s'être, au mépris du principe supérieur de sécurité juridique, affranchi du standard de preuve habituel admis en matière d'accords anticoncurrentiels ; qu'elles expliquent que le Conseil a au stade de la Décision, retenu un nouveau faisceau d'indices en sorte que, là où dans sa pratique décisionnelle antérieure elle exigeait une négociation de prix au cours de discussions commerciales, la simple connaissance par les distributeurs des prix souhaités par le fournisseur a été estimé suffisante et que, à la notion de prix "effectivement pratiqués" se substitue celle de prix appliqué "significativement"; qu'elles relèvent que cette " volteface" qui dans une procédure répressive n'est pas acceptable, s'explique par une insuffisance de preuves au regard des standards habituellement admis ;

Considérant cependant, que le Conseil a, ainsi qu'il sera vu plus précisément ci-après, bien fait application des jurisprudences communautaire et nationale les plus récentes pour caractériser un accord de volontés anticoncurrentiel au sens du droit de la concurrence ; que la preuve d'une entente sur les prix requiert de manière générale que soient démontrés d'une part, l'existence d'une invitation à l'accord émanant d'une des entreprises en cause et d'autre part, l'acquiescement, même tacite des autres parties à cette invitation ; que le Conseil, au point 455 de la Décision, a subséquemment retenu comme critères de preuve trois indices constitutifs d'un faisceau : 1) les prix de vente au détail souhaités par le fournisseur sont connus des distributeurs, 2) une police des prix a été mise en place pour éviter que des distributeurs déviants ne compromettent le fonctionnement durable de l'entente, 3) ces prix sont significativement appliqués par ces derniers ;

Que si la communication des prix de vente conseillés par le fournisseur à un distributeur n'est pas en elle-même illicite, il y a entente collusoire lorsqu'il résulte des engagements de ce distributeur ou des comportements des parties (application par le distributeur des prix communiqués et mise en place, par le fournisseur, de mécanismes de contrôle des prix pratiqués) que ces prix sont en réalité considérés comme des prix imposés ; que c'est à bon droit que le Conseil a retenu que, dans cette hypothèse, l'évocation des prix avec le distributeur s'entend de tout procédé par lequel le fournisseur fait connaître à ce distributeur les prix auxquels il souhaite que son produit soit vendu au consommateur, sans qu'il soit nécessaire qu'il y ait eu de négociation préalable ; que dans un tel contexte, l'évocation de ces prix est bien constitutive d'une invitation à l'entente ;

Qu'en ce qui concerne l'acquiescement des distributeurs à cette invitation, le critère retenu par le Conseil "d'application significative des prix imposés" doit y être considéré, contrairement à ce que soutiennent notamment les sociétés Guerlain, Givenchy, Parfums Christian Dior et Kenzo qui n'explicitent au demeurant pas précisément leur position, comme équivalant au critère habituel selon lesquels " les prix ainsi déterminés ont été effectivement pratiqués par les distributeurs" ; qu'il a de ce point de vue, été loisible au Conseil de recourir, pour démontrer l'acquiescement des distributeurs à l'entente, à des critères statistiques, dont le caractère opératoire sera examiné ci-après, ainsi qu'à tout autre élément, y compris documents internes, courriers ou télécopies, faisant mention d'un accord ;

2.1.4.2. L'intensité du niveau de preuve

Considérant que les sociétés requérantes et notamment les sociétés Guerlain, Parfums Givenchy, Parfums Christian Dior, Sephora et Shiseido Europe critiquent la Décision déférée en observant qu'il incombait au Conseil de rapporter d'abord la preuve que leur participation à une entente à objet ou effet anticoncurrentiel avec l'ensemble de leurs distributeurs, en ce compris les sociétés Marionnaud, Nocibé et Sephora, était la seule explication plausible au fonctionnement constaté du marché des parfums et cosmétiques de luxe et partant, que ce fonctionnement ne résultait pas d'un parallélisme admissible de comportements lié à la structure particulière dudit marché ou d'une entente horizontale entre les seuls distributeurs ; qu'en omettant d'envisager ces possibilités, la Décision encourt l'annulation ;

Considérant cependant que le Conseil, au point 454 de la Décision, a précisément envisagé l'hypothèse que les prix constatés sur le marché puissent résulter de ces situations alternatives ; que nonobstant les dénégations des sociétés requérantes sur ce point, l'existence qui, ainsi qu'il sera démontré ci-après, apparaît être celle de la présente espèce, d'une police verticale des prix impliquant aussi bien les fournisseurs que les distributeurs, exclut l'hypothèse d'un strict parallélisme conscient entre opérateurs économiques présents sur un même marché mais également, celle d'une entente directe entre les seuls distributeurs puisque les résultats du contrôle mutuel que ceux-ci pouvaient exercer entre eux étaient communiqués à leur fournisseur ; que partant, c'est à bon droit et à suffisance que le Conseil a pu considérer que le parallélisme de comportement constaté était en réalité, eu égard au comportement adopté par chaque entreprise, l'un des résultats visibles de cette entente ; que ce moyen d'annulation sera donc écarté ;

2.1.4.3. Les principes directeurs d'analyse

Considérant que plusieurs sociétés requérantes critiquent la démarche analytique suivie par le Conseil pour qualifier les pratiques constatées ; qu'elles lui reprochent d'avoir raisonné par amalgame et expliquent, qu'à l'instar des éléments constitutifs d'une infraction pénale, la preuve d'une entente anticoncurrentielle suppose la réunion de présomptions graves, précises et concordantes pour chaque indice du faisceau constitutif de cette infraction administrative ;

Considérant cependant que le Conseil doit rapporter la preuve des infractions constatées et établir les éléments de preuve propres à démontrer à suffisance de droit, l'existence de faits constitutifs de ces infractions ; que dans un tel contexte, le juge à qui est soumis un recours tendant à l'annulation d'une décision qui, comme au cas présent, inflige une amende, ne saurait conclure, ainsi que le rappellent les juridictions européennes, que le Conseil a établi l'existence de l'infraction à suffisance de droit si un doute subsiste dans son esprit sur cette question ; qu'il y a alors lieu de tenir compte du principe de présomption d'innocence tel qu'il résulte de l'article 6 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales relevant des droits fondamentaux constituant les principes généraux du droit communautaire et du droit interne ; qu'eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu'à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s'y rattachent, la présomption d'innocence s'applique en matière de violation des règles de concurrence susceptibles d'entraîner le prononcé d'amendes ; qu'il incombe au Conseil de faire état de preuves précises et concordantes pour caractériser l'existence de l'infraction administrative ; que, contrairement aux allégations des parties requérantes, chacune des preuves apportées ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l'infraction ; qu'il suffit que le faisceau d'indices invoqué, apprécié globalement, réponde à ce critère ; qu'en outre, compte tenu du caractère notoire de l'interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne peut être exigé de l'autorité de poursuite qu'elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contacts entre les opérateurs concernés ; que les éléments fragmentaires et épars dont pourrait disposer l'autorité de concurrence doivent, en toutes hypothèses, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes ; que l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel peut être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve solide d'une violation des règles de concurrence ;

Considérant encore que lorsque l'autorité de concurrence s'appuie uniquement sur la conduite des entreprises sur le marché considéré pour conclure à l'existence d'une infraction, il suffit à ces dernières de démontrer l'existence de circonstances donnant un éclairage différent aux faits établis par l'autorité de poursuite et permettant de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par cette autorité, pour conclure à l'inexistence d'une violation des règles communautaires et internes de la concurrence ; qu'en raison du principe de libre administration des preuves qui prévaut en la matière, l'absence de preuve documentaire ne permet cependant pas à l'entreprise concernée par le grief de mettre systématiquement en cause les allégations de l'autorité de concurrence, en présentant une explication alternative des faits ; que cette approche ne peut se concevoir que lorsque les preuves présentées par l'autorité de concurrence ne permettent pas d'établir sans équivoque l'existence de l'infraction et sans qu'une interprétation soit nécessaire ; que pour les mêmes raisons, en l'absence de preuves documentaires, l'autorité de concurrence n'est pas tenue d'effectuer des enquêtes indépendantes pour vérifier les faits allégués ;

Que la déclaration d'une entreprise à laquelle il est reproché d'avoir participé à une entente, dont l'exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises concernées, ne peut être considérée comme étant une preuve suffisante de l'existence d'une infraction commise par ces dernières, sans être étayée par d'autres éléments de preuve, le degré de corroboration requis pouvant être moindre, selon la fiabilité des déclarations en cause ;

Considérant quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, que le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité ; que selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité et partant la valeur probante d'un document dépend, de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de son contenu ; qu'en ce qui concerne la valeur probante des déclarations, une crédibilité particulièrement élevée peut être reconnue à celles qui premièrement, sont fiables, deuxièmement sont faites au nom d'une entreprise, troisièmement proviennent d'une personne tenue de l'obligation professionnelle d'agir dans l'intérêt de cette entreprise, quatrièmement vont à l'encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d'un témoin direct des circonstances qu'elles rapportent et, sixièmement ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion ;

Que la cour étudiera au cas par cas si les preuves retenues par le Conseil sont suffisantes pour établir, l'existence d'une entente généralisée au sein du système de distribution de chaque fournisseur ; que le moyen n'est pas fondé ;

2.1.5. Quant à la validité des relevés de prix effectués par les services administratifs de la DGCCRF

Considérant que les requérantes font grief au Conseil de n'avoir pris comme référence d'analyse que les prix affichés en magasin, sans prise en compte des remises annoncées dans le point de vente et non les prix réellement pratiqués en caisse comme base pour l'étude du respect par les distributeurs des prix imposés ; que selon elles, le secteur des parfums de luxe ne se prête pas aux promotions généralisées mais fonctionne avant tout sur un système de remises en caisse, calculées en fonction de la fidélité et du volume des achats réalisés par le client ; que ce système n'est pas aléatoire comme l'aurait affirmé le Conseil, mais au contraire fondé sur des critères objectifs et cohérents faisant partie intégrante de la politique tarifaire du distributeur ; qu'en retenant ces prix de caisse, le Conseil aurait pu se rendre compte que les prix effectivement pratiqués ne respectaient pas, dans la majorité des cas, les prix imposés ; que cette analyse était une possibilité matériellement ouverte au rapporteur, dans la mesure où il aurait pu demander à la DGCCRF, au cours de son enquête, de relever systématiquement les prix pratiqués par les distributeurs lors du passage des clients en caisse ; que ce travail, qui a d'ailleurs été fait pour onze parfumeries, aurait pu être étendu à l'ensemble des boutiques visitées ; qu'en l'absence de prise en compte des remises en caisse, l'appréciation faite par le Conseil du respect des prix conseillés est erronée et ne saurait constituer une preuve à l'encontre des sociétés condamnées ;

Considérant cependant que, comme l'a souligné le Conseil dans sa Décision, la politique tarifaire d'un distributeur est définie par les prix affichés en magasins, nets des remises annoncées dans le point de vente et ne saurait recouvrir les remises effectuées en caisse, qui relèvent certes de la politique commerciale générale de l'enseigne mais qui, à côté de la politique de prix du point de vente, sont une manière différente d'attirer et de fidéliser les clients ; que quand bien même ces systèmes de remise seraient fondés sur des critères objectifs et non-discriminatoires, ils constituent des gestes commerciaux accordés individuellement en fonction des caractéristiques du client pour le fidéliser et non, du produit vendu ; qu'ils ne sauraient dès lors, dans le cadre d'une analyse concurrentielle, être pris en considération dans l'appréciation de la politique tarifaire du distributeur vis-à-vis des fournisseurs ; que c'est à bon droit que le Conseil a exclu les remises en caisse de l'étude des prix effectivement pratiqués ; que le moyen n'est pas fondé ;

Considérant que les requérantes contestent ensuite la représentativité des relevés de prix, en constatant que ceux-ci ont été effectués par les enquêteurs de l'Administration en une seule fois, en 1999, durant la période creuse que selon elles, représentent les mois de juin à septembre pour le secteur des parfums de luxe ; que ces relevés, pour être opératoires, auraient dû être effectués à des périodes de forte demande et renouvelés plusieurs fois durant l'enquête ; que dans ces conditions, les résultats obtenus ne sauraient constituer une preuve du respect par les distributeurs des prix imposés ;

Considérant cependant que les relevés de prix réalisés concernent une période de quatre mois au cours de l'année 1999 ; qu'ils apportent donc une preuve susceptible d'être retenue du respect des prix par les distributeurs durant ce laps de temps ; qu'ainsi que le soulignent les requérantes, en l'absence d'autres relevés, il ne peut en être nécessairement déduit une force probante pour des périodes plus étendues ; qu'il appartiendra en conséquence à la cour de vérifier, au cas par cas, eu égard aux règles de preuve rappelées au point 2.1.4.3 de la Décision, et pour chaque société, la portée exacte des relevés de prix réalisés par les services de la DGCCRF ;

Considérant encore que les requérantes dénient toute valeur statistique aux relevés de prix ;

Qu'elles expliquent que premièrement, l'échantillon retenu par la DGCCRF, qui ne comprend que 59 produits pour 31, ne saurait être qualifié de représentatif ; que dans les faits, pour les 13 fournisseurs condamnés, seuls les prix de 7 parfums pour homme, 6 produits de soins et 5 cosmétiques ont été relevés ; que dans le cas des sociétés Givenchy, Hermès Parfums et Thierry Mugler, un seul produit de leur gamme a fait l'objet de relevés; qu'au surplus, les quelques produits choisis par le Conseil étaient généralement des nouveautés, moins susceptibles de faire l'objet de variations de prix dans la mesure où les clients étaient disposés, de toute façon, à payer un tarif élevé pour en disposer ; que l'analyse statistique des relevés de prix s'en trouve faussée ;

Que deuxièmement le choix des points de vente visités lors des relevés de prix ne correspond pas à la structure de la distribution de parfums de luxe à l'époque; que les parfumeries indépendantes et les groupements et franchises auraient alors représenté 15 % du marché chacun tandis que les chaînes nationales auraient couvert à elles seules 50 % de ce marché ; qu'en retenant un échantillon comprenant à parts égales des parfumeries indépendantes, des points de vente membres d'un groupement ou d'une franchise et des magasins faisant partie d'une chaîne, le Conseil aurait privé les relevés de prix considérés de toute force probante ;

Que troisièmement, les points de vente sélectionnés ne correspondent pas non plus à une exigence de représentativité géographique ; que l'échantillon retenu sous-estimerait particulièrement le Sud et l'Est de la France ainsi que les grandes villes de province ; qu'il sur-estimerait au contraire Paris et les moyennes villes de province ; que ce parti-pris aurait une influence sur les résultats obtenus, la concurrence étant généralement moins vive entre distributeurs dans les petits centres urbains qui ne comptent que très peu de points de vente, par rapport à celle observée dans des zones de chalandise plus animées ; que les résultats en seraient statistiquement faussés ;

Que quatrièmement, pour prouver avec une marge d'erreur de 5 % seulement que les prix relevés par la DGCCRF étaient uniformément appliqués par l'ensemble des distributeurs agréés du secteur de la parfumerie de luxe, soit plus de 2 000 magasins, les relevés auraient dû avoir lieu dans 323 points de vente au lieu de 74, effectivement visités; que des relevés effectués dans 74 points de vente conduiraient à une marge d'erreur de 11 %, laquelle ne permet pas une généralisation des résultats obtenus à l'ensemble du réseau ; que par ailleurs, pour certains produits, le nombre de magasins dans lesquels les prix ont pu être relevés est inférieur à ce chiffre et accroît encore le risque d'erreur ; qu'ainsi, aucune conclusion générale ne s'infère des relevés de prix ;

Considérant sur le moyen pris en ses quatre branches, qu'il est exact que les relevés de prix diligentés par les services de la DGCCRF sous l'égide de la rapporteure du Conseil ne présentent pas, ainsi que le soulignent les sociétés requérantes, toutes les caractéristiques suffisantes à une démonstration statistique du respect des prix imposés et ne peuvent à eux seuls établir l'acquiescement des distributeurs à l'entente ;

Qu'ils peuvent cependant, avec d'autres éléments, constituer partie d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants visant à démontrer le respect effectif des prix conseillés par les distributeurs ; que c'est à bon droit que ces relevés ont pu être retenus par le Conseil comme des indices ou plus exactement des fragments d'indice susceptibles d'établir la réalité des faits d'entente verticale sur les prix dont le Conseil était saisi ; qu'il n'y a dès lors, pas lieu de les écarter d'office du débat en appel ni de censurer la Décision sur ce point ; que ce moyen sera écarté ;

Considérant encore que les requérantes affirment que, faute de relevés de prix suffisamment probants, le Conseil ne saurait justifier le respect effectif des prix conseillés et de l'existence d'une entente ;

Considérant cependant que le Conseil peut rapporter la preuve de l'acquiescement des distributeurs à l'entente par tout moyen tel que, tout document interne, toute lettre et télécopie, tout bon de commande ou autre document démontrant clairement son existence ; que les relevés de prix ne constituent qu'un indice parmi d'autres au sein du troisième élément du faisceau ; qu'il appartient à la cour de vérifier, société par société, si l'accord de volonté a été prouvé par le Conseil compte tenu des pièces du dossier ;

Que ce dernier moyen ne saurait par conséquent être accueilli ;

Considérant qu'à ce stade il y a lieu au cas d'espèce, de vérifier l'exacte légalité de la Décision déférée, du chef de chaque entreprise sanctionnée ;

2.2. En ce qui concerne les moyens tendant à contester le bien-fondé du grief d'entente verticale généralisée sur les prix notifié à chaque entreprise

Considérant que chaque entreprise sanctionnée conteste l'infraction d'entente généralisée sur les prix qui lui est reprochée en estimant que le Conseil n'établit pas cette infraction à suffisance de droit ;

Considérant cependant qu'après une analyse précise de la situation de chacune des entreprises sanctionnées, aucune ne sera déclarée fondée en son recours en annulation; qu'en effet sur ce marché spécifique de produits de luxe, une concentration des prix de revente au détail proche du niveau de rentabilité est un mécanisme naturel du marché ; que cette caractéristique essentielle est expressément rappelée dans les écritures de certaines sociétés requérantes (LVMH Fragrance Brands, Parfums Christian Dior, Guerlain... ) ; que partant, la réalité de pratiques ou d'actions concertées entre distributeurs et fournisseurs portant sur un prix de vente minimum équivalant à un prix plancher et celle d'une police de prix impliquant aussi bien les fournisseurs que les distributeurs sont à l'évidence les éléments les plus significatifs du faisceau d'indices, graves, précis et concordants propres à établir la réalité d'une entente verticale généralisée sur les prix, contraire aux dispositions combinées des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du TCE (aujourd'hui 101 § 1 du TFUE) ; que la simple constatation d'un alignement de prix n'est pas en soi suffisamment éclairant pour caractériser l'existence de cette infraction administrative ;

Qu'il doit quoi qu'il en soit être conservé à l'esprit que l'infraction concernée est une infraction continue se caractérisant par le morcellement et le caractère disparate des pratiques constatées ainsi que par l'échelonnement de celles-ci dans le temps ; que les même indices révèlent non seulement l'existence mais également la durée des comportements anticoncurrentiels considérés ;

Considérant qu'ainsi qu'établi pour chacune des entreprises dont la situation fera ci-après l'objet d'une analyse spécifique, il ressort des constats énoncés dans la Décision (notamment ceux énumérés aux points 468 à 487, 488 à 505) que la stratégie tarifaire semblable de chaque participant aux ententes verticales généralisées sur les prix de détail des produits en cause, analysées comme autant de pratiques continues, répond à une orientation similaire englobant d'une part, la stratégie de chaque distributeur le conduisant à aligner ses prix sur les prix les plus bas localement pratiqués dans sa zone de chalandise par les distributeurs concurrents de la même marque, à partir du prix conseillé par cette marque sachant qu'en lui-même le prix maximum de remise qui accompagnait ce prix conseillé entraînait sur le plan local un raidissement sensible de la structure du prix de revente de détail des produits, nécessairement amplifié par la force unificatrice supplémentaire des politiques de prix des grandes chaînes représentant 50 % du marché de la distribution et d'autre part, la stratégie des entreprises participant à chaque entente illicite les conduisant à exercer une surveillance intramarques impliquant les fournisseurs (qui procèdent à des relevés périodiques de prix auprès de leurs distributeurs et interviennent si nécessaire auprès de ceux-ci pour les inciter à remonter leurs prix) et les distributeurs (dans le but de pouvoir dénoncer à leurs fournisseurs, les comportements déviants des distributeurs concurrents de la marque situés dans leur zone de chalandise et permettre aux dits fournisseurs d'intervenir pour faire remonter les prix) ;

Qu'il en ressort que parmi les composantes de cette même orientation, la note de coeur du faisceau d'indices retenu par le Conseil pour établir la réalité de la pratique d'entente verticale est à l'évidence, l'engagement de surveillance intramarques propice à démontrer non seulement, l'invitation du fournisseur mais également, sous un autre aspect, l'acquiescement du distributeur, cette police ayant nécessairement favorisé la transparence du marché considéré lequel est un marché concentré ;

Que finalement, eu égard au faisceau d'éléments précis et convergents provenant de sources variées, analysés globalement dans le contexte juridique et économique spécifique de distribution sélective de détail de produits de luxe et pour ces raisons graves, le Conseil a pu, au-delà de tout doute raisonnable, acquérir à suffisance de droit, la conviction ferme de l'existence d'une invitation anticoncurrentielle de chaque fournisseur sanctionné et d'un acquiescement de ses distributeurs et partant, de la réalité d'une entente généralisée sur les prix pratiquée entre chacun de ces fournisseurs et ses distributeurs pour toute la période considérée et entre les distributeurs sanctionnés et chacun de leurs fournisseurs (points 466 et 467 de la Décision) ;

2.2.1. Quant aux fournisseurs

- La société Beauté Prestige International ou société BPI

Considérant que la société BPI fait reproche à la Décision de l'avoir retenue dans les liens d'une entente sur les prix de ses produits avec ses distributeurs alors qu'à l'évidence, le dossier ne contient pas les éléments, généraux et spécifiques, suffisants pour caractériser cette infraction que ce soit entre elle et tous ses distributeurs ou entre elle et " la grande majorité ", un " nombre significatif " ou même " des distributeurs " dont les trois chaînes, Marionnaud, Nocibé et Séphora ;

Considérant qu'elle affirme qu'à l'époque des faits reprochés, elle ne communiquait aucun prix public indicatif ou prix conseillé à ses distributeurs et qu'ainsi le premier élément du faisceau d'indices retenu par le Conseil n'est pas constitué ; qu'elle dénie toute crédibilité aux pièces fondant sur ce point la Décision attaquée et demande notamment à la cour de ne pas tenir compte des documents se rapportant à la société Douglas, mise hors de cause ; qu'elle observe que la lettre de son directeur commercial à la société Sephora de Boigny sur Bionne du 29 septembre 1998 ne peut suffire à établir cette preuve puisque, si elle permet de débattre de l'existence d'un accord ponctuel passé avec la société Sephora pour le lancement commercial d'un nouveau parfum dénommé " Le Feu " de la marque Issey Miyake, il ne peut en être raisonnablement inféré qu'elle admet de manière générale avoir négocié les prix de vente publics de ses produits avec cette enseigne ;

Considérant cependant qu'en application du principe de libre administration de la preuve, il était loisible au Conseil de tenir compte de pièces en rapport avec la société Douglas pour apprécier la licéité du comportement de la société BPI au sein du système de distribution sélective permettant la commercialisation de ses produits ; que c'est à suffisance de droit que le Conseil a estimé que les faits rapportés aux points 37 à 40 et 42 à 46 de sa Décision établissent que ce fournisseur a défini la politique de prix tarifaire de ses distributeurs, la fixation du taux applicable n'ayant de sens que par rapport à un prix connu ; que le compte rendu visé au point 37 de la Décision est corroboré par les déclarations de la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (" nous nous contentons d'appliquer les prix conseillés par les fournisseurs... les grandes marques qui représentent 80 % de notre chiffre d'affaires sont... Jean-Paul Gaultier... " annexe 8 cotes 2351 à 2355) et celle du PDG de la chaîne O'Dylia qui, lors de leurs auditions respectives par la rapporteure du Conseil les 20 juillet et 30 septembre 1999 (cf. annexes 08-45 et 08-03 du Rapport administratif d'enquête), ont expressément désigné la marque Jean-Paul Gaultier et Issey Miyake comme faisant partie de celles pratiquant des remises maximum autorisées ; qu'il en est de même de la responsable des achats de la société Broglio à Annecy entendue le 23 septembre 2009 (" un de nos concurrents vendait moins cher que le prix conseillé " rapport administratif d'enquête cotes 9691 à 9708) ; qu'au demeurant le document visé au paragraphe 41 de la Décision, daté du 27 mars 1997, corrélé avec le compte rendu précité du point 37, témoigne de la réalité d'un taux de remise maximum diffusé au distributeur et émane de la société BPI elle-même ; qu'au vu de ces éléments testimoniaux et documentaires, l'invitation à l'entente, premier indice du faisceau, est suffisamment établi puisque il ressort d'autres aspects du dossier que ces prix conseillés étaient en réalité perçus et appliqués comme des prix imposés (cf. annexes 08-08 - VO et 08.03 du rapport administratif d'enquête) ;

Considérant que la société BPI dénie avoir mis en place une police de prix tendant à faire respecter par les distributeurs les tarifs imposés concernant ses produits ; qu'elle critique les motifs avancés par le Conseil pour caractériser l'existence de cette police en soulignant que la note interne du 27 mars 1997 ne témoigne que du constat d'un alignement des prix pratiqués par deux de ses distributeurs (Baiser Sauvage et Sephora) et n'évoque qu'un contrôle horizontal de prix opéré par la société Baiser Sauvage chez son concurrent, la société Sephora mais non, une police verticale entre fournisseur et distributeur ;

Considérant cependant que cette interprétation qui fait fi de nombreux autres éléments du dossier dont plusieurs relevés dans la Décision (cf. points 54, 39, 42, 43, 49), ne saurait convaincre la cour ; que les documents visés aux paragraphes précités établissent en effet de façon univoque la réalité de pressions diverses exercées par la société BPI nommément désignée pour contraindre certains distributeurs à remonter des prix jugés trop bas ; qu'au surplus, le dossier contient plusieurs documents, non cités par le Conseil, émanant du groupement de parfumeries Valscure (annexe 08 - Valscure " avec BPI et Gaultier plus précisément nous avons eu un appel pour demander notre intervention auprès d'adhérents qui dérapaient sur leurs prix... les marques nous contactent seulement dans les cas où ils ne parviennent pas à faire remonter un prix chez un de nos adhérents après des interventions directes... concernant le respect du taux de remise maximum ") et de la parfumerie VO à Orléans (annexe 08-VO " les marques nous livrent avec retard et effectuent des livraisons partielles en représailles de notre politique de prix ; c'est le cas des marques suivantes... Gaultier, Issey... Toutes les marques sans exception communiquent un prix conseillé de la manière suivante : d'une part un coefficient à appliquer sur leurs tarifs et d'autre part, un taux de remise maximum conseillé... "), corroborant ces premiers indices ; que les déclarations de certains distributeurs affirmant de manière générale ne pas subir de pressions de leurs fournisseurs, ne sauraient permettre d'écarter ces éléments de preuves impliquant directement et clairement la société BPI (cf annexes au rapport d'enquête cotes 011971 et 011984) ;

Qu'au vu de ces constatations, le deuxième indice apparaît établi ;

Considérant enfin que la société BPI fait grief au Conseil de ne pas avoir démontré l'acquiescement de ses distributeurs à sa politique de prix ; qu'elle explique que les relevés de prix effectués se limitant à deux produits de la marque Jean-Paul Gaultier, ne sauraient suffire à prouver le respect des prix conseillés pour ces produits ni a fortiori pour ceux de la marque Issey Miyake alors que le Conseil l'a sanctionnée pour des pratiques d'entente concernant ces deux marques constatées auprès de moins de 3 % de son réseau ; qu'elle reproche au Conseil de ne pas avoir suivi la méthode d'interprétation fixée au point 515 de sa Décision dès lors qu'il ressort de l'analyse du relevé de prix, une dispersion significative des prix pratiqués sur les deux produits pris comme éléments de référence et de comparaison ;

Considérant cependant que si les relevés de prix analysés par le Conseil sont à eux seuls insuffisants pour démontrer formellement l'accord des distributeurs de la société BPI à une entente sur les prix au point de ne valoir que fragment d'indice, les indications relevant des points 39, 41 à 44, 49 et 54 de la Décision établissent solidement l'acquiescement de distributeurs à la politique de prix mise en place par ce fournisseur ; que les points 41, 42, 43 et 54 démontrent également l'alignement volontaire des tarifs pratiqués par les parfumeries Broglio et Baiser Sauvage sur les prix imposés par la société BPI ; que les points 39, 44 et 49 évoquent de manière directe des " accords " sur les prix entre la société BPI et les distributeurs Sephora Ophélie-les-Terianes et Beauty Success ; qu'au surplus les directeurs commercial et juridique de la société BPI ont eux-mêmes reconnu, dans le procès-verbal d'audition établi le 28 octobre 1999 par les enquêteurs de la DGCCRF, que les interventions de la société BPI auprès du distributeur Baiser Sauvage avaient été suivies d'une remontée des prix de vente (annexe 11 - autres pièces: " courant novembre 1998 nous avons adressé un courrier à Baiser Sauvage pour les alerter sur leur niveau de prix ; en effet tous leurs magasins en France avaient aligné leur prix de vente sur nos produits sur les prix d'un concurrent de Baiser Sauvage qui cassait les prix... En effet Baiser Sauvage prétendait avoir un système de détermination du prix de vente selon lequel tous ses magasins en France s'alignent systématiquement sur le plus bas pratiqué sur le marché. Suite à notre intervention Baiser Sauvage a accepté de remonter ses prix... ") ;

Considérant que les différents distributeurs impliqués par ces documents réunissent un nombre significatif de points de vente ; que compte tenu de la structure spécifique du marché concerné (secteur du luxe, écarts de prix réduits... ) et aussi du contexte de relations contractuelles suivies dans lequel ces pratiques étaient mises en œuvre, ces pièces établissent à suffisance l'acquiescement des distributeurs de ce fournisseur à l'entente de prix incriminée ;

Considérant que les trois indices du faisceau étant donc établis sans équivoque, sans qu'une interprétation soit nécessaire, la cour constate que l'appréciation globale du faisceau invoqué par le Conseil répond à suffisance de droit aux exigences de preuve ; que partant, le moyen d'annulation sera écarté du chef de ce fournisseur ;

- La société Chanel

Considérant que la société Chanel fait reproche au Conseil de lui imputer une entente verticale généralisée sur les prix sur la base d'indices généraux et spécifiques qui, pour ce qui la concerne, sont selon ses dires totalement inopérants ; qu'elle soutient que l'autorité de concurrence a, au mépris de la vraisemblance et de la réalité, bâti un dossier à charge en cherchant à faire coïncider les éléments en sa possession à la présupposition d'une entente verticale généralisée sur les prix dans le secteur considéré ; que le Conseil a manifestement cherché à compenser son déficit de preuves en donnant une valeur exagérée aux témoignages de certains déclarants au demeurant contredits par d'autres, en inférant la preuve de comportements attestant de la réalité d'une police de prix sur la base d'indices insuffisamment crédibles et encore, en se fondant sur des relevés de prix sans valeur statistique conduisant à une analyse nécessairement tronquée ;

Considérant que, en ce qui concerne en premier lieu l'évocation de prix entre fournisseur et distributeurs, la société Chanel ajoute que rien ne permet de dire qu'elle se serait livrée à une campagne de large diffusion de ses prix à l'égard de ses distributeurs, cette diffusion n'étant pas en elle-même répréhensible dans le cadre d'un système de distribution sélective ;

Considérant cependant qu'ainsi que l'a relevé le Conseil, la société Chanel a été nommément désignée comme faisant partie des fournisseurs imposant à leurs distributeurs des prix de vente au consommateur ; que ces données proviennent des procès-verbaux d'audition de la parfumerie Printemps de la Beauté à Rouen citée au point 58 de la Décision " nous nous contentons d'appliquer les prix conseillés par les fournisseurs... les grandes marques qui représentent 80 % de notre chiffre d'affaires sont... Chanel... je dispose d'une marge en fonction de la concurrence sur la zone de chalandise. Très souvent la liste des prix qui nous est fournie par la centrale indique 10 % de remise par rapport au prix public indiqué, si nous constatons que la concurrence a baissé les prix au-delà des limites autorisées par les marques nous en informons les fournisseurs... Je ne baisse pas les prix au-delà des remises autorisées par les fournisseurs ", de la parfumerie des Yvelines à Versailles citée au point 59 " si nous pratiquions des prix inférieurs à ceux que nous autorisent les fournisseurs, c'est-à-dire des remises supérieures aux remises autorisées, nous aurions une rupture de l'approvisionnement en produits de marques précitées : Chanel... " et de la parfumerie Ylang à Nice citée au point 60 ; qu'en outre, après avoir soutenu devant le Conseil que les pièces évoquées aux points 56 et 57 de la Décision ne pouvaient valoir preuve d'une demande de sa part de limitation du discount sur les produits concernés, la société Chanel discute aujourd'hui le sérieux de l'analyse du Conseil en soulignant que ces documents ne concernent qu'une gamme bien précise de produits cosmétiques mis sur le marché en 1999, pour lesquels il était légitime de protéger l'image de la marque en évitant l'application de remises puisqu'il s'agissait du lancement d'une gamme nouvelle de produits ; que ce changement de ligne de défense laisse déjà douter de la sincérité des premières dénégations de la société Chanel d'autant que la réalité du premier faisceau d'indices la concernant est corroborée par d'autres déclarations précises et circonstanciées de distributeurs telles celles des parfumeries, Elisabeth à Reims (annexe 8-46 déclaration du 22 juillet 1999 : " les marques qui peuvent se faire respecter au niveau des prix qu'elles donnent sont : Chanel... "), O'Dylia (annexe 8-03

audition du 30 septembre 1999 " l'objectif des marques étant d'arriver comme Chanel à un taux de remise maximum conseillé de 0 %. Ce taux de remise maximum communiqué par les marques est dans les faits un prix imposé "), Duchayne à Nantes (annexe 8-10 audition du 10 juin 1999) Parfumerie Bleue à Périgueux (annexe 8-15 audition du 15 juillet 1999) Patchouli (annexe 8-33 audition du 12 juillet 1999), Lyon's à Montrouge (annexe 8-25 audition du 1 juin 1999) Poulie à Cahors (annexe 8-17 audition du 16 juillet 1999) et la société Sephora à St Brieuc (annexe 8-14 - audition du 22 juin 1999 : " notre politique de prix est de respecter les préconisations tarifaires des grandes marques en s'abstenant de casser les prix... Les grandes marques nous interdisent de pratiquer des remises en dessous d'un certain seuil... Chanel par exemple... Lors de leurs passages, les représentants nous laissent des fiches techniques qui présentent les produits. Sur ces fiches, les prix conseillés ne sont pas indiqués mais nous les notons sur une feuille volante... Les marques qui nous indiquent les prix à respecter sont :... Chanel... Ce sont essentiellement ces marques qui veillent à ce que nous respections les prix qu'ils nous préconisent et qui interviennent le cas échéant en nous faisant remonter les prix") ;

Considérant que la notoriété de la société Chanel ne peut à elle seule, expliquer cette accumulation de témoignages sérieusement concordants, aucun indice de concertation entre ces points de vente indépendants dispersés géographiquement et entendus dans un intervalle de temps rapproché n'étant établi ; que c'est à bon droit que le Conseil a estimé que ce premier indice était solidement caractérisé et qu'il y avait lieu de lui reconnaître toute sa portée ;

Considérant en deuxième lieu que la société Chanel critique l'approche du Conseil qui entend démontrer la réalité d'une police généralisée de prix prétendument exercée par elle sur ses distributeurs, en se fondant sur des comportements factuels épars et non avérés, en écartant systématiquement des débats les témoignages à décharge émanant ou non de grands réseaux nationaux (Sephora, Marionnaud ou Nocibé) et en retenant des témoignages à charge faisant état de pressions ou de menaces purement hypothétiques ; que les dénonciations mutuelles des distributeurs auprès des fabricants ne sauraient été imputées à ces derniers, d'autant que rien ne permet de dire que ces dénonciations étaient suivies de représailles envers les opérateurs déviants; qu'il n'y a rien de choquant à ce qu'une marque soit attentive à la politique de prix de ses distributeurs dans le cadre d'un système de distribution sélective de sorte qu'elle ne saurait se voir imputer par voie d'amalgame un comportement répréhensible ;

Considérant cependant que les points 66 à 68 de la Décision font état d'accusations portées par les distributeurs O'Dylia à Rosny-sous-bois (annexe 8-03 audition du 30 septembre 1999), Eglantine à Tours (annexe 8-12 audition du 11 juin 1999) et Broglio à Annecy (annexe 8-2 audition du 23 septembre 1999) contre les remises de la société Chanel servant en réalité à faire respecter la politique de prix voulue par la marque ; que ces accusations sont corroborées par les déclarations de la parfumerie VO (annexe 08- 08 audition du 10 novembre 1999), la Parfumerie Bleue à Périgueux (annexe 8-15 audition du 15 juillet 1999) ; que d'autres distributeurs, notamment Poulie à Cahors (annexe 8-17 audition du 16 juillet 1999), la Parfumerie du centre à Saint Ouen (annexe 8-22 audition du 2 juin 1999), la parfumerie des Yvelines (annexe 8-32 audition du 13 juillet 1999) et les parfums du Louvre à Paris (annexe 8-31 audition du 20 juin 1999) rapportent également que la société Chanel les a menacés d'interrompre ses livraisons en cas de maintien de leurs tarifs jugés trop bas ; qu'au surplus, les sociétés Sephora France (annexe 8-14 audition du 22 juin 1999), Lyon's à Montrouge (annexe 8-25 audition du 1er juin 1999 " les représentants des grandes marques qui nous visitent toutes les 4/5 semaines minimum effectuent des relevés de prix pour vérifier que nos prix soient identiques à nos prix conseillés. S'ils constatent qu'un de nos prix est inférieur à leur prix conseillé ils nous disent de le remonter. Par exemple, il y a trois mois, le représentant de Chanel m'a demandé de remonter le prix de vente de l'eau de toilette... qui était vendue environ 10 F en dessous du prix conseillé") citent des exemples circonstanciés dans lesquels la société Chanel est intervenue pour faire remonter les prix de vente au consommateur ;

Que c'est à bon droit et à suffisance que le Conseil a estimé que cet indice était solidement établi et qu'il y avait lieu de lui donner toute sa portée, peu important que certains témoignages n'aient fait état que de menaces de représailles sans en établir l'effectivité, dès lors que, ainsi que le relève le Conseil, il est constant que le caractère hypothétique de la formulation concerne l'éventuel refus d'appliquer la politique de prix fixée par le fournisseur et non les conséquences produites par ce refus ; que ces témoignages établissent donc au contraire que les rétorsions étaient loin d'être hypothétiques en cas de non-respect des préconisations tarifaires ;

Considérant que la société Chanel soutient en troisième lieu que le Conseil n'a pas démontré l'acquiescement des distributeurs à l'entente reprochée ; qu'elle souligne que les relevés de prix établis par les services de la DGCCRF sur lesquels le Conseil a fondé son analyse ne sont nullement représentatifs des produits de la marque et que quoiqu'il en soit, ces relevés sont contraires à la réalité économique du marché considéré car pratiqués sur une période unique (été 1999), essentiellement dans des villes de la région parisienne ainsi sur-représentée ; que le Conseil s'est arbitrairement fondé sur un coefficient multiplicateur de 1,97 pour reconstituer un taux public indicatif à partir duquel est ensuite élaboré de façon nécessairement artificielle, un taux de suivi de prix conseillés ; que l'analyse du Conseil est manifestement tronquée puisque ce coefficient multiplicateur ne correspond pas à celui du marché ; qu'elle fait reproche au Conseil de n'avoir pas tenu compte dans son analyse des réductions de prix appliquées grâce aux cartes de fidélité alors que celles-ci correspondent à une pratique commerciale largement répandue dans le secteur ; qu'elle conclut que les prix servant de base aux calculs du Conseil sont supérieurs aux prix effectivement payés par le consommateur final et que partant, le troisième élément du faisceau d'indices n'est en rien établi ;

Considérant cependant que si les relevés de prix analysés par le Conseil ne sauraient, du fait de leur imperfection statistique, à eux seuls suffire à établir l'adhésion des distributeurs à l'entente alléguée ainsi que la cour l'a déjà rappelé au point 2.1.5 du présent arrêt, plusieurs déclarations attestent de l'alignement volontaire et conscient des distributeurs sur la politique de prix voulue par leur fournisseur ; qu'il en est ainsi des déclarations du magasin de la société Sephora à Saint Brieuc (annexe 8-14 audition du 22 juin 1999) de la Parfumerie Bleue à Périgueux (annexe 8-15 audition du 15 juillet : " les principales marques qui représentent la majorité de notre CA sont Chanel... nous sommes surveillés au niveau de prix... nous sommes contraints de pratiquer le prix de vente conseillé par les marques les marques concernées... sont Chanel") de la parfumerie Poulie à Cahors (annexe 8-17 audition du 16 juillet 1999) et du groupement Patchouli (annexe 8- 23 audition du 26 août 1999) ; que les parfumeries Broglio et Anne Emmanuelle affirment encore que la société Chanel " est capable d'imposer ce qu'elle veut au niveau des prix " (annexe 8-47 audition du 22 juillet 1999) et " [parvient] à mieux tenir le marché en évitant les dérapages sur les prix " de la part de l'ensemble de ses distributeurs (annexe 8-2 audition du 23 septembre 1999) ;

Considérant que les distributeurs concernés représentent un nombre significatif de points de vente, géographiquement dispersés et entendus à des périodes rapprochées ; qu'aucun élément du dossier ne permet d'estimer qu'ils se sont concertés pour faire coïncider leurs déclarations à charge contre leur fournisseur, ce qui au demeurant était contraire à leur intérêt immédiat ;

Considérant qu'à ces éléments de preuve de caractère testimonial s'ajoutent plusieurs éléments de preuve documentaires énoncés aux points 62 à 64 de la Décision ; que l'un de ces éléments correspond à un mémo interne de la société Chanel elle-même ; qu'aucun élément ne permet de remettre en cause l'analyse qu'en a fait le Conseil dans sa Décision (cf. point 549 de la Décision) ;

Considérant que compte tenu de cette convergence univoque d'éléments de preuve de nature différente, le Conseil a, à suffisance de droit, caractérisé dans sa Décision la réalité d'une entente verticale généralisée sur les prix contre ce fournisseur ;

- La société Clarins Fragrance Group anciennement société Thierry Mugler Parfums

Considérant que cette société critique le Conseil qui selon elle, s'est abstenu d'une analyse minutieuse du comportement des entreprises mises en cause pour pouvoir la sanctionner aux termes d'une analyse globalisante du chef de faits d'entente qu'elle n'a pas commis ; qu'elle précise que ce fait est d'autant plus significatif que la rapporteure a, au stade de son rapport, introduit dans le grief n° 1, le grief de politique de remises qualitatives visant au respect des prix de vente initialement poursuivi sous le grief 2A lequel ne lui a jamais été notifié ; qu'elle explique communiquer le prix boutique de son parfum de référence, le parfum " Angel ", sur la seule demande du distributeur, ajoutant que ce parfum a pendant longtemps été commercialisé par les seules boutiques Thierry Mugler Couture, facilement accessibles, si bien que ces prix boutique ont pour les distributeurs agréés de son réseau, constitué un point de repère naturel ; qu'elle souligne que l'activité de " ressourçage " des flacons étant de plus nouvelle, les distributeurs étaient incités à se rapprocher de la société Thierry Mugler Parfums pour connaître le positionnement tarifaire de ce produit ; que ce positionnement était donc connu, sans intervention spécifique de sa part et sans que l'on puisse caractériser une invitation à une entente sur les prix ;

Considérant cependant que les points 255, 256 et 259 de la Décision ainsi que les déclarations des parfumeries VO (annexe 8-08 " toutes les marques sans exception nous communiquent un prix conseillé de la manière suivante : d'une part un coefficient à appliquer sur leurs tarifs et d'autre part un taux de remise maximum conseillé. Ce taux varie de 0 % à 15 %. Ce taux diminue régulièrement... les marques à 0 % sont Mugler, Shiseido... ), Beauty Success à Cahors (annexe 8-17), du groupement Valscure (annexe 8-04), de Parfumerie Poulie à Cahors (annexe 8-17 audition du 16 juillet 1999 " nous avons interdiction de faire des remises supérieures aux taux qu'ils autorisent. Certaines marques interdisent même toute remise sur leurs produits. ") et de la société Sephora à St Brieuc (annexe 8-14) citent nommément la société Thierry Mugler Parfums parmi celles imposant des prix de vente et interdisant toute remise au consommateur ; qu'au surplus, les documents internes à la société Thierry Mugler Parfums cités aux points 252 à 253 de la Décision mentionnent des " prix publics " officieux à côté des prix de gros hors taxe ; qu'au vu de ces déclarations et documents, examinés de manière critique et crédible par le Conseil aux points 696 à 699 de la Décision, c'est à bon droit et à suffisance que le Conseil a estimé clairement établi que la société Thierry Mugler Parfums communiquait de sa propre initiative des prix de vente publics et a qualifié ce comportement d'invitation faite aux distributeurs agréés à une entente sur les prix ;

Considérant que la société Clarins Fragrance Group qui se trouve aux droits de la société Thierry Mugler Parfums dénie en deuxième lieu toute valeur probatoire aux éléments généraux avancés par le Conseil pour établir la réalité d'une police de prix qui lui soit imputable ; qu'elle précise ne pas pouvoir être concernée par les déclarations de distributeurs visant " les marques " et douter de la sincérité des déclarations de distributeurs tels que la Parfumerie Royal Opéra faisant état d'une police de prix alors qu'elle-même pratique un des prix les moins élevés du parfum phare de la marque, le parfum Angel ;

Considérant cependant que les points 257 et 258 de la Décision illustrent avec des exemples des cas d'interventions de cette société auprès de ses distributeurs pour contrôler les prix ; que les parfumeries Ylang à Nice (point 256) et O'Dylia (point 259) groupement Valscure (annexe 8-04 " régulièrement les marques nous contactent par téléphone ou par courrier pour nous demander de respecter leurs consignes en matière de prix de vente et donc de ne pas dépasser le taux de remise maximum conseillé. Ces interventions sont fréquentes pour : ... Mugler... ") VO à Orléans (annexe 8-08 audition du 10 novembre 1999 " actuellement les marques continuent d'exercer des pressions sous plusieurs formes 1) de pressions orales des représentants... 2) de plus certaines marques nous menacent de supprimer des remises quantitatives et qualitatives si nous ne remontons pas les prix = ... Mugler... en 1998 pour la fête des pères nous avons mis en place un mailing et une jaquette présentant des bons de réduction sur notre magasin. Le mailing ne mentionnait aucune marque et aucun produit... Toutes les marques sans exception nous ont alors contacté et se sont déplacées pour certains pour nous demander de cesser cette opération. Certaines marques ont exercé des menaces [... arrêt ou retard de livraisons, suppression de remises... ] : ... Mugler... les marques soulignées ont été les plus virulentes... ", Poulie à Cahors (annexe 8-17 - audition du 16 juillet 1999 " les représentants des marques sont draconiens sur le respect de ce taux plafonné de remises ils veillent lors de chacun de leur passage à ce que nous respections ce taux de remises. S'ils constatent qu'un prix est trop bas, ils nous demandent immédiatement de le remonter. Si je ne remontais pas ce prix de vente je subirais des représailles commerciales") et la société Sephora (annexe 8-14 audition du 22 juin 1999 " Les marques qui nous indiquent des prix de vente à respecter sont : ... Mugler... Ce sont essentiellement ces marques qui veillent à ce que nous respections les prix qu'ils nous préconisent et qui interviennent le cas échéant en nous faisant remonter les prix ") ont clairement désigné la société Thierry Mugler parmi celles qui recourent aux pressions et représailles pour faire respecter leur politique tarifaire ; qu'un rapport interne à la société daté de novembre 1998 (annexe 24 Mugler - cote 3487) et les déclarations du groupe DSP (annexe 8- 22- Shiseido) fournissent des exemples d'intervention de la requérante auprès de ses distributeurs pour contrôler les prix; que ces éléments sont par conséquent de nature à établir la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix des produits pouvant s'accompagner d'interventions directes auprès des distributeurs agréés ;

Considérant que la société Clarins Fragrance Group soutient en troisième lieu que le Conseil n'établit pas la preuve que les prix conseillés aient été appliqués par les distributeurs, qu'à l'inverse, les éléments du dossier démontrent que les distributeurs ont refusé d'appliquer ces prix à telle enseigne que le dossier ne comprend pas le moindre contrat de coopération commerciale et pas la moindre trace d'acceptation des distributeurs de remises conditionnées au respect du prix ; que sur 51 relevés prix, 13 mentionnent pour ce qui la concerne des prix publics indicatifs inférieurs au prix conseillé, 2 équivalent à ce dernier et 36 sont supérieurs ; que de plus, au-delà d'une certaine fourchette de plus ou moins 2 % par rapport au prix public indicatif il n'est pas économiquement justifié de considérer que les prix fixés à la hausse comme à la baisse puissent ne pas traduire une véritable liberté du commerçant de fixer ses prix de vente puisque les écarts sont significatifs ; que le seuil de 80 % fixé par le Conseil pour déterminer si les prix publics indicatifs étaient ou non significativement appliqués par les distributeurs est un seuil arbitraire qui ne repose sur aucun calcul particulier et qui de plus, n'est pas opératoire dans toutes les hypothèses ; que en ce qui la concerne, l'écart relevé entre les prix les plus élevés et les plus bas pratiqués à l'époque des faits dans ses points de vente est de 41 % ; qu'enfin, le Conseil n'applique pas la même méthode d'analyse de la dispersion des prix à l'ensemble des opérateurs et, pour cette raison, encourt un grief d'annulation ; que quoiqu'il en soit, le dossier ne comporte aucun élément de preuve de sa participation à une entente sur les prix ;

Considérant cependant que si les relevés de prix analysés par le Conseil sont à eux seuls insuffisants pour démontrer l'accord à une entente tarifaire des distributeurs de la société Thierry Mugler, aujourd'hui la société Clarins Fragrance Group, deux rapports internes à cette société portant respectivement sur les mois de novembre 1998 et l'année 1999 constatent l'absence de " problèmes" ou de " dérapages de prix" chez les distributeurs (cf. rapport administratif d'enquête p. 80, point 257 de la Décision) et le même constat peut être tiré des termes du procès-verbal d'audition du Directeur France de Thierry Mugler du 16 décembre 1999 (annexe 7-24 Thierry Mugler) ; qu'il ressort en outre de cette dernière déclaration que les chaînes nationales représentent 35 % du chiffre d'affaires de cette société ; qu'ainsi qu'il sera ci-après établi, ces chaînes nationales ont participé activement à la police des prix mise en place par tous leurs fournisseurs en menant une stratégie tarifaire nationale unificatrice, en effectuant des relevés de prix chez leurs concurrents et en dénonçant les comportements déviants auprès des dits fournisseurs ; que tout document rapportant la preuve de la participation de distributeurs à la police de prix effectuée par le fournisseur témoigne de la volonté du fabricant de faire appliquer les prix conseillés comme des prix imposés ;

Que sur ces constatations et pour ces raisons le Conseil a, à suffisance de droit, établi l'existence de l'infraction à l'encontre de la société Clarins Fragrance Group ;

- La société Comptoir Nouveau de la Parfumerie - Hermès Parfums

Considérant que cette société reconnaît avoir communiqué son prix boutique et donc le prix pratiqué par elle-même dans les points de vente lui appartenant ; qu'elle admet avoir conseillé sur ce prix une remise maximum de 10 % mais conteste le fait que cette communication ait été systématique et généralisée et non délivrée uniquement à la demande des distributeurs eux-mêmes ; qu'elle précise avoir veillé à la politique tarifaire de ces derniers mais dément avoir procédé à une véritable police des prix, indiquant qu'elle ne disposait pas, à l'époque, de la capacité matérielle et économique d'y procéder à l'échelle nationale avec des représailles crédibles ; qu'elle indique que le respect effectif de prix prétendument imposés par elle n'est pas établi et fait grief au Conseil d'avoir assis sa démonstration d'infraction d'entente verticale généralisée pour deux années (1997 et 1998) sur des considérations erronées en fait ; qu'elle conteste donc que tout acquiescement des distributeurs soit établi à suffisance de droit, sur la base d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants pour les quatre années considérées (1997 à 2000) ;

Considérant que la société Comptoir Nouveau de la Parfumerie explique que les relevés de prix retenus pour prouver l'adhésion de ses distributeurs à l'entente considérée, ne concernent que deux produits sur les 119 commercialisés par elle ; que le taux de 1,97 utilisé pour calculer le PPI est arbitraire et ne correspond à aucune réalité commerciale, surtout par comparaison avec le coefficient de 2 appliqué par la marque dans ses propres boutiques ainsi que le prouvent selon elle, les documents qu'elle a déjà vainement soumis à l'appréciation du Conseil ; que cette inexactitude n'est pas sans conséquence sur la démarche de qualification suivie par celui-ci, la prise en compte de l'importance du taux de suivi en découlant ayant de ce point de vue été déterminant ; que les véritables taux de respect s'établissent à 52,7 et 48,15 % et non à 89,10 et 77,80 % ainsi que le Conseil l'a retenu ; que sa mise hors de cause doit donc être prononcée puisque le critère de dispersion effective par vérification graphique, utilisé pour l'appréciation des relevés considérés, n'est ni convaincant ni opérant ; que quoi qu'il en soit, les relevés de prix établis par la DGCCRF sont la preuve significative d'une pratique de prix diversifiés pour les deux parfums pris pour référence, exclusive de toute réalité d'un alignement volontaire des distributeurs sur les prix publics indicatifs de leur fournisseur ; que deux études comprenant chacune 350 relevés de prix pratiqués en 1999 par les sociétés TNS SECODIP et TNS WorldPanel démontrent de manière certaine, la diversité des prix pratiquée et l'absence de respect des prix publics indicatifs par les points de vente qu'elle a agréés ; qu'au vu de l'avis du Professeur Nussenbaum sur la dispersion des prix relevés au titre des deux parfums pris en considération, il peut être conclu à la persistance d'une concurrence entre distributeurs (concurrence intra-marque) tout particulièrement pour les trois enseignes nationales de distribution (Sephora, Nocibé et Marionnaud) et à l'absence d'effet probatoire suffisant des éléments avancés par le Conseil dans sa Décision ;

Que cette société requérante résume finalement sa défense en expliquant que le dossier ne contient aucune preuve d'une entente verticale de prix d'Hermès Parfums avec l'ensemble de ses distributeurs, au surplus sur 4 ans, que même pour chacune des années considérées prises isolément (1997, 1998, 1999 et 2000) le Conseil ne dispose d'aucune preuve d'une entente généralisée, qu'enfin à supposer que certaines pièces soient retenues, celles-ci ne peuvent établir une entente généralisée avec l'ensemble de la distribution mais seulement avec quelques distributeurs concernés et pour une courte période (les quatre premiers mois de l'année 1998 et l'été 1999) ;

Considérant cependant qu'outre le fait qu'il s'agit pour les raisons ci-avant explicitées d'infractions d'entente continue se caractérisant par le morcellement et le caractère disparate des pratiques constatées ainsi que par leur échelonnement dans le temps n'obligeant pas à démontrer par des preuves directes, pour chaque année considérée, l'existence certaine des trois éléments du faisceau, il peut être souligné que, à supposer que les relevés de prix analysés par le Conseil ne puissent nonobstant leur imperfection statistique, constituer que des fragments d'indice devant nécessairement être étayés par d'autres éléments de preuve pour établir l'acquiescement crédible des distributeurs de la société Comptoir Nouveau de la Parfumerie, les énonciations des points 116 et 120 de la Décision, corrélés aux déclarations des représentants des magasins de vente de Soissons (annexe 8-20) et de Paris 18e (annexe 8-24), établissent la réalité des " accords pris avec les distributeurs " et notamment avec M. Marcel Frydman, fondateur et dirigeant de la société Marionnaud, qui s'est " engagé à respecter la politique de prix " de ce fournisseur ; que la note interne citée au point 114 et commentée au point 568 de la Décision prouve encore l'accord de volontés des distributeurs pour revenir au comportement préconisé par l'entente dès lors qu'Hermès Parfums l'aura obtenu des distributeurs concurrents ; que quoi qu'il en soit, les constatations rappelées aux points 561 à 573 établissent à suffisance les trois éléments du faisceau d'indices dont la convergence justifie la démarche qualificative du Conseil pour les 3 années considérées, la crédibilité de ces éléments se trouvant en effet consolidée par les déclarations des distributeurs entendus par les enquêteurs de la DGCCRF (annexes 8-03, 8-08, 8-10, 8-11, 8-14, 8-15, 8-16, 8-17, 8-20 et 8-24) ;

Considérant qu'il est enfin impossible de retenir à décharge les études produites par la partie requérante dans la mesure où en elle-même, la pertinence statistique de ces études reste nécessairement relative du fait notamment, de l'imprécision des conditions dans lesquelles elles ont en l'espèce été élaborées et de l'absence de démonstration de la valeur scientifique de la méthode d'analyse suivie ; qu'il ne peut donc être fait grief au Conseil de ne pas leur avoir accordé une importance décisive et même, de ne pas les avoir mentionnées dans sa Décision dès lors, qu'il estimait à suffisance et à bon droit que le grief d'entente était par ailleurs établi ;

- La société Parfums Christian Dior

Considérant que la société Parfums Christian Dior expose que, faute d'avoir caractérisé dans sa Décision l'objet et/ou l'effet anticoncurrentiel de la pratique sanctionnée, la Décision encourt un grief d'annulation ; qu'elle explique que ce grief est d'autant plus avéré que le Conseil se devait de vérifier in concreto que l'alignement des prix ne résultait pas d'un parallélisme admissible de comportements lié à la structure particulière du marché concerné ou d'une seule entente horizontale entre distributeurs ;

Qu'elle ajoute qu'il incombait au Conseil de rapporter la preuve que sa participation à une entente à objet ou effet anticoncurrentiel avec l'ensemble de ses distributeurs, en ce compris les sociétés Marionnaud, Nocibé et Sephora, était la seule explication plausible du fonctionnement du marché en cause qui avait été constaté ; qu'elle critique la pauvreté de l'analyse économique à laquelle le Conseil s'est livré en observant que ce dernier s'est abstenu dans sa Décision, de citer les éléments de la consultation économique qu'elle avait communiquée à titre d'élément de défense (consultation de M. Christian Montet, professeur en sciences économiques à l'Université de Montpellier I et de M. Florent Venayre, maître de conférences en sciences économiques auprès de cette même université) ;

Qu'elle souligne que quoi qu'il en soit, la relative homogénéité des prix du secteur révélée par l'enquête administrative, s'explique par le fait qu'en cas de distribution sélective, la fourchette de prix pratiquée est nécessairement moins large que celle connue dans d'autres secteurs, la haute qualité de services exigée des distributeurs détaillants influant nécessairement sur les prix qu'ils pratiquent ; que le secteur comprend quatre grandes chaînes de dimension nationale menant chacune une politique de prix identique sur tout le territoire, ce qui, conjugué à l'accélération de la concentration de la distribution autour de ces chaînes réduit mécaniquement l'amplitude des variations de prix constatées au niveau du commerce de détail ; qu'elle ajoute que l'alignement naturel des prix constaté sur le plan local se cumule avec un alignement quasi naturel sur le plan national, le couplage d'une organisation de distribution sélective et d'une concentration des points de distribution ne pouvant que renforcer l'effet unificateur des politiques de prix suivies par les grandes chaînes à dimension nationale ; qu'elle explique que dans le cadre d'une entente verticale, les producteurs et les distributeurs cherchent à fixer un niveau de prix unique leur permettant de maximiser leurs profits par une répartition adéquate de la rente provenant de l'extraction indue du surplus revenant au consommateur ; qu'elle demande enfin à la cour de tenir compte de la finalité concurrentielle de la distribution sélective qui favorise de manière naturelle, une forte concurrence intermarques des réseaux de distribution voisins;

Considérant cependant qu'en critiquant la démarche suivie par le Conseil pour qualifier l'entente qu'il a sanctionnée, la société requérante tend en réalité à soutenir que les conditions de fond d'une entente verticale sur les prix ne sont, pour ce qui la concerne, nullement réunies ; qu'il appartient à la cour de vérifier ce point, précision étant faite que si un parallélisme de comportement ne suffit pas à caractériser la réalité d'une entente, il est, sous certaines conditions, susceptible d'en être l'indice sérieux ; que par ailleurs, si une entente directe entre distributeurs peut expliquer l'alignement du comportement des acteurs économiques, cette hypothèse n'exclut pas nécessairement celle conjointe d'une entente verticale collusoire entre fournisseurs et distributeurs ou celle d'une entente entre fournisseurs ; qu'en s'efforçant de rapporter la preuve positive que les conditions de concurrence constatées ne correspondent pas aux conditions normales du marché compte tenu, de la nature des produits, de l'importance et du nombre des entreprises concernées et encore de la dimension du marché, le Conseil répond à suffisance au grief de méthode qui lui est opposé et aucune annulation n'est encourue de ce chef ;

Considérant en premier lieu que la société Parfums Christian Dior affirme n'avoir à l'époque des faits, jamais diffusé de prix conseillés à ses distributeurs ; qu'elle précise qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir cette diffusion, les documents retenus par le Conseil prouvant la seule diffusion de prix boutique destinée à la presse lors du lancement de nouveaux produits ; qu'elle conclut qu'aucune de ces pratiques ne constitue une invitation à l'entente ;

Considérant cependant que les points 92, 93, 97 à 101 de la Décision font état de sept distributeurs différents citant nommément la société Parfums Christian Dior comme l'un des fournisseurs imposant aux distributeurs des prix de vente au consommateur et des taux de remise maximum ; qu'il en va notamment ainsi des déclarations du groupement Beauty Success (annexe 8-16 audition du 15 juillet 1999 "les représentants des marques veillent à ce que nous n'accordions pas un taux de remise supérieur au taux autorisé par la marque. Par exemple Dior autorise - 10 %... "), de la Parfumerie "A la rose des Vents" (annexe 8-42 audition du 6 août 1999 : " Pour déterminer mon prix de vente, j'applique toujours le prix tarif. Je peux vendre au-dessus, mais pas en-dessous. Par exemple pour un soin minceur Dior... J'ai d'ailleurs signé un engagement avec Dior de respecter un taux de remise maximum... "), de la Parfumerie Duchayne à Nantes (annexe 8-10 : " J'ai supprimé Dior en 1999. Le représentant de Dior m'interdisait jusqu'alors également de faire des promotions inférieures à -10 % sur le prix conseillé... "), de la Parfumerie Freddy Parfums à Paris 9e (annexe 8-28 : déclaration du 15 juin 1999 : " Les grandes marques par l'intermédiaire de leurs représentants nous communiquent le coefficient minimum à pratiquer qui est par exemple de 2 pour Dior. Puis en un deuxième temps les grandes marques nous autorisent à pratiquer des remises dont le montant est variable. Par exemple 10 % maximum pour Dior... ") ;

Que ces déclarations sont corroborées par d'autres figurant au dossier telles celles des représentants de la Parfumerie Patchouli à Morlaix (annexe 8-19 audition du 24 juin 1999 : " Je respecte les consignes qui me sont communiquées par les représentants des grandes marques. Ces représentants nous communiquent lors de leurs passages les prix conseillés pour chacun des produits ou le coefficient à pratiquer. De même, ils nous autorisent à partir de ce prix conseillé de faire une remise de 10 % maximum... Les grandes marques qui sont concernées par ces problèmes sont : ... Dior... "), du groupement Valscure (annexe 8-04 audition du 18 novembre 1999 : " régulièrement les marques nous contactent par téléphone ou par courrier pour nous demander de respecter leurs consignes en matière de prix et donc de ne pas dépasser le taux de remise maximum conseillé. Ces interventions sont fréquentes pour : Dior... "), de la parfumerie Eglantine à Tours (annexe 8-12 audition du 11 juin 1999 : " Dior fut le premier à interdire aux distributeurs de faire du discount en supprimant par exemple la remise de linéaire... pour les distributeurs qui ne respectaient pas ses prix conseillés "), de la Parfumerie Bleue à Périgueux (annexe 8-15 audition du 15 juillet 1999 : " Les représentants des marques nous communiquent oralement, régulièrement les coefficients à pratiquer : ... Par exemple pour Dior 1,983... Les coefficients correspondent aux prix boutiques pratiqués par les marques. Nous appliquons ce coefficient sur les tarifs des marques puis en un deuxième temps les marques nous autorisent à pratiquer une remise plafonnée... Chanel par exemple tolère... Dior : 10 %... "), de la Parfumerie Garance à Soissons (annexe 8-21 audition du 7 juillet 1999 : " c'est le représentant de chaque marque qui nous précise oralement le coefficient et quel taux de remise maximum nous devons pratiquer. Nous n'avons jamais reçu de courrier nous précisant ces informations... pour YSL la remise maximum est - 15 %, Dior - 10 %... "), de la parfumerie du Centre à Saint-Ouen (annexe 8-22 audition du 2 juin 1999 " il y a deux ans... le représentant Dior lors de son passage m'avait... précisé qu'il était interdit de pratiquer des remises supérieures à 10 %... aujourd'hui encore, les représentants de Dior... nous interdisent par oral de faire plus de 10 % de remise sur leurs produits..") ; Que le sens de ces diverses déclarations est également conforté par des affirmations similaires de la société Sephora (annexe 8-14 Sephora France audition du 22 juin 1999: " les marques qui nous indiquent des prix de vente à respecter sont : Dior... );

Considérant que tous ces distributeurs précisent ainsi que la société Parfums Christian Dior communique généralement ses prix conseillés oralement et qu'elle est l'une des premières marques à avoir mis en place ce système de plafonnement des taux de remise au consommateur final ; que le fait que la majorité de ces déclarations émanent de distributeurs indépendants ne permet pas à lui seul, de mettre en cause leur crédibilité dans la mesure où, compte tenu de la position de fragilité économique des déclarants au regard de celles des grandes chaînes de distribution, la lésion des intérêts de ceux-là peut précisément être le révélateur significatif du but recherché par une entente collusoire sur les prix ; que la notoriété de la société Parfums Christian Dior ne peut par ailleurs à elle seule expliquer une telle convergence de témoignages précis ; qu'un prétendu "ressentiment" qu'afficheraient les parfumeries indépendantes envers les grandes marques à forte notoriété, dont la raison n'est au demeurant nullement explicitée ou démontrée, ne le peut davantage ; que sur ces constatations et pour toutes ces raisons, c'est à bon droit et à suffisance que le Conseil a considéré que le premier élément du faisceau d'indices pouvait être ainsi clarifié ;

Considérant que la société Parfums Christian Dior considère en deuxième lieu que le Conseil ne fournit pas la preuve d'une application significative de prix de vente publics prétendument communiqués par elle, en l'absence de tout relevé de prix probant ; qu'elle fait état de quatre biais méthodologiques majeurs privant les relevés pratiqués par l'Administration des garanties minimales de rigueur scientifique en ce sens, que les principes de base de la théorie de l'échantillonnage qui aurait du présider à leur élaboration (selon les produits ayant fait l'objet des relevés de prix, la structure de la distribution et la localisation des points de vente) n'a à l'évidence pas été respecté ; qu'elle affirme que les relevés de prix effectués ne permettent aucune observation des effets dynamiques sur un marché où la concurrence joue surtout aux périodes de forte demande, qu'aucun relevé des prix effectivement appliqués n'a été réalisé et qu'enfin, la reconstitution des prix publics indicatifs est artificielle au point que la plus petite modification dans les paramètres retenus aboutit à une inversion des conclusions de la Décision ; qu'elle ajoute que de manière paradoxale, la méthode du Conseil tend à sanctionner davantage les entreprises pour lesquelles les remises consenties sont élevées et partant, celles pratiquant des prix bas ; qu'elle en conclut que sa culpabilité n'est à l'évidence pas démontrée ;

Considérant cependant, qu'à supposer que la preuve économique constituée par les relevés de prix litigieux ne permette pas à elle seule de démontrer l'acquiescement des distributeurs à l'entente évoquée par la société Parfums Christian Dior et ne constitue qu'un fragment de preuve devant impérativement être complété par un faisceau d'indices précis et concordants, plusieurs déclarations émanant de parfumeries indépendantes installées dans différentes régions établissent la participation libre et volontaire de ces distributeurs à cette concertation verticale sur les prix, en sachant que cette action était de nature à entraîner un raidissement dans la structure de ces derniers ; qu'il en va ainsi des déclarations émanant de la parfumerie Beauty Success à Périgueux (annexe 8-16 audition du 15 juillet 1999 du responsable du magasin depuis 5 ans : " notre prix de vente correspond donc à : tarif fournisseur auquel est appliqué le coefficient conseillé du fournisseur + réduction correspondant à la remise autorisée par le fournisseur. Les représentants des marques veillent à ce que nous n'accordions pas un taux de remise supérieur au taux autorisé par la marque. Par exemple Dior autorise - 10 %, le représentant interviendrait immédiatement pour nous demander de remonter le prix de vente"), de la Parfumerie Bleue à Périgueux (annexe 8-15 audition de la directrice gérante du magasin le 15 juillet 1999: " La parfumerie est exploitée par nous-même depuis 20 ans... Nous pratiquons en moyenne un coefficient de 1,983 qui est le coefficient conseillé par les grandes marques. A l'origine c'est Dior qui a conseillé ce coefficient et les autres

marques ont suivi en conseillant ce coefficient... Les coefficients correspondent aux prix boutiques pratiqués par les marques. Nous appliquons ce coefficient sur les tarifs des marques puis en un deuxième temps les marques nous autorisent à pratiquer une remise plafonnée à 10-15 % maximum... Dior - 10 %, Si nous pratiquions des remises supérieures à ces taux, nous aurions des rétorsions immédiates de la part des marques "), de la Parfumerie du centre à Saint-Ouen (annexe 8-22 audition de la gérante du magasin du 2 juin 1999 : " Il y a deux ans. J'avais fait 20 % de promotion sur tous les produits de soins Dior, Le représentant Dior lors de son passage m'avait alors précisé qu'il était interdit de pratiquer des remises supérieures à 10 %, J'ai alors cessé de pratiquer cette promotion et depuis cette intervention je ne pratique plus de promotions supérieures à 10 % sur les produits Dior. Aujourd'hui encore les représentants de Dior... nous interdisent par oral de faire plus de 10 %), de la parfumerie Lyon's à Montrouge (annexe 8- 25 : audition de la directrice salariée du 1 juin 1999 : " nous n'organisons pas de rabais pour les consommateurs dans la mesure où les marques nous interdisent de pratiquer du discount sur leurs produits... Les marques les plus dures dans leurs consignes sont : Dior... Ces interdictions de pratiques du discount sont verbales : ce sont les représentants de ces marques qui lors de leur passage nous rappellent explicitement qu'il est interdit de pratiquer du discount sur leurs produits... Les promotions que nous organisons à la demande des fournisseurs n'ont jamais pour conséquence la mise en vente d'un produit à un prix inférieur au prix conseillé par le fournisseur. Il s'agit de promotions nationales réalisées sur tout le territoire" soulignement ajouté), du magasin Freddy à Paris (annexe 8-29 audition du responsable administratif du 30 juin 1999 : " Du fait de ces consignes, nous respectons les prix conseillés et les consignes tarifaires des grandes marques car nous ne pourrions pas nous passer d'une marque de type... Dior... ") et de la société Sephora à Saint Brieuc (annexe 8-14 audition du 22 juin 1999 M. Christophe Emery directeur du magasin: " Notre politique prix est de respecter les préconisations tarifaires des grandes marques en s'abstenant de casser les prix. De ce fait, nous avons parfois du mal à nous aligner sur les prix pratiqués par [les concurrents] A plusieurs reprises, j'ai essayé de protester auprès des représentants des grandes marques sur ce problème de discount de Marie-Bernard. Les représentants nous ont répondu que c'était impossible car les prix sont libres. Quelques marques, Dior... ont réagi en intervenant auprès de Marie-Bernard pour leur demander de remonter leur prix en les menaçant de leur couper momentanément la marque. Sur ces fiches [techniques] les prix conseillés ne sont souvent pas indiqués mais nous les notons sur une feuille volante. Les marques qui nous indiquent des prix de vente à respecter sont : Dior... ) ;

Considérant que les énonciations du point 92 de la Décision font par ailleurs état d'un engagement écrit de la parfumerie La Rose des Vents à Lyon avec la société Christian Dior pour limiter le taux de remise maximum accordé au consommateur sur les produits de cette marque ; que la parfumerie Broglio à Annecy souligne en outre la capacité de la société appelante à " tenir le marché " vis-à-vis de ses points de vente agréés (annexe 8-02) ; qu'il n'est pas établi que la contradiction relevée par la requérante dans les déclarations respectives du même jour (15 juillet 1999) des sociétés Beauty Success et La Parfumerie Bleue à Périgueux concernent les produits de la marque Dior (annexes 8-15 et 8-16) ; que la convergence des affirmations émanant de ces différents distributeurs indépendants répartis sur l'ensemble du territoire national, est de nature à établir avec cohérence, nonobstant les protestations de la société requérante, l'acquiescement des distributeurs du réseau de distribution en cause à une action concertée sur les prix ;

Considérant en troisième lieu que la société Parfums Christian Dior conteste avoir mis en place une police des prix destinée à faire respecter les prix de vente prétendument imposés par les distributeurs ; qu'elle explique qu'aucun élément probant et non ambigu d'un encadrement strict des prix de vente au détail et des remises ne permet d'établir ce fait ; que le courrier du 13 juin 1995 précisant l'interprétation de l'article II-10 du contrat relatif aux opérations promotionnelles et publicitaires, ne saurait tenir lieu de contrôle sur la politique tarifaire de ses distributeurs, au surplus pour la période couvrant les années 1997 à 2000 ;

Considérant cependant, sans qu'il soit nécessaire de rechercher les pratiques de 1995 que les points 92, 93, 96, 98, 100 et 101 de la Décision établissent clairement sinon la mise en œuvre effective de mesures de représailles, du moins la réalité de menaces directes émanant de la société Parfums Christian Dior pour faire pression sur les points de vente et assurer ainsi le respect des prix imposés ; qu'en outre, le dossier comprend plusieurs déclarations de distributeurs qui relatent de manière précise et circonstanciée les interventions ou menaces d'interventions de la marque pour faire remonter des prix jugés trop bas ; qu'il en va ainsi des déclarations des responsables du groupement DSP (annexe 8-05 audition du 10 mars 2000 " En juin 1997, Dior nous a adressé un courrier pour nous demander d'intervenir auprès d'un adhérent, la parfumerie... qui pratiquait des soldes/promotions/proposait une remise avec la carte club entreprise. Dior me mettait en demeure d'intervenir auprès de l'adhérent en tant que responsable du groupement. Pour cette raison Dior craignait que ce type d'opérations s'étende à d'autres adhérents. C'est pour cette raison qu'ils précisent :"nous serions conduits à envisager à cesser nos relations commerciales avec les adhérents de votre groupement qui se livrent à de telles pratiques"), du magasin de la société Sephora à Saint-Brieuc (annexe 8-14), de la Parfumerie Rayon d'Or à Paris 5e (annexe 8-07), de la société Sogepar à Echirolles (annexe 8-09 : "en juin 1997, M. Sode (Dior) nous a adressé un courrier daté du 25 juin 1997 nous reprochant quatre pratiques commerciales... 4°/ la carte club entreprise qui donne droit à un rabais permanent de -10 % à -30 % pour les ventes des comités d'entreprise. Dans ce courrier M. Sode nous menaçait de nous couper la marque si nous ne cessions pas ces pratiques, ce dernier considérant que nous avions violé des dispositions du contrat de distribution et que nous encourions donc la résiliation du contrat. En dehors de ce courrier le visiteur régional nous avait adressé oralement les mêmes remontrances ") et de la Parfumerie Le Palatin à Nice (annexe 8-36) ; que par ces diverses déclarations précises et convergentes, mettant directement en cause la société Dior et faisant état d'actions entreprises par celle-ci pour contrôler ses tarifs, dans le cadre de relations contractuelles suivies et continues, le Conseil a caractérisé à suffisance, la police de prix incriminée à ce fournisseur, nonobstant les réfutations de la société requérante qui s'appuie sur les dénonciations de certains magasins indépendants se plaignant de la concurrence agressive des grandes chaînes de distribution, d'une part et la mise à l'écart des déclarations de la directrice du magasin Honoré 316 à Paris 1er du 30 juin 1999 (annexe 8-30), peu crédibles puisque il en ressort que cette parfumerie ne distribuait plus depuis 8 ans les produits de la marque Christian Dior, d'autre part ;

Considérant que sur l'ensemble de ces constatations et pour ces raisons, la preuve de l'invitation de ce fournisseur et celle de l'acquiescement de ses distributeurs à une entente verticale généralisée sur les prix des produits est établie à suffisance de droit par la Décision déférée ; que cette altération de concurrence, inscrite dans le cadre de relations contractuelles suivies entre parties et mise en œuvre sur un marché spécifique de produits de luxe comprenant trois grandes chaînes nationales représentant lors des faits près de 50 % de l'ensemble de la distribution sélective et pratiquant une politique de prix à l'échelle nationale, est pleinement avérée pour la période considérée (1997-1999) ;

- La société Elco

Considérant que la société Elco fait grief au Conseil d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation en donnant une valeur probatoire aux relevés de prix établis par les services de la DGCCRF lors de l'enquête administrative pour estimer que les prix qu'elle avait prétendument imposés à ses distributeurs avaient bien été appliqués par ces derniers ; qu'elle soutient que ce relevé utilise comme référence un prix artificiellement reconstitué n'ayant rien à voir avec le prix public indicatif dont elle admet avoir assuré la diffusion et précise que les prix relevés par les enquêteurs ne correspondent pas aux prix effectivement pratiqués par les distributeurs puisqu'ils ne prennent pas en compte les remises pratiquées en caisse, notamment par la pratique des cartes de fidélité ; qu'aucun document du dossier ne suggère qu'elle ait fait usage du coefficient multiplicateur de 1,97 avancé comme étant traditionnel dans la profession et qu'il ressort même des déclarations des distributeurs que de ce point de vue, aucune norme n'existait à l'époque des faits ; que le dossier révèle ainsi la mise en œuvre de coefficients divers (2,05 - 2,02 - 2,035 - 2 - 1,80 - 1,70... ) et que les quelques distributeurs ayant expressément fait référence à un coefficient communiqué par les marques ont tous fait mention d'un coefficient de 2 ; que quoi qu'il en soit, le Conseil reconnaissant lui-même au point 583 de la Décision que les distributeurs étaient libres d'accorder les remises de leur choix, il ne peut être acquis qu'un taux de remise maximum était imposé ; que le relevé de prix sur lequel le Conseil a fondé son appréciation est dépourvu de toute pertinence économique puisqu'il porte exclusivement sur le prix de 3 produits (2 produits Estée Lauder et 1 produit Clinique) ainsi que sur une période et des zones de chalandises restreintes ; qu'il n'est pas davantage établi qu'elle ait participé à un accord anticoncurrentiel avec les sociétés directement mentionnées dans les pièces retenues à charge, les sociétés Marionnaud, Nocibé, Sephora, O'Dylia, Beauty Success ainsi que Printemps de la Beauté à Rouen et la Parfumerie Ylang à Nice ;

Considérant cependant que les points 129 à 132 de la Décision établissent l'existence d'un prix de vente ou d'un taux de remise maximum conseillé pour les produits Clinique et Estée Lauder ; que le point 129 relève notamment que les bons de commande fournis aux distributeurs de la marque Estée Lauder au moment des faits comportaient de manière systématique l'indication des prix publics indicatifs au côté des prix de gros hors taxes ; qu'en outre les marques Estée Lauder et Clinique ont été nommément citées par le Printemps de la Beauté à Rouen (point 133), O'Dylia (point 145), la parfumerie Ylang à Nice (point 147), Broglio (annexe 8-02 Broglio), le groupement Valscure (annexe 8-04 - Valscure) la parfumerie Patchouli à Puteaux (annexe 8-33), la parfumerie VO (annexe 8-08) et la société Sephora (annexe 8-14 Sephora France) comme faisant partie des fournisseurs imposant un prix conseillé et des taux de remise maximum à leurs distributeurs ;

Considérant par ailleurs que c'est à bon droit et à suffisance que le Conseil relève au point 581 de sa Décision que les faits rapportés aux points 134 à 138, 140, 142, 144, 145 et 147 établissent la preuve d'une police de prix exercée par la société Elco pour les marques Estée Lauder et Clinique ; que les éléments notamment cités aux points 136 et 144 de la Décision révèlent un contrôle de prix pratiqués sur divers points de vente et l'intervention de la société Elco en cas de déviations ; qu'au surplus plusieurs documents de la société Elco elle-même concernant la chaine O'Dylia organisée en réseau informatique (annexe 8-03 déclaration du représentant de O'Dylia du 30 septembre 1999 : " dès que nous vendons un produit en dessous du seuil toléré, nous sommes immédiatement contactés par les marques qui exigent que nous remontions le prix immédiatement et sans délai. Si nous ne remontons pas les prix, les marques exercent des pressions commerciales redoutables 1) menace de retard de livraison 2) menace de rupture de livraison... ces menaces ont été exécutées : ... depuis 3 ans... Clinique, Lauder... ces marques continuent actuellement à exercer des pressions lorsque je ne respecte pas leurs prix imposés... ") et d'autres points de vente ainsi qu'une déclaration de la société Sephora également organisée en réseau informatique concernant la chaîne Marie-Jeanne Godard (annexe 8-14 citant la réalité de pressions depuis 3 ans) font état d'interventions nombreuses et pressantes de la société Elco auprès de ces distributeurs pour les inciter à " corriger " les " anomalies " constatées dans leur politique de prix ; que partant, la mise en place d'un système de police de prix apparaît établi ;

Considérant encore qu'à supposer que les relevés de prix analysés par le Conseil soient insuffisants à eux seuls pour justifier l'accord des distributeurs de la société Elco à l'entente, les points 131, 132, 139 et 140 de la Décision démontrent l'alignement volontaire sur les prix imposés par ce fournisseur des tarifs pratiqués par les sociétés Marionnaud, par la chaîne O'Dylia et par la parfumerie Kléber (annexe 7-07 cote 5531) ; que par ailleurs le magasin Sephora de Saint Brieuc affirme également " respecter les préconisations tarifaires des grandes marques [dont la marque Estée Lauder nommément citée] " en s'abstenant de casser les prix " (annexe 08-14) ; que cette application effective des prix conseillés concerne ainsi un nombre significatif de points de vente dès lors notamment que la grande majorité de ces distributeurs sont reliés par un réseau informatique leur permettant de communiquer sur les prix ;

Considérant que au regard de ces différents éléments et des éléments liés à la structure spécifique du marché ci-avant définie, les déclarations de certains magasins affirmant de manière générale être libres de fixer leurs prix de vente au consommateur ne permettent pas d'écarter les preuves directes de l'accord de plusieurs distributeurs et de la société Elco à cette entente illicite ; que ce fournisseur n'apparaît pas fondé à se prévaloir d'une violation de ses droits de défense (cf. paragraphe 1.3.5 de cet arrêt) puisque la crédibilité des relevés de prix reste au cas présent, très relative pour qualifier la pratique incriminée ;

- La société Guerlain

Considérant que comme la société Parfums Christian Dior, la société Guerlain prie la cour d'annuler la Décision déférée pour insuffisance manifeste de motivation, en expliquant que, pour ce qui la concerne, le Conseil n'établit pas la preuve précise de sa participation à l'entente généralisée sur les prix ayant prétendument eu un objet et/ou un effet anticoncurrentiel sur le marché considéré, se contentant d'adopter un raisonnement circulaire et tautologique les dispensant d'argumenter là où ce serait pourtant nécessaire ;

Considérant que la société Guerlain soutient qu'elle ne communiquait aucun prix conseillé à ses distributeurs mais seulement des prix boutique sur demande expresse de ces derniers ; qu'aucun des documents ou déclarations retenues par la Décision ne fait mention d'une telle communication et que deux documents hors période des faits (compte-rendu de rendez-vous du 13 juin 1995, courrier du 28 mai 1996) et quelques déclarations imprécises, ne sauraient établir la diffusion d'un taux de remise maximum reprochée pour les années 1997 à 2000 ;

Considérant cependant que les affirmations rapportées aux points 160, 161 et 162 classent sans ambiguïté la société Guerlain parmi les fournisseurs imposant un prix de vente conseillé et un taux de remise maximum à leurs distributeurs ; que ces propos sont corroborés par les déclarations des sociétés Marionnaud (annexe 8-02 : audition du 2 septembre 1999 de M. Marcel Frydman PDG au siège administratif de Vincennes : " Nous sommes en réseau informatique avec tous nos magasins. C'est par ce réseau informatique que les prix de vente sont communiqués aux magasins par les sièges (il existe plusieurs sites régionaux). Nos magasins n'ont aucune marge de manœuvre dans la détermination du prix de vente de leurs produits puisqu'ils exécutent nos consignes... Toutes les marques nous communiquent des prix conseillés soit par écrit (par exemple Guerlain avec ses prix boutiques parisiennes) soit... ", Sephora à Saint Brieuc (annexe 8-14 Sephora France audition du 2 juin 1999, n° 1989 et 1990 " Pour déterminer notre prix de vente au public, nous appliquons les consignes du siège qui nous communique un prix conseillé... Lors de leurs passages, les représentants nous laissent des fiches techniques qui présentent les produits. Sur ces fiches, les prix conseillés ne sont souvent pas indiqués mais nous les notons sur une feuille volante. Pour Guerlain par exemple... il (le représentant) lors de son dernier passage, nous a communiqué la plaquette de présentation du produit. Mme Burel Nathalie notre employée a alors noté sur une feuille volante le prix conseillé par le représentant de Guerlain") et Patchouli à Rungis (annexe 8-01 audition du 14 septembre 1999 : " Certains fournisseurs nous communiquent des prix boutiques (Guerlain). Cette pratique a remplacé celle des prix conseillés. Sur nos fiches articles tel qu'apparaît en magasin figure (sic) : le prix de vente conseillé, le prix d'achat HT, le coefficient de marge théorique... ") attestant, de manière précise, cohérente et convergente, que la requérante impose ses prix boutique, communiqués spontanément et par écrit, comme prix de vente au consommateur ; que la certitude du premier élément du faisceau d'indices est ainsi établie ;

Considérant que la société Guerlain critique en deuxième lieu la Décision, qui ne saurait établir à suffisance, la mise en place d'un dispositif de surveillance de prix imposés ; qu'elle souligne qu'aucun élément du dossier (documents ou déclarations) ne démontre la réalité de mesures de contrainte ou de représailles contre les distributeurs pratiquant des prix inférieurs aux prix communiqués ; que la crainte d'hypothétiques représailles ne saurait caractériser l'exercice de mesures de contrainte effectives ; que plusieurs pièces du dossier établissent enfin que deux chaînes nationales (Marionnaud et Sephora) pratiquaient, pour ce qui concerne cette marque, une politique de prix agressive;

Considérant cependant qu'à supposer même que certains documents opposés à la société Guerlain soient insuffisamment pertinents (annexe 7 du rapport administratif d'enquête - cotes 2668 à 2670) parce qu'ils se situent en limite de la période visée par la Décision (1996) ou qu'ils concernent un distributeur non sanctionné (la société Douglas), les éléments résultant de la télécopie adressée par un magasin Sephora de Grenoble à la direction commerciale de Guerlain en janvier 1999 pour que celle-ci intervienne pour assurer le respect de sa politique tarifaire (annexe n° 11, cote n° 02667 rapport administratif d'enquête), établissent que cette demande d'intervention a, au sein de l'entreprise, fait l'objet d'un traitement impliquant au moins 3 responsables de la marque, ce qui prouve qu'elle a été prise au sérieux ; que les éléments cités aux points 161, 162 et 168 de la Décision, auxquels on peut ajouter pour le point 168 concernant la société Broglio à Annecy entendue le 23 septembre 1999, le fait que la société Guerlain y est présentée comme relevant du groupe de fournisseurs qui parviennent à " tenir le marché" et à " éviter les dérapages sur les prix", outre les propos de la dirigeante du Printemps de la Beauté à Rouen citée au point 483 de la Décision et ceux des distributeurs ci-après, établissent bien tous la réalité d'une surveillance du respect de la politique tarifaire de ce fournisseur; Qu'il en va ainsi des déclarations de la Parfumerie du Centre à Saint-Ouen (annexe 8-22 audition du 2 juin 1999 : " Les premières marques qui nous font travailler sont : Guerlain, Dior... Aujourd'hui encore, les représentants de Dior... Guerlain nous interdisent par oral de faire plus de 10 % de remises sur leurs produits. Lors de leur passage en magasin les représentants nous rappellent cet interdit à chaque fois, en précisant que le contrat de distribution nous interdit de pratiquer des ventes promotionnelles qui attenteraient à la réputation de la marque. Ils nous précisent également (Guerlain... ) que si nous pratiquions des mesures supérieures à 10 %, ils nous couperont la marque immédiatement... "), de la Parfumerie des Yvelines à Versailles (annexe 8-32 audition du 13 juillet 1999 : " Nous n'avons jamais pratiqué de prix inférieurs aux prix tenant compte des remises autorisées par les fournisseurs des grandes marques de parfums et de cosmétiques./ Si nous pratiquions des prix inférieurs à ceux que nous autorisent les fournisseurs, c'est-à-dire des remises supérieures aux remises autorisées, nous aurions une rupture de l'approvisionnement en produits de marques précitées : Chanel... Guerlain") et encore de la Parfumerie Bleue à Périgueux (annexe 8-15 audition du 15 juillet 1999 : " Nous appliquons ce coefficient sur les tarifs des marques puis en deuxième temps les marques nous autorisent à pratiquer une remise plafonnée à 10 - 15 % maximum... Guerlain - 10 %. Nous sommes donc surveillés par rapport à un niveau de prix./ Du fait de ces éléments, nous sommes donc contraints de pratiquer le prix de vente conseillé par les marques./ Les marques concernées par les éléments décrits antérieurement sont : ... Guerlain... "); que ces distributeurs indépendants font précisément état de diverses menaces sur la livraison des produits et sur l'attribution des remises qualitatives, par lesquelles la requérante cherchait à faire respecter sa politique tarifaire ; que par ailleurs, la responsable de la parfumerie Elisabeth à Reims confirme l'effectivité de la surveillance exercée par la société requérante sur ses fournisseurs (annexe 8-46 audition du 22 juillet 1999 : " Les marques qui représentent 80 % de mon chiffre d'affaires sont Guerlain... Les marques qui peuvent se faire respecter au niveau des prix sont : ... Guerlain ; Les marques qui autorisent des remises plafonnées sont les suivantes... Guerlain se fait respecter pour l'interdiction de remise sur les nouveautés et pour le catalogue, la remise est plafonnée à moins 10 %.".) ;

Considérant que ces déclarations cohérentes, précises et concordantes, émanant de distributeurs indépendants, économiquement fragiles en raison du poids de leur fournisseur et géographiquement dispersés, établissent à suffisance, nonobstant les réfutations exprimées par la requérante, la réalité de la police des prix pratiquée pour les périodes considérées, au sein du réseau sélectif de cette marque ; que le caractère hypothétique de certaines de ces déclarations n'est pas susceptible de remettre en cause la portée de ces dernières puisque ainsi que le souligne la Décision, l'emploi du conditionnel porte à l'évidence sur le seul éventuel refus d'appliquer la politique de prix fixée par le fournisseur et nullement, sur les conséquences engendrées par ce refus ; qu'il s'en infère au contraire que ces menaces d'intervention et de représailles qui s'inscrivaient dans des relations contractuelles suivies entre les parties, étaient considérées comme suffisamment plausibles pour qu'il n'y ait généralement pas eu lieu, pour les distributeurs qui en ont été destinataires, de faire quoi que ce soit qui aurait pu conduire à leur mise à exécution ;

Considérant enfin que les pièces du dossier citées par la société Guerlain pour démontrer que les trois grandes chaînes de distribution sanctionnées pratiquaient une politique de prix agressive, ne démontrent en rien que le discount pratiqué était in concreto, dans la zone de chalandise concernée, inférieur au prix de remise maximum applicable ; qu'elles doivent pour cette raison, être écartées ;

Considérant que la société Guerlain estime en troisième lieu que le Conseil ne fournit pas la preuve d'une application effective des prix de vente publics prétendument communiqués par elle, en l'absence de tout relevé de prix significativement probant ; qu'elle fait état de quatre biais méthodologiques majeurs privant les relevés pratiqués par l'Administration des garanties minimales de rigueur scientifique en ce sens que les principes de base de la théorie de l'échantillonnage qui auraient dû présider à leur élaboration n'ont à l'évidence, pas été respectés [absence de représentativité quant à l'échantillon de produits retenus, quant à la structure de la distribution puisque l'on peut constater une surreprésentation des parfumeries indépendantes et enfin, quant à la localisation des points de vente tenant notamment compte de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une chaîne] ; qu'elle ajoute que quoi qu'il en soit, les relevés de prix effectués ne permettent aucune observation des effets dynamiques d'un marché où la concurrence joue surtout aux périodes de forte de demande, qu'aucun relevé ne correspond aux prix effectivement appliqués et pratiqués en caisse et qu'enfin, la reconstitution des prix publics indicatifs est artificielle au point que la plus petite modification opérée dans les paramètres retenus, aboutit à une inversion des conclusions de la Décision ; qu'elle explique qu'en ce qui la concerne, l'amputation du prix boutique de 10 % lors du calcul du prix public indicatif par le Conseil n'est justifié par aucun élément du dossier ni aucune circonstance et ne reflète aucune réalité commerciale ; qu'au surplus, l'analyse des relevés par le Conseil ne pouvait se fonder sur un critère aussi arbitraire que celui du " prix de vente significativement (ou non) inférieur au prix imposé" ;

Considérant cependant, que partie de ces assertions sont contredites par les déclarations de plusieurs représentants des parfumeries indépendantes entendus au cours de l'enquête administrative et notamment par le témoignage de la directrice du magasin la Parfumerie Bleue à Périgueux en ce que cette dernière, entendue le 15 juillet 1999, a affirmé pratiquer, avec l'autorisation de cette société et sous condition de rétorsions immédiates en cas de dépassement, un taux de remise plafonnée à 10 % ; que quoi qu'il en soit, à supposer que la preuve économique constituée par les relevés de prix litigieux ne permette pas à elle seule de démontrer l'acquiescement des distributeurs à l'entente évoquée par la société Guerlain et ne constitue donc au cas d'espèce, qu'un fragment de preuve devant être conforté par un faisceau d'indices précis et concordants car ils ne sauraient tendre à constituer une preuve mathématique de la réalité de l'entente, plusieurs déclarations émanant de parfumeries indépendantes établissent la participation libre et volontaire de ces distributeurs à cette concertation verticale sur les prix, avec la conscience que cet acquiescement était de nature à provoquer un raidissement dans la structure de ces derniers ;

Que cette adhésion à la politique tarifaire de la marque est ainsi établie par les énonciations du point 163 de la Décision, lequel fait état, dans une lettre adressée à Guerlain, par le PDG d'un groupement, de la violation par l'un de ses magasins " des engagements pris vis-à-vis des marques afin de respecter une politique de prix " [soulignement ajouté] ; que le dossier comprend plusieurs déclarations de distributeurs permettant de constater le respect des prix imposés par la société requérante dans leur zone de chalandise et notamment les déclarations de la responsable de la parfumerie Baiser Sauvage à Lyon 2e (annexe 8-40 - déclaration du 6 août 1999 : "Les principales marques qui composent l'essentiel de notre chiffre d'affaires sont,: Guerlain... Nos concurrents dans la zone sont Nocibé, Sephora et Marionnaud.. Ils ne sont pas agressifs au niveau prix, mais au niveau implantation" [soulignement ajouté]), de celles de la Parfumerie Bleue à Périgueux (annexe 8-15 audition du 15 juillet 1999 : "Les représentants des marques nous communiquent également régulièrement les coefficients à pratiquer. Par exemple... pour Guerlain : 1,98... les coefficients correspondent aux prix boutiques pratiqués par les marques. Nous appliquons ce coefficient sur les tarifs des marques" soulignement ajouté) et de la Parfumerie Elisabeth à Reims (annexe 8-46 audition du 22 juillet 1999:" Guerlain se fait respecter pour l'interdiction de remise sur les nouveautés et pour le catalogue, la remise est plafonnée à moins 10 %") ; qu'en outre, les distributeurs Broglio (annexe 8-02 : audition du 23 septembre 1999 : " Nous n'avons jamais rencontré de problème pour le versement de ces remises [qualitatives] dans la mesure où nous ne pratiquons pas de discount délibéré, c'est-à-dire que nous vendons pas nos produits à un prix inférieur à celui du marché, exclusivement lorsque nous sommes tenus de nous aligner sur un concurrent. De ce fait nous ne faisons jamais de prix discriminatoire " soulignement ajouté) et Anne Emmanuelle à Reims (annexe 8-47 audition du 22 juillet 1999 : " Pour certaines marques, quand elles donnent une liste de prix publics conseillés ou de tarifs boutiques, j'applique ces tarifs. Il s'agit des marques suivantes : Guerlain... " soulignement ajouté), soutiennent également que la société Guerlain est parvenue à faire " remonter les prix " pratiqués par les distributeurs dans leur ensemble ;

Considérant que ces déclarations, cohérentes, précises et concordantes, visant directement la société Guerlain et pour lesquelles la société requérante ne donne aucun éclairage ou justification contraires susceptibles d'emporter la conviction de la cour, établissent à suffisance l'accord des distributeurs à l'entente ; que la simple affirmation par la société Sephora qu'elle ne respecte pas le prix de remise maximum conseillé par les marques distribuées par elle et partant, par la société Guerlain n'apparaît pas suffisamment fiable pour remettre en cause ces différentes assertions constitutives de preuves directes; qu'il en va de même des déclarations de la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen avancées à tort par ce fournisseur ;

Considérant que sur ces constatations et pour ces raisons, la Décision n'encourt aucun grief d'annulation, ayant établi à suffisance de droit la réalité de l'accord anticoncurrentiel généralisé qu'elle a sanctionné ; que l'imposition du prix de vente des produits concernés, doublée d'un ajustement de chaque distributeur sur les prix pratiqués par les concurrents dans une zone de chalandise donnée, conduit mécaniquement dans le cadre d'un réseau de distribution vertical comprenant des distributeurs de dimension nationale ainsi que souligné par la société requérante elle-même et les sociétés Dior et LVMH Fragrance Brands (Kenzo et Givenchy), à une généralisation des pratiques sur le plan national.

- La société L'Oréal Produits de luxe France

Considérant que la société L'Oréal remarque que les contrats de distribution qui la concernent, énoncent le principe de liberté tarifaire des distributeurs notamment ceux des marques Lancôme, Armani et Héléna Rubinstein et soutient qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir sa participation à une entente sur les prix ; qu'elle s'interroge dans le cadre de ses dernières écritures sur le point de savoir si, au vu du caractère non probant des pièces du dossier, l'Autorité, ne cherche pas, de manière tardive et inopérante, à caractériser l'existence d'un accord de volontés entre elle et ses distributeurs sur la base de documents contractuels tels, les barèmes 1998 (Héléna Rubinstein) et 2000 (Lancôme) ou encore, un document interne de Sephora intitulé " négociation marques 1999. Objectifs par fournisseur ", ce dernier faisant au demeurant, l'objet d'une présentation tronquée ; Considérant cependant que les distributeurs cités aux points 188, 189, 190 et 196 de la Décision ont clairement nommé les marques Armani et Lancôme parmi celles qui imposent un prix de vente au consommateur et des taux de remise maximum ; qu'au surplus, la société L'Oréal elle-même reconnaît communiquer des prix de vente conseillés à ses points de vente pour tous les produits nouveaux (annexes 7-13 L'Oréal Giorgio Armani, audition du 30 novembre 2011 : " Lors du lancement de nouveaux parfums, nous communiquons par l'intermédiaire de nos représentants et oralement une recommandation concurrentielle (dite environnement concurrentielle) qui correspond à un prix se situant entre le prix constaté chez les distributeurs d'une part et d'autre part les résultats de notre étude marketing au niveau prix " et 7-15 L'Oréal Héléna Rubinstein, audition du 12 janvier 2000 " nous n'adressons pas de prix conseillés à nos distributeurs sous forme écrite, Par contre oralement lors des lancements, nous leur communiquons un prix conseillé sous forme d'un coefficient conseillé de 1,98 ") ; que cette donnée est confirmée par le directeur France de la société Lancôme entendu par la rapporteure le 2 février 2005 (annexe 10-4) ainsi que rappelé au point 187 de la Décision ; que de ce fait, les distributeurs de la marque ont nécessairement connaissance du prix auquel la requérante souhaite que ses produits soient vendus au public ; que ces éléments sont encore confirmés par des documents émanant de Lancôme (note interne du 26 mars 1999 adressée par la direction commerciale à tous les visiteurs commerciaux annexe 5, cote 19864 du rapport administratif d'enquête, compte rendu d'activité d'un visiteur commercial du 18 juin 1998 annexe 5 cote 1845 du rapport administratif d'enquête, note interne de Sephora - annexe 24 cote 8602) ou d'Armani (note interne de Beauty Success annexe 32 - cote 10379 du rapport administratif d'enquête et déclaration de Mme Derenne annexe 32 - cote 10154 de ce même rapport) ; que ces données, corroborées par les déclarations décrites aux points 472, 473 et 476 de la Décision, sont de nature à caractériser une invitation à l'entente ;

Considérant que la société L'Oréal conteste encore la réalité d'une police de prix en expliquant que le recours à des indices généraux ne permet pas d'identifier les pratiques individuelles qu'elle aurait commises ; qu'elle relève que le Conseil a notamment fondé ses conclusions sur des documents présentant un caractère purement unilatéral, contradictoires entre eux mais aussi, avec les relevés de prix réalisés dans le cadre de l'enquête administrative ;

Considérant cependant qu'il était loisible au Conseil dans le cadre de son analyse concurrentielle, de s'attacher principalement aux pratiques avérées, quand bien même celles-ci ne concerneraient que certaines marques commercialisées par la société L'Oréal ; que s'agissant de la marque Armani, les points 198 et 199 voire 201 de la Décision établissent la réalité des interventions de la requérante auprès de ses distributeurs pour faire remonter des prix de vente jugés trop bas ; que s'agissant de la marque Lancôme, il résulte des points 192 et 194 de la Décision ainsi que des documents relatifs aux parfumeries O'Dylia (annexe 8-03) et Rayon d'Or (point 193 de la Décision), la preuve de nombreuses ingérences de la société L'Oréal dans la politique tarifaire de ses distributeurs accompagnées de représailles pouvant aller jusqu'aux arrêts complets de livraison ; qu'en outre, les pièces du dossier font état d'une surveillance des prix et de menaces de la part des représentants de Lancôme (annexe 8-22 La Parfumerie du Centre, audition du 2 juin 1999, annexe 8-08 VO, annexe 8-39 Sephora Lyon) ; que c'est dès lors à suffisance de droit que le Conseil a considéré que la société L'Oréal, avait mis en place une police de prix dans le cadre de la commercialisation de ces deux marques ;

Considérant que la société L'Oréal soutient enfin que le Conseil ne rapporte pas la preuve de l'application effective des prix ; que la Décision se fonde sur des relevés de prix partiels, incomplets et dépourvus de représentativité tant à son égard qu'à l'égard des trois chaînes principales de distribution avec lesquelles elle se serait entendue ; qu'en écartant huit produits sur les treize la concernant et deux produits sur trois pour la marque Armani, le Conseil a dénaturé et privé de toute force probante les relevés de prix versés au dossier ; qu'au surplus le Conseil en présente une interprétation erronée d'une part, en confondant PPI et prix de vente conseillé d'autre part, en retenant le critère d'application significative des PPI par les distributeurs ; que l'absence de prise en compte des pratiques liées aux remises en caisse et aux cartes de fidélité qui sont les manifestations d'une politique générale de l'enseigne recherchant la fidélisation de sa clientèle, fausse également l'analyse du troisième élément du faisceau d'indices dans son ensemble ; qu'elle conclut à sa nécessaire mise hors de cause, à tout le moins en ce qui concerne la marque Armani tant il est vrai que si le Conseil avait poussé plus loin son analyse, il n'aurait pu que constater la réalité d'une réelle dispersion de prix ainsi que l'absence effective d'application des prix prétendument conseillés par ce fournisseur pour chacune des trois chaînes nationales de distribution ainsi que le fait ressortir le tableau synthétique des prix relevés par les services de la DGCCRF dans le cadre de l'enquête administrative ; qu'elle affirme encore que par son approche, le Conseil a vidé de sa substance le critère relatif à l'application effective des prix en le réduisant au rôle de " contre-test ", visant à vérifier que l'hypothèse d'une police de prix rencontre un certain écho sur le terrain alors que tant les incohérences des déclarations des distributeurs avec les prix qu'ils pratiquent que l'analyse de ces prix dans les zones de chalandise font naître un doute sérieux sur l'application effective des prix préconisés ;

Considérant cependant que à supposer que les relevés de prix analysés par le Conseil ne puissent au cas d'espèce, constituer que des fragments d'indices pour démontrer l'acquiescement des distributeurs de la société L'Oréal à l'entente, les points 198 et 199 de la Décision attestent de l'alignement volontaire des prix pratiqués par certains des distributeurs sur les exigences tarifaires de ce fournisseur ; que en ce qui concerne la marque Lancôme, le point 194 établit la preuve du respect des prix dans différents points de vente ; qu'en outre, les déclarations émanant de la société Sephora (annexe 8-39 Sephora Lyon 3e : audition du 4 août 1999 : " Les principales marques que nous distribuons et qui représentent 80 % de notre chiffre d'affaires sont Lancôme... Rubinstein... Armani. Lancôme souhaite que le montant maximal de la remise sur ses produits soit respecté... Nous effectuons des relevés de prix auprès de la concurrence et nous nous alignons sur ces prix. Donc, nous avons pratiqué le même prix pour les produits Lancôme que Baiser Sauvage. Je reçois un catalogue de prix de vente émanant du siège. Ensuite j'ai la possibilité de baisser un prix catalogue afin de m'aligner sur les prix des concurrents. Pour pouvoir m'aligner, je ne suis pas obligé de passer par le siège. Je prends la décision seule, en fonction de la situation. Les marques nous demandent des explications sur les prix de vente que nous pratiquons... nous expliquons que nous nous sommes alignés. Quand nous sommes au-delà de la remise autorisée... les prix remontent suite à l'intervention des marques. Les concurrents ainsi que nous-mêmes, remontons les prix au niveau des remises autorisées par les marques. " soulignement ajouté) et une note interne de la société Lancôme relative à la parfumerie de M. Alfio Garzia (annexe 7-14 " il me rappelle qu'il a toujours respecté nos directives et joué le jeu de la marque jusqu'à ce jour - politique de prix à - 20 %, - 15 %... ") témoignent également de l'application effective des prix imposés par les distributeurs ; que s'agissant par ailleurs de la marque Armani, les points 198 et 199 révèlent l'acquiescement à l'entente de magasins de la société Sephora et de la chaine Beauty Success ; que les déclarations de la parfumerie La Rose des Vents à Lyon (annexe 8-42 audition du 6 août 1999 " Nous n'avons pas de concurrent dans la zone de chalandise... Pour déterminer mon prix de vente, j'applique le prix tarif. Je peux vendre au-dessus, mais pas en dessous. Les taux de remise maximum sont toujours de 10 % pour toute la gamme... Lancôme. Lorsque les marques indiquent sur leurs tarifs de vente, un prix public indicatif, c'est ce prix que je pratique... ") classent encore les marques Lancôme et Armani parmi celles pour lesquelles du fait de leur notoriété, il est possible à la requérante " d'imposer des contraintes aux parfumeries " ; qu'il en est de même de la parfumerie " Au pauvre diable " pour la marque Lancôme (point 195 de la Décision) du magasin Sephora de Nice pour la marque Héléna Rubinstein (point 318 de la Décision) ; que ces éléments sont encore corroborés par les déclarations de la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (point 473 de la Décision) du président directeur général de la chaîne O'Dylia (point 477 de la Décision), de la parfumerie Royale Opéra (point 481 de la Décision) et du représentant de la société Baiser Sauvage de Lyon 2e (annexe 8-40 : " Les principales marques qui composent l'essentiel de notre chiffre d'affaires sont... Lancôme... nos concurrents dans la zone sont Nocibé, Sephora et Marionnaud. Ils ne sont pas vraiment agressifs au niveau prix mais au niveau implantation... nous appliquons les prix qui nous sont accordés par les marques. Les marques nous imposent les taux de remise maximum à appliquer... quand un concurrent par exemple passe devant notre magasin et voit qu'un article n'est pas un prix imposé par la marque, il téléphone à la marque qui nous appelle. Nous remettons le produit au bon prix, c'est-à-dire au prix imposé par la marque, dans un délai de 48 heures... ") ; que ces différentes données concernant un nombre significatif de points de vente en ce compris des points de vente relevant d'une chaîne nationale (Sephora), la preuve de l'acquiescement des distributeurs ressort bien de façon déterminante de l'application effective des prix préconisés par le fournisseur au niveau de chaque zone de chalandise et partant, eu égard aux caractéristiques structurelles du marché en cause au niveau national ;

Considérant en effet que ni les déclarations de certains magasins affirmant de manière générale être libres de fixer leurs prix de vente au consommateur ni le graphique présenté en page 94 des écritures de L'Oréal quant au produit " Armani ", ne permettent d'écarter les preuves directes de l'accord des distributeurs de la société L'Oréal à cette entente illicite pour introduire un élément de raidissement dans la structure des prix pratiqués au niveau local et réduire subséquemment l'incertitude sur les prix ; que l'écart apparaissant entre les prix relevés et le prix conseillé par la marque sur le graphique précité ne contredit d'ailleurs pas frontalement la thèse de l'alignement analysé comme indice de l'acquiescement des distributeurs à une entente anticoncurrentielle sur les prix, peu important que le prix respecté ne soit pas rigoureusement équivalent au montant du prix conseillé ab initio ;

- La société LVMH Fragrance Brands (Parfums Givenchy et Kenzo Parfums)

- Société Parfums Givenchy

Considérant que la société Parfums Givenchy, ci-après société Givenchy, fait grief à la Décision attaquée de ne pas avoir caractérisé l'objet ou l'effet anticoncurrentiel de l'entente incriminée retenue à son encontre ; qu'elle conclut à son annulation subséquente, l'insuffisance de motivation alléguée ne pouvant selon ses dires, être écartée au seul motif que ce grief est spécialement visé par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du TCE (devenu 101 § 1 du TFUE) ;

Considérant cependant qu'ainsi qu'il a été vu supra, les pratiques qualifiées de restriction caractérisée ou restriction par objet telles que celle concernée par cette affaire n'imposent pas par surcroît, l'examen systématique de leurs effets, sauf aux entreprises à se prévaloir du bénéfice de l'exemption individuelle dont il leur appartient d'établir qu'elles remplissent les conditions posées par l'article 81 § 3 du TUE devenu 101 § 3 du TFUE ;

Que s'il est exact que le Conseil a exclu la possibilité d'exemption d'une "clause noire" au § 450 de la Décision, cette exclusion n'a été décidée qu'au titre de l'exemption générale et automatique instituée par le règlement n° 2790-1999 mais non, au titre de l'exemption individuelle dont le Conseil n'a pas préjugé de l'impossibilité ;

Considérant que ce chef d'annulation est donc sans effet, les conditions d'application d'une éventuelle exemption individuelle étant énoncées ci-après ;

Considérant que la société Givenchy observe n'avoir participé à aucune entente verticale illicite au sens des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du TUE devenu 101 § 1 du TFUE, que ce soit avec l'ensemble de ses distributeurs ou seulement, avec ceux qui ont été sanctionnés (les sociétés Marionnaud, Nocibé France et Sephora) ;

Considérant que la société Givenchy soutient en premier lieu, ne pas avoir diffusé de prix conseillé à ses distributeurs ni surtout de taux de remise maximum ; qu'elle reproche au Conseil de ne pas avoir respecté le standard de preuve habituel en la matière pour établir l'évocation de prix de vente publics ou de taux de remise maximum ;

Considérant cependant qu'il a déjà été répondu à ce dernier argument au paragraphe 2.1.4.1 de cet arrêt ; que par ailleurs, la cour constate que les points 150 et 151 de la Décision ainsi que les déclarations des responsables des magasins La Parfumerie à Saint Brieuc (annexe 8-13 audition du 23 juin 1999 : " Les grandes marques qui veillent à ce que nous ne pratiquions pas de soldes/prix barrés/nous ne vendions pas en dessous de leurs prix conseillés sont : YSL,... Givenchy... " sur et soulignements ajoutés), La Parfumerie Bleue à Périgueux (annexe 8-15 audition du 15 juillet 1999 : " Les représentants des marques nous communiquent également régulièrement les coefficients à pratiquer : Par exemple pour Givenchy 1,966 les coefficients correspondent aux prix boutiques pratiqués par ces marques. Nous appliquons ce coefficient sur les tarifs des marques puis en un deuxième temps les marques nous autorisent à pratiquer une remise plafonnée à 10 -15 % maximum... Les marques concernées par les éléments décrits antérieurement sont : ... Givenchy... soulignement ajouté.) et Elisabeth à Reims (annexe 8-46 audition du 22 juillet 1999 " Les marques qui autorisent les remises plafonnées sont les suivantes :Givenchy entre moins 15 % pour les nouveautés et moins 20 % sur le reste du catalogue... Toutes les marques... nous envoyent leur tarif imposé " soulignement ajouté) classent clairement et nommément la société Givenchy parmi les fournisseurs imposant des prix de vente au consommateur et des taux de remise maximum à leurs distributeurs ; que ces témoignages, nonobstant les dénégations de la société requérante, sont précis, circonstanciés et convergents et partant, pleinement crédibles ;

Que par ailleurs le point 153 fait état de " fiches de visite" établies au cours des mois d'avril, de mai et de juin 1999, dans les localités de Romorantin, Angoulême, Cognac, Saintes, Les Sables d'Olonne et Rochefort sur Mer faisant mention, pour chaque distributeur visité, du prix de certains produits et établissant, que les prix déviants du prix uniformément pratiqué dans les autres magasins, donnaient lieu à un signalement spécifique pour qu'il soit porté remède à cette situation (cf. fiche de visite du 7 mai 1999 portant la mention suivante : " j'ai prévenu Fabrice le responsable régional qui doit s'occuper du problème") ;

Que les déclarations du Directeur France de Givenchy entendu par l'Administration le 8 décembre 1999 ne sont pas antinomiques avec ces premières données puisque, il y est certes exprimé de manière au demeurant peu fiable :" nous ne communiquons pas de prix conseillés ou de prix boutiques conseillés à nos distributions" mais également que :"A l'heure actuelle, cette condamnation de pratiques discriminatoires demeure d'actualité puisque nous pourrions intervenir dès lors qu'un distributeur nous discrimine de façon répétée... Par pratique commerciale discriminatoire, nous entendons toute remise sur le prix accordé au consommateur qui viserait notre marque exclusivement... " (annexe 11 - pièces n° 2950 à 2962) ; que ce représentant de la marque dont le témoignage est présumé être exprimé en accord avec les intérêts de cette dernière n'exclut ainsi pas que le non-respect de la politique tarifaire par le distributeur prenne la forme d'une pratique discriminatoire entraînant ipso facto une réaction de la part de ce fournisseur ;

Que ces éléments de preuve, testimoniaux et documentaires, clairs et univoques, non combattus de manière crédible par la société requérante, caractérisent à suffisance le premier indice retenu par la Décision ;

Considérant en deuxième lieu que la société Givenchy conteste avoir mis en place une police des prix destinée à contrôler le respect par les distributeurs des prix prétendument conseillés ; qu'elle soutient que les affirmations du Conseil dans sa Décision ne sont étayées d'aucune preuve valable et qu'au surplus, il lui aurait été matériellement impossible de mettre en place un tel système puisqu'elle ne dispose que de 15 représentants pour les 2 200 points de vente de son réseau ;

Considérant cependant que les fiches de prix de la requérante auprès de la chaîne Beauty Success datées d'avril à juin 1999, dont la valeur probatoire est remise en cause par la société requérante, contiennent des cases pré-imprimées destinées à recevoir la mention des prix relevés par le représentant de la marque lors de ses visites ; que certaines fiches font état d'interventions envisagées auprès d'un point de vente ne respectant pas les prix imposés (annexe 11 - autres pièces, cote 2655) ; que par ailleurs, les déclarations du responsable de la Parfumerie VO (annexe 08-VO) établissent que parfois, la police exercée par la marque prenait la forme d'une discrimination puisqu'il ressort des dites déclarations que, en ce qui concerne la société Givenchy : " Dans les objectifs 1997 de Givenchy, les conditions d'obtention des ristournes sont conditionnées au respect des conditions générales de vente " et que il " s'agit en l'occurrence du respect des prix conseillés par Givenchy " ;

Que la télécopie rapportée au point 154 de la Décision conserve aux yeux de la cour une réelle portée probatoire, nonobstant les termes de l'audition du responsable du magasin Sephora de Paris (annexe 8 - 1 Grandes chaînes nationales de diffusion 04, cote 1753) pouvant lui être corrélés, la dénonciation par un distributeur à son fournisseur de pratique de prix jugés trop bas d'un concurrent n'étant pas nécessairement antinomique avec l'affirmation contraire du responsable d'une marque faisant l'objet de poursuites, lorsque cette affirmation se trouve être à son avantage ;

Que la crédibilité des déclarations retenues dans la Décision (points 150 et 151) portant sur la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix est sérieuse, peu important que les représailles soient évoquées en termes hypothétiques (point 486 de la Décision) dès lors qu'elles sont perçues par le distributeur comme possibles et envisageables ;

Qu'aucun élément contraire avancé par la société Givenchy n'apparaît être suffisamment vraisemblable pour combattre la présomption de cette police de prix résultant de preuves documentaires et testimoniales solides, claires, précises et convergentes (points 150, 151, 153 et 154 de la Décision) ; qu'à supposer que cette société n'ait pas a priori disposé pour ce faire d'un nombre suffisant de représentants pour mettre en place une surveillance de la politique de prix de ses distributeurs, ces données établissent que cette surveillance était suffisamment efficiente pour être ressentie comme contraignante par les distributeurs (annexe 8 - Ylang à Nice, Printemps de la Beauté à Rouen, La Rose des Vents à Lyon) ; qu'enfin, le fait que parfois cette police se trouvait conjuguée avec des dénonciations de concurrents en est la démonstration (point 154 de la Décision) ;

Que pour l'ensemble de ces raisons, la réalité du deuxième indice est avérée ;

Considérant que la société Givenchy affirme qu'aucun élément du dossier ne permet de démontrer l'application significative des prix de vente publics par ses distributeurs ; qu'elle souligne que dans les faits, la meilleure démonstration d'un acquiescement réside dans l'application effective de prix imposés caractérisée par des relevés de prix qui, à défaut d'être exhaustifs, ont été réalisés sur un échantillon représentatif et couvrent la période entière pendant laquelle l'entente est alléguée ; que de ce point de vue, un seul produit de la gamme Givenchy (parfum féminin Organza - vapo 100 ml), a au cas présent fait l'objet de relevés de prix sur les 309 références que propose la marque ; que au surplus, les relevés de prix du dossier d'instruction sont affectés de biais méthodologiques majeurs également dénoncés par d'autres fournisseurs (Parfums Christian Dior... ) au point de devoir être totalement écartés des débats ;

Considérant cependant, que la preuve de l'acquiescement des distributeurs est libre, que les relevés de prix précisément analysés au paragraphe 2.1.5 du présent arrêt ne valent que fragments d'indice susceptibles de permettre, ainsi que l'avance le Conseil dans ses observations, de tester certaines hypothèses nonobstant leurs biais, dès lors que ces biais sont précisément connus ;

Qu'il suffit d'indiquer de ce point de vue que le coefficient choisi par le Conseil - 1,97 - correspond à l'arrondi près à celui de 1,966 cité par la Parfumerie Bleue de Périgueux (annexe 8-15), que le taux de remise maximum de 15 % retenu à compter du 1er février 1999 est conforme aux éléments contenus au point 149 de la Décision dans les déclarations de la Parfumerie Elisabeth à Reims (annexe 8-46) ainsi que dans les conditions commerciales communiquées par la société Givenchy à Beauty Success pour 1999 (annexe 7- 9, pièce n° 010376) ;

Que le point 154 de la Décision établit l'alignement de prix du magasin Sephora à Angers sur les tarifs souhaités par la société Givenchy ; qu'en outre, les parfumeries La Rose des Vents à Lyon (annexe 8-42 audition du 6 août 1999 : "Les principales marques que nous distribuons et qui représentent l'essentiel de notre chiffre d'affaires sont les suivantes : ... Givenchy... Nous n'avons pas de concurrents dans la zone de chalandise... Pour déterminer mon prix de vente, j'applique le prix tarif. Je peux vendre au-dessus, mais pas en-dessous... mon coefficient peut être un peu au-dessus de la moyenne qui est de pratiquer un coefficient de 1,9... mon coefficient peut être plus élevé que la moyenne ; par contre, il ne peut être inférieur... " surlignement ajouté) et Elisabeth à Reims (annexe 8-46 audition du 22 juillet 1999 - " Les marques qui représentent 80 % de mon chiffre d'affaires sont : ... Givenchy... Les marques qui autorisent des remises plafonnées sont les suivantes : Givenchy... Je fixe mon prix de vente en appliquant sur le tarif achat un coefficient multiplicateur de 1,96 %. Au départ, on avait les tarifs conseillés des marques, en 1974. On n'avait ni le droit de baisser, ni d'augmenter par rapport à ce coefficient conseillé par les marques. Ainsi toutes les marques... nous envoyaient leur tarif imposé./Aujourd'hui, elles nous envoient leurs tarifs et chacun pratique la marge qu'il veut.") ont affirmé avoir respecté les prix imposés par la société Givenchy ; que par ailleurs, la Parfumerie La Rose des Vents à Lyon (annexe 8-42 - audition du 6 août 1999 : " Les principales marques que nous distribuons et qui représentent l'essentiel de notre chiffre d'affaires sont les suivantes : ... Givenchy... Nous n'avons pas de concurrents dans la zone de chalandise. J'ai signé un engagement avec la marque Dior de respecter un taux de remise maximum... Par ailleurs, il me semble avoir signé le même type d'engagement de respecter un taux de remise maximal avec les marques... Givenchy. Si c'est bien le cas je vous ferais parvenir une copie de ces engagements... ") a mentionné lors de son audition, l'existence d'un possible engagement écrit portant sur le respect des prix de vente au consommateur des produits de la marque; que quoi qu'il ait été dans la réalité, le seul fait que l'auteur de cette affirmation ait évoqué cet engagement, est en lui-même révélateur de la réalité de l'obligation à laquelle cet auteur s'estimait soumise ; qu'en outre, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen point 473 de la Décision) a expliqué lors de son audition ne pas baisser les prix " au-delà des remises autorisées par les fournisseurs " au nombre desquels se trouvait Givenchy ;

Considérant que ces déclarations variées mais convergentes et univoques, sont de nature à corroborer les éléments de preuve documentaires ci-dessus rappelés et partant, d'établir le troisième indice du faisceau ;

Considérant finalement qu'eu égard à ce faisceau d'éléments précis et convergents, analysés globalement dans un contexte juridique et économique bien précis de distribution sélective de détail de produits de luxe et pour ces raisons graves, le Conseil a pu, au-delà de tout doute raisonnable, acquérir à suffisance de droit, la conviction ferme de l'existence d'une entente généralisée sur les prix pratiqués entre la société Givenchy et ses distributeurs pour toute la période considérée (1997-1999) ; que les déclarations de certains magasins affirmant de manière générale être libres de fixer leurs prix de vente au consommateur ou encore celles établissant que les trois chaînes nationales pratiquent une politique de prix agressive ne permettent pas, en effet, d'écarter les preuves directes de l'acquiescement des distributeurs de cette marque à cette entente illicite pour introduire un élément de raidissement dans la structure des prix et supprimer ainsi l'incertitude sur celle-ci ; qu'il s'évince notamment des déclarations de responsables de parfumeries et notamment de celle de Gres Parfumerie à Paris, que la concurrence agressive pratiquée par les grandes chaînes sur le plan local n'était en réalité que l'une des expressions de la pratique d'entente verticale sanctionnée par le Conseil (annexe 75 du Rapport administratif d'enquête, cotes 11792 à 11808, procès-verbal d'audition du 30 juin 1999 cité par la société LVMH elle-même " le problème de cette concurrence agressive sur les prix réside dans le fait que les grandes marques nous interdisent de vendre en-dessous de leur prix conseillé et tolèrent par contre que des groupes comme Marionnaud... continuent à pratiquer du discount" et encore, les auditions du responsable de la Parfumerie du Château à Vincennes, de Patchouli à Soissons, de la Parfumerie Bleue à Périgueux) ; que le fait enfin que certaines déclarations se rapportant à l'indice de police des prix aient été exprimées sur le mode conditionnel, ne permet pas davantage d'écarter cette conclusion ;

- Société Kenzo Parfums

Considérant que la société Kenzo Parfums, ci-après société Kenzo, conteste avoir participé à une entente verticale illicite au sens des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du TUE devenu 101 § 1 du TFUE, que ce soit avec l'ensemble de ses distributeurs ou avec les seules chaînes sanctionnées (les sociétés Marionnaud, Nocibé et Sephora) ;

Considérant qu'elle remarque en premier lieu qu'aucun document ou déclaration ne fait directement état de l'application de prix convenus et ajoute que les documents qu'on lui oppose, peu nombreux, sont impropres à démontrer, même indirectement, un accord préalable sur des prix de cette nature ;

Considérant que la société Kenzo reconnaît avoir communiqué un prix de vente conseillé à ses distributeurs mais conteste avoir assorti cette communication d'un taux de remise maximum imposé, précisant que les revendeurs restaient absolument libres du niveau de ristournes qu'ils souhaitaient pratiquer et qu'ainsi, le premier indice du faisceau propre à démontrer la réalité d'une entente collusoire ne saurait être établi ;

Considérant cependant que contrairement aux allégations de ce fournisseur, le compte rendu d'une réunion organisée le 17 septembre 1999 avec les responsables de la société Sephora lui est opposable, bien qu'étant un document interne à cette dernière société, dès lors que cette pièce se trouve être régulièrement versée aux débats puisque la preuve est libre ; qu'un document se rapportant à la communication d'un prix boutique indicatif avec les tarifs 1998 figure au dossier (annexe 7-12 cotes 1391 à 1396) ; que s'y ajoutent, les déclarations de la responsable de la Parfumerie Printemps de la Beauté à Rouen du 20 juillet 1999 reconnaissant que la société Kenzo fait partie des marques représentant la plus grande partie de son chiffre d'affaires (cote 12106) et précise "Je ne baisse pas les prix au-delà des remises autorisées par les fournisseurs." ; Que par ailleurs, dans une télécopie adressée à la société Kenzo le 29 novembre 1999 intitulée "alignement de prix" la société Marionnaud communique les prix constatés chez ses propres concurrents de la ville d'Enghien (point 289 de la Décision - annexe 11 autres pièces, cotes 2773 à 2775) ; que de même, M. Maurice L, PDG de la chaîne O'Dylia, entendu le 30 septembre 1999, cite expressément la marque Kenzo devant les enquêteurs comme faisant partie de celles exerçant des pressions commerciales en cas de non-respect du taux de remise maximum équivalant " dans les faits à un prix imposé ";

Que dans ces conditions, la preuve du premier indice est établie ;

Considérant en deuxième lieu que la société Kenzo dément avoir exercé la moindre police des prix en expliquant qu'elle ne disposait pas, à l'époque des faits, des moyens suffisants pour l'exercer du fait de son arrivée tardive sur le marché de la parfumerie de luxe (1987) et de sa faible part de marché à l'époque des faits (de l'ordre de 3 % entre 1997 et 1999) ; qu'elle dénie toute valeur probante aux pièces sur lesquelles le Conseil a fondé la Décision, précisant que ces documents concernent non pas une police des prix mais un litige commercial tiré du contrat de distribution sélective ;

Considérant cependant que nonobstant les dénégations de la société Kenzo, les points 173, 178 à 179 de la Décision font état d'interventions de la requérante auprès des chaînes Beauty Success, O'Dylia et Baiser Sauvage pour obtenir une remontée de leurs prix de vente au consommateur ; que ces documents sont corroborés par les déclarations du groupement Valscure (annexe 8-04) ;

Que dans ces conditions, la preuve du deuxième indice est établie ;

Considérant que la société Kenzo soutient en troisième lieu que le dossier ne comprend aucune preuve directe que les prix souhaités par elle ont fait l'objet d'une application significative par les distributeurs ; que l'absence de relevés de prix la concernant empêche de vérifier la troisième partie du faisceau d'indices, précision étant faite que cette absence ne peut être contrebalancée par une reconstitution artificielle des prix pratiqués ; que le Conseil a procédé par extrapolation, en prenant essentiellement appui sur la teneur d'une lettre qu'elle a échangée avec la société Baiser Sauvage les 18 et 20 mars 1998 (cotes 2693 et 2694 Annexe 11 - autres pièces) alors que ce courrier était en lui-même insuffisant pour établir une application " significative" des prix conseillés ; qu'en définitive, seule la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen a déclaré sans conteste le 20 juillet 1999 qu'elle " ne baiss[ait] pas les prix au-delà des remises autorisées par les fournisseurs", ce qui est nécessairement insuffisant à établir une application de prix imposés dans des proportions significatives ; qu'on peut au demeurant s'interroger sur le concept d'application significative, en se demandant à partir de combien de revendeurs il est possible de parler de discipline de comportement sachant que 1 750 points de vente distribuent les parfums Kenzo ;

Considérant cependant que la cour a déjà relevé que la preuve d'une entente anticoncurrentielle et partant, celle de chaque indice était libre ; qu'en l'absence de relevé de prix, la preuve de l'acquiescement des distributeurs à l'invitation de la société Kenzo fournisseur peut donc être établie par d'autres moyens que des relevés de prix dès lors qu'ils s'avèrent être significatifs ; que sans même faire référence à la lettre de la société O'Dylia du 23 février 1996 qui se rapporte à une période antérieure à celle dont le Conseil était saisi, les faits relevés aux points 179 et 180 de la Décision sont complétés par le résultat d'un contrôle effectué à Aubenas par une représentante de la marque 1999 révélant que le magasin Passion Beauté respecte les prix imposés (annexe 7-12 Kenzo) ainsi que par les déclarations du représentant du groupe Valescure du 18 novembre 1999 nonobstant les dénégations de la société Kenzo (audition du 18 novembre 1999 : " régulièrement les marques nous contactent par téléphone ou par courrier pour nous demander de respecter leurs consignes en matière de prix et donc de ne pas dépasser le taux de remise maximum conseillé. Ces interventions sont fréquentes pour : [... ] Kenzo. Aucune marque n'a exercé de pression sur le groupement pour faire remonter les prix. Par contre, au niveau des adhérents, je ne pourrais affirmer que ces derniers ne subissent pas de pressions pour faire remonter leurs prix [... ]. Généralement ce sont plutôt nos adhérents en direct qui sont contactés par les marques pour leur demander de remonter leurs prix. Les marques nous contactent donc seulement dans les cas où ils ne parviennent pas à faire remonter un prix chez un de nos adhérents après des interventions directes." surlignement ajouté), celles du représentant de la société O'Dylia (annexe 8 cotes 1821 à 1837 audition du 30 septembre 1999 : " dès que nous vendons un produit en dessous du seuil toléré par les marques nous sommes immédiatement contactés par les marques qui exigent que nous remontions le prix immédiatement et sans délai : si nous ne remontons pas les prix les marques exercent des pressions commerciales redoutables [... ] Ces menaces ont été exécutées depuis 3 ans : [... ] Kenzo) et encore celles du représentant du Printemps de la Beauté à Rouen (annexe 8 cotes 2351 à 2355 audition du 20 juillet 1999 : " Mes concurrents les plus proches sont Sephora, Douglas et Marionnaud. Ils ont été agressifs, mais maintenant ça se passe bien. Le plus agressif reste quand même Marionnaud qui fait du discount. Les grandes marques qui représentent 80 % de notre chiffre d'affaires sont : ... Kenzo... La centrale nous envoie la liste des nouveautés avec les référencements. Les référencements sont accompagnés d'une liste de prix fixes. Par la suite, sur ces prix, je dispose d'une marge, en fonction de la concurrence sur ma zone de chalandise. Très souvent, la liste des prix qui nous est fournie par la centrale indique 10 % de remise par rapport au prix public indiqué... Je ne baisse pas les prix au-delà des limites autorisées par les fournisseurs ") ;

Considérant qu'eu égard à ce faisceau d'éléments précis et convergents, en provenance de sources variées, analysés globalement dans le contexte juridique et économique spécifique de distribution sélective de détail de produits de luxe et pour ces raisons graves, le Conseil a pu, au-delà de tout doute raisonnable, acquérir à suffisance de droit, la conviction ferme de l'existence d'une entente généralisée sur les prix pratiquée entre la société Kenzo et ses distributeurs pour toute la période considérée (1997-1999) ;

- La société Shiseido Europe

Considérant que la société Shiseido Europe conteste avoir participé à une entente de prix avec ses distributeurs ; qu'elle reproche au Conseil de ne pas rapporter la preuve spécifique de l'infraction qu'il lui impute et de s'être contenté de raisonner par voie d'amalgame, sans circonspection suffisante ; qu'elle explique encore que la sanction prononcée repose sur des éléments de preuve concernant seulement sept distributeurs ou chaînes de distribution dont l'une, la Parfumerie Honoré 316 n'a jamais été l'une de ses détaillantes agréées ;

Considérant que ce fournisseur reconnaît avoir diffusé à ses distributeurs pendant la période visée par la Décision, des prix publics indicatifs correspondant aux prix pratiqués dans ses boutiques mais soutient que ces prix n'ont jamais pu être et n'ont jamais, de quelle que manière que ce soit, été interprétés et appliqués comme des prix imposés ; qu'il soutient que les déclarations des distributeurs interrogés au cours de l'enquête administrative démontrent au contraire que ceux-ci fixaient leurs prix de vente librement, les indications des marques servant de simples points de référence parmi d'autres telles, la situation de la concurrence dans leur zone de chalandise ou encore la nécessité de se ménager une marge suffisante ; que des éléments du dossier établissent que les distributeurs surveillaient leurs concurrents et s'alignaient sur les prix les plus bas, ce qui atteste nécessairement de la vivacité de la concurrence existant entre les opérateurs économiques et à tout le moins, de l'absence de toute entente entre les marques et leurs distributeurs pour l'application d'un prix uniforme ; que s'il y avait vraiment eu une entente généralisée sur les prix, la chaîne Douglas, quatrième chaîne nationale de distribution, n'aurait pas été mise hors de cause ;

Considérant cependant que l'analyse attentive des déclarations de plusieurs distributeurs (notamment celles des sociétés Nocibé, Sephora France à Saint Brieuc, la Parfumerie Bleue, le Rayon d'Or... ), présentées par la société Shiseido Europe comme attestant de la liberté tarifaire de ces derniers, se révèle être superficielle lorsque ces déclarations sont replacées dans le contexte dans lequel elles ont été formulées ; que plusieurs d'entre elles ne citent ainsi pas nommément la société Shiseido comme faisant partie des principaux fournisseurs de l'auteur de ces déclarations ; que la société Valscure, groupement de six distributeurs détaillants que toutes les marques ne reconnaissent pas comme interlocuteur unique, entendue par les services de la DGCCRF le 18 novembre 1999 (annexe 8-04), ne fait ainsi à aucun moment mention de la société Sisheido, qu'il en va de même de la société Douglas France auditionnée le 2 décembre 1999, cette société faisant au demeurant mention d'une fixation quasi centralisée des prix exclusive de toute liberté au niveau de chaque zone de chalandise (annexe 8 - chaînes nationales de distribution, 1) ;

Que les déclarations du représentant de la société Nocibé du 16 septembre 1999 (annexe 8-03 ne citant pas la société Shiseido parmi ses cinq premiers fournisseurs mais mentionnant le contrat Shiseido en pièce jointe du procès-verbal d'audition) font état de ce que si les " magasins peuvent modifier les prix [publics nets] en fonction de la concurrence locale... leur système informatique ne leur permet pas de fixer un prix en dessous du prix d'achat... ni un prix inférieur de + de 5 % par rapport au prix public que [Nocibé] leur a adressé "... ces prix étant " établis à partir du prix d'achat et du prix de vente conseillé communiqué par les marques " ; la société Broglio, entendue le 23 septembre 1999, relève que " la plupart des marques conditionnent certaines de leurs remises qualitatives à l'absence de pratique discriminatoire en matière de prix (YSL, Chanel,... Shiseido... ). Nous n'avons jamais rencontré de problème pour le versement de ces remises dans la mesure où nous ne pratiquons jamais de discount délibéré, c'est-à-dire que nous vendons nos produits à un prix inférieur à celui du marché exclusivement lorsque nous sommes tenus de nous aligner sur un concurrent. De ce fait nous ne faisons jamais de prix discriminatoire ", le représentant de la société Sephora France entendu le 22 juin 1999 et au procès-verbal d'audition duquel sont annexés plusieurs comptes-rendus internes intéressant la société Shiseido, souligne que " Pour déterminer notre prix de vente au public, nous appliquons les consignes du siège qui nous communique un prix conseillé. Le siège nous laisse une certaine marge de manœuvre pour vendre en dessous de ce prix conseillé si nous devons nous aligner sur un concurrent... les grandes marques nous interdisent des remises en dessous d'un certain seuil... si nous ne respectons pas ces consignes tarifaires, le représentant des grandes marques nous demandent de remonter le prix et exigent des explications.", le représentant de la Parfumerie Bleue (distributeur de cosmétiques de la marque Shiseido) entendu le 15 juillet 1999 fait état d'une surveillance des prix pratiqués par les visiteurs de leurs fournisseurs (annexe 8-15), le représentant de la Parfumerie Patchouli du 24 juin 1999 citant Shiseido comme l'un de ses fournisseurs mentionne l'interdiction de consentir des remises supérieures à 10 % en deçà du prix de vente conseillé (annexe 18-33), le représentant de la société Marionnaud de Soissons, distributeur de cosmétiques de la marque Shiseido, entendu le 7 juillet 1999 (annexe 8-20), déclare que les fournisseurs exercent une surveillance des prix pratiqués qui ne peuvent descendre au-dessous du prix maximum autorisé (annexe ;

Que par ailleurs si la société Lavigne auditionnée le 19 octobre 1999 ne cite à aucun moment la société Shiseido (annexe 8-06), la société Au Rayon d'Or à Paris (annexe 8-07) entendue le 28 septembre 1999 fait au contraire mention de la communication d'un taux de remise maximum et d'une surveillance exercée par les fournisseurs pour le respect de ce taux sous forme de pressions diverses et de menaces généralement suivies d'effets ; que le représentant de la société O'Dylia (annexe 8-03) explique en outre le 30 septembre 1999 que si les magasins déterminent leur prix de vente à partir d'un prix de base qui leur est communiqué, en fonction de la concurrence locale, ce prix de base " est établi à partir du coefficient conseillé par le fournisseur d'une part et d'autre part le taux de remise maximum conseillé " par ces mêmes fournisseurs ;

Qu'aucune de ces déclarations ne peut ainsi sérieusement établir la liberté tarifaire des distributeurs des produits de cette marque, ainsi que tente de le faire accroire la société Shiseido Europe ;

Considérant que cette dernière dément en deuxième lieu toute participation à une police des prix que selon ses dires les éléments de la Décision ne caractérisent pas à suffisance ; qu'elle relève que plusieurs déclarations de distributeurs ne sont pas crédibles et que, peu nombreuses, ces déclarations sont contredites par d'autres attestant de la liberté tarifaire de distributeurs ; qu'elle souligne que certaines déclarations sont encore totalement fausses, comme celles de la parfumerie Honoré 316 entendue le 16 juin 1999 alors qu'elle n'a jamais fait partie du réseau de distribution mis en place par elle ; que les explications de la société Broglio d'Annecy sont inexactes lorsqu'elles la désignent parmi les marques subordonnant le versement des " remises qualitatives " au respect de leur politique de prix alors que les conditions générales de vente de ses produits ne prévoyaient à l'époque des faits aucune remise qualitative ; qu'elle explique que quoi qu'il en soit, la notion de système de contrôle de prix ne peut être entendue que de manière très stricte, même en présence d'une invitation claire et non équivoque visant un but anticoncurrentiel, reposant sur l'exercice de représailles ou de menaces de représailles effectives ; que le Conseil ne rapporte pas cette preuve en ce qui la concerne ; que sa part de marché et ses moyens financiers auraient quoi qu'il en soit été insuffisants pour mettre en place le moindre mécanisme de contrôle ;

Considérant cependant que le point 237 de la Décision ainsi que les déclarations de la parfumerie VO le 10 novembre 1999 (annexe 8-VO " en 1994 j'ai décidé de vendre en prix nets sans respecter le coefficient conseillé des marques. De nombreuses marques ont alors cessé les livraisons... A l'heure actuelle, les marques continuent d'exercer des pressions sous plusieurs formes... de plus plusieurs marques nous menacent de supprimer des remises quantitatives ou qualitatives si nous ne remontons pas les prix : ... Shiseido... Dans la plupart des cas les menaces ne sont pas suivies d'effet... dans la mesure où lorsque les menaces sont trop importantes nous sommes contraints de nous exécuter et remonter les prix. Ce sont donc essentiellement les pressions qui sont importantes... en 1998 pour la fête des mères nous avons mis en place un mailing et une jaquette présentant des bons de réduction sur notre magasin. Ce mailing ne mentionnait aucune marque... Toutes les marques sans exception nous ont alors contactés et se sont déplacées pour nous demander de cesser cette opération. Certaines marques ont exercé des menaces :... Shiseido... " soulignement ajouté), font clairement apparaître la requérante parmi les sociétés ayant recours à des pressions diverses pour assurer le respect de leurs tarifs ; que le point 241 fait état en avril 1997 d'un " accord " entre la société Shiseido et la société Sephora dans le but de surveiller les prix de vente au consommateur et dont le sens et la portée sont exactement décrits au point 676 de la Décision ; que le point 236 fait état des déclarations de la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen le 20 juillet 1999 présentant la société Shiseido comme faisant partie des marques constituant 80 % de son chiffre d'affaires et ajoute in fine " si on ne respecte pas les prix imposés par les marques, elles pourraient nous enlever la marque " ; que par ailleurs ainsi que le Conseil le rappelle au point 238 de la Décision, l'enquête administrative a mis au jour des éléments illustrant la mise en place par la société Shiseido France, aujourd'hui Shiseido Europe, d'un dispositif de contrôle de prix ; que ces premiers indices corroborent enfin le sens dégagé par les éléments documentaires figurant au dossier sous la forme de courriers (points 239 et 240 de la Décision) ou de comptes rendus internes manuscrits décrits aux points 242 à 246 de la Décision et exactement analysés par le Conseil aux points 672 et suivants de celle-ci ;

Considérant que ces divers éléments sont de nature à établir l'existence d'une police de prix exercée par la société Shiseido pour toutes les années appréhendées par la Décision, la société Shiseido, nonobstant sa faible part de marché pour les parfums comme pour les cosmétiques, adoptant une stratégie de respect tarifaire identique à celles de plus grandes marques lui permettant de bénéficier d'un réel effet d'amalgame dans l'esprit des distributeurs pour que cette stratégie soit bien respectée d'autant qu'elle n'hésite pas, si nécessaire, à mettre, comme les autres marques, ses menaces à exécution (cf. à titre d'illustration, annexe 8-V0) ;

Considérant en troisième lieu que la société Shiseido expose que les éléments du dossier n'établissent pas une application probante et significative par les distributeurs des prix qu'elle diffuse comme étant de simples prix publics indicatifs ; qu'aucun relevé de prix n'a été réalisé au titre des années 1997, 1998 et 2000 alors que celui effectué en 1999 n'est pas représentatif d'un point de vue statistique puisque, seuls 26 prix ont été relevés sur un seul produit appartenant à une gamme de produits comportant 164 références distribuées sur 915 points de vente ; que la preuve de l'application des prix par un nombre significatif de revendeurs n'est pas rapportée à suffisance de droit, le produit sur lequel les prix ont été effectivement relevés étant commercialisé dans des déclinaisons différentes et à des prix différents ;

Considérant cependant que les comptes rendus de réunions décrits aux points 242 à 246, exactement analysés aux points 678 à 680 de la Décision ainsi que les déclarations de la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (point 473) et de celle de la Parfumerie des Yvelines à Versailles (point 475) établissent à suffisance le respect des prix de la marque Shiseido par ses distributeurs ;

Considérant que, guidé par ces constatations univoques, claires, précises et convergentes, globalement analysées dans un contexte juridique et économique bien précis de distribution sélective de produits de luxe et pour ces raisons graves, le Conseil a pu, au-delà de tout doute raisonnable, acquérir à suffisance de droit, la conviction ferme de la réalité d'une entente généralisée sur les prix pratiquée entre la société Shiseido Europe et ses distributeurs pour toute la période considérée ; que les déclarations de certains distributeurs affirmant de manière générale être libres de fixer leurs prix de vente au consommateur, non fiables en elles-mêmes, ne permettent pas, d'écarter les preuves directes de l'accord de plusieurs distributeurs de la société Shiseido Europe à cette entente illicite ;

- La société YSL Beauté

Considérant que la société YSL Beauté conteste, en raison de leur généralité même, la fiabilité des indices généraux alimentant le faisceau d'indices dont le Conseil fait usage pour lui imputer une infraction d'entente et soutient qu'aucun des indices spécifiques identifiés par le Conseil ne présente par ailleurs pour ce qui la concerne, un caractère suffisamment probant ; que quoi qu'il en soit, elle précise que le dossier ne comprend aucun indice spécifique d'infraction avec les trois enseignes représentant l'essentiel de son réseau de distribution et partant, avec les sociétés Marionnaud, Nocibé et Sephora ; qu'elle rappelle encore que la démonstration de l'absence d'un seul des éléments du faisceau considéré, suffit à justifier l'annulation de la Décision ;

Considérant cependant que c'est à suffisance de droit que le Conseil estime au point 704 de sa Décision que les faits rapportés aux point 260 à 264 et 270 établissent que ce fournisseur est à l'origine de prix publics indicatifs et qu'il avait une politique de taux de remise maximum ;

Que la société YSL Beauté ne conteste pas avoir communiqué des prix de vente conseillés sous la forme d'un coefficient multiplicateur mais affirme et entend simplement démontrer de manière circonstanciée, par une analyse critique des documents pris en considération par le Conseil, n'avoir jamais évoqué avec ses distributeurs l'application d'un taux de remise maximum ; qu'elle en conclut que les pièces retenues par le Conseil n'établissent pas le premier indice du faisceau ;

Qu'il n'est toutefois pas nécessaire que les prix conseillés soient accompagnés d'un taux de remise maximum pour constituer une invitation à l'entente ; qu'en l'espèce, le fait de communiquer de manière spontanée, à tous les distributeurs et pour l'ensemble des produits, des prix de vente conseillés, suffit au cas présent à caractériser le premier élément du faisceau d'indices sans que cet élément ait lui-même, à présenter le caractère d'une présomption précise, grave et concordante d'infraction ;

Considérant que la société YSL Beauté fait encore reproche au Conseil d'avoir estimé que plusieurs éléments du dossier étaient de nature à caractériser l'existence d'une police de prix ; qu'elle soutient que le Conseil a à l'évidence, dénaturé les termes des divers courriers et déclarations soumis à son appréciation et assis ses conclusions sur une présentation orientée de ces éléments, en ignorant d'autres pièces et conclusions contredisant sans équivoque possible les reproches portés contre elle ;

Considérant cependant que les critiques circonstanciées et précises exprimées par ce fournisseur ne sauraient convaincre la cour, certaines de ces critiques apparaissant même relever d'un contresens évident ;

Qu'il ressort des termes clairs du procès-verbal d'audition de la société Broglio cité au point 276 de la Décision que contrairement à ce que la société YSL Beauté soutient dans ses écritures, l'octroi de remises quantitatives à ce distributeur a bien été subordonné au respect de la politique de prix de son fournisseur ; qu'il convient au demeurant de rapprocher les énonciations de ce procès-verbal d'audition (annexe 8-02 " La plupart des marques conditionnent certaines de leurs remises qualitatives à l'absence de pratique discriminatoire à l'absence de prix : YSL... Nous n'avons jamais rencontré de problème pour le versement de ces remises dans la mesure où nous ne pratiquons pas de discount délibéré... ") de celles mentionnées au procès-verbal du 10 novembre 1999 de la Parfumerie VO d'Orléans (annexe 8-08 : " certaines marques nous menacent de supprimer des remises quantitatives et qualitatives si nous ne respections pas les prix : YSL... ") ; que les énonciations de ce dernier procès-verbal viennent encore au soutien des éléments relevés dans la note interne établie par ce distributeur le 14 septembre 1998, visée au point 275 de la Décision ;

Considérant qu'alors même que les énonciations des points 267 et 268 ne seraient pas prises en considération du fait de leur caractère contradictoire et partant équivoque faute d'être confirmées par un autre élément, les points 262 à 264, 266 et encore 270 à 275 font état de nombreuses interventions de la société YSL Beauté sur les prix ; que les jugements invoqués par ce fournisseur pour contredire les soupçons de police de prix nourris à son encontre, outre qu'ils ont été rendus dans le cadre de l'exercice d'actions en responsabilité contractuelle et non en matière de concurrence concerne pour l'un, l'année 1996 et partant une période limite à celle intéressant les faits poursuivis (la société Rayon d'Or) et pour l'autre, le respect des dispositions de l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce (société O'Dylia);

Qu'au surplus, ces premiers éléments tendant à établir la réalité d'une police de prix sont corroborés par les déclarations précises et circonstanciées de la Parfumerie Rayon d'Or (annexe 8-07) déclaration du 28 septembre 1999 : " Les marques exercent... des pressions pour nous faire remonter les prix... Les marques les plus virulentes pour l'exercice de ces pressions en 1999 sont : Dior, YSL... Ces interventions et pressions me posent de gros problèmes dans la mesure où les remises sont le seul moyen dont je dispose pour attirer ma clientèle car je ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour créer des magasins... Je suis coupé par YSL pour nos quatre magasins pour les alcools et les cosmétiques... Nous sommes coupés depuis deux ans 1/2... La raison officieuse de cette rupture réside dans le fait que notre enseigne offre la réputation de faire du discount et pratique dans la réalité du discount entre autres sur les produits YSL. Bref, nous ne respections pas les consignes d'YSL en matière de prix... "), du groupe Valescure (annexe 8-04 audition du 18 novembre 1999 : " Certaines marques nous contactent pour nous demander d'intervenir auprès d'adhérents qui ne respectent pas les taux de discount maximum conseillés par les marques... Par exemple YSL nous contacte parfois pour nous demander d'intervenir auprès d'adhérents qui ne respectent pas leurs taux de remise conseillés maximum. Pour YSL, j'ai eu deux appels téléphoniques depuis un an par le responsable YSL de notre compte. Il nous demandait d'intervenir notamment auprès d'adhérents les plus virulents en terme de discount... "), celles de la société VO déjà citée et encore celle du directeur France de la société YSL elle-même, qui interrogé le 2 février 2005 par la rapporteure du Conseil a, à la question suivante : " que se passe-t-il lorsque votre société constate ou est informée de discounts importants ? ", répondu en ces termes sans qu'il soit établi que ses déclarations aient été faites contre l'intérêt de l'entreprise à laquelle il appartenait ou en dehors du cadre des fonctions qu'il occupait dans cette entreprise : "Dans certains cas, on écrit un courrier pour faire part de notre désapprobation. Par exemple, ce fut le cas lorsque Sephora en 2003, a offert des remises pour des couplages de produits de la même marque ainsi que lorsque Marionnaud, fin 2004, a offert une réduction de - 20 % sur tous les parfums. Les courriers envoyés dans ce contexte ont pu but d'attirer l'attention du distributeur sur l'inadéquation de ces pratiques avec le concept de la distribution sélective. Ce qui nous paraît inadéquat, c'est la communication centrée sur le prix et non le prix en lui-même.. " ; qu'en outre, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (point 473) et le président directeur général de la chaîne O'Dylia (point 477) ou encore le magasin indépendant Patchouli à Morlaix (annexe 8-19) ont reconnu appliquer volontairement et en connaissance de cause les prix imposés par toute une série de fabricants, dont Yves Saint Laurent Beauté (point 477) ;

Considérant que la société YSL Beauté explique en troisième lieu que les relevés de prix de la DGCCRF ne sont pas représentatifs de ceux pratiqués par ses points de vente et que partant, ils ne peuvent être estimés probants dans le cadre d'une analyse concurrentielle ; qu'elle souligne que les éléments pris en compte par le Conseil fournissent une image instantanée de prix pratiqués au cours de l'été 1999 par 2,7 % de son réseau et qu'ils ne peuvent donc servir de fondement à la constatation d'une entente sur 4 ans ; qu'elle conteste la nouvelle étude versée aux débats par l'Autorité, observant que ni le détail des calculs ni les hypothèses statistiques ne sont expliquées et regrette que le Conseil n'ait pas pris en compte les relevés de prix pratiqués en caisse et ainsi, l'importance des réductions offertes au client ; qu'elle explique que le Conseil ayant eu connaissance des réductions pratiquées notamment par le biais des cartes de fidélité, ne pouvait en effet faire l'économie de l'analyse de ces réductions puisque cette démarche était de nature à démontrer que le prix de vente conseillé n'était pas suivi par les détaillants et qu'ainsi, la concurrence subsistait ; qu'elle en conclut qu'il n'y avait aucune raison dans le cadre d'une analyse concurrentielle, de ne pas prendre en considération même à simple titre d'indice, les incidences d'une politique commerciale tarifaire cherchant à fidéliser la clientèle par des remises personnalisées plus que par les prix affichés ;

Considérant que la société YSL Beauté critique encore le fait de sanctionner une entente sur la base d'un prix reconstitué après application d'un même coefficient multiplicateur à chaque marque, puis d'une remise arbitraire de 10 % censée représenter le taux maximum autorisé ; qu'elle conclut que cette erreur de méthode a conduit le Conseil à la conclusion erronée d'une pratique d'alignement volontaire des prix ;

Considérant cependant qu'à supposer même que les relevés de prix analysés par le Conseil ne puissent à eux seuls, pour les raisons explicitées au paragraphe 2.1.5 du présent arrêt, établir l'acquiescement des distributeurs de la société YSL Beauté, ces fragments d'indice sont au cas présent, corroborés par les déclarations circonstanciées et concordantes des Parfumeries Rayon d'Or (annexe 8-07 ci-dessus visée), Patchouli à Morlaix (annexe 8-19 : audition du 24 juin 1999 " pour déterminer le prix de vente, je respecte les consignes qui me sont communiquées par les grandes marques... Je respecte les consignes de ces représentants car en tant qu'indépendant, je n'ai pas les moyens de résister aux pressions qu'ils pourraient exercer sur moi... Les grandes marques qui sont concernées par ce problème sont :... YSL... "), la Parfumerie Freddy Parfums à Paris (annexe 8-28 audition du 15 juin 1999 : " je n'ai jamais vendu en dessous du niveau de remises toléré par les grandes marques... les consignes tarifaires concernent toutes les marques... YSLaurent... "), la Parfumerie Poulie à Cahors (annexe 8-17 audition du 16 juillet 1999 : " pour déterminer mon prix de vente, j'applique le coefficient conseillé par les marques à partir du tarif. Mes prix de vente correspondent donc à ce coefficient. Puis en un deuxième temps les marques nous autorisent à pratiquer des remises dont le taux est plafonné généralement à 10 %... Nous avons l'interdiction absolue des grandes marques de faire des remises supérieures aux taux qu'ils autorisent... Les marques concernées par les pratiques décrites ci-dessus sont... YSL "), Royal Opéra à Paris (annexe 8-29 audition du 30 juin 1999 : " du fait de ces consignes [tarifaires] nous respectons les prix conseillés et les consignes tarifaires des grandes marques car nous ne pourrions nous passer d'une marque de type Chanel, Dior, YSL... "), la Parfumerie Bleue à Périgueux (annexe 8-15 audition du 15 juillet 1999 : " les principales marques qui représentent la majorité de notre chiffre d'affaires sont :... YSL... ; Les représentants des marques nous communiquent régulièrement les coefficients à appliquer : par exemple pour YSL... Nous sommes surveillés au niveau des prix. Du fait de ces éléments, nous sommes contraints de pratiquer le prix de vente conseillé par les marques. Les marques concernées... sont... YSL ") qui ont tous confirmé avoir volontairement et en connaissance de cause respecté les prix imposés par la marque ;

Considérant que, eu égard à ce faisceau d'indices, univoques, clairs, précis et convergents émanant de distributeurs géographiquement dispersés entendus à des dates rapprochées, le Conseil a pu, dans un contexte juridique et économique bien précis de distribution sélective de détail, acquérir à suffisance de droit, la conviction ferme de la réalité d'une invitation anticoncurrentielle du fournisseur et d'un acquiescement de ses distributeurs et partant, de l'existence d'une entente sur les prix pratiquée entre la société YSL Beauté et les distributeurs de son réseau pour toute la période considérée (1997-1999) ;

2.2.2. Les distributeurs

- La société Marionnaud

Considérant que la cour constate que la société Marionnaud avait connaissance des prix de vente au consommateur souhaités par les fournisseurs de parfums de luxe et qu'elle a participé activement à la police des prix mise en place par ces derniers et notamment par la société BPI (points 283 et 284), Hermès Parfums (points 285 et 286) et Clinique (point 291) ; qu'elle ne conteste en rien ces premières données (reprises au point 721 de la Décision) ;

Considérant que la société Marionnaud soutient en revanche n'avoir jamais acquiescé à l'entente ni respecté les prix imposés par ses fournisseurs ; qu'elle explique que les documents retenus par le Conseil pour administrer notamment la preuve de l'entente avec Hermès et la société Elco émanent de tiers et n'ont jamais été confirmés par les personnes dont les propos sont supposés avoir été rapportés et ne sauraient dès lors être retenus à charge comme éléments pertinents puisque ils ne sont que l'expression de la position unilatérale des fournisseurs dont elles émanent ; qu'au surplus, les engagements tarifaires évoqués dans ces documents sont contredits par les seuls éléments contemporains aux faits qu'elle-même produit aux débats ainsi que par la réalité des faits ; qu'avoir informé ses fournisseurs du niveau des prix pratiqués par les distributeurs concurrents pour leur demander d'intervenir sur ces derniers, s'analyse selon elle, en une simple pratique d'alignement volontaire sur les prix les plus bas constatés sur le marché et ne caractérise en rien l'existence d'un concours de volontés au sens des articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce ;

Qu'elle souligne que les relevés de prix effectués par les services de la DGCCRF sont erronés et comportent de graves biais puisque, insuffisamment représentatifs des caractéristiques de son activité ; que ces relevés ne font ainsi pas mention des prix réellement pratiqués alors que la pratique des cartes de fidélité joue un rôle déterminant dans l'arbitrage des consommateurs, au point notamment de pouvoir donner lieu à des ventes à marge nulle ; que la méthode choisie pour reconstituer les prix publics indicatifs des fournisseurs est également arbitraire et inexacte, le coefficient multiplicateur permettant de calculer ces prix s'élevant certaines fois à 2 et non 1,97 ; que dans ces conditions, le Conseil n'a pas pu sérieusement vérifier l'existence d'une pratique de prix imposés ; qu'elle-même a réalisé à partir des seules informations portées au dossier du Conseil ou figurant aux documents joints à sa déclaration de recours du 5 mai 2006, plusieurs tableaux permettant, sur comparaison des prix réellement pratiqués avec les prix indicatifs des marques Clinique, Estée Lauder Guerlain et Hermès Parfums, de contredire les constatations portées dans la Décision ;

Qu'elle indique pouvoir en déduire de façon certaine qu'aucune entente verticale sur les prix ne peut lui être imputée, les prix effectivement appliqués dans ses points de vente divergeant de manière considérable des prix publics indicatifs reconstruits par les services de la DGCCRF et des prix réellement conseillés par les fournisseurs ; que les prix effectivement appliqués dans ses points de vente varient très sensiblement selon chacun d'entre eux pour parvenir, dans une zone de chalandise donnée, à un alignement sur les prix les plus bas pratiqués par la concurrence ; que le taux de docilité observable n'est plus de 86,2 % mais de 34,8 % et que la méthode par graphique utilisée par le Conseil pour approfondir l'analyse ne peut remettre ce constat en cause ;

Considérant cependant, sans même tenir compte de la pièce citée au point 296 de la Décision qui date de 1995, que les points 293 à 295 font état " d'accords " sur les prix entre les sociétés Hermès, Elco et Marionnaud ; que la crédibilité de ces documents ne saurait être remise en cause en l'absence notamment de tout élément contraire d'interprétation tiré de procès-verbaux d'audition figurant au dossier (annexe 8-20 Marionnaud Soissons : déclaration du 7 juillet 1999 - le représentant de ce magasin expliquant que tous les contrats sont à Paris ; annexe 8-24 Marionnaud Paris 18e : audition du 19 août 1999 " les prix que nous pratiquons chez Marionnaud correspondent aux prix les plus bas tolérés par les marques ") ; qu'au surplus, la Parfumerie Elytis à Tours (annexe 8- 11) précise que depuis 1997 les magasins de la société Marionnaud n'ont plus, dans sa zone de chalandise, de " politique tarifaire agressive " et qu'ils respectent les prix imposés ; que la Parfumerie Patchouli à Morlaix, achetée en 1999 par la parfumerie Marionnaud déclarait la même année " respecter les consignes tarifaires " des fournisseurs (annexe 8-19) ; que l'accord de la requérante à une entente sur les prix avec ses fournisseurs, non contredit par la réalité des faits, est ainsi à suffisance établi sans qu'il soit nécessaire d'analyser en détail la pertinence des 124 relevés de prix réalisés par la DGCCRF dans 4 de ses 188 magasins ni celle de ceux établis par la requérante elle-même, selon les mêmes méthodes, après interrogation de son prestataire (la société Aquiterm), et sur la base des seules informations figurant dans le dossier du Conseil d'autant qu'il a été démontré ci-avant (point 1.2 du présent arrêt ) que la durée de l'instruction du dossier menée par les services du Conseil n'a pas préjudicié aux droits de la défense de ce distributeur ;

Considérant que les trois indices du faisceau étant établis sans équivoque par des éléments tant documentaires que testimoniaux, l'appréciation globale de ce faisceau retenu par le Conseil répond à suffisance de droit en ce qui concerne cette société, aux exigences de preuve telles qu'énoncées au point 1.3.3. de l'arrêt ;

Considérant qu'aucune cause d'annulation de la Décision déférée n'est ainsi caractérisée ;

- La société Nocibé France

Considérant que la société Nocibé admet qu'une politique de prix conseillés était mise en œuvre par ses fournisseurs mais nie toute participation à l'infraction d'entente généralisée sur les prix telle que celle-ci est caractérisée par la Décision, en soutenant notamment n'avoir participé à aucun des systèmes de police de prix mis en place par les dits fournisseurs ; qu'elle souligne que le Conseil ne consacre à ce dernier aspect du dossier qu'une seule ligne, reprise au point 731 de sa décision qui lui-même, renvoie au seul point 303 ;

Considérant que la société Nocibé observe que les relevés de prix produits à charge ne sauraient avoir une quelconque valeur probante, l'Autorité le concédant elle-même dans ses dernières observations ; qu'elle soutient que si cette circonstance justifie à elle seule l'annulation de la Décision pour erreur manifeste d'appréciation du Conseil, elle est en mesure de critiquer les insuffisances des relevés de prix examinés par celui-ci ; qu'elle fait ainsi reproche à ce dernier d'avoir commis une erreur sur les prix publics indicatifs pris pour référence, en se fondant non pas sur le prix public défini par la marque mais sur une estimation consistant à multiplier le prix de gros, par un coefficient de 1,97 présenté comme étant le plus couramment pratiqué alors même que certains représentants de marques ont déclaré que le taux qu'ils recommandaient était de 2 ; que cette approximation n'est pas sans incidence pour ce qui la concerne puisque, en rectifiant le coefficient appliqué pour les produits Dior et Hermès, le taux de respect du prix public indicatif n'est plus que de 71,6 %, en deçà du seuil de 80 % estimé opérant par le Conseil ; que ces relevés ne sauraient être représentatifs de la compétitivité des prix qu'elle pratique car réalisés sur un échantillon restreint de marques, dans deux points de vente, voisins et par surcroît situés dans la même localité, à une période de l'année où l'élasticité des prix pour ces produits est quasi-nulle (juillet) ; qu'elle critique encore les données de prix relevés par les services de la DGCCRF en ce qu'elles ne comprennent notamment pas les remises liées à la détention d'une carte de fidélité et partant, les prix réellement pratiqués et conclut qu'une estimation impartiale, aurait dû conduire le Conseil à ôter toute crédibilité à ces relevés, comme éléments de preuve à part entière ou comme simple indice ;

Considérant par ailleurs que la société Nocibé soutient avoir dernièrement pu retrouver des données informatiques afférentes à l'année 1999 qui, selon l'analyse d'économistes indépendants spécialistes du domaine de la concurrence, confortent pleinement ses assertions critiques ; qu'elle note que l'Autorité fonde ses dernières écritures sur une nouvelle méthode d'analyse économique ne prenant plus en considération comme seuil décisif, un taux d'alignement mesuré à partir d'un échantillon de prix supérieur ou égal à 80 % ; que cette autre méthode d'extrapolation de l'Autorité ne peut être qualifiée de probante puisque elle ne repose sur aucun échantillon objectif ; que sauf à commettre une erreur manifeste d'appréciation, le Conseil se devait de garder présent à l'esprit que la constatation de niveaux de prix proches des prix publics indicatifs, correspond au fonctionnement normal de ce marché spécifique (commerce de proximité, en centre-ville, vente de produits soumis à des conditions d'agrément très stricts... ), compte tenu de sa structure ; que l'application effective des prix souhaités par les fournisseurs n'étant pas établie, la Décision doit être annulée ; que quoi qu'il en soit, l'absence de tout élément postérieur au 18 septembre 1999 ne permettait pas au Conseil de retenir sa participation à une infraction d'entente au-delà de cette date ;

Considérant cependant que plusieurs énonciations de la Décision font état d'accords entre l'appelante et des fournisseurs ainsi qu'il ressort des points 71 et 301 pour les produits Clarins et des points 242 et 305 pour les produits Shiseido ou encore des points 29 et 298 concernant toutes les marques distribuées, non contredits par les déclarations exprimées 4 ans plus tard et reprises au point 299 ; qu'il peut être souligné que si la seule pièce évoquant clairement la participation de la société Nocibé à la police des prix des fournisseurs, citée au point 306, est une lettre adressée par la requérante à la société Azzaro mise hors de cause par le Conseil qui, datée du 23 mai 1995, ne concerne pas la période spécifiquement visée par la Décision et si la lettre de dénonciation qu'aurait adressée la requérante à la société Kenzo visée au point 303 ne peut servir à accréditer la thèse d'une participation à une police des prix, faute de pouvoir être identifiée avec précision par la cour, l'existence d'un accord de volontés suffit à caractériser une entente ; qu'au cas présent, cette manifestation par la société Nocibé de sa volonté de voir appliquer les prix conseillés est établie au vu des éléments ci-dessus, nonobstant les représailles que la société Nocibé déclare avoir subies en raison d'une politique tarifaire occasionnellement active, ces déclarations n'étant corroborées par aucune preuve documentaire ni par des déclarations concordantes de fournisseurs et ne pouvant donc être considérées comme crédibles ; qu'il n'est enfin pas sans intérêt de relever qu'il ressort des déclarations du directeur général et président du directoire de la société Nocibé lors de son audition le 15 février 2005 que : " aujourd'hui, Nocibé n'applique pas à ses prix de vente un coefficient (comme c'était le cas en 2002) mais plusieurs qui dépendent du magasin (et de sa zone de chalandise) et du produit. Les produits d'une même marque peuvent ainsi se voir appliquer différents coefficients... par rapport à la situation du marché en 1999, on peut dire que le poids des grands distributeurs s'est accru, et qu'il existe davantage de concurrence... " [soulignement ajouté] ;

Considérant que la participation de la société Nocibé à l'entente sanctionnée par le Conseil est établie à suffisance pour toute la période visée par la Décision sans qu'il soit nécessaire de se référer aux relevés de prix établis par les services de la DGCCRF ou par la société Nocibé elle-même et donc notamment à l'étude économique LECG réalisée par MM. Pierre-André Buigues et Antoine Chapsal, peu important qu'aucune pièce spécifique aux années 1997 et 1998 ne soit au dossier soumis à l'appréciation de la cour et que la constatation de niveaux de prix proches des PPI relève du fonctionnement normal d'un marché comme celui en cause, caractérisé par une concentration des prix de revente proche du niveau de rentabilité ; qu'il importe en effet de garder à l'esprit qu'il s'agit d'une infraction continue inférée d'indices et de coïncidences qui considérés ensemble constituent, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve de l'existence et de la durée de comportement anticoncurrentiels ; qu'en l'espèce, la part de marché de la société Nocibé à qui sont reprochées des pratiques de même nature que celles reprochées aux sociétés Marionnaud et Sephora et dont les cinq premiers fournisseurs sont les sociétés Dior (10 %), Lancôme (10 %), Clarins (6,5 %), Chanel (6,5 %), YSL et Guerlain, est passée d'environ 5 % en 1999 à près de 15 % en 2005 (cf. procès-verbal d'audition du 15 février 2005) ce qui témoigne à tout le moins de l'efficacité de la stratégie de croissance recherchée par ce distributeur créé en 1987 ;

- La société Sephora

Considérant que la société Sephora admet avoir eu connaissance des prix souhaités par ses fournisseurs mais conteste pouvoir se voir reprocher une quelconque participation à une entente verticale sur les prix ; qu'elle dénie tout caractère probant aux relevés de prix établis par les services de la DGCCRF en en relevant le caractère lacunaire, soulignant que la période de l'année (juillet) au cours de laquelle ce relevé a été pratiqué n'est par ailleurs nullement représentative de l'activité du secteur en cause ; qu'elle remarque que l'absence d'un second relevé, opéré à un autre moment de l'année, exclut toute possibilité d'analyse dynamique et d'interprétation pertinente des chiffres obtenus et précise que les relevés soumis à l'appréciation du Conseil ne tenant pas compte des remises liées à la détention de cartes de fidélité ou de bons de réduction ne pouvaient à eux seuls, permettre d'établir son acquiescement à l'entente ; qu'elle soutient que la reconstitution des prix publics indicatifs sur lesquels ces relevés sont fondés n'est pas fiable et que le principe d'une application uniforme d'un coefficient de 1,97 sur le prix hors taxes devant servir à déterminer ce prétendu prix de vente recommandé, est contestable ; qu'elle explique que les modalités de calcul du prix de vente recommandé auraient quoi qu'il en soit dû faire l'objet d'une définition rigoureuse, dans la mesure où découle de ce prix de vente un taux de docilité supposé mettre en évidence l'existence d'une entente ; qu'elle indique que le choix du taux de remise servant à calculer le prix public indicatif est arbitraire et variable et que partant, la démonstration qui en découle pour administrer la preuve d'une application effective des prix conseillés est nécessairement erronée ;

Considérant que la société Séphora observe encore que la preuve de son acquiescement effectif, tacite ou explicite, n'est rapportée par aucun autre élément de preuve suffisamment convaincant ; qu'elle soutient qu'aucun des indices généraux sur lequel le Conseil a fondé son analyse ne concerne les distributeurs rendus destinataires de la notification des griefs si bien que ces indices généraux ne peuvent présenter un caractère opératoire que s'ils citent précisément et sans ambiguïté, les entreprises ou les marques auteurs de pratiques dénoncées ; qu'elle affirme qu'il ressort à cet égard des déclarations des fournisseurs et distributeurs recueillies lors de l'enquête et de l'instruction que les magasins Sephora, loin de s'en tenir aux préconisations des marques, fixaient en réalité leurs prix en fonction de la concurrence locale, en s'alignant sur les prix les plus bas pratiqués dans chaque zone de chalandise (cf. déclarations des magasins Sephora de Mlyon, Saint Brieuc et Lille) ; qu'elle conclut qu'aucun accord pour l'application effective des prix conseillés n'est établi entre elle et ses fournisseurs et que rien ne permet d'affirmer que les fournisseurs seraient intervenus auprès de la société Sephora pour lui demander de remonter ses prix ;

Considérant que la société Sephora conclut à l'annulation subséquente de la Décision pour avoir retenu une infraction d'entente contre elle, sans démontrer à suffisance qu'elle s'est entendue avec ses fournisseurs sur l'application d'un prix de revente ni que ces prétendus prix conseillés aient été réellement mis en œuvre par ses distributeurs ;

Considérant cependant qu'à supposer que les relevés de prix analysés par le Conseil ne puissent s'analyser qu'en des fragments d'indices à eux seuls insusceptibles de démontrer l'acquiescement de ce distributeur à l'entente proposée par ses fournisseurs et à supposer encore que le document cité au point 39 de la Décision concernant la société BPI soit insuffisamment explicite et trop ambigu pour pouvoir être pris en considération, les dirigeants des magasins de la société Sephora à Lyon et à Saint Brieuc (annexe 8-39 Sephora Lyon 3e et annexe 8-14 Séphora France) ont indiqué que la " politique de prix est de respecter les préconisations tarifaires des grandes marques en s'abstenant de casser les prix " et que par ailleurs " les prix remontent suite à l'intervention des marques " lorsqu'un point de vente ne respecte pas ces consignes tarifaires ; que le gérant du magasin de Lille (annexe 8- 43 Séphora Lille) rapporte également que " la politique de la chaîne interdit les promotions " et que " les prix, de même que les taux de remise, sont déterminés par les marques " ; que dans ces conditions, l'accord de la société Séphora à l'entente avec ses fournisseurs apparaît établie ;

Considérant que la société Séphora fait encore valoir que le dossier ne comprend aucune pièce mettant en évidence l'existence de mesures de contrainte ou de rétorsion exercées à son encontre ; qu'elle rappelle que le Conseil retient sa participation active à une police de prix en se fondant sur trois télécopies datées de 1999 adressées à l'initiative de trois magasins (cf. points 318, 319, 322 de la Décision), un courrier du directeur commercial de Sephora adressé à la société Chanel en 1999 se bornant à transmettre un ticket de caisse sans aucune demande spécifique d'intervention et encore, un mémo interne de la société Clarins du 29 avril 1997 faisant référence à un appel de la société Sephora concernant un problème de prix constaté auprès de la société Beauty Success dont le magasin est à Brest ; qu'elle explique que si une police de prix avait été mise en place, le dossier devrait logiquement comprendre des courriers de fournisseurs faisant suite aux demandes d'intervention des distributeurs alors qu'à l'exception de deux courriers insuffisamment probants (l'un adressé par la société BPI et l'autre par la société Calvin Klein), ces éléments ne s'y trouvent pas ;

Considérant cependant que les analyses ci-dessus concernant les 11 fournisseurs de parfums de luxe ont révélé l'existence, dans chacun des cas, d'un système de police de prix ; que les directeurs des magasins de la société Sephora à Saint Brieuc et à Lyon (annexes 8-14 et 8-39) font état des interventions et pressions des fournisseurs pour faire " remonter les prix " ; que ces déclarations sont corroborées par le courrier de la société BPI cité au point 326 de la Décision et la télécopie du 18 juin 1999 rappelée au point 65 de cette même Décision ; que les pièces communiquées font par ailleurs état d'une participation active de la société Séphora à ces systèmes de police de prix, les points 318 à 322 de la Décision mentionnant des dénonciations effectuées par ce distributeur quant aux tarifs pratiqués par les concurrents et de courriers demandant aux fournisseurs " d'intervenir [... ] pour le respect et le bien fondé de [leur] marque. " tandis que l'état des marges caisse des magasins Séphora de juin 1997 remis par le distributeur à la marque YSL, mis en évidence par les enquêteurs des services de la DGCCRF comme un outil de réflexion et d'intervention sur la politique tarifaire des distributeurs, a effectivement permis à cette marque de constater des dérapages de prix et d'intervenir pour faire remonter ces prix chez les concurrents désignés (annexe 12 du Rapport administratif d'enquête, cotes 4411 à 4421 se rapportant aux magasins Séphora de Velizy 2, Dijon et Lille) ; que sur ces constatations et pour ces raisons, il est établi que la société Sephora a activement participé à la police des prix mise en place par les fournisseurs ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que les trois distributeurs de parfums de luxe ont participé à une entente verticale sur les prix avec certains de leurs fournisseurs et ont en conséquence enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du TCE (aujourd'hui 101 § 1 du TFUE) ;

2.3. Quant au bien-fondé du prononcé d'une sanction : les questions intéressant la valeur concurrentielle de la distribution sélective ainsi que la question d'une exemption individuelle

Considérant que plusieurs sociétés requérantes et notamment les sociétés Guerlain, Dior et encore LVMH Fragrance Brands (Givenchy et Kenzo), fournisseurs et encore Marionnaud, Nocibé et Sephora distributeurs, critiquent la Décision déférée expliquant que le Conseil devenu Autorité a manqué au standard de preuves exigé pour caractériser toute entente verticale en omettant de tenir compte de certains éléments économiques pourtant de nature à clarifier le caractère pro-concurrentiel des pratiques examinées ;

Qu'elles soulignent que la période des faits a ainsi connu un phénomène de concentration de la distribution caractéristique d'un véritable retournement de rapports de forces au détriment des fabricants après une extrême dispersion de la profession de détaillants en parfumerie ainsi que l'ont noté les représentants de la Fédération des industries de la Parfumerie lors de leur audition par la rapporteure du Conseil le 16 février 2005 (cf. procès-verbal d'audition de Mme Grillaut-Laroche et de M. Bisson) ;

Considérant que les sociétés requérantes expliquent que le Conseil a notamment fait fi de la spécificité liée au caractère de luxe des produits concernés alors que la jurisprudence communautaire reconnaît la nécessité pour les fournisseurs de ces produits de préserver leur image de marque et leur aura de prestige à travers, entre autres, un prix élevé ; que, selon leurs dires, la réglementation européenne comme la jurisprudence du Tribunal de première instance des Communautés européennes, aujourd'hui Tribunal de première instance de l'Union européenne, autorisent les fournisseurs à contrôler les conditions de vente de leurs produits, y compris le prix pratiqué dans les magasins agréés lequel peut entraîner de réels gains d'efficience révélés par la théorie économique, notamment lorsque la concurrence intermarques reste vive ; qu'il faut donc, selon leurs dires, s'attacher à déterminer pour chaque entreprise, si de manière concrète la pratique de prix conseillé et appliqué susceptible d'atténuer les différences de prix entre revendeurs a ou non eu pour effet de garantir la qualité du service rendu au consommateur et à augmenter le bien-être de celui-ci ;

Considérant qu'ainsi que déjà jugé au paragraphe 2.1.3 de cet arrêt, le règlement d'exemption applicable aux faits de cette espèce CE n° 2790-1999 du 22 décembre 1999 concernant les accords verticaux et notamment les accords de distribution sélective, exclut précisément et totalement la possibilité pour le fournisseur de fixer les prix de revente de ses produits au consommateur et qualifie cette pratique de restriction caractérisée ou de restriction par objet altérant nécessairement le jeu naturel du marché et partant, celui de la concurrence ; que le règlement UE n° 330-2010 du 20 avril 2010 dont l'entrée en vigueur est postérieure à la cessation des pratiques incriminées, qui permet aux fournisseurs de justifier l'imposition du prix de revente dans certaines situations exceptionnelles ne contredit pas cette analyse (cf. point 48 des lignes directrices 2010-C 130-01 JO du 19 mai 2010) ; que si le respect de l'image de marque de chaque produit peut être assuré à travers des contrôles portant sur l'aménagement des points de vente agréés ou encore sur la formation du personnel ou la présentation des produits, il n'en va pas de même pour l'altération de la capacité du distributeur à fixer le prix de revente des produits au consommateur final ; que quoi qu'il en soit, l'expérience a établi que la diminution de la concurrence intramarques, en réduisant la pression à la baisse sur le prix du bien désigné, a pour effet indirect d'affaiblir la concurrence inter-marques, en particulier sur un marché qui, comme au cas présent, est un marché concentré (cf. lignes directrices sur les restrictions verticales 2000-C 291-01 - point 112 in fine de la Commission dont l'approche n'est de ce point de vue pas modifiée par les lignes directrices 2010-C 130-01 en vigueur depuis la cessation des pratiques) ;

Considérant que les entreprises en cause ayant mis en œuvre de telles pratiques peuvent uniquement se défendre en faisant valoir des gains d'efficience au sens de l'article 101 § 3 du TFUE (ex article 81 § 3 du TCE), à condition de démontrer la probabilité "que des gains d'efficience résultent de l'introduction des prix de vente imposés dans l'accord ", d'une part et " que toutes les conditions de l'article 101 § 3 sont remplies ", d'autre part ;

Que si certes l'exemption individuelle peut être accordée sur des considérations concrètes, la cour constate au cas présent que les sociétés requérantes justifient de leurs pratiques sur le seul fondement de l'article 81 § 1 du TCE devenu 101 § 1 du TFUE ; que le Conseil a, à suffisance et à bon droit, répondu à cet argumentaire aux points 778 à 781 de la Décision déférée ;

Considérant enfin que la société Nocibé ne fait qu'évoquer in abstracto une étude économique du Professeur Christian Montet et M. Florent Venayre intitulée " les systèmes de distribution sélective des produits de luxe : pratiques, justifications et analyse en termes de bien-être économique " sans établir de quelque manière que ce soit, en quoi et comment, la pratique mise en œuvre et constatée de son chef, est pour ce qui la concerne concrètement cause d'efficience au sens de l'article 81 § 3 du TCE (aujourd'hui101 § 3 du TFUE) ;

Que sur ces constatations et pour ces raisons, aucune annulation n'est donc encourue de ce chef d'arguments ;

2.4. Sur la détermination des sanctions

Considérant que les infractions retenues ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 concernant les nouvelles régulations économiques; que dès lors, compte tenu du principe de non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère, le Conseil a, à bon droit, décidé que seules les dispositions de l'article L. 464-2 II du Code de commerce antérieures à cette loi étaient applicables aux infractions constatées;

Que ces dispositions sont les suivantes : " Le Conseil de la concurrence peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non-exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos." ; qu'il est de principe que ce dernier exercice clos s'entend de celui clos au moment du prononcé de la Décision et que le chiffre d'affaires pris en considération est a priori le chiffre d'affaires total de chaque entreprise, sans distinguer ce qui relève de l'activité des sociétés mises en cause dans les parfums et cosmétiques ;

Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que s'agissant d'entreprises dont l'activité parfums et cosmétiques était (à l'exception de la société Chanel) filialisée, les chiffres d'affaires pris en considération par le Conseil sont majoritairement ceux correspondant à cette activité ;

2.4.1. En ce qui concerne les données applicables

2.4.1.1. Quant à la gravité des faits reprochés

Considérant que les sociétés requérantes font reproche à la Décision de ne pas tenir compte du fait que la gravité des pratiques est moindre dans le cas d'une entente verticale que pour une entente horizontale et d'avoir par ailleurs procédé à une analyse théorique de cette gravité sans l'étayer d'éléments précis ; que selon elles, la Décision encourt pour ces raisons le grief d'annulation ;

Considérant cependant que nonobstant la gravité exceptionnelle et avérée des pratiques horizontales entre concurrents les jurisprudences, nationale et communautaire, attribuent également aux pratiques verticales de prix imposés une gravité intrinsèque de principe en ce qu'elles confisquent au profit des auteurs de l'infraction, le bénéfice que le consommateur est en droit d'attendre d'un bon fonctionnement du marché ; qu'il convient de noter que quelle qu'elles soient, les ententes et actions concertées ayant pour objet et pour effet d'empêcher le jeu de la concurrence en faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché font partie des pratiques que l'OCDE qualifiait déjà à l'époque des faits " d'injustifiables " ; qu'il peut encore être précisé, ainsi que le Conseil l'a à bon droit rappelé dans la décision n° 07-D-03 du 24 janvier 2007 relative à des pratiques identiques à celles constatées au cas présent relevées contre la société anonyme Clarins, contrôler le niveau et l'uniformité des prix de détail est nécessairement une source de profit pour le fournisseur et ses distributeurs car même s'il subsiste une concurrence intermarques vive et d'autres circuits de distribution, leur intérêt conjoint est de fixer un prix au détail permettant d'extraire le maximum de surplus de la clientèle fidèle à la marque ; qu'en fixant son prix de gros, le fournisseur répartit ensuite ce surplus entre lui-même et ses distributeurs ; que ce système fonctionne si les distributeurs jouent uniformément le jeu, sans qu'aucun d'entre eux ne tente, par une concurrence intramarques, d'augmenter le volume de ses propres ventes et de maximiser ainsi son profit personnel en entraînant les prix de détail à la baisse, ce qui compromet le surplus global à partager ; que c'est à tort que certaines des sociétés requérantes prétendent que les agissements mis à jour par le Conseil n'avaient pour but que la défense de l'image de luxe de leurs produits ; qu'il s'est en réalité bien agi au cas présent, d'extraire du consommateur un supplément de profit au moyen d'une entente illicite visant d'une part, à sécuriser ce supplément en combattant, au besoin par des mesures coercitives, les comportements des distributeurs déviants risquant de le compromettre et d'autre part, à répartir ce supplément entre les participants à l'entente ; que contrairement à ce que prétend la société L'Oréal, l'appréciation de ce type de pratiques telle que effectuée par le Conseil n'est pas en contradiction avec la position de la Commission européenne, cette dernière considérant en effet encore aujourd'hui que les pratiques de prix de revente imposé dans les relations verticales sont suffisamment graves pour conduire à présumer qu'elles enfreignent l'article 101 du TFUE (ex-article 81 du TCE) et ne remplissent pas les conditions de l'article 101 § 3 du TFUE (ex-article 81 § 3 du TCE) ;

Considérant que les sociétés requérantes et notamment, la société Parfums Christian Dior, la société Guerlain, la société l'Oreal Produits de luxe France et la société LVMH font également reproche au Conseil de n'avoir établi aucun effet anticoncurrentiel des pratiques reprochées et partant, selon leurs dires, la réelle gravité de ces pratiques ;

Considérant cependant, que l'existence ou non d'un bénéfice tiré de l'infraction ou la manière dont s'est effectué le partage de la rente entre fournisseurs et distributeurs ne peut influer que sur le quantum des sanctions encourues, la gravité de la pratique s'appréciant d'abord en amont, en fonction de sa gravité intrinsèque ;

Considérant que sur ces constatations et pour ces raisons, il n'y a pas lieu sur ces points à réformation de la Décision ;

2.4.1.2. Quant à l'importance du dommage à l'économie

Considérant que selon les sociétés requérantes, le dommage à l'économie ne saurait être présumé du seul fait de l'existence d'ententes verticales ; qu'un lien entre ces pratiques et l'augmentation ou le maintien artificiels des prix et donc, la réalité d'une perte de surplus du consommateur doit être précisément établi eu égard notamment à la sensibilité de la demande des consommateurs aux prix ; que l'analyse de ce dommage auquel le Conseil a procédé, inexacte et incomplète, repose sur des prémisses erronées ce qui a eu pour effet de conduire ce dernier à surestimer ce dommage ; qu'il ne s'est agi que d'une atteinte à la concurrence intramarques ; qu'il importait de déterminer précisément le dommage causé par chacune des entreprises condamnées et donc, le nombre de distributeurs ayant participé à l'entente sur telle zone de chalandise et pour telle durée et non, de retenir l'ensemble des chiffres d'affaires réalisés par les fournisseurs ; que les pratiques visées qui ont consisté en une série d'ententes verticales entre chaque fournisseur et ses distributeurs, n'ont nécessairement eu d'impact que sur la part de marché de chaque fournisseur et non sur le marché total ; que faute d'avoir procédé de la sorte, la Décision doit, à tout le moins, être annulée sur ce point ;

Qu'elles soulignent encore que faute d'établir précisément la réalité de la perte du surplus du consommateur due à l'entente illicite des entreprises sanctionnées, l'annulation est quoi qu'il en soit encourue ; que selon leurs dires, il y a lieu de tenir compte du fait que le prix conseillé n'était pas un prix unique mais une plage de prix laissant place à la concurrence, comprise entre le prix boutique et le prix maximum conseillé de 10 % ; que par ailleurs plusieurs raisons peuvent expliquer que cette perte soit sensiblement accrue du fait de pratiques de préservation d'une certaine fourchette de prix dans la distribution sélective ; qu'une part substantielle des ventes de parfums et de cosmétiques de luxe en France se fait à des touristes étrangers peu sensibles aux prix ; que le succès des parfums et cosmétiques à l'exportation dépend largement de la perception de produit de luxe que s'en font les consommateurs étrangers ; que cette perception peut donc souffrir d'une banalisation trop systématique de ces produits puisque les parfums sont très souvent achetés en raison de l'image de luxe qu'ils véhiculent ; qu'éviter un discount massif permet de soutenir la marge commerciale et de maintenir un niveau élevé de qualité des produits et des services indissociables de leur commercialisation de manière à assurer au consommateur un bien-être accru ; que l'image de luxe constitue pour le consommateur la valeur réelle du produit et correspond à son prix élevé ; que nombre de biens positionnés haut de gamme ont connu une soudaine désaffection des consommateurs à la suite d'une baisse de prix, les clients ne reconnaissant alors plus le bien de luxe qu'ils souhaitaient acheter ; qu'au cas présent, il peut être relevé que les prix des parfums et des cosmétiques de luxe ont évolué pour la période considérée, dans des proportions tout à fait cohérentes avec l'évolution de l'indice général des prix à la consommation de l'INSEE ; que quoi qu'il en soit, l'appréciation de ce dommage doit intervenir en rapport avec la période d'infraction;

Considérant cependant que le dommage à l'économie s'apprécie notamment en fonction de l'étendue du marché affecté par la pratique anticoncurrentielle, de la durée et des effets conjoncturels et structurels de ces pratiques autrement dit, en fonction de la perturbation générale apportée par ces pratiques à l'économie ; que le Conseil n'est pas tenu de quantifier précisément ce dommage mais doit cependant en évaluer l'existence et l'importance en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant par conséquent les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques illicites constatées ;

Qu'en l'espèce, le Conseil a donc avec raison tenu compte au point 782 de sa Décision de la durée et des éléments d'ordre économique lui permettant d'apprécier l'impact de ces pratiques sur ce marché de produits de luxe où la concurrence intramarques par les prix est par principe restreinte du fait de l'inélasticité de la demande inhérente à ce type de produits et partant, des effets particulièrement dommageables de ces pratiques pour les consommateurs en raison des surcoûts payés par ces derniers ; que contrairement aux dires des sociétés Chanel et Sephora, le Conseil a, après avoir procédé à une analyse concurrentielle précise des pratiques constatées sur des éléments épars et de nature variée, motivé à suffisance l'appréciation du dommage à l'économie en mentionnant notamment à l'appui de son raisonnement, le memorandum interne de Clarins et de nombreuses pièces évoquant les efforts des producteurs pour réduire la norme de rabais concerté de 20 à 15 %, pratique ayant sur le prix de détail un effet à proportion ;

Considérant que le fait que durant la période des faits en cause, les prix des parfums et cosmétiques aient évolué en moyenne dans des proportions tout à fait cohérentes avec l'évolution de l'indice général des prix à la consommation de l'INSEE ou qu'ils aient connu une baisse en valeur absolue ne suffit pas à démontrer l'absence de dommage à l'économie puisque par définition, la pratique de prix imposés rend la détermination exacte du prix concurrentiel impossible, induisant simplement une allocation sous-optimale des ressources et un détournement de tout ou partie du surplus collectif au profit des auteurs des pratiques anticoncurrentielles ;

Considérant également que la contribution de telle ou telle entreprise au dommage à l'économie n'a pas à être quantifiée, ce dommage étant pour les raisons ci-avant clarifiées (cf. point 2.2 de cet arrêt) causé par une pratique globale ; que le Conseil n'avait pas à se prononcer sur le partage de la contribution au dommage entre les participants aux ententes et donc le partage entre les fournisseurs et les distributeurs ni même sur le niveau de dommage propre à chaque fournisseur concerné au titre des ententes verticales mises en place avec l'acquiescement de ses distributeurs ;

Qu'enfin le Conseil a à suffisance, relevé au point 782 de la Décision que les ententes sanctionnées étaient des ententes générales portant sur tout le territoire français et relatives aux années 1997 à 1999 inclus ;

Qu'en résumé, ainsi que le rappelle le Conseil dans la décision aujourd'hui définitive concernant la société Clarins, sans même faire d'hypothèse sur le niveau de prix d'équilibre final que l'instauration d'une concurrence intra-marque aurait pu provoquer, un supplément des prix, payé par les consommateurs, de plusieurs points de pourcentage constitue au cas d'espèce une évaluation prudente du dommage à l'économie causé à ce marché, lequel à l'époque des faits, représentait 814,5 millions d'euros ;

2.4.1.3. Quant au respect du principe de l'individualisation des sanctions

- Les modalités d'évaluation de la contribution de chaque entreprise aux pratiques sanctionnées et au dommage à l'économie

Considérant que les sociétés requérantes font reproche à la Décision de ne pas avoir procédé à l'analyse concrète et adaptée de leur participation à la gravité des pratiques et au dommage causé à l'économie et ainsi, d'avoir enfreint les dispositions de l'article L. 464-2 alinéa 3 du Code de commerce en prononçant à leur encontre des sanctions disproportionnées et excessives et partant, inéquitables ; que les fournisseurs se prévalent individuellement d'une part de marché faible, face au pouvoir grandissant de la distribution tandis que les distributeurs font état d'une sanction disproportionnée dès lors que leur chiffre d'affaires se trouve être mécaniquement plus élevé que celui des fabricants alors que, en raison de leur politique de remise de fidélité ou de promotion, leur marge est nécessairement moindre ; que tous expliquent que la sanction doit tenir compte de la durée précise des infractions reprochées à chaque participant et du fait que l'entente n'est caractérisée qu'envers une part minoritaire de la distribution et non toute la distribution ;

Considérant que chaque infraction est fondée sur un ensemble de pratiques anticoncurrentielles semblables par leur nature mais non par leur intensité et leur étendue ; que le Conseil qui avait pour mission de déterminer individuellement la gravité des faits pour chaque entreprise concernée, a pris en considération la situation individuelle des entreprises condamnées pour le calcul de la sanction prononcée ainsi qu'il ressort de l'analyse des points 519 à 748 de la Décision ou encore des éléments généraux et individuels rappelés dans la section relative à la détermination des sanctions (points 784 à 799) ; qu'il est cependant exact qu'il ne ressort pas de la Décision que le Conseil se soit livré à une appréciation suffisamment précise de ce critère ; qu'en conséquence, la Décision sera réformée sur ce point dans des termes précisés ci-après, entreprise par entreprise ; qu'il doit toutefois être rappelé que s'agissant de pratiques continues, l'évaluation et le calcul précis de la sanction ne nécessitent pas de constater, pour chaque année calendaire et pour chaque entreprise, que tous les éléments de l'infraction sont réunis ; que c'est à bon droit que de ce point de vue, la Décision déférée apparaît avoir fait application de ces principes ;

Qu'il peut enfin être souligné que contrairement à ce que les sociétés requérantes mettent en avant, le Conseil n'a pas ignoré l'influence que les parts de marché détenues par les fournisseurs pouvaient avoir sur la concurrence intermarques ; qu'elle répond à cet aspect au point 783 de la Décision déférée ;

- L'application à chaque fournisseur d'une amende égale à 1,7 % de leur chiffre d'affaire et les conséquences de l'ancienneté des faits et de la durée anormale de la procédure

Considérant que les sociétés requérantes arguent du fait que la fixation de l'amende à 1,7 % du chiffre d'affaires annuel total des entreprises au dernier exercice clos et à un peu plus pour la société Chanel qui s'est vue appliquer un taux de 1,9 % porte à l'évidence atteinte au principe d'individualisation de la sanction ; qu'elles concluent à tout le moins à la minoration du montant des sanctions prononcées en raison de l'ancienneté des faits et de la durée anormale de la procédure ;

Considérant cependant qu'au regard de la gravité intrinsèque des pratiques d'entente sur les prix, du dommage occasionné par ces pratiques à l'économie et de la situation globale des entreprises condamnées, le Conseil a infligé des sanctions sur la base du chiffre d'affaires propre à chaque entreprise ; que ce simple fait a déjà conduit, alors même que le taux retenu est globalement identique, à la détermination d'amendes différenciées au regard des critères légaux ; qu'il reste que si une commune unité de mesure ne fait pas nécessairement l'unité de l'objet mesuré, l'analyse spécifique de chaque pratique a en l'espèce révélé que l'étendue et l'intensité du grief d'entente ne sont pas globalement identiques pour chaque entreprise ; qu'en procédant à l'application d'un taux strictement uniforme, la Décision ne tient pas suffisamment compte de cet aspect et doit sur ce point être réformée pour correspondre exactement aux principes définis par l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits de cette espèce issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ; que partant, ces sanctions doivent aussi être modulées en tenant compte de l'importance des effets conjoncturels et structurels de chaque entente prise individuellement et de la situation propre de chaque entreprise sur le marché en cause comprenant les parfums et les cosmétiques de luxe ;

Qu'en revanche, la durée de la procédure ne peut au cas présent influer sur le montant de ces sanctions puisqu'il a été établi que cette durée excessive n'a pas porté atteinte aux droits de la défense de chaque entreprise ; qu'enfin, le fait que le chiffre d'affaires des sociétés en cause se soit accru depuis la survenance des faits incriminés est sans conséquence sur le montant du chiffre d'affaires constituant l'assiette de la sanction ; que le chiffre d'affaires de référence n'est pas en effet celui réalisé au moment des faits sanctionnés mais bien celui du dernier exercice clos à la date de la Décision, le temps écoulé entre la commission des dits faits et le prononcé de la sanction n'entrant pas ab initio dans les éléments d'appréciation énumérés par l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction applicable aux faits de la cause et aucune considération d'équité n'apparaissant en l'espèce devoir conduire à prendre ces circonstances en compte ;

- La durée des pratiques

Considérant que la durée exacte des pratiques sanctionnées dans la Décision apparaît clarifiée par les énonciations détaillées du point 782 de la Décision qui, in fine, fait état d'une pratique de 3 années, nonobstant le fait que le Conseil a manifestement pu citer l'année 2000 dans le cadre de son analyse qualificative de certaines des pratiques en cause;

- Conclusion du point 2.4.1.

Considérant qu'il appartient à la cour de prendre en considération ces différentes données de départ pour apprécier la légalité et la pertinence de chaque sanction prononcée par le Conseil, entreprise par entreprise ;

2.4.2 En ce qui concerne l'application de ces données pour la fixation des sanctions infligées à chaque entreprise

2.4.2.1 Quant à la sanction infligée à la société BPI

Considérant que cette dernière critique la sanction disproportionnée qui lui a été infligée en se rapportant au nombre limité de distributeurs visés par les indices relevés à son encontre et à l'absence de toute évaluation sérieuse du dommage occasionné à l'économie; qu'elle souligne encore que, nouvelle entrante sur le marché, elle n'était pas en mesure d'imposer sa politique commerciale à son réseau de distribution et que quoi qu'il en soit, elle ne se voit au cas présent, opposer que des éléments de prix se rapportant à deux parfums ;

Considérant que les éléments de preuve rassemblés à propos de cette société font état de réelles pressions et menaces pour faire respecter l'entente ; que si les prix imposés ont été appliqués par plusieurs enseignes importantes de distribution, la relative nouveauté de l'entreprise sur le marché considéré conduit à relativiser le dommage à l'économie causé par les pratiques anticoncurrentielles continues de ce fournisseur ;

Que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées mises en œuvre sur le marché des parfums et des cosmétiques de luxe et au dommage avéré à l'économie, la sanction pécuniaire qui lui sera infligée sera de 476 000 euros ;

2.4.2.2 Quant à la sanction infligée à la société Chanel

Considérant que la société Chanel dénonce la discrimination injustifiée dont elle estime avoir été l'objet en relevant que le Conseil a retenu contre elle un taux plus fort que celui appliqué à la détermination des sanctions infligées aux autres entreprises impliquées ; qu'elle s'étonne de cette approche alors qu'il aurait été logique que conformément à sa pratique décisionnelle habituelle, le Conseil fonde son appréciation quantitative par référence à la valeur des ventes réalisées pour les produits concernés par les infractions constatées ; qu'elle dément avoir détenu une quelconque puissance de marché envers ses distributeurs d'autant que le marché en cause est très fortement atomisé, de nombreuses marques offrant une gamme élargie de produits; qu'elle précise que l'influence de la notoriété de sa propre marque s'en trouve relativisée d'autant ; qu'elle observe encore que même réduite à 1,7 % de son chiffre d'affaires, l'amende infligée resterait excessive au regard du quantum des amendes prononcées dans des affaires similaires et de la valeur de ce marché limitée à 814,5 millions d'euros ; qu'elle conclut pour ces raisons à une réduction significative de l'amende prononcée contre elle ;

Considérant que la société Chanel a participé activement à l'entente ci-dessus qualifiée au titre de la période comprise entre 1997 et 1999 ; que ce fournisseur est régulièrement cité par les distributeurs comme étant l'une des sociétés exerçant les plus fortes pressions et représailles dans le but de faire respecter les prix imposés ; qu'il est désigné par certains distributeurs détaillants (annexes 08-46 Parfumerie Elisabeth et 08-03 Parfumerie O'Dylia) comme l'un des premiers à avoir mis en place le système des taux de remise maximum ; que les tarifs exigés sur les produits de la marque Chanel étaient globalement respectés par les distributeurs ; qu'en outre la renommée et la part de marché de cette marque assuraient nécessairement à cette société une position privilégiée sur le marché des parfums et cosmétiques de luxe ; que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie, la sanction pécuniaire infligée à cette société apparaît devoir être évaluée à 2 636 000 euros afin de tenir compte de ce qu'elle apparaît avoir été sans raison suffisante, plus lourdement sanctionnée par le Conseil que les autres entreprises concernées ;

2.4.2.3 Quant à la sanction infligée à la société Clarins Fragrance Group

Considérant que cette société fait grief à la décision d'avoir pour ce qui la concerne procédé par voie d'amalgame ; que cette approche lui est d'autant plus préjudiciable que le grief retenu est au fil de l'instruction du Conseil devenu un grief " fourre-tout" (cf. point 1.3.1. du présent arrêt) ; qu'elle souligne avoir été au moment des faits reprochés dans une situation spécifique puisque, récemment entrée sur le marché, elle ne vendait que le seul parfum "Angel" et que les contrats passés avec ses distributeurs n'imposaient nullement à ces derniers de réaliser un chiffre d'affaires minimal ;

Considérant qu'il a déjà été dit que cette société n'avait pas été trompée sur le champ de l'accusation (cf. paragraphe 1.3.1. de cet arrêt) dont la légalité a ensuite été vérifiée au paragraphe 2.2.1 ; les documents ayant trait à cette société font état de recours à des pressions et menaces pour faire respecter les prix imposés ; que la société Thierry Mugler aux droits de laquelle se trouve être aujourd'hui la société Clarins Fragrance Group interdisait toute remise, même minime sur ses produits ; que ses tarifs étaient globalement appliqués par les points de vente ; que si la relative nouveauté de cette société sur le marché des parfums de luxe et sa part de marché réduite n'en faisaient pas un fournisseur incontournable il reste que ce fournisseur admet le succès du parfum Angel, inédit dans l'histoire de la parfumerie ;

Que dans ces conditions, compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie, il y a lieu d'infliger à cette société une sanction pécuniaire de 490 000 euros ;

2.4.2.4 Quant à la sanction infligée à la société Comptoir Nouveau de la Parfumerie - Hermès Parfums

Considérant que cette société souligne ne pas avoir, à l'époque des faits, été présente sur le marché des cosmétiques de luxe et ne détenir qu'une faible part de marché sur celui des parfums de luxe (1,43 %) ; que sa situation ne lui a donc pas permis de porter significativement atteinte à la situation des autres opérateurs de ce dernier marché, d'autant que le taux de respect effectif de ses exigences tarifaires est resté très relatif ;

Considérant que la société Hermès a participé activement aux faits d'ententes continues qui lui sont reprochés, notamment aux cours des années 1997 et 1998 ; que les points 110 et 112 de la Décision révèlent la volonté clairement exprimée de ce fournisseur de " faire respecter avec beaucoup de fermeté " les prix imposés ; que les pièces se rapportant à la société requérante indiquent le recours à des pressions et menaces constantes dans ce but ; que cette société, en dépit d'une part de marché relativement faible, avait par ailleurs une renommée qui lui assurait une position privilégiée sur le marché des parfums de luxe;

Que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 310 000 euros ;

2.4.2.5 Quant à la sanction infligée à la société Parfums Christian Dior

Considérant que ce fournisseur explique que sa part de marché était sur l'ensemble du secteur de la distribution sélective inférieure à 5 % et qu'à l'époque des faits, il réalisait environ 35 % de son chiffre d'affaires avec les chaînes nationales, 15 % avec les détaillants sous enseignes, 15 % avec les indépendants traditionnels et 12 % avec les grands magasins ; que l'importance de son rôle doit être minorée par le fait qu'après une extrême dispersion, la profession des détaillants en parfumerie connaissant à l'époque des faits un phénomène de regroupement caractérisant un véritable retournement du rapport de force au détriment des fabricants en général et de la société Parfums Christian Dior en particulier ; qu'il précise à la cour s'être acquitté le 11 mai 2011 du montant des deux titres de paiement qui lui avaient été adressés par l'Administration afin de recouvrer le montant des sanctions pécuniaires que le Conseil avait prononcé à son encontre ;

Considérant que, outre le fait que les pratiques reprochées avaient nécessairement contribué au moins pour partie à ce phénomène de regroupement des distributeurs, la société Parfums Christian Dior a participé activement à l'entente ci-dessus qualifiée au titre des années 1997 à 1999 ; que cette société est par ailleurs régulièrement citée par les distributeurs comme figurant parmi les sociétés exerçant les plus fortes pressions et représailles pour faire respecter les prix imposés ; que les exigences tarifaires de cette société étaient globalement respectées ; qu'en outre, ce fournisseur avait une renommée et une part de marché qui lui assuraient une position privilégiée sur le marché concerné ;

Que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques continues reprochées et au dommage avéré à l'économie, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 2 200 000 euros ;

2.4.2.6 Quant à la sanction infligée à la société Elco

Considérant que cette société soutient que contrairement aux hypothèses de cartels ou d'ententes horizontales dans lesquelles les entreprises condamnées ont concouru à la réalisation du dommage à l'économie global occasionné par la pratique anticoncurrentielle à laquelle elles ont conjointement participé, elle se trouve au cas présent, sanctionnée pour une entente verticale précise ; que partant c'est à tort, que le Conseil estime qu'il existe un dommage commun pouvant être réparti entre chaque entreprise au regard de son chiffre d'affaires et ce, pour 4 années ; que quoi qu'il en soit, à la différence de la majorité des autres fournisseurs, les prix des produits de la marque Estée Lauder ont baissé de 5 % entre 1995 et 1999 pendant la période en cause ; qu'il ressort du dossier du Conseil que la hausse du prix moyen de détail des produits Elco au cours de cette période, inférieur à 4 %, est inférieur au taux d'inflation de l'INSEE sur la même période dans le secteur de parfumerie et des produits de beauté (7,5 %) mais aussi des services (7,2 %) ; qu'elle ajoute encore que l'amende doit être réduite dans la mesure où la Décision ne repose sur aucun élément pour 90 % de ses clients si bien que la réformation de la Décision est de ce chef encourue ;

Considérant que les éléments et pièces relatives à la société Elco font état de pressions et de menaces graves et continues, émanant notamment de la marque Estée Lauder afin de faire respecter l'entente incriminée ; que les prix imposés ont été appliqués par plusieurs enseignes importantes de distribution ; que la part de marché de la requérante pour les deux marques Estée Lauder et Clinique confondues lui assure une position privilégiée sur le marché considéré ; que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie il y a lieu d'infliger à la société Elco une sanction pécuniaire de 1 240 000 euros ;

2.4.2.7 Quant à la sanction infligée à la société Guerlain

Considérant que cette société critique la position du Conseil pour avoir mentionné dans la Décision que pour ce qui la concerne, les pratiques incriminées étaient sans doute anciennes ; qu'elle qualifie cette approche d'inacceptable du point de vue probatoire d'autant que ce n'est que 6 ans après la saisine d'office et 13 ans après la première saisine contentieuse que la Décision est intervenue ; qu'elle souligne avoir eu, à l'époque des faits incriminés une part de marché inférieure à 4 % dans le cadre de la distribution sélective et réaliser alors 40 % de son chiffre d'affaires avec les grandes chaînes nationales ; que la fermeture de nombreuses parfumeries indépendantes provoquées par l'envolée du discount a favorisé un mouvement significatif de concentration de la distribution ; qu'enfin, elle a réglé le 3 mai 2011 le montant des titres de perception qui lui avaient été adressés par l'Administration pour recouvrer le montant des sanctions pécuniaires que le Conseil avait prononcé à son encontre ;

Considérant que l'entente de cette société avec ses distributeurs est établie par les documents visés au paragraphe la concernant pour les années 1997 à 1999 inclus ; que ce fournisseur est régulièrement cité par les distributeurs comme étant parmi les sociétés exerçant les plus fortes pressions et représailles dans le but de faire respecter les prix imposés ; qu'en outre, les éléments retenus dans la Décision révèlent l'existence d'accords sur les prix entre la société Guerlain et ses points de vente ; que dans leur ensemble, les exigences tarifaires de ce fournisseur étaient respectées ; qu'en outre, celui-ci avait une renommée et une part de marché qui lui assuraient une position privilégiée sur le marché des parfums de luxe ;

Que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie, il y a lieu, d'infliger à ce fournisseur une sanction pécuniaire de 1 700 000 euros ;

2.4.2.8 Quant à la sanction infligée à la société Givenchy

Considérant que selon cette société, en l'absence de relevés de prix pratiqués pour les produits de maquillage et de soins, aucun élément du dossier n'établit pour ce qui la concerne l'existence d'une pratique d'entente dans ce dernier secteur d'activité ; qu'elle explique que sa part de marché est alors toujours restée inférieure à 3 % pour diminuer après 2000 ; que la profession de détaillants en parfumerie a également connu un phénomène de concentration caractéristique d'un retournement du rapport de force au détriment des fabricants ; qu'en 1998, elle réalisait plus du quart de son chiffre d'affaires avec 3 distributeurs à savoir avec les sociétés Sephora France (14 %), les Galeries Lafayette (6,2 %) et enfin Marionnaud (5,9 %) ;

Considérant que l'entente de cette société avec ses distributeurs est établie par les documents visés au paragraphe la concernant notamment pour l'année 1999 ; que les pièces relatives à cette société indiquent le recours à des relevés de prix systématiques et à l'utilisation d'un système de remise pour contrôler les prix pratiqués par les distributeurs ; que les exigences tarifaires de la requérante ont été significativement respectées ; que si la part de marché de cette société n'en faisait pas un acteur incontournable de ce marché, sa renommée lui assure une position privilégiée sur le marché des parfums de luxe ;

Considérant que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie il y a lieu d'infliger à cette société une sanction pécuniaire de 419 000 euros ;

2.4.2.9 Quant à la sanction infligée à la société Kenzo Parfums

Considérant que cette société explique qu'à l'époque des faits incriminés elle ne fabriquait aucun cosmétique ni aucun produit de soin et que sa gamme de parfums était elle-même très limitée; qu'elle ne s'est par ailleurs lancée sur le marché qu'en 1988 ; que sa part de marché était alors réduite ;

Considérant que l'entente de la société Kenzo avec ses distributeurs est plus spécifiquement établie par les documents visés au paragraphe la concernant pour les années 1998 et 1999 ; que les pièces relatives à cette société indiquent le recours à des pressions et menaces pour faire respecter les prix imposés ; que les exigences tarifaires de cette société ont été respectées par les petits distributeurs ; que les éléments du dossier permettent de conclure qu'il en était de même pour les grandes chaînes de distribution ; que la part de marché de la société Kenzo (1,5 %) n'en faisait pas l'un des acteurs incontournables du marché des parfums et cosmétiques de luxe ;

Considérant que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie il y a lieu, d'infliger à cette société une sanction pécuniaire de 350 000 euros ;

2.4.2.10 Quant à la sanction infligée à la société L'Oréal Produits de luxe France

Considérant que cette société explique que les griefs retenus à son encontre ne concernaient que 3 des 9 marques qu'elle commercialisait à l'époque des faits (les marques Armani, Lancôme et Helena Rubinstein) ; que la sanction prononcée contre elle s'avère ainsi excessive et disproportionnée à la gravité des pratiques pouvant lui être reprochées ;

Considérant que l'imputation à cette société des pratiques sanctionnées n'est pas contestée par celle-ci ; que c'est à bon droit que le Conseil l'a sanctionnée sur son chiffre d'affaires global pour l'activité considérée et non sur celui de ses filiales ;

Que s'agissant des marques Armani et Lancôme, l'entente de la société L'Oréal avec ses distributeurs est établie par les documents visés au paragraphe la concernant pour les années 1998 et 1999 ;

Que la requérante est régulièrement citée par les distributeurs parmi les sociétés exerçant les plus fortes représailles et pressions pour faire respecter les prix imposés, notamment sur les produits Lancôme ; que ses tentatives pour mettre en place une entente tarifaire remontent au moins au début de l'année 1997 (cf. point 193 de la Décision) ; que plusieurs grandes enseignes de distribution appliquaient les prix souhaités par elle ; que les parts de marché combinées de cette société pour les seules marques en cause faisaient d'elle le principal acteur du marché des parfums et cosmétiques de luxe;

Considérant que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie, il y a lieu d'infliger à la société L'Oréal une sanction pécuniaire de 4 100 000 euros ;

2.4.2.11. Quant à la sanction infligée à la société Shiseido Europe

Considérant que cette société conteste le fait qu'il puisse lui être reproché d'avoir été l'un des fournisseurs ayant exercé les menaces et représailles les plus fortes ; qu'elle s'oppose à ce que son accord passé avec la société Sephora en 1995 soit pris en considération puisqu'il n'était plus applicable au cours de la période incriminée ; qu'elle explique avoir été au cours de cette même période une entreprise de taille modeste confrontée à des difficultés financières d'autant plus sensibles que le rapport de force évoluait en faveur des grandes chaînes de distribution au détriment des fabricants ; que cette situation explique qu'elle ait été convoquée en août 2004 par le président du Tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l'article L. 611-2 du Code de commerce ;

Considérant que la société Shiseido a pris une part active dans l'entente sanctionnée pour les années 1997 à 1999 incluse ; qu'elle a été citée comme faisant partie des sociétés exerçant des pressions significatives pour faire respecter les prix imposés ; que la société Sephora et d'autres enseignes plus modestes appliquaient les tarifs souhaités pour les produits de la marque ; que l'accord passé avec la société Sephora était encore appliqué en 1997 ainsi qu'il a été vu supra (cf. point 2.2.1.) ; qu'il reste que la part de marché de ce fournisseur n'en faisait pas l'un des acteurs incontournables du marché des parfums et cosmétiques de luxe ;

Que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie, il y a lieu d'infliger à la société Shiseido Europe une sanction pécuniaire d'un montant de 200 000 euros ;

2.4.2.12 quant à la sanction infligée à la société YSL Beauté

Considérant que cette société fait grief au Conseil d'avoir retenu pour 2004 un chiffre d'affaires de 105 389 187 euros alors que l'analyse des comptes publiés transmis à la rapporteure fait ressortir un chiffre de 73 615 272 euros pour les ventes de parfums et de cosmétiques réalisés sur le territoire français, le surplus (31 773 915 euros) correspondant à des prestations de service analysées comme des prestations internes, refacturées aux sociétés détenant les différentes marques du groupe à la suite de l'apport partiel de la société YSL Beauté ;

Considérant que, outre que l'assiette de calcul retenue par le Conseil répond aux critères de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la société YSL Beauté a participé activement avec ses distributeurs à l'entente incriminée pour les années 1997 à 1999 incluses ; que cette société est régulièrement citée par les distributeurs comme étant parmi les fabricants exerçant les plus fortes pressions et représailles pour faire respecter les prix imposés ; que les exigences tarifaires de cette société étaient globalement respectées par les petits distributeurs détaillants ; que les éléments du dossier permettent de conclure qu'il en était de même des chaînes nationales de distribution ; que la société requérante avait quoi qu'il en soit une renommée et une part de marché qui lui assuraient une place privilégiée sur le marché des parfums et des cosmétiques de luxe ;

Que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 1 800 000 euros ;

2.4.2.13 Quant à la sanction infligée à la société Marionnaud

Considérant que ce distributeur dénonce l'inéquité de la situation ayant conduit à le sanctionner, sur la base d'un chiffre d'affaires réalisé en 2004, pour des faits vieux de plus de 4 ans; qu'elle explique que le fait d'avoir racheté plus de 90 parfumeries entre 2001 et 2002 n'a en effet pu qu'accroître son chiffre d'affaires et partant, le poids de la sanction prononcée contre elle ; qu'elle soutient qu'au regard des éléments du dossier, elle ne peut à tout le moins se voir reprocher qu'une année d'infraction ;

Considérant que la société Marionnaud a participé activement à la mise en œuvre des ententes qui lui sont reprochées et notamment à la police des prix mise en place par les fournisseurs, en effectuant des relevés de prix chez ses concurrents et en dénonçant ces derniers auprès des marques concernées en cas de "dérapages" ; que cette société représentait à l'époque des faits entre 15 % et 20 % du marché de la distribution sélective de parfums de luxe et exerçait dès lors une influence considérable sur ce dernier ; qu'elle reconnaît elle-même dans ses écritures qu'elle était à l'époque des faits, considérée comme étant, en nombre de points de vente, leader pour la distribution sélective des parfums et cosmétiques de luxe ;

Que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie, il y a lieu d'infliger à la société Marionnaud, une sanction pécuniaire de 12 800 000 euros ;

2.4.2.14. Quant à la sanction infligée à la société Nocibé France

Considérant que ce distributeur dénonce le caractère disproportionné et discriminatoire de l'amende prononcée contre lui ; qu'il explique que ces agissements sont par nature moins graves que ceux commis par les fournisseurs qui avaient une connaissance très précise de ses marges brutes et une bonne perception des marges nettes nécessaires au respect des obligations contractuelles mises à sa charge ; que les fournisseurs pouvaient fixer sans difficulté un prix de gros en pleine connaissance de cause dans le souci de guider les distributeurs vers l'application d'un coefficient proche du niveau souhaité ; que sa propre participation à l'entente incriminée est relative, nonobstant la dimension nationale de son réseau ; que quoi qu'il en soit, aucun élément du dossier ne permet d'établir sa participation active au mécanisme infractionnel en cause ; qu'il soutient que plusieurs éléments du dossier sont même de nature à établir qu'il a pu à certaines occasions fixer librement ses prix ;

Considérant que l'entente de la société Nocibé avec l'un de ses fournisseurs est plus particulièrement établie par les documents visés au paragraphe la concernant pour les années 1998 et 1999 ; que les autres éléments du dossier permettent d'affirmer que la société requérante a participé à la police des prix mise en place par les fournisseurs au titre des années considérées (1997-1999) ; que la part de marché de la requérante était, au moment des faits, inférieure à 5 % et ne lui permettait pas d'exercer une influence notable sur le marché des parfums et des cosmétiques de luxe ; qu'il convient de tenir compte du fait que la société Nocibé elle-même a reconnu en 1999 déterminer ses prix " à partir du prix d'achat et du prix de vente conseillé communiqué par les marques" ;

Que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie, il y a lieu d'infliger à la société Nocibé une sanction pécuniaire de 3 150 000 euros ;

2.4.2.15. Quant à la sanction infligée à la société Sephora

Considérant que ce distributeur conclut à la réformation de la Décision en objectant que l'entente avec ses fournisseurs est certes établie pour l'année 1999 mais non, pour les années 1997, 1998 et 2000 ; que le Conseil a donc commis une erreur de droit en tenant compte de cette dernière année, de nombreux passages de la Décision (notamment le point 782) faisant référence à l'année 2000 ; que les énonciations du point 734 laissent a contrario entendre que cette dernière période était bien incluse dans l'analyse opérée par le Conseil et partant, dans la détermination de la sanction ; que par surcroît, aucun document ne porte sur les années 1997 et 1998 à l'exception d'un mémo interne de la société Clarins;

Que la société Sephora conclut à la minoration de l'amende qui lui a été infligée et à la réformation de la Décision en expliquant que les amendes prononcées sont en effet supérieures à celles généralement prononcées dans ce type d'affaires alors que la distribution de produits de parfumerie de luxe, dans le cadre d'un réseau de distribution sélective, axe davantage sa communication sur la qualité et le prestige des produits que sur les prix qui sur un marché de cette nature (produits de luxe) sont l'objet d'une harmonisation naturelle ; qu'elle ajoute que pour ce qui la concerne, la concurrence intermarques reste vive et qu'il est par ailleurs contraire à l'équité de faire application d'un montant identique en pourcentage pour déterminer la sanction des fournisseurs et des distributeurs dès lors que le chiffre d'affaires d'un distributeur est "par construction" beaucoup plus élevé que ne peut l'être celui d'un fabricant dont la marge est au contraire beaucoup plus importante ; que le Conseil aurait nécessairement dû tenir compte de cette spécificité ;

Considérant que pour les raisons ci-dessus rappelées, l'entente de la société Sephora avec ses fournisseurs est établie à suffisance par les documents visés au paragraphe de la Décision la concernant pour les années 1997, 1998 et 1999 ;

Que cette société a participé activement à la police des prix mise en place par les fournisseurs en effectuant des relevés de prix chez les concurrents et en les dénonçant auprès des marques concernées en cas de "dérapages" ; qu'elle a même mis en œuvre avec la société Shiseido, un système de contrôle conjoint des prix pratiqués par ses concurrents dont elle a eu l'initiative dès 1995 ; qu'elle représentait à l'époque des faits entre 17 % et 25 % du marché de la distribution sélective des parfums et cosmétiques de luxe, ce qui lui permettait d'exercer une influence prédominante sur ce marché ; qu'il n'y a pas lieu de considérer que son rôle a été moindre que celui de ses fournisseurs ;

Que compte tenu de ces éléments et des éléments généraux ci-dessus rappelés tenant à la gravité intrinsèque des pratiques reprochées et au dommage avéré à l'économie, il y a lieu d'infliger à la société Sephora, une sanction pécuniaire de 8 300 000 euros ;

3. Synthèse générale

Considérant que les sanctions prononcées se résument comme suit :

- société Beauté Prestige International : 476 000 euros

- société Chanel : 2 636 000 euros

- société Clarins Fragrance Group (anciennement société Thierry Mugler Parfums) : 490 000 euros

- société Comptoir Nouveau de la Parfumerie - Hermès Parfums : 310 000 euros

- société Parfums Christian Dior : 2 200 000 euros

- société Elco : 1 240 000 euros

- société Guerlain : 1 700 000 euros

- société LVMH Fragrance Brands (Parfums Givenchy et Kenzo Parfums) : 419 000 + 350 000 euros

- société L'Oréal Produits de luxe France : 4 100 000 euros

- société Shiseido Europe : 200 000 euros

- société YSL Beauté : 1 800 000 euros

- société Marionnaud : 12 800 000 euros

- société Nocibé France : 3 150 000 euros

- société Sephora : 8 300 000 euros ;

4. Sur les autres demandes

Considérant que le présent arrêt constituant le titre qui ouvre droit à restitution de partie des sommes versées en exécution de cette Décision assorties des intérêts au taux de légal à compter de cet arrêt, la cour n'a pas à se prononcer sur les demandes tendant à cette restitution ;

Qu'il y a par ailleurs lieu d'ordonner au bénéfice des sociétés réclamantes concernées (les sociétés Comptoir Nouveau de la Parfumerie - Hermès Parfums, Chanel, LVMH Fragrance Brands et Nocibé) la capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du Code civil ;

Considérant les parties requérantes succombant à titre principal conserveront la charge des dépens qu'elles ont exposées ainsi que les frais de publication de la Décision ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant enfin que la Décision critiquée ayant été prononcée au visa combiné des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du TCE (aujourd'hui 101 § 1 du TFUE), les dispositions de l'article R. 470-2 du Code de commerce relatives aux notifications doivent trouver application ;

Par ces motifs, LA COUR, Sur les recours des sociétés Beauté Prestige International, Chanel, Clarins Fragrance Group (anciennement Thierry Mugler Parfums), Comptoir Nouveau de la Parfumerie - Hermès Parfums, Parfums Christian Dior, Elco, Guerlain, L'Oréal Produits de luxe France, LVMH Fragrance Brands (Parfums Givenchy et Kenzo Parfums), Shiseido Europe, YSL Beauté, Marionnaud, Nocibé, Sephora, Rejette les moyens d'annulation, Réforme la Décision en son article 7 pour ce qui concerne les sociétés Beauté Prestige International, Chanel, Clarins Fragrance Group, Comptoir Nouveau de la Parfumerie - Hermès parfums, Elco, LVMH Fragrance Brands (Parfums Givenchy et Kenzo Parfums), Shiseido Europe, Nocibé et Séphora, Statuant de nouveau de ces seuls chefs, réduit le montant des sanctions infligées à ces sociétés dans les termes suivants : - société BPI = 476 000 euros ; - société Chanel = 2 636 000 euros ; - société Clarins Fragrance Group (anciennement société Thierry Mugler Parfums) = 490 000 euros ; - société Comptoir Nouveau de la Parfumerie - Hermès Parfums = 310 000 euros ; - société Elco = 1 240 000 euros ; - société LVMH Fragrance Brands (Parfums Givenchy et Kenzo Parfums) = 419 000 + 350 000 euros ; - société Shiseido Europe = 200 000 euros ; - société Nocibé France = 3 150 000 euros ; - société Sephora = 8 300 000 euros ; Ordonne la capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du Code civil pour ce qui concerne les sociétés Comptoir Nouveau de la Parfumerie - Hermès Parfums, Chanel, LVMH Fragrance Brands (sociétés Givenchy et Kenzo) et Nocibé, Dit que chaque partie requérante conservera la charge des dépens par elle exposés ainsi que les frais de publication de la Décision, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les autres demandes, Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe de la cour à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie par lettre recommandée avec accusé de réception conformément aux dispositions de l'article R. 470-2 du Code de commerce.